L'École des femmes (Antoine Vitez)
L'École des femmes est une comédie écrite par Molière en 1662 et mise en scène par Antoine Vitez en 1978 pendant le Festival d'Avignon au Cloître des Carmes. Cette mise en scène propose une tétralogie qui a rencontré alors un joli succès grâce à sa distribution des personnages et au jeu des acteurs en accord avec les trois autres pièces de Molière, Tartuffe, Dom Juan et Le Misanthrope qu'Antoine Vitez met aussi en scène dans le même spectacle[1].
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Mise en scène
Projet des quatre Molière
Cette pièce est une des quatre œuvres de clef de voûte du théâtre de Molière, et a été jouée par une troupe de 12 comédiens, qui avait joué déjà plus de 780 représentations à travers la France mais aussi à l’étranger. Les quatre œuvres en question sont : L'École des femmes, Le Tartuffe, Le Misanthrope et Dom Juan, chaque pièce étant l'histoire d'un jour. Ces comédiens ont répété plus de 7 mois et ont joué dans un seul décor pour les quatre pièces qui représente à la fois l'intérieur et l'extérieur, constitué uniquement de deux chaises, une table, des flambeaux, et un bâton. Vitez montre ainsi que l'utilisation d'un ou deux accessoires très élémentaires peuvent donner lieu à une multiplicité de signes. Le pari de Vitez était d'imposer sa vision personnelle des œuvres choisies et permit aux comédiens d'affronter les difficultés d'un texte classique sans savoir d'avance quelle révélation en pourrait surgir. On fit apparaître, dans les quatre pièces, les correspondances entre les personnages et les situations ; les acteurs copièrent les personnages d'une pièce sur l'autre. Cependant les personnages de Molière restèrent toujours vieux tyran et amant domestique. Antoine Vitez disait de ces œuvres "elles sont la pliure entre la vraisemblance et la farce". En bousculant nos habitudes, Vitez doit à Molière sa jeunesse, sa primeur. Les quatre pièces ressemblent à un psychodrame, mais il faudrait être psychanalyste pour s'aventurer dans ce domaine qui n'est pas celui du théâtre. Antoine Vitez avoua que les auteurs classiques n'étaient pas une de ses préoccupations majeures à son début mais qu'il avait peu à peu découvert qu'il fallait « les traiter comme des classiques, non pas essayer de les attirer à nous par tous les moyens, mais considérer leurs œuvres comme des pièces du passé et faire avec elles une recherche de la mémoire nationale et de la langue[2] ».
L'École des femmes version Vitez
Les accessoires sont très importants dans la pièce. L'accessoire majeur est ici le bâton, trait d'union entre la force et la haute politique de la cour, objet de pouvoir, de défense, de désir, qui scande toute la mise en scène, brandi mais aussi volé, détourné, retourné contre Arnolphe. Par-delà cet art des signes, Vitez manifeste son talent dans l'utilisation des déséquilibres d'une distribution : déséquilibres provoqués bien sûr. Le déséquilibre entraînant le contre-pied de l'expression psychologique habituelle, a su faire et a su faire rire et pleurer On réinvente, modestement, des idées très connues déjà, primitives, essentielles : la compagnie d'unité de temps et de lieu[3].
Distribution
- Alain : Marc Delsaert
- Oronte : Jean Claude Durand
- Horace : Richard Fontana
- Chrysalde : Daniel Martin
- Arnolphe : Didier Sandre
- Le notaire : Daniel Soulier
- Georgette : Nada Strancar
- Agnès : Dominique Valadié
- Enrique : Gilbert Vilhon
Collaborateurs technico-artistiques
- Claude Lemaire
- Nicole Princet
- Jean Patrick Godry
- Jean Paul Dupin
- Gérald Karlikow[3]
Critiques
Les critiques de cette œuvres furent élogieuses, notamment car le pari d'Antoine Vitez était original : marier le classique et le contemporain.
« Il est certain que les aspects positifs l'emportent et que Vitez donne ici quelques magistrales leçons de théâtre »[4].
"Une enfant a résumé lumineusement les paradoxes vitéziens "tu vas voir, maman, ça devient triste, alors qu'ils vont rire. Et puis après ils vont se mettre à pleurer quand ça sera drôle… ". Vitez propose différents niveaux de lecture qui ne demandent aucune connaissance particulière juste une bonne volonté d'une manière d'innocence. "[5]
"Aucune outrance, aucun excès qui n'y soit en toutes lettres. On n'a jamais plongé ainsi dans la matière moliéresque, avec Antoine Vitez en maître d'œuvre, qui tire ses propres ficelles. Il nous plaît d'y voir une métaphore des contradictions que rencontrerait une pratique démocratique du théâtre."[6]
"12 comédiens, 16 représentations, 50 personnages, voici en trois chiffres ce que Paul Puaux a appelé "une folle et merveilleuse aventure, un vrai projet et une entreprise difficile" pour Antoine Vitez et le festival d'Avignon."[7]
"Ce spectacle montre admirablement une contradiction déchirante de Molière entre la tentation libérale de l'homme qui ne peut plus admettre l'esclavage des femmes et l'exaspération du mari impuissant à posséder vraiment celle qu'il aime. Mais le spectacle ne s'arrête pas au rire car les manœuvres de la libéralisation sexuelle parlent de quelque chose de plus dérangeant encore : la victoire éternelle de la jeunesse contre la vieillesse. Un phénomène de "nature" qui balaie les constructions sociales, les ruses idéologiques. Et c'est là la tragédie pure. Le vêtement est objet sensuel et signe de possession de l'être par idéologie d'une société : émouvant et en même temps terrifiant."[8]
"Jamais l'amertume explosive de cette mésaventure prétendue comique n'aura carillonné aussi fort avec plus de païenne allégresse. Molière et Vitez se rejoignent dans une indéchiffrable alliance où se mêlent ridicule et génie. La vengeance, la revanche, n'en seront que plus meurtrières. Vitez conduit d'une baguette impeccable cette partition toute bruissante de férocité et de rire : scintillante, acérée, comme la vie sait l'être, lorsqu'elle inflige sa dure leçon aux despotes minuscules qui prétendent opposer leurs vaines rides aux aveugles tumultes de sa respiration amoureuse."[9]
"Le travail d'Antoine Vitez et de ses compagnons ne se borne pas à restituer au jeu théâtral avec ses emphases et ses possessions, prestige des réalités convaincantes de convention magique, il charge aussi d'épaisseur humaine la situation. Voilà, à coup sûr, avec cette École des Femmes une opération respectueuse et audacieuse sur un classique. Vitez ne restaure pas. Il joue le jeu d'une œuvre qui a sa date et ses traditions, il joue Molière au plus près, au plus profond."[10]
Notes et références
- Source principale : Fonds documentaire BNF - Maison Jean Vilar
- C.ESTEVE, « Avignon : phallocrate empanaché », le méridional,
- « Fonds documentaire BNF - Maison Jean Vilar », Bible,
- B.BOST, « festival d'Avignon : leçon de théâtre des 4 molière », dauphiné libéré,
- Matthieu GA, « molière à l'école de Vitez », nouvelles littéraires,
- Jacques POULET, « Vitez, c'est tout simple », l'humanité,
- E. D'ANSELME, « cloitre des carmes : L’École des femmes, acte un de la folle et merveilleuse aventure d’Antoine Vitez », dauphiné libéré,
- B.B., « ouvrage du festival d'avignon », dauphiné libéré,
- Patrick de ROSBO, « Avignon : un phallocrate empanaché " l’École des Femmes" (cycle Vitez) de Molière », Le Meridional,
- Jean-Jacques LERRANT, « XXXIIe Festival d'Avignon Au Cloître des Carmes : "L’École des Femmes" Premier épisode de la suite moliéresque réglée par Antoine Vitez. », Le progrès de Lyon,
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