La Tragédie de Lucrèce

La Tragédie de Lucrèce (Storia di Lucrezia en italien) est une peinture en tempera sur bois (84 × 130 cm) exécutée autour de 1498, par Sandro Botticelli, et conservée au musée Isabella-Stewart-Gardner de Boston.

Pour les articles homonymes, voir Lucrèce (homonymie).

La Tragédie de Lucrèce
Artiste
Date
vers 1498
Type
Technique
Dimensions (H × L)
84 × 180 cm
Mouvement
No d’inventaire
P16e20
Localisation
L'agression de Lucrèce par Sextus Tarquin (scène de gauche).
Lucrèce trouvée inanimée par son mari et ses comparses (scène de droite).

Historique

Le tableau fait pendant à l'Histoire de Virginie Romana conservée à l'Académie Carrara de Bergame, dans un ensemble appelé Histoires de Virginie et Lucrèce[1].

Les deux panneaux faisaient partie d'un dossier et d'un pied de lit montés en vis-à-vis, documentés vers 1500[2] dans la Casa Vespucci, aujourd'hui palazzo Incontri, situé à l'angle de la via dei Servi et de la via dei Pucci à Florence.

La peinture a probablement été commandée pour le mariage de Giovanni Vespucci, un notable de Florence, en 1500, à moins qu'elle n'ait été destinée à orner un nouveau manoir en 1499[3].

Le tableau est apparu au XIXe siècle dans la collection Ashburnham à Londres.

Le , Bernard Berenson conseilla par lettre à Isabella Stewart Gardner et à son mari d'acheter cette œuvre. Le tableau n'était pas à la vente, mais Berenson leur suggéra une offre de 3 000 livres. Isabella Stewart Gardner chargea de cette acquisition Otto Gutekunst, directeur de Colnaghi and Company, marchands d'art à Londres, et le la vente fut conclue pour 3 400 livres, somme exceptionnelle à l'époque pour une œuvre d'art. C'était la première œuvre de Botticelli à partir pour l'Amérique[4].

Thème

Le thème du tableau est l'honneur violé qui a conduit à la mort tragique de Lucrèce, inspirée de Tite-Live, Histoire de Rome (livre I, 58-60) : Lucrèce, fille de Spurius Lucretius Tricipitinus et épouse de Lucius Tarquinius Collatinus, se suicide après avoir été violée par Sextus, fils de Tarquin le Superbe, déclenchant la révolte qui provoqua la fin de la monarchie à Rome.

Il s'agit d'un thème destiné habituellement à des endroits privés à usage féminin comme les chambres à coucher.

Description

Les épisodes de l'histoire sont développés dans un cadre unique sur fond d'architecture classique, dans laquelle les personnages, peints aux couleurs vives, sont fortement agités dans chacune des scènes.

Un grand arc de triomphe inspiré de ceux du forum romain, décoré de bas-reliefs et de colonnes surmontées de statues dorées : on reconnait les colonnes de l'arc de Septime Sévère et les prisonniers daces comme dans celui de Constantin ainsi qu'une colonne honoraire au centre avec la statue d'une autre héroïne : Judith.

Le fond laisse apparaître une perspective de bâtiments et un paysage au loin qui se fond dans le bleu dégradé du ciel.

La composition est découpée en plusieurs scènes distinctes avec la présence de Lucrèce, dans chacune d'elles :

  • à l’extrême gauche : Le viol de Lucrèce par Sextus Tarquin qui la menace d'un poignard ;
  • à droite : Lucrèce est retrouvée inconsciente par son père, son mari et Brutus ; elle se suicide après avoir indiqué le coupable ;
  • au centre : Brutus, le cousin de Tarquin Collatin, monté sur le socle de la colonne centrale, est vu au-dessus du cercueil de la jeune femme qui porte encore le couteau en son sein ; il harangue le peuple (groupé à droite) et l'armée (groupée à gauche) pour la vengeance et pour renverser la famille royale.

Analyse

Par cette peinture Botticelli aborde probablement le thème politique de la révolte contre la dictature comme le suggèrent les bas-reliefs de la statue de Judith, en rapport avec la situation politique à Florence de la fin des années 1490 avec le bannissement de Pierre II de Médicis et l'instauration de la république de Savonarole.

Conformément aux caractéristiques de la dernière période de Botticelli, les personnages sont menus comme écrasés par le décor, mais néanmoins mis en valeur par le coloris intense de leurs habits, par leurs contours découpés sur l'architecture ainsi que par leurs visages expressifs et leurs gestes vifs.

La combinaison de plusieurs scènes en une seule image était commune dans l'art médiéval[5], selon une forme pratiquée dans de nombreuses œuvres de la Renaissance, et particulièrement dans les œuvres tardives de Botticelli.

Notes et références

  1. Notice du site www.cineclubdecaen.com
  2. « De nombreuses peintures très animées et très belles avec plusieurs figures par Botticelli, encadrées dans une spalliera dans une salle du palais de Giovanni Vespucci à Florence ».Giorgio Vasari, Le vite de più eccellenti pittori, scultore, e architetti, Florence, , 1550, p. 514.
  3. (en) Hilliard T. Goldfarb, The Isabella Stewart Gardner Museum, Boston, New Haven, musée Isabella Stewart Gardner, Yale University Press, , 68–70 p. (ISBN 0-300-06341-5, lire en ligne)
  4. (en) Irma B. Jaffe, The Italian Presence in American Art, 1860-1920, New York, Rome, Fordham University Press, Istituto della Enciclopedia Italiana, , 265 p. (ISBN 0-8232-1342-0, lire en ligne), p. 11
  5. Daniel Arasse : « où l'espace est la somme des lieux des actions » in L'Annonciation italienne, une histoire de perspective, Hazan

Voir aussi

Sources

Bibliographie

  • Eileen Romano, Botticelli, Los grandes genios del arte, no 29, Unidad Editorial, S.A., 2005 (ISBN 84-89780-97-8)
  • A. Di Lorenzo, Botticelli nelle collezioni lombarde, catalogue de l'exposition du Museo Poldi Pezzol, Silvana Editoriale, Milan, 2010.

Articles connexes

Liens externes

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