Larbi Ben M'hidi

Mohamed Larbi Ben M'hidi (en arabe : محمد العربي بن مهيدي, en berbère : ⵎⵃⵎⵎⴷ ⵍⵄⵔⴱⵉ ⵓⵎⵀⵉⴷⵉ), né en 1923 à Aïn M'lila dans l'actuelle wilaya d'Oum El Bouaghi et mort assassiné en 1957 à Alger, est un militant nationaliste algérien, membre du PPA, puis du MTLD[1], un des fondateurs du FLN en 1954, puis combattant pendant la guerre d'Algérie (1954-1962). Arrêté en , il est exécuté sans jugement par l'armée française durant la bataille d’Alger[2],[3].

Larbi Ben M'hidi

Mohamed Larbi Ben M'hidi

Naissance 1923
Ain M'lila, Aurès (Algérie)
Décès  34 ans)
maquis dans une ferme à 20 km au sud d'Alger
Origine Algérie
Allégeance FLN
Arme Armée de libération nationale
Grade Chef de l'ALN
Années de service 19451957
Commandement Wilaya V
Zone autonome d'Alger
Conflits Guerre d'Algérie
Faits d'armes Batailles dans l'Oranie [réf. nécessaire]
Bataille d’Alger
Distinctions honneurs militaires
Cimetière des Martyrs
Hommages 1er novembre
Autres fonctions Membre fondateur du FLN
(1954)
Membre fondateur de la Zone autonome d'Alger
(1956)
Membre du CCE
(1956)

Il est considéré comme un héros de la révolution en Algérie[1] et son nom a été attribué à plusieurs lieux et édifices institutionnels.

Biographie

Enfance et formation

La maison de Larbi Ben M'hidi à Biskra.

Cadet d'une famille rurale aisée[4] de trois filles et deux garçons, il naît dans le village d'El Kouahi[5] à Aïn M'lila (40 km au sud de Constantine). Après une année à l'école primaire française, il part pour Batna où il obtient son certificat d’études primaires[6], puis commence des études secondaires à Biskra. En 1939, il s'engage dans les rangs des Scouts musulmans algériens ; au bout de quelques mois, il devient chef de groupe scout.[réf. souhaitée]

Engagement politique

« Groupe des six », chefs du FLN. Photo prise juste avant le déclenchement de la révolution du (debout, de gauche à droite : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Didouche Mourad et Mohamed Boudiaf. Assis : Krim Belkacem à gauche, et Larbi Ben M'Hidi à droite).

Ben M'hidi travaille ensuite comme comptable au service du Génie civil de Biskra pendant quelques mois, puis s'installe à Constantine et devient un militant très actif du Parti du peuple algérien (PPA)[4].

Il est arrêté après les massacres du 8 mai 1945[4]. Le PPA étant devenu clandestin après 1945[1], il adhère au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et devient cadre de l'Organisation spéciale (OS)[1]. Lors du démantèlement de cette structure en 1950, il est de nouveau recherché[1] et condamné par défaut à dix ans de prison[4] pour « menées subversives et activité illégale »[5].

Le FLN

En , Ben M'hidi est l'un des neuf fondateurs du Comité révolutionnaire d'unité et d'action[1] (CRUA) qui le transforment celui-ci en FLN et décident de la date du 1er novembre 1954 comme date du déclenchement de la lutte armée pour l'indépendance algérienne lors de la réunion du dans une modeste villa du Clos Salambier appartenant à Lyès Deriche. On lui confie la direction de l'Oranie (wilaya V à partir de 1956) qui est sa première responsabilité ; il l'organise efficacement malgré les difficultés[5].

En 1956, laissant le commandement de la wilaya V à son lieutenant Abdelhafid Boussouf, il devient membre du Conseil national de la révolution algérienne ; il est proche des idées d'Abane Ramdane et de Krim Belkacem.

La bataille d'Alger et la mort

Nommé à la tête de la zone autonome d'Alger, il participe à l'organisation des premiers attentats dans la capitale (notamment ceux du , dont l'attentat du Milk-Bar qui vise et blesse de nombreux enfants). En janvier, le gouverneur général Robert Lacoste lance la bataille d'Alger, confiant aux parachutistes du général Massu les pouvoirs de police dans la Zone Alger-Sahel.

Larbi Ben M'hidi est arrêté le par les parachutistes (la direction de la ZAA passe alors à son adjoint Yacef Saâdi, responsable militaire) ; refusant de parler, il est tué par un groupe de soldats français aux ordres du futur général Paul Aussaresses, dans la nuit du 3 au [7]. En 2017, dans une interview au journal El Watan, sa sœur Drifa Ben M’hidi estime certain que son frère a été dénoncé par ses compagnons d'armes[8].

Réactions postérieures à sa mort

Arrestation de Larbi Ben M'Hidi.
Témoignage de Jacques Allaire

Dans le film documentaire d'Yves Boisset sur La Bataille d'Alger réalisé en 2006, le colonel Jacques Allaire, à l'époque lieutenant, qui avait arrêté Larbi Ben M'hidi en 1957, déclare à son sujet : « Si je reviens à l’impression qu’il m’a faite, à l’époque où je l’ai capturé, et toutes les nuits où nous avons parlé ensemble, j’aurais aimé avoir un patron comme ça de mon côté, j’aurais aimé avoir beaucoup d’hommes de cette valeur, de cette dimension, de notre côté. Parce que c’était un seigneur Ben M’Hidi. Ben M’Hidi était impressionnant de calme, de sérénité, et de conviction. Lorsque je discutais avec lui et que je lui disais: « Vous êtes le chef de la rébellion, vous voilà maintenant entre nos mains, la bataille d’Alger est perdue », et j’extrapolais un peu : « La guerre d’Algérie, vous l’avez perdue maintenant ! ». Il dit : « Ne croyez pas ça ! » Et il me rappelait les chants de la résistance (Le chant des Partisans) un autre prendra ma place. Voila ce qu’il m’a dit, mais ceci d'une manière sereine pas ostentatoire. C'est un homme qui est calme, serein, je ne peux même pas dire qu'il était inquiet, il avait déjà compris que la page était tournée pour lui parce que:... Que faire de Ben M'Hidi? ... Que faire de Ben M'Hidi? Nous nous avons d'abord longuement parler avec le Colonel Bigeard et j'ai dit que Ben M'Hidi est un poisson trop gros pour nous, il faut le rendre, il faut le donner et le reste ce n'est plus notre problème, c'est à l’échelon supérieur de décider de ce que l'on pourra faire de Ben M'Hidi.

Ben M’Hidi. Ça m’a fait de la peine de le perdre, parce que je savais qu’on ne le reverrait plus. Je subodorais. » « Je l’ai remis à l’État-major, et à une équipe qui est venue le chercher, et c’était la nuit, et bien que le règlement s’y oppose, je lui ai fait présenter les armes, parce qu’il faut reconnaître chez son adversaire la valeur et le courage. Et Ben M’Hidi était pour moi un grand monsieur et d’ailleurs son prénom, dans la résistance, c’était Hakim, qui veut dire : le preux. » « Après, il a été remis à la justice, dans un camp d’internement, et j’ai appris à travers la presse, les journaux, et tous les livres d’histoire que j’ai parcourus qu’il s’était suicidé dans sa cellule le 4 mars… » »[9]

Les aveux de Paul Aussaresses

En 2001, dans son livre Services spéciaux, Algérie 1955-1957 (éditions Perrin), le général Aussaresses reconnaît avoir procédé à l'exécution sommaire, par pendaison maquillée en suicide, de Larbi Ben M'Hidi, dans la nuit du 3 au , les faits étant commis avec l'assentiment tacite, selon lui, de sa hiérarchie militaire et d'un juge qui aurait lu le rapport sur le prétendu suicide avant que celui-ci ait eu lieu[2].

Le , dans un entretien au quotidien Le Monde[3], Aussaresses retrace les dernières heures de Larbi Ben M'hidi, amené d'Alger dans la Mitidja, dans la ferme désaffectée d'un colon. Six hommes dont Aussaresses préparent l'exécution en passant une corde à travers un conduit de chauffage. L'un des hommes joue le rôle du supplicié pour vérifier que tout est au point. Il est monté sur un tabouret, a passé sa tête dans le nœud et regarde les autres provoquant un fou rire général. Un parachutiste veut bander les yeux de Ben M'hidi. Celui-ci refuse. Le soldat répond qu'il exécute un ordre. Ben M'hidi réplique qu'il est colonel de l'ALN et qu'il sait ce que sont les ordres. Sa demande sera refusée ; il sera pendu les yeux bandés et se taira jusqu'à la fin. Pour le pendre, les bourreaux vont s'y prendre à deux fois. La première fois, la corde casse.

Hommages

Héros national en Algérie[1], il est enterré dans le « carré des martyrs » du cimetière d'El Alia, à Alger[10].

En son honneur, Marsa Ben M'Hidi, une commune de la wilaya de Tlemcen, porte son nom. Il en est de même de l'ex-village Morris, maintenant sous-préfecture dans la Wilaya d'El Tarf, qui porte le nom Ben M'hidi.

À l'instar de la rue Larbi Ben M’Hidi, une importante artère d'Alger (ancienne rue d'Isly), chaque ville d'Algérie a une rue portant son nom[5], ainsi que différents établissements scolaires à travers le pays, l’université d'Oum El Bouaghi, et des plages de la ville de Skikda (anciennement plages Jeanne d'Arc).

Notes et références

  1. Les mots de la guerre d'Algérie, p. 22.
  2. « Les aveux du général Aussaresses », Le Monde, 3 mai 2001, contenant de larges extraits du livre Services spéciaux, Algérie 1955-1957, Perrin, 3 mai 2001.
  3. Florence Beaugé, « Le général Aussaresses confirme que le chef du FLN à Alger, Larbi Ben M'Hidi, a été pendu », Le Monde, 6 mars 2007.
  4. Mohammed Harbi, 1954 : la guerre commence en Algérie, barzakh, , 209 p. (ISBN 978-9961-892-69-5, lire en ligne), p. 190.
  5. Dictionnaire biographique des militants nationalistes algériens, p. 323.
  6. Notice biographique sur le site 1er novembre 1954.
  7. Mohammed Harbi, Benjamin Stora (dir.), La guerre d'Algérie, 1954-2004, la fin de l'amnésie, Robert Laffont, 2004.
  8. « Mon frère a été donné aux Français par ses compagnons d’armes », El Watan, 18 août 2017.
  9. Yves Boisset, La Bataille d'Alger, 2006.
  10. « Les martyrs de la révolution algérienne : Larbi Ben M'Hidi », Réflexions, (Lire en ligne).

Annexes

Bibliographie

  • Khalfa Mameri, Les héros de la guerre d'Algérie. Larbi Ben M'hidi, Alger, Éditions Karim Mameri, 1996, 168 p.
  • Benjamin Stora, Dictionnaire biographique des militants nationalistes algériens : E.N.A., P.P.A., M.T.L.D., 1926-1954, Éditions L'Harmattan, (lire en ligne), p. 323.
  • Benjamin Stora, Les mots de la guerre d'Algérie, Toulouse, Presses Univ. du Mirail, coll. « Les mots de », , 127 p. (ISBN 2-85816-777-X, lire en ligne), p. 22.
Article
  • « Les aveux du général Aussaresses », dans Le Monde, , article contenant de larges extraits du livre Services spéciaux, Algérie 1955-1957, Perrin, 2001.

Articles connexes

Liens externes

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