Lares (mythologie)

Les Lares, parfois aussi appelés Genii loci, sont des divinités romaines liées à un lieu donné. Les Lares sont appelés à protéger les êtres humains quels qu'ils soient, les hommes les intéressant en tant qu'usagers de leur domaine.

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Lare de bronze du Ier siècle (M.A.N., Madrid).
Figurine d’un Lare, 0-200 A.D., ca 7,7 cm Musée gallo-romain, Tongres

Le Lar familiaris est ainsi le dieu de la maisonnée qui protège toute la famille. On les fête le 11 des calendes de janvier ()[1].

Étymologie

On a donné au mot Lares une origine étrusque (il viendrait de l'étrusque Lars, seigneur)[réf. nécessaire], mais selon Georges Dumézil le nom n'a pas d'étymologie claire (singulier Lār, pl. Lāres)[2]. A la différence de Penates, Lares n'est pas un adjectif mais un appellatif[2].

Origines et développement

Les Étrusques, voisins de Rome, pratiquaient des cultes domestiques, ancestraux ou familiaux très similaires à ceux que les Romains dédièrent plus tard à leurs Lares : ainsi, une peinture murale à la tombe des Léopards, chez les Tarquin étrusques, montre que des offrandes sont faites à des personnages à l'allure de Lares, ou à des ancêtres déifiés, dans une procession préparatoire à des jeux funéraires ; de même un vase étrusque à figures noires, et des reliefs étrusques, montrent les formes des autels et l'iconographie qu'on retrouve dans le culte des Lares, y compris l'offre d'une couronne en guirlandes, le sacrifice d'un porc ou la représentation de serpents comme une force fertilisante et génératrice[3]. Les auteurs de la Grèce et de la Rome antiques proposaient « héros » ou « démons » comme traductions de « Lares » ; Plaute utilise un « lar familiaris » comme gardien d'un trésor au nom d'une famille[4], ce qui équivaut à l'usage chez Ménandre d'un héroon (sanctuaire d'un héros ancestral)[5]. Weinstock propose une équivalence plus ancienne entre Lare et héros grec, qui s'appuie sur son interprétation d'une dédicace du IVe siècle av. J.-C. au héros ancestral romain Énée comme Lare[6].

Aucune image matérielle de Lare antérieure à la République n'a survécu, mais les références littéraires, comme celles de Plaute, suggèrent que le culte pouvait être offert à un seul Lare ou parfois à plus : dans le cas des obscurs Lares grundules, ils pouvaient être jusqu'à trente. Leur développement comme divinités appariées pourrait être survenu à cause de l'influence de la religion grecque — on connaît en particulier les Dioscures, héros jumeaux, et toute l'iconographie romaine consacrée aux demi-dieux jumeaux et fondateurs, Romulus et Rémus. Les statues de Lares domestiques à partir du début de l'Empire montrent seulement des écarts stylistiques mineurs par rapport à un archétype commun : petits, jeunes, ce sont des personnages masculins vêtus de tuniques courtes, rustiques avec une ceinture — faite en peau de chien selon Plutarque[7],[8]. Ils prennent des attitudes de danseurs, sur la pointe des pieds ou légèrement balancés sur une jambe.

Pratiques cultuelles

Pour obtenir leur protection, on leur consacre une place dans la maison et on leur offre des aliments sur le Lararium, le temple domestique. Les Romains mettaient des offrandes telles que de la nourriture pour les dieux domestiques. À l’origine, ils ont pu présider aux travaux des champs, comme semble le suggérer la mention « enos Lases iuvate[9] » dans le chant des frères Arvales, avant de veiller sur les foyers, les carrefours (Compitales) et les enclos domestiques. De grossières statues de bois les représentent. Ils sont les fils de Mercure et de Lara.

Les Clients devaient déposer leurs offrandes ou lares chez leur patron, centre de la sacra gentilice. Avec la transformation profonde de cette relation à la fin de la République, Auguste récupérera cette tradition pour les assimiler aux Lares augusti et les intégrer dans le culte impérial.

A la campagne, le principal lieu de culte des Lares est le carrefour, compitum, là, où se réunit tout le canton pour certaines délibérations. De petites tours y sont construites avec autant de portes qu'il existe de domaines confluents. Face à la tour, sur le bord de chacun des domaines est dressé un autel en sorte que chaque propriétaire puisse sacrifier les pieds sur son sol. C'est là que se célèbrent les Compitalia[2].

Nature des Lares

Dans les maisons de la campagne ou de la ville, les Lares sont souvent associés aux autres divinités protectrices, aux Pénates, mais tandis que ces derniers sont spécialement ceux du maître et de ses proches, le Lare protège indistinctement le peuple libre et servile. C'est une caractéristique générale : « quel que soit son lieu, le Lare est appelé a y protéger les êtres humains en tant qu'habitants ou usagers de son domaine. »[2]

En conséquence, les basses classes libres et la classe des esclaves trouvèrent dans ce culte un refuge religieux et parfois un élément de puissance politique[2]. Dans la vie domestique ressort la valeur essentiellement locale du Lare. À partir de la fin de la République, il devient même un synonyme usuel de « maison, demeure ». Caton décrit le premier soin du pater familias arrivant dans sa villa en campagne qui est de saluer le Lar familiaris[2].

Les Lares sont présentés sous la forme d'une nature ambivalente : le mot est parent de larva, « fantôme, spectre »[10]. Ainsi, aux fêtes Compitales, on suspendait aux carrefours des mannequins, des « effigies de laine », parce que l'on « considérait les Lares, auxquels ces fêtes étaient consacrées comme des âmes humaines admises au nombre des dieux[11] ». Pour Varron, les Lares sont des âmes aériennes : « Entre la sphère de la Lune et les derniers sommets de la zone des nuages et des vents demeurent les âmes aériennes (aerias animas), visibles à l'intelligence, non aux yeux, et appelées héros, lares et génies. »[12]

Le Lare, de préférence pris au singulier dans les temps primitifs, est l'esprit du foyer, en tant que Lar familiaris ; il est le père unique, mais idéal, d'une race. Il n'est pas à l'origine concrète de la famille, mais il est la « raison divine de son existence et de sa durée[13] »[source insuffisante]. Cependant, il ne constitue pas une véritable divinité, et c'est ce qui le distingue des Pénates, qui sont considérés comme les « dieux vénérés par les pères ou les ancêtres[14] ».

Les Lares et leurs domaines

Les Lares appartenaient au « domaine physique borné » sous leur protection, et étaient sans doute aussi nombreux que les endroits qu'ils protégeaient. Les domaines ou particularités évoquées ci-dessous ne peuvent donc être considérés comme exhaustifs.

Lare d'Auguste, époque gallo-romaine, en bronze.

Lares Augusti

Les Lares d'Auguste, ou peut-être les « Lares d'août », recevaient un culte public le premier mois d'août, et étaient donc identifiés avec le jour inaugural des magistratures impériales romaines et avec Auguste lui-même. Leur culte officiel dura de son institution jusqu'au IVe siècle[15]. Ils sont identifiés avec les Lares Compitalicii et les Lares Praestites de réforme religieuse d'Auguste[16].

Lares Compitalicii

Aussi appelés les Lares Compitales, ils sont les Lares des communautés locales ou des voisinages (vici), honorés lors des fêtes de Compitalia. Leurs sanctuaires étaient en général situés aux carrefours centraux (compites) des vici, et ils représentaient le foyer de la vie religieuse et sociale de leur communauté, particulièrement pour les plébéiens et les esclaves. Le culte des Lares Praestites, institué par Auguste, était tenu sur les mêmes sanctuaires, mais à des moments différents[17],[18],[19].

Lares Domestici

Lares de la maisonnée, probablement identiques aux Lares Familiares.

Lare gallo-romain, période impériale (collection de statuettes « Muri »).

Lares Familiares

Lares de la famille. Selon Apulée, "il y a plusieurs sortes de Lémures. Celui qui a reçu pour mission de veiller sur ses descendants et dont la puissance, apaisée et sereine, règne sans partage sur la maison, s'appelle le Lare familier."[20]

Lares Grundules

Ce sont les trente « Lares du grognement », auxquels Romulus aurait donné un autel et un culte quand une truie mit à bas une portée exceptionnelle de trente porcelets[21].

Lares Militares

Ce sont les Lares militaires. Selon Marcianus Capella, ils sont membres de deux groupes incluant Mars, Jupiter et d'autres dieux romains majeurs[22]. En 1974, Palmer interpréta une image provenant probablement d'un relief d'autel comme « quelque chose comme un Lar Militaris » : il est vêtu d'un manteau et est à cheval, sur une selle en peau de panthère[23]

Lares Patrii

Ils étaient peut-être équivalents aux ancêtres déifiés (dii patrii) dont le culte était aux Parentalia.

Lares Permarini

Ils protégeaient les marins et leurs temples, dont l'un est connu sur le champ de Mars romain.

Lares Praestites

Ce sont les Lares de la ville de Rome, plus tard de l'état romain ; littéralement, ce sont les « Lares antérieurs », comme gardiens ou veilleurs. Ils étaient hébergés dans l'état de Regia, à côté du temple de Vesta, à l'adoration et au foyer sacré de laquelle ils étaient associés. Ils protégeaient Rome du feu malicieux ou destructeur.

Lares Privati

Ce sont des Lares qui protègent une seule personne, sortes d'anges gardiens. Ce sont, en quelque sorte, des Lares privés.

Lares Rurales

Ce sont les Lares des champs, identifiés comme custodes agri gardiens des champs »)[24],[25].

Lares Viales

Ce sont les Lares des routes et de ceux qui les traversent.

Notes et références

  1. Macrobe, Saturnales, livre I, 10
  2. Georges Dumézil, La religion romaine archaïque, 2e édition revue et corrigée, Paris : éditions Payot, 1987, p. 347.
  3. Ryberg, pp. 10-13.
  4. Plaute, Aulularia, prologue.
  5. Hunter, 2008.
  6. Weinstock, 114-118.
  7. Plutarque, Œuvres morales, « Questions romaines », 52.
  8. Waites, 258.
  9. (en) E. H. Warmington, Remains of Old Latin, vol. IV : Archaic Inscriptions, Loeb Classical Library (réimpr. n° 359)
  10. « larva — Wiktionnaire », sur fr.wiktionary.org (consulté le )
  11. Festus, De la signification des noms, X, art. « Laneae effigies » ( lire en ligne).
  12. Varron, fr. 226 édi. Cardauns (Saint Augustin, La Cité de Dieu, VII, 6).
  13. J. A. Hild, art. « Lare », section I - « Origine et signification », in Charles Daremberg, E. Saglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, 1877-1919 ( lire en ligne sur Méditerranées.net).
  14. Renato Del Ponte, La religion des Romains. La religion et le sacré dans la Rome ancienne, Editions Rusconi, Milan 1992, 304 pages, 12 illustrations, chap. 2.
  15. Beard et al, 185-186, 355, 357.
  16. Lott, 116-117.
  17. Beard et al, 139.
  18. Lott, 115-117.
  19. Suétone, Vie des douze Césars, « Auguste », XXXI, 6 ((fr) lire en ligne).
  20. Apulée, Du dieu de Socrate, XV.
  21. Taylor, 303, citant l'annaliste Lucius Cassius Hemina.
  22. Marcianus Capella, 1, 45 ss.
  23. (en) Robert EA Palmer, Roman religion and Roman Empire. Five essays, Philadelphie, Presses de l'Université de Pennsylvanie, coll. « Haney Foundation series » (no 15), , 291 p. (ISBN 0-8122-7676-0 et 9780812276763, lire en ligne), p. 116
  24. Tibulle, Élégies [détail des éditions] [lire en ligne], I, 1, 19-24.
  25. « Lucos in agris habento et Larum sedes. » Cicéron, De Legibus, II, 19 ((la) lire en ligne).

Annexes

Bibliographie

  • (en) Mary Beard, John North, S. Price, Religions of Rome, vol. 1, illustrated, reprint, Cambridge University Press, 1998. (ISBN 0-521-31682-0)
  • (en) Mary Beard, John North, S. Price, Religions of Rome, vol. 2, illustrated, reprint, Cambridge University Press, 1998. (ISBN 0-521-45646-0)
  • Jean-Patrice Boudet (dir.), Philippe Faure (dir.) et Christian Renoux (dir.), De Socrate à Tintin : Anges gardiens et démons familiers de l’Antiquité à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 332 p. (ISBN 978-2-7535-1388-4, présentation en ligne), [présentation en ligne], [présentation en ligne].
  • (en) John R. Clarke, The Houses of Roman Italy, 100 BC-AD 250. Ritual, Space and Decoration, illustrated, University Presses of California, Columbia and Princeton, 1992. (ISBN 978-0-520-08429-2)
  • Georges Dumézil, La religion romaine archaïque, 2e édition revue et corrigée, Paris : éditions Payot, 1987
  • (it) Federico Giacobello, Larari pompeiani. Iconografia e culto dei Lari in ambito domestico, LED Edizioni Universitarie, Milano, 2008, (ISBN 978-88-7916-374-3)
  • (en) Richard Hunter, On Coming After, Studies in Post-Classical Greek Literature and its Reception, Berlin, New York (Walter de Gruyter) 2008, p. 612–626.
  • (en) John. B. Lott, The Neighborhoods of Augustan Rome, Cambridge, Cambridge University Press, 2004. (ISBN 0-521-82827-9)
  • (en) D. G. Orr, « Roman Domestic Religion : the Evidence of the Household Shrines, Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II, 16, 2, Berlin, 1978, p. 1557‑1591.
  • (en) Jörg Rüpke (éd.), A Companion to Roman Religion, Wiley-Blackwell, 2007, (ISBN 978-1-4051-2943-5)
  • (en) Inez Scott Ryberg, Rites of the State Religion in Roman Art, Memoirs of the American Academy in Rome, Vol. 22, University of Michigan Press for the American Academy in Rome, 1955, p. 10–13.
  • (en) Lilly Ross Taylor, « The Mother of the Lares », American Journal of Archaeology, vol. 29, n° 3, juillet-, p. 299-313.
  • (en) Margaret C. Waites, The Nature of the Lares and Their Representation in Roman Art, American Journal of Archaeology, Vol. 24, No. 3 (Juillet - ), 241 - 261.
  • (en) Stefan Weinstock, « Two Archaic Inscriptions from Latium », Journal of Roman Studies, 50, (1960), p. 112-118.
  • (en) T.P. Wiseman, Remus : a Roman Myth, Cambridge University Press, 1995. (ISBN 978-0-521-48366-7)

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