Le Villageois et le Serpent

Le Villageois et le Serpent est la treizième fable du livre VI de Jean de La Fontaine situé dans le premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1668.

Dessin de Grandville (1838-1840)

Le Villageois et le Serpent

Gravure de Louis Legrand d'après Jean-Baptiste Oudry, édition Desaint & Saillant, 1755-1759

Auteur Jean de La Fontaine
Pays France
Genre Fable
Éditeur Claude Barbin
Lieu de parution Paris
Date de parution 1668
Chronologie


Texte

LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT

[Ésope[1] + Phèdre[2]]

Illustration de Benjamin Rabier (1906)


Gravure de Gustave Doré (1876)

Esope conte qu'un Manant,
Charitable autant que peu sage,
Un jour d'Hiver se promenant
A l'entour de son héritage,
Aperçut un Serpent sur la neige étendu,
Transi, gelé, perclus, immobile rendu,
N'ayant pas à vivre un quart d'heure.
Le Villageois le prend, l'emporte en sa demeure,
Et sans considérer quel sera le loyer
D'une action de ce mérite,
Il l'étend le long du foyer,
Le réchauffe, le ressuscite.
L'Animal engourdi sent à peine le chaud,
Que l'âme lui revient avecque la colère.
Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt,
Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut
Contre son bienfaiteur, son sauveur et son père.
Ingrat, dit le Manant, voilà donc mon salaire ?
Tu mourras. À ces mots, plein de juste courroux,
Il vous prend sa cognée, il vous tranche la Bête,
Il fait trois Serpents de deux coups,
Un tronçon, la queue, et la tête.
L'insecte[3], sautillant, cherche à se réunir,
Mais il ne put y parvenir.

Il est bon d'être charitable ;
Mais envers qui ? C’est là le point.
Quant aux ingrats, il n'en est point
Qui ne meure enfin misérable.

 Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Le Villageois et le Serpent

Notes

  1. (fr + grk) Ésope (trad. Émile Chambry), « LE LABOUREUR ET LE SERPENT GELÉ », sur archive.org,
  2. (fr + la) Phèdre (trad. Ernest Panckoucke), « LE SERPENT A LA MISÉRICORDE DANGEREUSE », sur fables-de-phedre.blogspot.com,
  3. Le mot insecte avait à l'époque un sens plus large qu'aujourd'hui, qui pouvait inclure les serpents. La Fontaine fait ici sans doute un jeu de mots avec le sens étymologique de insecte soit « coupé ». "On a aussi appelé insectes les animaux qui vivent après qu'ils sont coupés en plusieurs parties, comme la grenouille qui vit sans cœur et sans tête, les lézards, les serpents, les vipères etc. (dictionnaire de Furetière, 1690)

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