Les Soleils des indépendances
Les Soleils des indépendances est le premier ouvrage écrit par Ahmadou Kourouma.
Les Soleils des indépendances | |
Auteur | Ahmadou Kourouma |
---|---|
Pays | Côte d'Ivoire |
Genre | Roman |
Éditeur | Éditions du Seuil |
Date de parution | |
Il a été édité en 1968, aux Presses de l'Université de Montréal puis aux Éditions du Seuil en 1970. Il obtient sur manuscrit le prix 1968 de la revue québécoise Études françaises, qui en a publié le premier chapitre alors inédit[1] et la première étude[2].
Le titre du roman
Le titre joue sur la signification du mot malinké télé, qui signifie à la fois soleil et jour et peut aussi signifier ère ou époque.
Le mot soleil revient fréquemment dans le texte avec cette signification. Il peut signifier le renouveau avec son caractère métaphorique.
Cela dit, le terme peut aussi faire référence à la lumière qui éclaire l'Afrique après la colonisation. En effet, pour les africains, la colonisation était synonyme de noir total et absolu. Les nouveaux dirigeants (premiers intellectuels africains) insufflèrent un souffle de liberté en leur donnant une chance de vivre en Homme d'une nouvelle ère.[réf. souhaitée]
La condition humaine dans Les soleils des indépendances
Le roman narre les mésaventures de Fama Doumbouya, un Dioula dont le commerce a été ruiné par les indépendances et l'apparition de nouvelles frontières du fait de la balkanisation de l'Afrique-Occidentale française qui en a résulté.
Dernier héritier d'une chefferie traditionnelle malinké que les indépendances ont placé de l'autre côté de la frontière, sans descendance mâle, le héros tentera, sans succès, de contrecarrer la funeste prédiction faite aux temps pré coloniaux à ses ancêtres, qui annonçait la déchéance de sa dynastie lorsque viendrait un soleil qui semble être maintenant arrivé.
Le portrait de la femme de Fama, Salimata (développé surtout dans les chapitres 3 et 4 de la première partie), laisse entrevoir la condition d'une femme ivoirienne entre religion traditionnelle et Islam, entre rites incertains et rationalité, entre désir de vivre sa féminité (et surtout d'enfanter) et inhibition due à l'expérience traumatique de son excision.
Présentation et résumé de l'œuvre
Le roman est considéré «comme marquant un tournant dans l'écriture romanesque en Afrique subsaharienne[3].»Écrit en 1968 en réaction aux régimes politiques africains issus de la décolonisation. Témoin de ces années de profondes transformations tant politiques que socio-économiques, l’auteur nous propose à travers son œuvre de voyager et de remonter dans le temps afin de découvrir une Afrique vilipendée et livrée à elle-même. À cet effet, le titre de ce roman est une allégorie de cette période durant laquelle l'Afrique subsaharienne fut confrontée à son propre destin.
L’histoire complète se déroule dans un pays utopique, la République de la Côte des Ébènes, pays particulièrement tourmenté et en proie à de grands changements. Outre la disparition de l’hégémonie des puissances coloniales, la vague des déclarations d’indépendance apparut aux yeux de tous comme un salut, une rédemption. L’idée d’une vie meilleure, d’une société libre et disposée à s’engager dans la voie du développement hantait tous les esprits. Malheureusement, la décolonisation n’engendra que peines, tristesses, pauvreté et désespoir. Fama, Prince malinké, dernier descendant et Chef traditionnel des Doumbouya du Horodougou n’a pas, même du fait de son statut, été épargné. Habitué à l’opulence, les indépendances ne lui ont légué pour seul héritage qu’indigence et malheurs, qu’une carte nationale d’identité et celle du parti unique. Parti vivre avec sa femme Salimata loin du pays de ses aïeux, Fama, en quête d’obole, se verra contraint d’arpenter les différentes funérailles en ville afin d’assurer son quotidien. Son épouse légitime Salimata lui sera d’une aide précieuse. Bien qu’incapable de lui donner une progéniture à même de perpétuer le règne des Doumbouya, celle-ci s’adonnera corps et âme au petit commerce afin de faire vivre son ménage. Excisée puis violée dans sa jeunesse par le marabout féticheur Tiécoura, elle gardera à jamais le souvenir atroce de ces moments où impuissante, elle fut maltraitée, humiliée puis bafouée.
Le temps passa et les jours ne se ressemblaient pas. Le moment était venu pour Fama de prendre son destin et celui de tout un peuple en main. Les funérailles de son cousin Lacina auquel il succéda à Togobala, capitale du Horodougou, furent l’occasion pour lui de redécouvrir les terres de ses ancêtres qu’il avait quittées depuis déjà fort longtemps et qu’il ne connaissait pour ainsi dire quasiment plus. En outre, ce retour aux sources lui permit de connaître l’histoire, son histoire, et celle de la gloire de la lignée des Doumbouya, une dynastie autrefois riche, prospère, irréprochable et respectée. Malheureusement, les indépendances changèrent la donne. Les bouleversements et désenchantements qu’elles insufflèrent mirent un terme définitif au système politique et de chefferie d’antan, à l’âge d’or des Doumbouya mais également à tous les privilèges dont jouissait de ce fait tout un peuple.
Fort de ce constat et conscient que sa place était désormais parmi les siens, Fama décida de rentrer en République des Ebènes afin d’annoncer à Salimata ainsi qu’à ses proches amis, son désir de vivre définitivement à Togobala en compagnie de sa seconde épouse Mariam, qui n’est que l’un des précieux legs de son feu cousin. Conscient des dangers que représentait ce voyage et surtout soucieux de l’avenir de la dynastie des Doumbouya, Balla, vieil affranchi et féticheur de la famille Doumbouya le lui déconseilla. Malgré les conseils de ce vieux sorcier, Fama se mit en route. En fin de compte ce voyage lui sera fatal. La stabilité du pays était depuis peu menacée, l’idée d’un soulèvement populaire hantait tous les esprits jusqu’au jour où sans aucune explication, Fama fut arrêté puis enfermé avant d’être jugé. Accusé injustement de participation à un complot visant à assassiner le Président de la République des Ébènes et à renverser le régime politique en place, il fut condamné à vingt ans d’emprisonnement pour avoir tu un rêve qu'il avait fait.
Finalement, c’est après une prompte et inattendue libération et dans la dignité d’un homme enfin libre que s’éteignit avec Fama, toute une dynastie et son histoire.
Illustre figure de la littérature africaine, Ahmadou Kourouma nous dépeint un tableau sombre d’une Afrique où, à la magie et aux fétiches se mêlent un ensemble de maux et de symboles : violences induites par des abus de pouvoir et d’autorité de ses dirigeants. L'œuvre de Kourouma se présentant comme une critique des régimes politiques post-indépendance, « sociétés de sorcières où les grandes initiées dévorent les enfants des autres ».
Les soleils des indépendances dénonce avec ironie le manque d’ouverture politique mais aussi l’absence de liberté humaine, qui réduit l’homme à la pauvreté économique, morale et intellectuelle. La démocratie n’y est qu’un leurre, qu’un idéal inaccessible.
La dite œuvre est aussi une critique de la condition de la femme en Afrique : excision, le viol, la stérilité, restent de nos jours des problèmes.
Ahmadou Kourouma évoque la Côte d'Ivoire sous le nom de République de la Côte des Ébènes. La Guinée est elle dénommée République socialiste du Nikinai[4]. Il réutilisera ce procédé de changement de nom de pays pour son roman En attendant le vote des bêtes sauvages paru en 1998.
Notes et références
- Ahmadou Kourouma, « Les funérailles du septième jour », Études françaises, vol. 4, no 2, , p. 220-227 (lire en ligne)
- Jean Cléo Godin, « Les Soleils des Indépendances », Études françaises, vol. 4, no 2, , p. 208-215 (lire en ligne)
- Christiane Ndiaye, Introduction aux littératures francophones : Afrique, Caraïbe, Maghreb, Canada, Les Presses de l'Université de Montréal, , 276 p. (ISBN 978-2-7606-1875-6, lire en ligne), p. 101-102
- http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/2/59/74/13/dimeo/MLEM13B---Kourouma---Les-Soleils--M.-Di-M-o-.pdf
Liens externes
- Portail de la littérature francophone
- Portail de la Côte d’Ivoire