Lettres claudiennes

Les lettres claudiennes sont trois lettres créées par Claude, empereur romain de 41 à 54, introduites dans l’alphabet latin et brièvement utilisées durant son règne dans les inscriptions publiques avant d’être abandonnées après sa mort.

Les trois lettres claudiennes : antisigma, digamma inversum et sonus medius.

Description

Borne marquant l'extension du pomerium sous Claude. Inscription employant le digamma inversé (surligné en rouge sur la photo

Les lettres claudiennes sont[1] :

  • Antisigma    ou  ↃC  ressemble à un C retourné ou à deux C opposés et équivaut à la lettre grecque psi, pour remplacer les groupes ps et bs. Cette lettre n'apparaît sur aucune inscription antique et est uniquement attestée par les écrits des grammairiens antiques, en particulier Priscien 1.42.
  • Digamma inversum    ressemble à un F culbuté et était censé remplacer la lettre v (consonne), à l’époque identique au u (voyelle). Cette lettre apparaît sur de nombreuses inscriptions antiques et son utilisation est sûre. Cependant tous les u-consonnes latins ne sont pas remplacés par cette lettre, par exemple le Q est toujours suivi d'un u et jamais du digamma inversum claudien[précision nécessaire].
  • La lettre    ressemble à la moitié gauche d’un H et est surtout utilisée dans les mots empruntés au grec, qui contiennent un upsilon, soit un i grec, qui devait représenter un son proche de /y/. Certaines autres utilisations restent cependant inexpliquées, car ne correspondant pas au remplacement d'un upsilon. Cette lettre est souvent associée aux sonus medius des grammairiens antiques, bien que cette lettre n'apparaisse jamais dans les mots latins contenant ce sonus medius tel optimus/optumus, maximus/maxumus.

Diffusion de cette réforme

Selon Tacite, Claude imposa ces trois lettres lors de sa prise de fonction comme censeur en 47-48 après J.C.[2].

Elles se diffusèrent d'abord par les actes de la chancellerie impériale ; l'étude des tablettes comptables des Sulpicii montrent un usage très tôt dans les écritures privées mais aussi un usage non systématique de ces lettres, qui ne se répandirent pas hors d'Italie, mais hors de Rome et en particulier le sud et la baie de Naples[2].

Origines et buts

Claude n'est pas le premier à réfléchir à l'alphabet latin, mais s'inscrit dans un courant de la linguistique antique incluant César et Varron[3].

Il existe plusieurs hypothèses sur l'origine de ces lettres :

  • hellénique, l'empereur connaissant les alphabets grecs archaïques non uniformisés[2],
  • hellénistique, l'antisigma était un signe employé en particulier dans les œuvres d'Homère, pour signaler une répétition ou le déplacement d'un vers[4],
  • italique, Claude connaissant les civilisations étrusque et osque[2].

L'empereur, érudit, auteur d'un traité sur l'histoire des alphabets[5], poursuivait sans doute un but linguistique.

Représentations informatiques

Les lettres claudiennes peuvent être représentées à l’aide des caractères Unicode suivant :

  • antisigma (même caractères que le chiffre romain cent retourné   , à ne pas confondre avec le o ouvert  Ɔ  ressemblant à un C culbuté) :
    • capitale  : U+2183
    • minuscule  : U+2184
  • digamma inversum :
    • capitale  : U+2132
    • minuscule  : U+214E
  • sonus medius :
    • capitale  : U+2C75
    • minuscule  : U+2C76

Références

  1. Boulanger 2003.
  2. Chillet 2019.
  3. Garcea 2012.
  4. Kirk 1985.
  5. Tacite. et Joseph, Hellegouarc'h. (trad. du latin), Annales. Tome III, Livres XI-XII, Paris, Les Belles lettres, , 100 p. (ISBN 2-251-01266-4 et 9782251012667, OCLC 417406886, lire en ligne), p. 13, 2

Bibliographie

  • Jean-Claude Boulanger, Les Inventeurs de dictionnaires : de l’eduba des scribes mésopotamiens au scriptorium des moines médiévaux, University of Ottawa Press, coll. « Regards sur la traduction », , 545 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7603-0548-1 et 9782760305489, présentation en ligne, lire en ligne), « La tentation dictionnairique », p. 191
  • Clément Chillet, « Les lettres claudiennes », dans François Chausson, Geneviève Galliano, Ferrante Ferranti, Claude : Lyon, 10 avant J.-C.-Rome, 54 après J.-C. : un empereur au destin singulier : [exposition, Lyon, musée des Beaux-Arts, 1er septembre 2018-4 mars 2019], Paris, Lienart éditions, (ISBN 9782359062557 et 2359062557, OCLC 1077290467), p. 57-58
  • (en) Alessandro Garcea (trad. du latin), Caesar’s De analogia, Oxford, Oxford University Press, , 304 p. (ISBN 978-0-19-960397-8 et 0199603979, OCLC 757147137), p. 133-140, fragment 3
  • (en) Geoffrey Stephen Kirk, « Aristarchus and the scholia », dans The Illiad: A Commentary, vol. 1 : Books 1-4, Cambridge University Press, (ISBN 9780511620263, DOI 10.1017/CBO9780511620263.005), p. 38-43
  • (en) Veronika Nikitina, « Claudian letters. Attempted spelling reform and its effects », dans Standardisation and Variation in Latin Orthography and Morphology (100 BC – AD 100) (thèse de Ph.D.), Sub-Faculty of Classical Languages and Literatureand Wolfson College, University of Oxford, (lire en ligne)
  • (en) Revilo P. Oliver, « The Claudian letter Ⱶ », American Journal of Archeology, Boston, vol. 53, no 3, juillet–septembre 1949, p. 249–257 (JSTOR 500662)
  • (la) Fridericus Ritschelius, Theodoro Mommseno et Guilelmo Henzeno, « De Ti. Claudio Grammatice », dans Franz Bücheler, Kleine Schriften, vol. 1, Berlin, , 1–48 p. (lire en ligne)
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