Louis-Julien Létard
Louis-Julien Létard (né le à Laval, mort le à Cossé-le-Vivien) est un prêtre catholique français, curé de Cossé-le-Vivien, personnage de la Révolution française.
Pour les articles homonymes, voir Létard.
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Biographie
Fils de Louis Létard et de Jeanne Carré, maître ès arts de l'Université d'Angers (1773), docteur en théologie, il fut vicaire de La Baconnière, chapelain de La Seguinière et de la Robinière, avant d'obtenir la cure de Cossé-le-Vivien le .
Il fut parmi les prêtres mayennais qui donnèrent dans le schisme, l'un des plus remarquables par les talents et par une tenue relativement décente. Il n'est pas prouvé qu'il ait formellement apostasié, même dans les jours de la Terreur. Il fut installé le , maintenu dans sa cure au Concordat malgré sa conduite durant la Révolution française jusqu'à sa mort en 1814.
La Révolution française
Sous son influence et celles de quelques meneurs, l'esprit révolutionnaire se fit sentir dès la première heure au bourg de Cossé-le-Vivien dès 1789[2]
Des quatre vicaires de Cossé deux, suivant l'exemple de leur curé, prêtèrent le serment schismatique et renoncèrent à la « profession de prêtre », le 20 pluviôse an II. Les deux autres vicaires, demeurèrent fidèles et prêtèrent un serment catholique. Le jour où Létard prêta serment dans l'église, l'un d'eux se tourna vers les assistants et dit : « Vous venez d'entendre le schisme s'établir, que tous ceux qui sont attachés à l'Église me suivent », et il sortit accompagné de son confrère, de Rousseau, ancien curé, et des trois quarts des paroissiens.
Représentant du clergé constitutionnel
Le clergé constitutionnel le prend comme représentant pour figurer en son nom au Concile national, qui s'ouvrit à Notre-Dame de Paris le . Les membres de cette assemblée trouvèrent Létard digne de prendre place au banc des secrétaires. Enfin quand les quarante-quatre évêques se virent obligés de donner une démission imposée par la volonté impérieuse du Premier Consul, Létard fut chargé, avec un de ses collègues, de porter au cardinal Giovanni Battista Caprara leur acte de soumission collective. Il prit soin d'écrire une relation de cette entrevue.
L'abbé Angot juge qu'il s'y est donné un assez beau rôle, et qu'il ait accepté comme des compliments pour lui et pour ses semblables les paroles de diplomatique bienveillance par lesquelles le cardinal accueillit sa démarche. Le morceau est d'ailleurs curieux et, ce qui est extraordinaire, assez inédit. Nous le reproduisons d'après l'original ou du moins l’autographe de Létard[3]
Le 12 octobre 1801 (20 vendémiaire an X), nous, Louis-Julien Létard, prêtre, curé de Cossé-le-Vivien, diocèse de Laval, accompagné de vénérable Jean-Baptiste Grosdidier, du diocèse de Dijon, nous sommes transporté vers les neuf heures du matin à l'hôtel de Rome, à l'effet de remettre à Son Éminence le Cardinal Caprara, légat a latere, les démissions de plusieurs métropolitains et évêques de France. L'accueil le plus gracieux nous ayant disposé à une entière confiance, nous avons présenté les démissions à Son Éminence qui en a pris lecture et a ouvert un entretien précieux à conserver par les sentiments qu'elle y a manifestés. Après avoir protesté de son zèle pour rétablir la paix dans l'Église de France et répété plusieurs fois qu'elle désirait sans discussion montrer dans cette conversation amicale les dispositions qui l'animent, elle a observé :
- Que dans la formule de démission les mots selon les saints canons avaient une teinte de défiance qu'elle eût désiré ne pas trouver. Je pense comme vous, a-t-elle dit, et je suis loin de blâmer ces expressions, mais n'est-ce pas supposer que le Pape peut agir quelquefois contre les saints canons. Ce soupçon emporte une espèce d'injure, j'aurais désiré que l'on eût conservé cette conviction interne sans l'exprimer.
Nous avons d'abord répondu que la formule avait été dressée et envoyée par le ministre chargé des affaires des cultes de la part du gouvernement et que c’est par suite d'une confiance entière dans son zèle connu pour le rétablissement du culte que l'on a souscrit cette formule. Il ne pouvait entrer dans l'esprit des évêques que Sa Sainteté pût être choquée d'une expression consacrée en ce genre. Ils ont, au contraire, vu avec joie ces expressions comme propres à éloigner toute fausse interprétation de la malveillance, qui a trop souvent usé de ce perfide moyen pour entretenir la division qui nous afflige. Au reste, avons-nous ajouté, il serait injuste de blâmer l'emploi de ces expressions sans prendre en considération le dévouement pacifique avec lequel, dans la première partie de la formule, les évêques français souscrivent au Concordat annoncé, sans en avoir connaissance.
Oh ! a repris Son Éminence, sans relever cette observation, vous sentez que je dois connaître le Concordat. C'est tout simple, il ne contient que deux articles relatifs à l'Église, et je vais vous les dire. Le premier porte que le Premier Consul nommera les évêques et le Pape donnera des bulles de confirmation. Le second : le Pape concourra avec le gouvernement français à la nouvelle démarcation du territoire des évêchés. Je vous assure que c'est tout ce que contient le Concordat d'important. On a parlé ensuite des abus et des malheurs qui désolent l'Église depuis la Révolution et on a gémi de ce que la charité n'a pas toujours été observée en déclarant mutuellement qu'il est inutile d'en rappeler les causes.
Nous croyons, avons-nous dit, que nos malheurs ne viennent que de ce qu'on n'a pas daigné nous écouter. A Rome on nous désignait comme des scélérats. A nous l'on venait nous dire que l'on nous condamnait sans retour, de là l'indignation et la discorde qui ne peuvent être imputées qu'aux perfides auteurs des factions qui déchiraient la France. Son Éminence, après avoir insisté à plusieurs reprises sur l'expression qui a motivé sa première observation, a dit, toujours en conservant le ton amical, que l'on reproche toujours aux nouveaux évêques d'avoir occupé les sièges des autres. Nous avons repoussé ce reproche en montrant que les nouveaux évêques avaient été complètement étrangers aux changements amenés par les lois civiles. Appelés et en quelque sorte forcés de se rendre aux vœux du peuple, ils n'avaient cessé, avant d'accepter leurs sièges comme après l'acceptation, de conjurer leurs prédécesseurs de rester à la tête de leur troupeau. Et quoique ces anciens évêques ne daignassent pas donner un mot de réponse à cet acte de générosité et de délicatesse ils ont plusieurs fois renouvelé cette invitation et manifesté le désir de rendre ces sièges aux anciens pasteurs, si la loi venait à les rappeler. Enfin ces nouveaux évêques se sont obligés de satisfaire au cri de leur conscience qui les pressait de ne pas trahir les intérêts de la Religion en refusant de se consacrer aux besoins des fidèles abandonnés par leurs anciens pasteurs.
Le Cardinal a insisté sur le défaut de juridiction par la non confirmation du Pape, il ne nous a pas été difficile de prouver que la juridiction est indépendante des bulles du Pape. Son Éminence sait que ces bulles sont de nouvelle institution ; d'ailleurs, en supposant pour un moment que cette confirmation par le pape fût nécessaire, son refus ne peut être imputé à crime aux évêques qui conformément aux lois de l’État ont tous adressé une lettre de communion au Saint-Siège. Ne voulant pas faire au Pape l'injure de penser que ces lettres lui soient parvenues, nous avons toujours pensé que son silence n'était que le résultat des manœuvres des ennemis de la paix. Sa Sainteté eût-elle pu se taire pendant dix ans sur ce qu'on appelle un abus ? Et n'est-elle pas dû dès la première lettre notifier son opposition à l'occupation des sièges. On eût pu dès lors rappeler les vrais principes et que de maux on eût épargné !
Oui, avons-nous ajouté, tandis qu'on nous calomniait en cherchant à persuader à Sa Sainteté que nous étions des ennemis et en révolte permanente contre son autorité, nous fîmes preuve de notre inviolable attachement au Saint-Siège en recommandant aux prières des fidèles le chef de l'Église, même au plus fort de la Terreur. Et nous ne craignons pas de dire que nous étions plus cordialement soumis au Pape même, que ceux qui osaient abuser de son nom pour consacrer leurs forfaits et leurs impostures. Son Éminence a repris qu'elle était loin de vouloir rechercher ce qui s'était passé dans l'espace de dix-huit siècles et s'est contentée, sur nos observations de droit, de dire que nous parlions comme tous les siècles.
Le Cardinal a encore trouvé que dans la formule de démission on ne disait pas assez en disant que notre foi est celle des apôtres. L'expression lui a paru vague. Nous avons observé que la formule de démission n'étant pas une profession de foi l'expression de conformité à celle des apôtres paraissait suffisante. Au surplus nous avons tous fait celle de Pie IV. Le Légat a enfin dit que dans le Concile on s'était permis des expressions injurieuses à Sa Sainteté. Qu'il était assez inutile dans ce moment d'agiter la question si le Pape est au-dessus du Concile.
Nos ennemis seuls, avons-nous repris, ont pu imputer au Concile les expressions de quelques membres qui, aigris par le silence de Sa Sainteté et par toutes les manœuvres de la malveillance, ont pu dans la chaleur de la discussion employer des expressions plus ou moins fortes. Mais il n'en est aucun qui n'ait su distinguer entre le Saint-Siège, centre de l'unité catholique, et la politique romaine. Tous les actes de ce Concile, les lettres surtout adressées à Sa Sainteté font foi du dévouement de tous ses membres au chef de l'Église. Et, comme membre de cette auguste assemblée, nous pouvons répondre qu'aucun n'a voulu et qu'aucun n'eût souffert qu'on injuriât ni le Saint-Siège, ni le pontife qui l'occupe
Cet entretien n'a été interrompu que par l'arrivée d'un laïque, M. de Montmorency, et Son Éminence nous a conduit avec honnêteté jusqu'à la porte de son appartement, nous témoignant le regret d'être obligée de nous quitter.Notes et références
- Acte de décès (avec date et lieu de naissance) à Cossé-le-Vivien sur Filae
- « Le bourg, écrit le brigadier de maréchaussée de Craon, est en complète anarchie au mois d'octobre 1789 ». On doit envoyer de Laval pour arrêter les pillards, des troupes qui sont reçues à coups de fusil.
- Bibliothèque de Laval, 476, f. 284
Voir aussi
Source
- Abbé Angot, Entrevue du cardinal Caprara et des secrétaires du Concile, d'après un procès-verbal dressé par Louis-Julien Létard, curé de Cossé-le-Vivien, dans Le Bibliophile du Maine, no 27 (juin 1898)
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