Luis Miguel Sánchez Cerro
Luis Miguel Sánchez Cerro, né le à Piura, mort le à Lima, est un militaire et homme d'État péruvien qui occupa la présidence de la République par deux fois : du au , comme président de la junte à la suite de la chute de Augusto Leguía, puis comme chef du gouvernement à la tête de son parti l'Union révolutionnaire, d'idéologie fasciste, qu'il tente d'imposer comme parti unique. Il fut assassiné par un militant de l'APRA, organisation contre laquelle il avait lutté.
Luis Miguel Sánchez Cerro | |
Le général Sánchez Cerro. | |
Fonctions | |
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Présidents de la République péruvienne | |
– (2 ans, 8 mois et 3 jours) |
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Vice-président | Antonio Beingolea Balarezo |
Prédécesseur | Augusto Leguía Manuel María Ponce Brousset (intérim) |
Successeur | Óscar R. Benavides (président constitutionnel) |
Président du Conseil des ministres du Pérou | |
– (2 ans, 8 mois et 3 jours) |
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Président | Lui-même |
Prédécesseur | Manuel María Ponce Brousset |
Successeur | José de la Riva-Agüero y Osma |
Biographie | |
Nom de naissance | Luis Miguel Sánchez Cerro |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Piura |
Date de décès | (à 43 ans) |
Lieu de décès | Lima |
Parti politique | Union révolutionnaire |
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Présidents du Conseil des ministres du Pérou Présidents de la République péruvienne |
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Ce fut un président très apprécié par une grande partie de la population, car en tant que métis (cholo) - plus exactement descendant d'anciens esclaves malgaches installés dans la région de Piura[1] - les gens le voyaient « comme l'un d'entre eux » et grâce à un important culte de la personnalité. Son nationalisme contribua également à entretenir sa popularité, avec la volonté de renégocier le traité frontalier avec la Colombie, signé par le gouvernement d'Augusto Leguía (Oncenio).
Durant son bref mandat, il promulgua une nouvelle constitution en 1933 qui assurait la liberté de culte et reconnaissait le divorce. Il accorda aux travailleurs des jours fériés, des congés payés et créa des cantines populaires. En parallèle, il équipa les forces armées, continua la construction de la Carretera Central. En raison de ses résultats politiques au milieu d'une période turbulente dans l'histoire péruvienne du XXe siècle, Sánchez Cerro est sans doute une personnalité très controversée. On trouve encore aujourd'hui au Pérou des détracteurs et des défenseurs acharnés.
Biographie
Fils de Antonio Sánchez et de Rosa Cerro de Sánchez, sa famille était de classe modeste. Enfant, il étudia au collège San Miguel de Piura au côté de Luis Antonio Eguiguren.
En 1906, il s'installa à Lima pour intégrer l'école militaire de Chorrillos de laquelle il ressort sous-lieutenant d'infanterie en 1910. À sa demande, il fut envoyé à Sullana où il intégra le régiment chargé de surveiller la frontière avec l'Équateur face à une menace de conflit à cause d'un différend limitrophe. La guerre ne venant pas, il fut envoyé à Sicuani en 1911 puis à Lima en 1912.
Avec le grade de lieutenant, il participa activement au coup d'état contre le président Guillermo Billinghurst en 1914. Il en ressortit gravement affaibli par cinq blessures par balle, dont une qui lui fera perdre l'usage de deux doigts de la main droite, ce qui lui valut les surnoms de "el collota" et de "el mocho".
Promu capitaine, il fut détaché auprès de l'état-major, c'est-à-dire relevé de son commandement de troupes, probablement par crainte politique. En 1915, il fut nommé adjoint militaire à Washington. Il y restera quelques mois et de retour au Pérou, il officia comme capitaine au service géographique de l'armée. Puis, pendant le second gouvernement de José Pardo, il fut intégré à un régiment d'Arequipa (1915). Il fut par la suite envoyé à Carabaya en 1916 et deux en plus tard, à Loreto, comme sergent-major.
Élevé au grade de major, il fut une nouvelle fois affecté à Arequipa, en 1920 puis à Sicuani l'année suivante. À cause de ses activités conspiratrices contre le gouvernement d'Augusto Leguía, il fut séparé de son régiment et nommé juge militaire suppléant à Cuzco, où le il fit une déclaration contre le pouvoir de Lima. Sánchez Cerro fut retenu sur l'île de Taquile, sur le lac Titicaca, puis transféré sur l'île San Lorenzo, au large de Callao, l'une des prisons de la dictature leguíiste.
Mis au ban de l'armée, il connut une période difficile pendant laquelle il se consacra à la vente de charbon de bois pour vivre. Cependant, il ne fallut pas attendre longtemps pour qu'il réintègre l'armée. En 1924, il est appelé pour travailler comme assistant au sein du ministère de la guerre. Il devint ensuite chef du bataillon de sapeurs no 4 qui s'était soulevé à Cuzco. Rapidement, il réussit à discipliner et réorganiser l'unité. Mais son passé d'agitateur le rattrapa et il fut donc séparé de ses hommes.
Il fut nommé chef provincial de Cajatambo mais n'accepta pas la charge confiée. Le , il fut envoyé en Europe dans le cadre d'une mission d'étude militaire. Il voyagea en Italie et en France jusqu'en 1929. Il se dit qu'il intégra l'armée espagnol et qu'il participa, pendant 14 mois, à la Guerre du Rif.
Pendant son voyage, Sánchez Cerro acquit une bonne connaissance du français et de l'italien.
Le , il revint au Pérou où il reprit ses activités de conspiration contre Leguía qui gouvernait depuis déjà dix ans, après de multiples réélections. À son retour, il occupa différents postes avant d'être transféré à Arequipa afin de commander le bataillon de sapeurs no 3.
En février 1930, il fut élevé au grade de lieutenant-colonel. S'il agit comme un officier fidèle au gouvernement en apparence, dans l'ombre il participe activement au soulèvement qui mettra fin à la présidence d'Augusto Leguía.
Coup d'État contre Leguía
Le , Sánchez Cerro, à la tête de la garnison d'Arequipa, se souleva contre le gouvernement en place. La déclaration fut rédigée par le juriste d'Arequipa José Luis Bustamante y Rivero. Le mouvement révolutionnaire se propagea rapidement depuis le sud du pays. Pour faire face à la situation, Augusto Leguía forma un cabinet militaire ; mais au matin du , la garnison de Lima demanda sa démission. Leguía accepta et renonça, laissant le pouvoir au main d'une junte militaire présidée par Manuel María Ponce Brousset. Le président en fuite embarqua sur le croiseur Almirante Grau, sur lequel il devait fuir à l'étranger. Cependant, à la suite des exigences des révolutionnaires d'Arequipa, Leguía dut débarquer pour être fait prisonnier. Le retrait de Congrès et l'amnistie générale furent décrétés.
Le commandant Sánchez Cerro arriva à Lima par avion, le , dans la liesse populaire, et constitua une nouvelle junte militaire. Pendant que Leguía était transféré au pénitencier de Lima, les manifestations populaires prirent d'assaut sa maison ainsi que celles des principaux membres du régime.
Le soulèvement de Sánchez Cerro fut l'un des nombreux soulèvements qui eurent dans le pays, cependant c'est lui qui fut élu par les insurgés.
Présidence
La junte, présidée par Sánchez Cerro, gouverna du au . Ce fut une période spécialement critique pour le pays. Les effets de la crise économique mondiale de 1929 qui s'étaient déjà fait ressentir sous la présidence d'Augusto Leguía furent encore perceptibles pendant son mandat.
La crise économique entraine naturellement le mécontentement social. Plusieurs conflits sociaux apparaissent dans le pays : Talara, Cerro de Pasco et La Oroya, attisés par les partis de gauche. Ces mouvements sont sévèrement réprimés. Sur le pont de Mal Paso, près de La Oroya, de nombreux travailleurs sont abattus par la police. À Oyolo, des combats violents et sanglants éclatent entre la police et des indigènes. De leur côté, les étudiants occupent l'université de San Marcos avant d'en être délogés, faisant un mort parmi les étudiants.
Mesures prises par la junte
Dès le début de son mandat et dans le but d'entretenir sa popularité, il prendra plusieurs mesures en rupture avec les décisions prises par Leguía.
Il créa le Tribunal de Sanction National pour juger les cas d'enrichissement illicite pendant la dictature de son prédécesseur. Il abrogea la loi de conscription routière, loi qui contraignait la population, particulièrement autochtone, à travailler temporairement pour l'aménagement des routes. Il instaura le mariage civil obligatoire, qui l'emporte sur le mariage religieux, ainsi que le divorce.
Il prend également des dispositions à caractère moralisateur comme l'interdiction des jeux et l'obligation pour les fonctionnaires à déclarer leurs biens.
Par décret-loi du , la toute jeune Confédération Générale des Travailleurs du Pérou (CGTP), d'inspiration communiste, est dissoute.
Pour remédier à la crise économique, il fit appel à une mission d'experts financiers, sous la direction du professeur Edwin Kemmerer. Des mesures préconisées par cette mission, la junte en appliqua qu'une partie (loi sur les banques, restructuration de la banque centrale...) afin de réajuster la monnaie.
Fin de la junte
Jusqu'à ce moment, le pays ne fut toujours pas pacifié. De nombreux révolutionnaires ou chefs de guerre qui s'étaient soulevés contre Augusto Leguía désiraient accéder eux aussi au pouvoir. En février 1931, une révolte, militaire et policière, éclata dans la forteresse du Roi Philippe de Callao, qui fut facilement matée. Cependant la situation s'aggrave un peu partout dans le pays. À Arequipa, une révolte populaire d'ampleur éclata. Devant une telle situation, Sánchez Cerro abandonna la présidence de la junte le . L'intérim est assuré par Monseigneur Mariano Holguín, puis par Ricardo Leoncia Elías et enfin par le lieutenant-colonel Gustavo Jiménez. Cependant, ces juntes ne bénéficièrent d'aucun appui populaire. La pression de la rue imposa le leader apurimeño David Samanez Ocampo comme président de la junte. Samanez apaisa momentanément le pays et convoqua des élections présidentielles et des représentants de l'Assemblée Constituante, dont la date était fixée au .
Élection présidentielle de 1931
Pour cette élections, quatre candidats se présentèrent :
- Le commandant Sánchez Cerro à la tête d'un nouveau parti, l'Union révolutionnaire, et soutenu par des éléments conservateurs.
- Victor Raúl Haya de la Torre, leader de l'APRA, bénéficiant d'un grand appui au sein des masses populaires, notamment dans le nord du Pérou.
- Le docteur Arturo Osores Cabrera, vieil homme politique ayant longtemps combattu la dictature d'Augusto Leguía. Il fut candidat porté par une union politique appelée « Coalition Nationale ».
- Le docteur José María de la Jara y Ureta, juriste et diplomate, dont la candidature fut révélée au denier moment.
La campagne électorale fut violente, tant à Lima que dans le reste du pays, à l'image de la lutte que se livrèrent Sánchez Cerro et Haya de la Torre. Finalement, le premier s'imposa avec 152 062 voix contre 106 007 pour Haya de la Torre.
Les apristes n'acceptèrent pas le résultat du scrutin, sans pour autant pouvoir prouver la fraude. Il est à noter que Sánchez Cerro possédait un grand charisme et une parfaite connaissance des provinces du pays, du fait de son passé militaire. Ainsi, beaucoup de gens se sont identifiés à lui.
Le fut mise en place une nouvelle assemblée constituante, convoquée par David Samanez Ocampo, afin d'élaborer une nouvelle constitution. Devant cette assemblée, Samanez céda les pouvoirs au tout nouveau président.
Présidence de la République
Sánchez Cerro annonça son nouveau gouvernement le , composé à partir de sa majorité issue de son parti : l'UR dominé par le docteur Luis A. Flores. Le Congrès l'éleva au grade de général de brigade.
Le nouveau gouvernement eut à lutter face à une vive opposition du parti apriste qui ne reconnaissait pas sa victoire. De nombreux incidents politiques entre les deux partis eurent lieu, qui dégénérèrent souvent en manifestations sanglantes. Le pays vécut dans une profonde agitation qui handicapait l'action du gouvernement ainsi que les citoyens, dans leur vie courante, dans un contexte de crise économique.
Face à cette situation, le Congrès approuva les lois sévères qui furent votées et qui donnèrent au gouvernement des pouvoirs spéciaux pour réprimer l'opposition (apriste et communiste qui furent réunis sous le néologisme d'aprocommuniste par les militants de l'Union Révolutionnaire).
Une série d'évènements sanglants donne un aperçu de l'atmosphère qui régnait dans le pays :
- Le , il fut victime d'un attentat, dans l'église de Miraflores, par un jeune militant apriste (José Melgar Márquez). Il soufra d'une perforation d'un poumon mais fut rétabli un mois plus tard.
- Une rébellion de marins, dans le port de Callao, le , fut vigoureusement réprimée. Beaucoup d'entre eux passèrent en cour martiale avant que 8 soient fusillés.
- Un soulèvement fomenté par l'APRA éclate le , à Trujillo, connu sous le nom de révolution apriste de Trujillo. Les révolutionnaires prirent d'assaut le la caserne Ricardo O'Donovan et séquestrèrent les plusieurs officiers. Agustín Haya de la Torre, frère du leader de l'APRA, se déclara préfet du département. à Lima, le gouvernement se décida d'envoyer l'armée, dont l'aviation afin de mater la révolte. La ville fut reprise maison par maison. Avant de fuir dans les montagnes, un groupe d'apristes assassinèrent les officiers qu'ils avaient fait prisonnier dans la caserne. Selon les informations officielles, 43 apristes furent fusillés en représailles. Cependant, on mentionne des chiffres bien plus importants : entre 1 000 et 6 000 victimes de la répression. À Huari et Huaraz, éclata également d'autres rébellions qui furent réprimées.
- Un soulèvement militaire, à Cajamarca, dirigé par le commandant Gustavo Jiménez, éclata. Vaincu, le , à Paiján, il se suicida d'une balle dans la tête.
Non sans raison, l'année 1932 fut nommée « l'année de la barbarie ». La violence amena le gouvernement à arrêter et déporter les principaux responsables apristes. Sánchez Cerro ordonna même la fermeture de l'université San Marcos.
Attentat
Luis Miguel Sánchez Cerro mourut à Lima, tué par un partisan de l'APRA, Abelardo Mendoza Leyva, le , alors qu'il passait en revue les troupes, rassemblées dans le Champ de Mars et qui partaient combattre dans le conflit armé avec la Colombie.
Les soupçons d'une conspiration étaient apparents à de nombreuses personnes de son entourage, mais aucun n'osa le dire publiquement. Aujourd'hui, les preuves sont évidentes : un inconnu armé marchait trop près du cortège présidentiel sans que personne ne le remarque. Il parvint à se faire un passage entre les gardes du corps du président et à tirer trois coups dans son dos. Au lieu de capturer le meurtrier, la garde présidentielle le tue immédiatement, alors que le plus approprié aurait été de le capturer pour l'interroger afin de comprendre ses motivations ou de connaître d'autres personnes éventuellement mises en cause, bien que beaucoup aient entendu de nombreux coups de feu et que l'on ait retrouvé 8 impacts de balle sur le véhicule. Avant de mourir, Sánchez Cerro fit prêter serment à Benavides, comme nouveau président. En outre, il y avait une rumeur selon laquelle une personne du cercle présidentiel, qui ne fut jamais identifiée, aurait convaincu Sánchez Cerro de ne pas porter son gilet pare-balles ou d'utiliser de véhicules blindés, lui assurant la sécurité totale lors de l'événement.
On avait compté huit trous de balles dans la voiture présidentielle, trois dans la partie arrière et cinq dans la capote. Le corps du président présenta un coup dans la poitrine avec une trajectoire de bas en haut, qui a causé sa mort. Si Mendoza Leyva avait tiré à l'arrière, il était impossible qu'il tue Sánchez Cerro. De plus, les trous de balles correspondent à quatre armes différentes.
Des études récentes ont mis en évidence que les éventuels coupables auraient été membre de l'oligarchie ou de l'aristocratie des forces armées, qui craignaient l'éventualité d'une guerre avec la Colombie. Ils ne voyaient pas d'un bon œil que ce président violent, métis, d'origine modeste puisse bénéficier du soutien politique d'une grande partie de la population pauvre et indigène, dans un pays où la plupart des dirigeants politiques, y compris Haya de la Torre et José Carlos Mariátegui, étaient blancs et membres ou descendants de l'aristocratie. Sa mort a fermé une des périodes les plus violentes de l'histoire du Pérou.
Notes et références
- (es) « Luis Miguel Sánchez Cerro (periodo: 1930 – 1931 y 1931 – 1933) », sur www.historiadelperu.info (consulté le ).
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