Médecine légale

La médecine légale est une spécialité de la médecine qui consiste à constater et évaluer des lésions de victimes, vivantes ou décédées, et aider la justice[1].

Autopsie (1890) par Enrique Simonet.

Elle recouvre trois grands champs d’activité : la médecine légale du vivant (constatation et évaluation des lésions après des violences, évaluation de leur retentissement et éventuels préjudices), la médecine légale thanatologie (réalisation d'autopsie lors de mort suspecte, criminelle ou après accident de la voie publique, de corps non identifiés ou à la demande des familles) et l'expertise médicale (visant à répondre à des questions techniques de procédures pénales et à évaluer les préjudices de victimes dans des procédures indemnitaires)[1].

Histoire

Selon Gabriel Tourdes, l'histoire de la médecine légale se divise en cinq périodes[2] :

  1. La période ancienne, associée à la législation des Hébreux et des faits isolés extraits de l'histoire des peuples de l'Antiquité.
  2. La période romaine, divisée en deux, avec en seconde celle qui suit la réforme Justinienne.
  3. La période du Moyen-âge, avec l'influence chrétienne à laquelle s'ajoute les lois et coutumes des nations germaniques.
  4. La période du droit canon fondant réellement la médecine légale, dont la Renaissance est le point culminant.
  5. La période scientifique, avec l'apport de nouveaux outils et la divisio, plus précise des nationalités.

Les débuts

En 1532, Charles Quint fait voter la Constitution criminelle (Lex Carolina), premier document organisant la médecine judiciaire, statuant notamment que les peines doivent être proportionnelles aux lésions physiques des crimes et délits.[3] En 1536, François Ier rédige pour le duché de Bretagne une ordonnance organisant une ébauche de médecine légale[4].

André Vésale (1514-1564), chirurgien de l’empereur Charles Quint, puis de Philippe II d'Espagne, suit les déplacements de la cour, soigne les blessures de guerre ou de tournoi, réalise des interventions chirurgicales et des autopsies, et écrit des lettres personnelles, les Consilia, pour répondre à des questions d'ordre médical.

En Europe, le pionnier de la médecine légale, Mathieu Orfila, publie notamment un Traité des exhumations juridiques en 1830 et un Traité de médecine légale en 1847[5]. Au même siècle, François-Emmanuel Foderé publie un Traité de Médecine-Légale et d'hygiène publique[2].

Jean-Jacques Belloc[6] est considéré comme un des créateurs de la médecine légale en France.

Hors d'Europe, le traité de Song Ci (1186–1249), Xi Yuan Ji Lu (Cas collectés d'injustices réparées) (en), est considéré comme un ouvrage pionnier de la médecine légale. Écrit sous la dynastie Song, le traité rapporte ainsi le cas d'un meurtre où l'officiel chargé de l'enquête détermina que l'arme du crime était une faucille en comparant les blessures à celles provoquées par différentes lames sur une vache. Chaque villageois fut ensuite sommé d'apporter sa faucille : une série de mouches vint se poser sur l'une d'elles, poussant son propriétaire à avouer le meurtre.

En France, la médecine légale, au sens actuel du terme, est née à la fin du XIXe siècle avec des médecins légistes comme Léon Thoinot, Victor Balthazar, Paul Brouardel, Alexandre Lacassagne ou Auguste Ambroise Tardieu[7]. La médecine légale entre en 1877 à l'université avec l'élection de Tardieu au poste de chargé de conférences de médecine légale pratique à la Faculté de médecine de Paris[8].

Emergence de nouveaux outils

Les travaux d'Alphonse Bertillon sur la dactyloscopie - l'identification des empreintes digitales - feront faire un bond à la médecine légale à la fin du XIXe siècle, époque où naît également le roman policier, avec des figures comme Sherlock Holmes. En 1931, l'américaine Frances Glessner Lee crée l'école de médecine légale d'Harvard. Elle crée également une série de dioramas, les Nutshell Studies of Unexplained Death, représentant des scènes de crimes non résolus.

Par la suite, d'autres disciplines scientifiques voient le jour et viennent compléter les connaissances et possibilité de la médecine légale :

  • La biochimie post-mortem
  • L'étude du thanatomicrobiome
  • L'étude du thanatotranscriptome (l'étude de ARN qui continue à être produit par transcription à partir des gènes de l'ADN du génome encore active (ou réveillée) dans les organes internes d'un cadavre durant les 24 à 48 h qui suivent l'heure de la mort[9],[10] .

Spécialisation

Longtemps considérée comme une sur-spécialisation médicale et donc enseignée sous forme de diplômes complémentaires (DESC et Capacité), la médecine légale devient à partir de l'année universitaire 2017-2018 une spécialité médicale à part entière sous forme du DES de Médecine légale et expertises médicales (d'une durée de 4 ans)[11].

Notes et références

  1. « La profession », sur Société française de médecine légale et d'expertises médicales (consulté le )
  2. Vincent Zuberbuhler, « Ecrire l'histoire de la médecine légale », sur cairn.info,
  3. Ornella Salvatore, Histoire de la médecine légale, HAL open science, , 31 p. (lire en ligne)
  4. Professeur Dominique Lecomte, directeur de l’Institut Médico-Légal de Paris, « La médecine légale », émission Avec ou sans rendez-vous par Olivier Lyon-Caen sur France Culture 20 mars 2012
  5. La Police scientifique
  6. Cours de médecine légale judiciaire, théorique et pratique (2e édition de 1811)
  7. Denis Darya Vassigh, « Les experts judiciaires face à la parole de l'enfant maltraité. Le cas des médecins légistes de la fin du XIXe siècle », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », , p. 97-111
  8. Frédéric Chauvaud, « Le théâtre de la preuve. Les médecins légistes dans les prétoires (1880-1940) », Revue d'Histoire des Sciences Humaines, vol. 22, no 1, , p. 79 (DOI 10.3917/rhsh.022.0079)
  9. Pozhitkov, A. E., Neme, R., Domazet-Loso, T., Leroux, B., Soni, S., Tautz, D., & Noble, P. A. (2016). Thanatotranscriptome: genes actively expressed after organismal death. bioRxiv, 058305.
  10. Javan, G. T., Can, I., Finley, S. J., & Soni, S. (2015). The apoptotic thanatotranscriptome associated with the liver of cadavers. Forensic science, medicine, and pathology, 11(4), 509-516 (résumé.
  11. « Arrêté du 13 novembre 2015 fixant la liste des diplômes d’études spécialisées de médecine définit la médecine légale comme un DES, à compter de l’année universitaire 2017/2018. »

voir aussi

Bibliographie

  • [Martin 1882] Ernest Martin, La médecine légale en Chine : Exposé des principaux passages contenus dans le Si-Yuen-Luh, Paris, Imprimerie de la Faculté de médecine, , 42 p. (lire en ligne)
  • [Martin 1884] Ernest Martin, Exposé des principaux passages contenus dans le Si-Yuen-Lu, Paris, Ernest Leroux éditeur, , 78 p. (lire en ligne)

Articles connexes

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