Méthode de Gordon et Shapiro
La méthode de Gordon et Shapiro (en anglais, dividend discount model ou DDM) est un modèle d'actualisation du prix des actions. Il porte le nom de ses auteurs et a été mis au point en 1966.
Pour les articles homonymes, voir DDM.
Ce modèle, dit aussi de « croissance perpétuelle », ne tient pas compte des plus values. En effet, il considère que lorsque le flux de dividendes est perpétuel (et donc qu'il tend vers l'infini), la plus value n'a pas d'incidence sur l'évaluation de l'action.
Description
Le modèle
La formule proposée par Gordon et Shapiro est la suivante : dans laquelle :
- = valeur théorique de l'action
- = dividende anticipé de la première période
- k = Taux de rendement attendu pour l'actionnaire
- g = Taux de croissance du bénéfice brut par action (BPA), càd BPA/action= taux de gains prévu des nouveaux investissements*(1-taux de distribution du dividende) si dividende non constant.
Démonstration
On part du modèle de Durand qui étend les formules d'évaluation des actifs à l'univers incertain: le prix d'une action aujourd'hui () est égal à la somme de ses cash-flows actualisés au taux de la période () c'est-à-dire ses dividendes () versés à chaque période t ainsi que son prix de revente futur ():
Or le prix de revente en T sera égal à cette même formule et ce ainsi de suite jusqu'à l'infini, car une action n'a pas vocation à être remboursée. En finance, on suppose souvent que le taux d'actualisation est le même à chaque période c'est-à-dire que (sinon, on utilisera une moyenne géométrique des taux sur la totalité des périodes). On en déduit alors:
Gordon et Shapiro supposent qu'à chaque période, le dividende versé est une fraction constante des bénéfices de l'entreprise: . On suppose également que les bénéfices croissent chaque période au même taux, donc les dividendes croissent aussi selon un même taux noté , d'où:
En appliquant ce que l'on vient de montrer dans le modèle de Durand:
On sait que, pour toute suite géométrique de raison , avec inférieur à 1, la somme des termes de cette suite à l'infini est égale à: , donc ici:
Extensions
Calcul du taux de croissance des dividendes
Pour déterminer le taux de croissance des dividendes, nous utiliserons deux observations :
- les données historiques de l'action ;
- les prévisions des analystes sur les futurs dividendes.
On remarquera que Kc doit être supérieur à g pour que le modèle fonctionne. Autrement dit, le taux de rendement attendu par les actionnaires doit être supérieur aux taux de croissance des dividendes.
Exemple :
Soit une société Alpha, dont les investisseurs estiment que ses résultats ainsi que son dividende devraient doubler en l'espace de 5 ans. La rentabilité exigée par les actionnaires est de 20 % et le dernier dividende versé est de 5 euros par action.
g, le taux de croissance du dividende est alors calculé de la manière suivante :
soit D0, le dividende actuel et D5, le dividende dans 5 ans. Le dividende devant doubler en 5 ans, on a : D5= 2 D0, c'est-à-dire (1+g)5D0 = 2 D0 et par conséquent, g ≈ 0,1487.
Le taux de croissance des dividendes est donc égal à 14,87 % pour les cinq prochaines années. L'hypothèse que ce taux de croissance est perpétuel permet d'appliquer la formule de Gordon et Shapiro.
La valorisation théorique de l'action suivant la formule de Gordon et Shapiro sera donc de : euros, soit 111,96 euros.
Comparaisons
Utilisation pour comparer des actions entre elles
Une façon plus intéressante d'utiliser le modèle est de mener des comparaisons entre actions. La méthode sera d'autant plus valable que la comparaison sera effectuée entre des entreprises dont les secteurs sont comparables. Prenons un exemple pour bien comprendre :
Exemple : Soit trois sociétés, A, B et C. Pour chacune d'elles nous avons collecté les données suivantes. Nous avons aussi calculé "g", le taux de croissance des dividendes, au préalable.
Cours de l'action P0) Dividende(D) BNPA g :
- Société A 25 2 3 5 %
- Société B 70 6 8 6 %
- Société C 300 15 25 5,5 %
Afin d'avoir une première idée de la valorisation de ses trois sociétés les unes par rapport aux autres, nous pouvons appliquer la méthode des PER. Pour mémoire, le PER est le rapport entre le cours de l'action et le bénéfice net par action BNPA.
PER
- Société A 8,3
- Société B 8,7
- Société C 12
Plus le PER est élevé, plus la valeur est considérée comme chère. Dans cet exemple, c'est la société A qui apparaît comme la moins bien valorisée, alors que C est la plus chère.
Passons à présent au modèle de Gordon et Shapiro, son côté dynamique et axé sur les dividendes futurs, nous permettra peut être de mettre en lumière d'autres éléments.
La formule initiale nous propose : P0 = D / (Kc - g)
En la remaniant on obtient la forme suivante : Kc = g + (D / P0) appliquons là à nos trois sociétés avec les données du tableau.
Kc Kc
- Société A 5 % + (2 / 25) = 13 %
- Société B 6 % + (6 / 70) = 14,6 %
- Société C 5,5 % + (15 / 300) = 10,5 %
À la lumière du taux de rentabilité, il apparaît que c'est la société B qui possède le profil le plus intéressant. Étant très proche du pont de vue du PER de la société A, nous aurons tendance à préférer cet investissement dans une optique de moyen-long terme.
Conclusion : dans le modèle de Gordon et Shapiro, on part du postulat que les dividendes vont croître indéfiniment à un taux de croissance constant. Ceci introduit par conséquent des limites au modèle. En effet, il est très rare que ce taux puisse être constant, tout du moins à l'infini.
Par ailleurs, la formule ne reste valable qu'à nombre d'actions constant. Dans le cas contraire (très fréquent) il faudra réajuster nos données.
Limites du modèle
Le modèle de Gordon-Shapiro applique l'analyse des titres financiers à revenus certains dans un univers incertain.
Un premier reproche concerne l'évolution dans le temps des bénéfices: Gordon-Shapiro n'est absolument pas capable de prendre en compte les variations des bénéfices donc des dividendes (volatilité).
Que peut-on dire également d'une entreprise qui ne distribue aucun dividende ? Le prix de l'action serait ici nul, or il est évident que ceci n'est pas vérifié empiriquement.
Lorsque le taux de rendement s'égalise au taux de croissance, le prix de l'action tend vers l'infini, est-ce viable ?
De même si k < g, p sera négatif, c'est le cas des startup, et ceci est impossible (arbitrage). Dans ce cas, le taux de croissance change jusqu’à ce qu’elles soient dans une phase de maturité.
Le modèle a cependant pour lui l'avantage de la simplicité, il est donc largement répandu dans les milieux financiers. Néanmoins, il repose sur des hypothèses figées et restrictives et devra être pondéré dans l'exploitation de ses résultats. Il nous permettra de mettre en lumière des différences dans la valorisation des actions, il ne sera jamais utilisé seul mais en complément d'une autre analyse.
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