Maître de San Torpè

Le Maître de San Torpè (en italien, Maestro di San Torpè) est un peintre anonyme, actif de 1290 à 1320 environ, notamment à Pise et ses environs, où il occupe la première place entre la mort de Cimabue (1301) et l'arrivée de Simone Martini (1320)[1],[2].

Maître de San Torpè
Biographie
Activité
Période d'activité

E. Sandberg-Vavalà est à l'origine de sa définition en 1937[3], le dénommant d'après la Vierge à l'Enfant de l'église San Torpè à Pise.

Présentation

Nombre d'historiens[4],[2] estiment que le maître de San Torpè était présent sur le chantier d'Assise au côté de Cimabue, Luciano Bellosi allant jusqu'à lui attribuer un ange sur la paroi du fond du transept gauche de l'église supérieure de la basilique Saint-François d'Assise[4]. Ses œuvres de jeunesse sont en tout cas caractérisées par un fort expressionnisme, très proche de celui de Cimabue, comme par exemple dans le Christ bénissant d'Avignon.

Par la suite, même s'il se montre parfois attaché à la tradition du XIIIe siècle, ses œuvres ultérieures témoignent de l’assimilation de l'art de Duccio et de Giotto[4] : ainsi l'Ange à fresque de San Michele in Borgo, « tout en étant influencé par Cimabue, présente déjà un clair-obscur structuré par une source de lumière provenant de la gauche ; la leçon de Cimabue n’aurait pas suffi pour arriver à ce résultat. »[4]

Vers 1300, il exécute une imposante Vierge à l’Enfant à fresque pour le Duomo de Pise, travail qui ouvre sa période de maturité. Selon un article de Roberto Longhi publié en 1962[1] et largement repris depuis, il aurait alors tenu un rôle de premier plan à Pise, son atelier répondant à de multiples commandes (notamment la Vierge à l’Enfant éponyme de San Torpé, le polyptyque Cinquini...). Ce jugement explique en grande partie le nombre d'œuvres pisanes du début du XIVe siècle qui lui ont été, presque par défaut, attribuées, rendant au fil du temps son corpus fortement hétérogène.

Les historiens d'art ont donc récemment entamé un travail de réévaluation, qui a eu pour premiers résultats d'écarter des pièces célèbres et attribués dès l'origine au Maître de San Torpè comme le polyptyque[5] comprenant une Vierge au Chardonneret du Musée national San Matteo de Pise et le Saint Jean Évangéliste du musée Lindenau d'Altenbourg, polyptyque désormais attribué à Memmo di Filipuccio[6]. Deux groupes d'œuvres ont finalement été distingués : le premier regroupe la Vierge à l'Enfant de la cathédrale de Pise, celle du séminaire de Pise, celle de l'église de Casciana Terme, ainsi que le Crucifix du Belvédère de Crespina. Le deuxième associe à la Vierge à l'Enfant éponyme, celles du musée San Matteo, de Campiglia Marittima (LI), de Morrona (PI), de Seattle, et enfin de Dijon.

En 1974, Enzo Carli[7] a proposé d'identifier le Maître de San Torpè à Vani di Bindo (encore connu sous les noms de Vanni di Piastra ou Pistoïa), peintre et sculpteur pisan, documenté de 1303 à 1318[8], identification réitérée à plusieurs reprises par Mariagiulia Burresi et Antonino Caleca en 2003[9] et 2005[10] notamment. Linda Pisani[11] n'exclut pas cette identification.

On lui attribue aussi des travaux d'enluminure comme les deux chorals (m. 190 ; m. 528) franciscains de la Bibliothèque de l'Université de Pise[12].

Principales œuvres attribuées

listées selon leur lieu de conservation

Saint Jean baptiste présentant le Christ aux prêtres juifs, or et tempera sur bois, 61 × 66,4 cm, Saint-Louis, Art Museum (inv. 46:1941).
Vierge à l'Enfant (vers 1325), or et tempera sur bois, 53,7 × 35,9 cm, Seattle, Art Museum, Samuel H. Kress collection (inv. 61.152 - K.309).

Assise

  • Archange, fresque, Assise, église supérieure de la basilique, intrados, paroi du fond du transept gauche[13]

Avignon

Campiglia Marittima (LI)

  • Maestà, Museo d’Arte Sacra di San Lorenzo a Campiglia[14]

Casciana Terme (PI)

Dijon

  • Vierge à l'Enfant bénissant (vers 1310), or et tempera sur bois, 70 × 45 cm, Dijon, musée Magnin (inv. 1938 E480).

Livourne

  • Sainte Julie et scènes de sa vie, Museo Terrini

Morrona, Terricciola (PI)

  • Vierge à l'Enfant et deux anges, Badia di Morrona

Pise

  • Maestà (vers 1300), à fresque, Pise, Duomo
  • Crucifix du Belvedere di Crespina (vers 1315-20), Pise, musée national San Matteo
  • Vierge à l'Enfant, Pise, musée national San Matteo
  • Polyptyque Cinquini (vers 1320-25) aujourd'hui dispersé mais destiné à l'origine au Duomo de Pise[15] :
    • Vierge à l'Enfant, or et tempera sur bois, 60 × 38,3 cm, Florence, Offices (inv. 1890 n. 9920)
    • Saint Paul, or et tempera sur bois, 71 × 32 cm, Pise, musée national San Matteo
    • Saint Jean l’évangéliste, or et tempera sur bois, 70 × 35 cm, Pise, musée national San Matteo
    • Isaïe, Florence, coll. privée
  • Archange, fresque, Pise, San Michele in Borgo, lunette intérieure du portail gauche[13]
  • Vierge à l'Enfant éponyme (vers 1330), or et tempera sur bois, 77 × 52 cm, Pise, Chiesa di San Torpè[16]
  • Vierge à l'Enfant, Pise, séminaire

Raleigh

  • Panneau Raleigh, comprenant Homme de douleur, Vierge à l'Enfant, Saint François, Saint Dominique (vers 1310-15), or et tempera sur bois, 48,3 × 37,5 cm, Raleigh, Rhode Island School of Design di Providence, Samuel H. Kress collection (inv. 60.17.3 - K.292)[11]

Saint Louis

  • Saint Jean baptiste présentant le Christ aux prêtres juifs (vers 1310-1320), or et tempera sur bois, 61 × 66,4 cm, Saint Louis, Art Museum (inv. 46:1941)

Seattle

  • Vierge à l'Enfant (vers 1325), or et tempera sur bois, 53,7 × 35,9 cm, Seattle, Art Museum, Samuel H. Kress collection (inv. 61.152 - K.309)

Treggiaia, Pontedèra (PI)

  • Vierge à l'Enfant entre saint Laurent et saint Barthélemy, dite Madonna di Ripaia, Treggiaia, Oratorio della Madonna di Ripaia

Bibliographie

(par ordre chronologique)

  • [SANDBERG VAVALA 1937] (en) E. Sandberg Vavalà, « Some Partial Reconstructions-II », Burlington Magazine, Firenze, t. LXXI, , p. 234
  • [CARLI 1958] (it) Enzo Carli, Pittura pisana del Trecento : 1. Dal “Maestro di S. Torpè” al “Trionfo della morte”, Milan, pp. 27-29;
  • [BUCCI 1962] (it) M. Bucci, « Contributi al “Maestro di San Torpè” », Paragone. Arte, t. XIII, no 153, , p. 3-9
  • [LONGHI 1962] (it) Roberto Longhi, « Qualità del Maestro di San Torpè », Paragone. Arte, t. XIII, no 153, , p. 10-15
  • [DONATI 1968] (it) P. P. Donati, « Aggiunte al maestro di San Torpè », Commentari, t. XIX, , p. 245-252
  • [CARLI 1974] (it) Enzo Carli, Il Museo di Pisa, Pise,
  • [CARLI 1994] (it) Enzo Carli, La Pittura a Pisa dalle origini alla ‘Bella maniera’, Pise,
  • [MARTELLI 1997] (it) Cecilia Martelli, « Per il Maestro di San Torpè e la pittura a Pisa nel primo Trecento », Paragone. Arte, t. XLVII, , p. 19-47
  • [BELLOSI 1998] Luciano Bellosi (trad. de l'italien par A. et M. Bresson-Lucas (1998)), Cimabue, Arles/Milan, Actes Sud, , 303 p. (ISBN 2-7427-1925-3)
  • [DE MARCHI 1998] Giovanni Sarti, « Le Maître de San Torpè », dans Trente-trois Primitifs Italiens de 1310 à 1500: du Sacré au Profane, Paris, , 218 p. (ISBN 0-9532638-0-0), p. 20-29
  • [BURRESI-CARLETTI-GIOMETTI 2002] (it) Mariagiulia Burresi, Lorenzo Carletti et Cristiano Giometti, I pittori dell’Oro. : Alla scoperta della pittura a Pisa nel Medioevo, Pacini Editore, , 120 p. (ISBN 978-88-7781-501-9)
  • [SARTI 2002] Giovanni Sarti, Fonds d’or et fonds peints Italiens (1300 - 1560), , 228 p. (ISBN 978-0-9532638-3-7)
  • [BURRESI-CALECA 2003] (it) Mariagiulia Burresi et Antonino Caleca, Affreschi medievali a Pisa, Pise, Cassa di Risparmio di Pisa, , 267 p. (ISBN 88-7781-524-8)
  • [BURRESI-CALECA 2005] (it) Mariagiulia Burresi et Antonino Caleca, Cimabue a Pisa : La pittura pisana del Duecento da Giunta a Giotto, catalogo della mostra (Pisa, 2005), Ospedaletto, Pacini Editore, , p. 85,87-88,244
  • [LACLOTTE 2005] Michel Laclotte et Esther Moench, Peinture Italienne musée du Petit Palais Avignon, (ISBN 978-2-7118-4995-6), p. 245
  • [LAZZARINI 2008] (it) M.T. Lazzarini, Il Museo d’Arte Sacra di San Lorenzo a Campiglia, Pise,
  • [PISANI 2010] (it) Linda Pisani, « Una scheda per il Maestro di San Torpè a Providence, in Primitivi pisani fuori contesto », Predella, t. X, no 27, (lire en ligne)
  • [THIEBAUT 2013] Dominique Thiébaut, Giotto e Compagni, catalogue de l’exposition du Louvre, Louvre Éditions,

Notes et références

  1. [LONGHI 1962]
  2. [LACLOTTE 2005], p. 145
  3. [SANDBERG VAVALA 1937]
  4. [BELLOSI 1998], p. 229
  5. provenant du couvent Saint-François de Pise cf. [BURRESI-CALECA 2005], p. 245
  6. [BURRESI-CARLETTI-GIOMETTI 2002]
  7. [CARLI 1974], p. 46
  8. pour la liste des documents cf. l'annexe Regesto per Vanni di Bindo in [PISANI 2010]
  9. [BURRESI-CALECA 2003], p. 73-75
  10. [BURRESI-CALECA 2005], p. 88
  11. [PISANI 2010]
  12. [BURRESI-CALECA 2005], p. 240-243
  13. Illus. in [BELLOSI 1998], p. 229
  14. Illus. in [BURRESI-CALECA 2005], p. 85; cf.[LAZZARINI 2008], p. 22-23
  15. Cf. [LONGHI 1962], p. 14-15, [MARTELLI 1997], p. 28-29, [THIEBAUT 2013], p. 90
  16. [BURRESI-CALECA 2005], p. 244

Articles connexes

Liens externes

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