Maltraitance des personnes âgées
La maltraitance des personnes âgées est un ensemble de comportements ou d'attitudes, uniques ou répétées, concernant les personnes âgées dans le cadre d'une relation de confiance ou de dépendance et qui peut causer la détresse ou des blessures à ces personnes. La maltraitance peut être de type physique, moral, financier, sexuel ou plus simplement de la négligence. L'âge est considéré comme un élément de vulnérabilité.
Définition internationale
Le Conseil de l’Europe donne une définition de la maltraitance dès 1987 :
« Tout acte ou omission commis dans le cadre de la famille par un de ses membres, lequel porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique, ou à la liberté d’un autre membre de la famille ou qui compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière. »
Selon la classification du Conseil de l’Europe de 1993, on distingue[1] :
- les violences physiques : coups, brûlures, ligotage, soins brusques sans information ou préparation, non-satisfaction des demandes pour des besoins physiologiques, violences sexuelles, meurtre dont euthanasie ;
- les violences psychiques ou morales : langage irrespectueux ou dévalorisant, absence de considération, chantages, abus d'autorité, comportements d'infantilisation, non-respect de l'intimité, injonctions paradoxales ;
- les violences matérielles et financières : vols, exigences de pourboire, escroqueries diverses, locaux inadaptés ;
- les violences médicales ou médicamenteuses : manque de soins de base, non-information sur les traitements ou les soins, abus de traitement sédatif ou neuroleptique, défaut de soins de rééducation, non-prise en compte de la douleur ;
- les négligences actives : toutes formes de sévices, abus, abandons, manquements pratiqués avec l'intention de nuire ;
- les négligences passives : relevant de l'ignorance, de l'inattention de l'entourage ;
- la privation ou la violation des droits : limitation de la liberté de la personne, privation de l'exercice des droits civiques, d'une pratique religieuse ;
- la maltraitance civique : cette catégorie concerne la violation des droits élémentaires du citoyen (détournement de procuration, privation de papiers d'identité, enfermement)
Les différentes situations
La maltraitance peut survenir aussi bien au domicile de la personne âgée qu'en institution et émaner de professionnel comme de l'entourage familial. De plus, les victimes le plus souvent se taisent (sentiment de honte, peur de représailles éventuelles)[2]. Il est donc aujourd'hui malaisé de quantifier réellement le problème.
La maltraitance au domicile
Dans le cadre de la maltraitance au domicile, les facteurs de risque d'apparition de la maltraitance sont liés :
- à la personne âgée (selon le degré de dépendance physique ou psychique, les états démentiels, la situation financière, ou encore l'isolement social) ;
- à la situation familiale au sein de laquelle la personne âgée évolue (alcoolisme, toxicomanie, problèmes financiers, fragilité psychologique, antécédents de violence familiale ou encore épuisement physique et nerveux des parents qui s'occupent de la personne âgée) ;
- à l'infrastructure du lieu de vie (locaux trop exigus ou non adaptés au degré de dépendance de la personne âgée, isolement géographique).
La maltraitance en institutions
La maltraitance en institutions apparaît souvent comme le symptôme de lacunes institutionnelles graves. En effet, une institution qui n'a pas de démarche active de bientraitance court le risque de voir survenir en son sein des maltraitances de différentes sortes. Comme l'indique Éliane Corbet, docteur en psychopédagogie, il existe « une violence faite à un usager dès lors qu'une institution ne remplit pas ou plus sa mission à son égard, dès que la qualité de son accueil n'est plus garantie, dès que les intérêts de l'institution priment sur ceux de l'usager accueilli »[3].
« Chaque année en France des dizaines de milliers de cas de maltraitance rythment encore la vie des maisons de retraite. Officiellement, seuls 5 % des 10 500 établissements feraient l'objet de signalements. Cela concernerait tout de même plus de 32 000 pensionnaires, victimes potentielles de pratiques allant de la privation de nourriture aux coups et blessures »[4].
En réalité, selon les professionnels du secteur (associations de familles de résidents FNAPAEF, syndicats de directeurs AD-PA et associations de lutte AFPAP), 70 % des maisons de retraite seraient maltraitantes. Il s'agirait de maltraitances passives dons les conséquences sont dramatiques et souvent tragiques pour les personnes âgées. Ces maltraitances sont rarement détectées et souvent minimisées par les autorités et les familles[5].
En janvier 2022, dans le livre intitulé Les Fossoyeurs écrit par le journaliste Victor Castanet, des manquements graves sont à nouveau signalés au sein d'EHPAD du groupe ORPEA et en particulier à l'Ehpad "Les Bords de Seine" à Neuilly-sur-Seine[6].
Ce livre a eu des répercussions très importantes, enquêtes administratives et fiscales[7], convocation au ministère de la santé[8], cycle d'auditions par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale[9], plainte pour discrimination syndicale[10], plainte pour faux et usage de faux[11]. Le Professeur et député LREM Jean-Louis Touraine entendu devant la commission des Affaires sociales de l’Assemblée Nationale, accuse le système privé d'être responsable de 12 000 morts évitables dans les EHPAD en 2020[12]
Prévention et prise en charge
En France
Ce sont des associations non gouvernementales loi 1901 qui interviennent en France au profit des personnes âgées, des familles et des professionnels en matière d'information, de prévention et de lutte contre les maltraitances faites aux personnes âgées : la Fédération 3977 Contre la Maltraitance (n° d'appel : 3977, prix appel local) gère plus de 14.000 appels par an, les petits frères des Pauvres, la FNAPAEF (Fédération nationale des associations de personnes âgées et de leurs familles) et l'AFPAP (Association française de protection et d'assistance aux personnes âgées).
Le gouvernement français a créé le (décret no 2007-330) un Comité national de vigilance et de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés.
Les instructions ministérielles no DGAS/2A/2007/112 du [13] ont abouti à la mise en place d'un numéro d'appel national unique : le 3977, géré par la plateforme nationale AFBAH qui offre une écoute du lundi au vendredi de 9 h à 19 h et qui transmet les signalements en vue d'une gestion de proximité aux centres d'écoute départementaux gérés par le réseau ALMA France.
Pour l'association gestionnaire du numéro national 3977 (dont les opérateurs sont des psychologues) : « L’essentiel des cas de maltraitance a lieu à domicile. Remédier à ces situations ne passe pas forcément par le circuit judiciaire, mais par l’écoute et la médiation », rappellent les organisations spécialisées. Le moment est venu de « dire à une majorité de maltraitants qu’ils ne sont pas des criminels en puissance, mais des personnalités fragiles ou fragilisées, qu’il est possible d’expliquer leurs gestes et leurs attitudes par l’analyse et l’information, d’en démonter les mécanismes et d’éviter la récidive ». Surtout pas de « jugement hâtif réducteur » ! Face à des situations aussi difficiles que le grand handicap ou certains troubles du comportement, il est souvent nécessaire « qu’une distance soit mise entre les deux protagonistes du drame de la maltraitance potentielle »[14].
Le dispositif national mis en place[15] améliore l’offre d’écoute aux témoins et victimes des maltraitances, tant en institution qu’à domicile.
Les appelants peuvent appeler le no 3977[16] ou les centres d’écoute ALMA[17]. La couverture du territoire national est quasi complète.
Un logiciel dédié offre la possibilité d’enregistrer sur une base de données sécurisée[18] l’ensemble des situations préoccupantes, les témoignages et les accompagnements de situation. Un rapport d’activité commun ALMA/HABEO établi en 2012 présente pour la première fois un bilan détaillé du nombre et des types de maltraitances subies, du profil des victimes et des auteurs présumés, du nombre, des types et des temps de suivi des situations. Sous l’égide de la Direction générale de la cohésion sociale, le dispositif vise à se renforcer pour améliorer la couverture du territoire, la communication et la formation.
Depuis le , les deux associations alma France et Habeo ont fusionné et créé, pour une meilleure efficacité, la fédération 3977 contre la maltraitance[19].
En Belgique
La violence à l’égard des personnes âgées au sens large du terme, est un problème auquel une personne âgée sur cinq est confrontée en Belgique[20].
Respect Seniors est l'agence wallonne de lutte contre la maltraitance des personnes âgées[21].
Au Québec
Le gouvernement du Québec a lancé un Plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées[22]. Il a aussi publié un Guide de référence pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées[23]. 866 cas auraient été dénoncés dans les établissements de santé au Québec pour l'année 2018-2019[24].
Notes et références
- Foued Makhlouf et Virginie Scolan, « Maltraitance personnes âgées », Médecine légale clinique, sur MEDilég, (consulté le ).
- Le Fonds d’Assurance formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif, sous la responsabilité du CREAI Rhône-Alpes, Processus de prévention et de gestion des situations de violences en institutions lire en ligne, publication nationale, décembre 2006, page 20 et suivantes
- Haut Conseil de la Santé Publique, Dossier MALTRAITANCES lire en ligne, bulletin adsp no 31, juin 2000, p. 2-3
- Le Figaro - 5 mars 2007
- Source d'octobre 2010 - Presse :
- « "Les Fossoyeurs" : consternation à l'Assemblée nationale après les accusations de dérives dans des Ehpad », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
- « France Info Enquêtes Orpea »
- « Convocation Orpéa ministère de la santé »
- « Audition assemblée nationale »
- « Syndicalisme Orpéa »
- « Plainte pour Faux Orpea »
- « 12 000 morts « évitables » dans les Ehpad privés en 2020 ? », Journal International de Médecine, (lire en ligne, consulté le )
- Direction générale de l’action sociale - Instruction DGAS/2A no 2007-112 du 22 mars 2007 relative au développement de la bientraitance et au renforcement de la politique de lutte contre la maltraitance
- www.afbah.org, source : www.agevillagepro.com, 2 juin
- Instruction du 22 mars 2007, instruction du 4 avril 2007, circulaire du 12 juillet 2011
- L'adresse www.habeo.org/ remplace www.afbah.org/.
- www.alma-france.org/
- Autorisation de la CNIL Délibération no 2012-061 du 8 mars 2012 autorisation no 1514929
- http://www.3977contrelamaltraitance.org
- Casman 1998
- Gouvernement du Québec
- Guide de référence pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées
- La Presse. Tommy Chouinard. 14 octobre 2019. « Maltraitance envers les aînés: 866 dossiers en un an ». En ligne. Page consultée le 2021-01-25
Annexes
Bibliographie
- « Des maisons de retraite au banc des accusés », Le Figaro,
- Marie-Thérèse Casman, Vieillir en maison de repos : quiétude ou inquiétude, Ministre de l’emploi et du travail et de la politique d’égalité des chances, (lire en ligne)
- Olivier Poinsot, « La maltraitance et ses sanctions », Revue Droit & Santé , p, 172-190
- Olivier Poinsot, Le droit des personnes accueillies ou accompagnées : les usagers dans l’action sociale et médico-social, coll. Ouvrages fondamentaux, LEH Édition, p. 59-84
Lectures approfondies
- Analyse et enquête sur la maltraitance des personnes âgées
- François Nénin, Sophie Lapart (préface de Christophe Fernandez - Président AFPAP)- "L'Or Gris" - le dossier noir des maisons de retraite - Aux éditions Flammarion, .
- Jean-Michel Caudron, Valentine Charlot et Caroline Guffens - La maltraitance envers les personnes âgées vulnérables, Éditions Territorial,
- Christophe Fernandez (Président AFPAP), Dominique Prédali, Thierry Pons, Pr Jacques Soubeyrand, On tue les vieux, Éditions Fayard, oct. 2006 Enquête sur la maltraitance des personnes âgées à l'hôpital et en maison de retraite
- Jean-François Lacan, Scandales dans les maisons de retraite aux Éditions Albin Michel, Enquête sur les maisons de retraite
- Robert Hugonot, Violences invisibles : Reconnaître les situations de maltraitance envers les personnes âgées, éditions Dunod,
- Jean Arcelin, Tu verras maman tu seras bien, Xo, , 520 p. (ISBN 978-23-7448-123-4)
- Hella Kherief, Le scandale des EHPAD, Hugo Doc, , 169 p. (ISBN 978-27-5564-178-3)
- Anne-Sophie Pelletier, EHPAD une honte française, Plon, , 288 p. (ISBN 978-22-5926-534-8)
- Victor Castanet, Les Fossoyeurs, Fayard, , 400 p. (ISBN 978-22-1371-655-8)
- Témoignages sur la maltraitance
- Véronique Vasseur, L'Hôpital en danger, Éditions Flammarion, oct. 2005 Témoignage d'un médecin à l'hôpital
- Jean de Kervasdoué, L'hôpital vu du lit, Éditions du Seuil, Témoignage d'un patient à l'hôpital
- Jean-Charles Escribano, On achève bien nos vieux, Éditions Oh!, Témoignage d'un infirmier dans une maison de retraite
- Diane Chauvelot, L'hôpital se moque de la charité : Mieux vaut être médecin que malade, Éditions Erès Témoignage d'une psychiatre sur la prise en charge à l'hôpital
- Myriam Lagraula-Fabre, La violence institutionnelle : Une violence commise sur des personnes vulnérables par des personnes ayant autorité, Paris, Éditions L'Harmattan, , 574 p. (ISBN 978-2-7475-8670-2, lire en ligne)
Articles connexes
Liens externes
- (fr) « personnes-agees.gouv.fr : Comité national de vigilance et de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
- (fr) Afbah - Association Française pour la Bientraitance des Aînés et /ou Handicapés
- (fr) Habéo: Handicap Age Bientraitance Ecoute Orientation
- (fr) Fédération ALMA, ALlô MAltraitance des personnes âgées et/ou des personnes handicapées
- (fr) Respect Seniors, Agence Wallonne de lutte contre la maltraitance des personnes âgées
- Le 3977 sur social-sante.gouv.fr
- OMS
- Loi du 28 mai 2008 et actualisation.
- Portail national d’information pour l’autonomie des personnes âgées et l’accompagnement de leurs proches, mis à jour le .
- La non-dénonciation d’une maltraitance malgré l’obligation peut être punie de 3 ans de prison et de 45 000 € d’amande
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