Manifestations de 2019-2021 au Liban

Les manifestations libanaises de 2019-2021 sont une série de protestations au niveau national, en réponse à l’échec du gouvernement à trouver une solution à la crise économique qui menace le Liban depuis près d’un an[5]. Les contestations interviennent directement après l’annonce de nouveaux impôts sur l’essence, le tabac et les appels en ligne par le biais d’applications comme WhatsApp[6],[7],[8],[9],[10],[11].

Manifestations libanaises de 2019-2020
Manifestation le 18 octobre à Beyrouth (Liban).
Informations
Date Depuis le
(2 ans, 10 mois et 18 jours)
Localisation Liban
Diaspora[1],[2]
Caractéristiques
Revendications
  • Démission du gouvernement de Saad Hariri (acquis)[3]
  • Gouvernement restreint de technocrates
  • Un État laïc
  • Législatives anticipées
  • Démission du président[4]
Types de manifestations manifestations, sit-ins, émeutes, occupations de places publiques, grèves, cyberactivisme


Manifestation

Treize jours après le début du mouvement, le président du Conseil des ministres Saad Hariri annonce sa démission et celle de son gouvernement.

Contexte

Inspiration directe

Le mouvement a été influencé par le Hirak algérien, en cours depuis le mois de . Les manifestants ont des revendications proches[12], dont notamment le départ de la classe politique[13].

Contexte libanais

Les protestations sont notamment la conséquence de la situation économique et sociale, dans un pays où 7 milliardaires possèdent 13,3 milliards de dollars, soit dix fois plus que 50 % de la population à revenu modeste. Les 1 % les plus riches, soit 42 000 personnes, possèdent 58 % de la richesse de l’ensemble de la population[14]. La population, en particulier les classes modestes, est exposée aux pénuries d’eau potable et d’électricité, ainsi qu'au chômage et à la hausse des prix. La corruption est endémique et les infrastructures publiques en déliquescence. L'économie libanaise est aussi fragilisée par les sanctions américaines visant le Hezbollah[15].

La journaliste Livia Perosino relève que « le manque d’un système étatique fonctionnel fait de l’argent un moyen fondamental pour « s’acheter » de meilleures conditions de vie : payer pour un générateur plus efficace, pour un purificateur de l’air, pour une meilleure connexion internet. L’absence presque absolue d’un système de sécurité sociale fait que, si l’on est pauvre, il ne faut surtout pas tomber malade. Cependant 1,5 million de personnes, environ un tiers de la population, vit avec moins de 4$ par jour. Le chômage est estimé à 25 %, et atteint 37 % si l’on considère la population en dessous de 25 ans[16]

Dans un contexte de crise économique (croissance du PIB de 0,2 % en 2019, dette publique évaluée à 150 % du PIB, taux de chômage élevé, etc), le Premier ministre annonce en des mesures d'austérité « sans précédent » : gel des recrutements dans la fonction publique, suspension des départs à la retraite anticipés, baisse des aides scolaires aux enfants des fonctionnaires, taxe mensuelle de 1,5 % sur la pension des retraités de l'armée, hausse de la TVA, etc[17].

Beyrouth, 22 novembre 2019.

L'historien Saïd Chaaya souligne que le confessionnalisme a « empêché de proposer un modèle social, économique et politique à substituer à celui existant aujourd’hui. » Il ajoute qu'au vu des événements antérieurs au 17 octobre 2019, « la révolte commence théoriquement et symboliquement en février 2019 avec la mort de Georges Zreik, qui s’est immolé faute de pouvoir payer la scolarité onéreuse de sa fille dans une école chrétienne. Ce geste a sonné le glas du féodalisme clérical et de ses privilèges moyenâgeux, car il disparaîtra bon gré mal gré avec le système de corruption, dont il a su profiter et qu’il a si longtemps défendu et soutenu[18]. »

Beaucoup de Libanais ont également été choqués par l'apathie des autorités devant les incendies massifs qui se sont déclenchés au début du mois d'octobre. Les hélicoptères anti-feux de forêts n’avaient pas même décollé, étant inopérants en raison d'un défaut de maintenance[19],[20].

Contestations

La nuit du jeudi , une centaine de militants de la société civile ont manifesté contre les impôts proposés au centre-ville de Beyrouth, bloquant des rues très importantes reliant les deux côtés de la capitale. Le ministre de l’Éducation, Akram Chehayeb, et son convoi sont passés par là. Des manifestants ont attaqué la voiture du ministre. Les gardes du corps de ce dernier ont réagi en tirant en l’air. Si cet incident ne fait aucun blessé, il augmente néanmoins la colère des manifestants. Notons que ledit ministre appartient au Parti socialiste progressiste (PSP), dont le chef, Walid Joumblatt, a annoncé sur Twitter avoir « parlé au ministre et [lui avoir] demandé de livrer les gardes du corps à la police »[21],[22],[23].

Un nombre plus grand de manifestants commencent à investir à Beyrouth la place des Martyrs, la place de l’Étoile et la rue Hamra, ainsi que d’autres villes libanaises. Une réunion du Conseil des ministres a été annoncée par le président du Conseil des ministres Saad Hariri, à la demande du président Michel Aoun, pour le lendemain (). Le ministre de l’Éducation a annoncé la fermeture des écoles et des universités pour le lendemain. Pour sa part, le ministre des Télécommunications, Mohammad Choucair, a annoncé, le à 23 heures, avoir abandonné l’idée de la « Taxe WhatsApp »[24],[25].

Tripoli, 2 novembre 2019.
Devant la Mosquée Mohammed al-Amine à Beyrouth,20 octobre 2019.

Amnesty International relève que les armes et le matériel utilisés pour réprimer provient en partie des ventes françaises. Selon l'ONG, les forces de sécurité libanaises ont parfois utilisé ces armes de manière contraire aux usages conventionnels, tirant des grenades lacrymogènes à bout portant ou encore des balles en caoutchouc à hauteur de la poitrine, blessant gravement plusieurs manifestants[réf. souhaitée].

Chronologie

18 octobre

  • 01 : 29 – Les bureaux et les résidences de responsables du Hezbollah et du mouvement Amal sont pris pour cibles par des manifestants à Nabatiyé[26],[27].
  • 02 : 07 – La Ligue des employés du secteur public a annoncé une grève « pour protester contre les réformes proposées »[28].
  • 02 : 24 – Les bureaux du Courant patriotique libre (CPL) à Tripoli sont pris pour cible[29]
  • 03 : 16 – Des gaz lacrymogènes sont jetés sur des manifestants par les Forces de Sécurité Intérieure (FSI), afin de les garder en dehors du Grand Sérail[30].
  • 07 : 52 – Des axes routiers majeurs sont fermés aux quatre coins du pays par les manifestants[31],[32]
  • 10 : 55 – Les ministres des Forces libanaises (FL) ont annoncé qu’ils ne participeront pas à la réunion du Conseil des Ministres prévue pour cet après-midi[33].
  • 11 : 45 – Samir Geagea, leader des FL, a appelé à la démission du président du Conseil des ministres Saad Hariri[34].
  • 11 : 45 – Le Conseil des ministres est annulé. Le président du Conseil des ministres s’adressera à la Nation à 18 heures[35].
  • 11 : 54 – Le PSP de Walid Joumblatt appelle à un mouvement pacifique contre le président Michel Aoun[36]. Walid Joumblatt est pourtant lui-même perçu comme un partenaire majeur du système de corruption et comme l’un des emblèmes du régime confessionnel[14].
  • 14 : 16 – Pierre Issa du Bloc National appelle à la formation d’un gouvernement réduit de salut national[37].
  • 17 : 59 – L’ambassade américaine de Beyrouth appelle ses ressortissants à éviter de se rendre au Liban[38].
  • 18 : 45 – Le président du Conseil des ministres s’adresse à la Nation. Il annonce avoir donné 72 heures à ses partenaires de coalition pour trouver une solution, sans quoi il choisira « une approche différente »[39],[40],[41].
  • 20 : 09 – Des gardes du corps de l’ancien député Mishbah el Ahdab tirent sur des manifestants à Tripoli, faisant 2 morts et 4 blessés[42]. Les manifestants en colère s’en sont alors pris à ses bureaux et ont attaqué une société de transport lui appartenant[14].

19 octobre 2019

  • 11 : 23 – Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, annonce son opposition à la hausse des impôts sur les pauvres, mais confirme également s’opposer à la démission du gouvernement[43],[44].
  • 13 : 00 – Des militants du mouvement Amal auraient harcelé et tiré sur des manifestants à Tyr[45].

Suite

Le , des dizaines de milliers de libanais manifestent partout dans le pays pour demander le départ d'une classe politique jugée corrompue[46].

Le , le président du Conseil des ministres Saad Hariri annonce une série de réformes et l'adoption du budget 2020. Sont prévues entre autres des mesures symboliques, d'autres sociales ou d'infrastructures[47]. Ce plan a été en grande partie rejeté par les manifestants qui ont juré de rester dans la rue jusqu'à la démission du gouvernement actuel. Ils ont appelé à la formation d'un gouvernement technocratique composé d'un petit nombre d'experts chargés de sortir le Liban de son marasme[48].

Le , le président de la République libanaise Michel Aoun s'adresse au public pour la première fois depuis le début des manifestations. Dans son discours, Aoun a déclaré qu'il soutenait les réformes proposées visant à lever le secret bancaire et à supprimer l'immunité juridique des présidents, des ministres et des membres du Parlement, une législation qui pourrait ouvrir la voie à des enquêtes sur la corruption[49].

Le , des manifestations ont lieu à Beyrouth, à Tripoli et dans d'autres villes, où les manifestants font des sit-ins et installent des barrières pour ouvrir les routes[50]. L'armée libanaise décide de rouvrir les axes vitaux de ces villes par la force dans la matinée[50]. La situation se tend à Beddaoui, près de Tripoli, où des heurts entre les manifestants et les militaires provoquent 6 blessés[50]. Le président du Conseil des ministres Saad Hariri demande une enquête sur cet incident[50]. À Tyr, des militants du Hezbollah et d'Amal tentent de dissuader les manifestants de sortir. La mobilisation baisse dans cette zone, tandis que ces militants attaquent des manifestants qui clament des slogans hostiles à leurs chefs[51]. La situation se calme dans la soirée, et les manifestants construisent des barricades dans les villes où l'Armée est intervenue pour continuer à bloquer les routes[50].

Le , des dizaines de milliers de manifestants parviennent à se rejoindre au bord de l'autoroute qui longe la Mer Méditerranée pour former une chaîne humaine longue de 170 km du nord au sud du pays, de Tripoli à Tyr[52]. D'autres occupent les autoroutes avec leurs voitures garées[53]. La diaspora libanaise organise des manifestations de soutien à Paris, Londres, Amsterdam[52] et Lille[54].

Le , le président du Conseil des ministres Saad Hariri annonce sa démission et celle de son gouvernement[55]. Le lendemain, les blocages des routes sont levés[56]. Le , après une allocution du président Aoun, les manifestants appellent à son départ[57].

Le , les routes sont de nouveau bloquées, au lendemain de nouvelles mobilisations[58].

Le , des milliers de lycéens et d'étudiants manifestent dans tout le pays pour demander une amélioration de l'enseignement public[59]. À Tripoli et dans plusieurs villes côtières, ils bloquent les bureaux du Ministère des Télécommunications ou de la compagnie de téléphone publique Ogero, pour empêcher les fonctionnaires d'y entrer[59].

Le , l'ancien ministre des Finances Mohammad Safadi renonce à devenir président du Conseil des ministres[60].

En , face aux retards sur la formation du gouvernement d'Hassan Diab, les manifestations reprennent[61]. Le ont lieu des affrontements violents entre les manifestants et la police dans le quartier du Parlement. 377 personnes ont été soignées sur place ou transportées vers des hôpitaux, selon l'AFP.[62]. De nouveaux heurts ont lieu le [63].

Après avoir été interrompues par la pandémie de Covid-19 en , les manifestations reprennent en juin. Depuis l'automne 2019, la monnaie nationale a perdu 70 % de sa valeur et le taux de pauvreté approche les 50 %[64].

Après les explosions du 4 août 2020

Le président Emmanuel Macron se rend à Beyrouth dans la journée du [65] deux jours après les explosions au port de Beyrouth. Il rencontre des Beyrouthins en colère avant sa conférence de presse télévisée[66]. Deux manifestations prévues dès le de grande ampleur ont lieu le à Beyrouth, pour protester contre l'incurie de la classe politique libanaise après les explosions du 4 août 2020 au port de Beyrouth qui fit au moins 158 tués et plus de 6 000 blessés, détruisant de nombreux bâtiments, tandis que l'on dénombre au moins une soixantaine de disparus[67]. Les manifestants se dirigent aux portes du parlement pour appeler à la démission du gouvernement[68]. Une autre partie des manifestants se dirige vers le ministère des Affaires étrangères et met le feu au bâtiment. On compte 170 blessés[69]. Un policier trouve la mort[70],[71]. Les manifestants se dirigent dans la soirée devant le ministère de l'Économie[72].

Sous la pression des manifestants, le Premier ministre Hassan Diab propose dans la soirée du de procéder prochainement à des élections législatives anticipées[73]. Il remet la démission de son gouvernement le [74].

En , des manifestations ont lieu à Tripoli, après que le gouvernement de Hassan Diab a annoncé un confinement national, alors que la faim, l'inflation et le chômage augmentent, aggravant l'économie déjà en détérioration. Selon Al Jazeera English, les manifestants se sont rassemblés pour leur troisième nuit consécutive à Tripoli alors que cela s'est transformé en émeutes. La police a tiré à balles réelles pour disperser les manifestants. De nombreuses personnes ont été blessées lors des affrontements. Des protestations ont eu lieu pendant les nuits du 25 au , lorsque les militaires ont tiré des balles réelles, des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes. Au moins 60 personnes et 10 membres des forces de sécurité ont été blessés lors des affrontements. Un manifestant est mort dans les affrontements.

Revendications

Les protestataires réclament le départ de la classe politique dans son ensemble, députés, président, chef du gouvernement, qu'ils accusent d'être corrompus. Le président Aoun estime que le régime ne peut pas être changé dans la rue[75].

Pour Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, la situation économique du Liban n’est pas du seul fait de l'actuel gouvernement, mais l’effet d’accumulation de plusieurs décennies. Il estime « inopportune la démission du gouvernement dans la conjoncture actuelle, car tout nouveau gouvernement reviendrait dans la même configuration ». La base sociale du parti est cependant assez fortement engagée dans les manifestations[14]. Nasrallah estime également que les risques d'effondrement et de chaos en cas de vide prolongé du pouvoir et des institutions sont réels[76]. Tout en reconnaissant le caractère spontané et légitime du mouvement, il dénonce une tentative de récupération politique et une ingérence étrangère[77].

Les formations politiques les plus à gauche du mouvement (Parti communiste libanais, mouvement Citoyens et citoyennes dans un État, Mouvement des jeunes pour le changements, Mouvement du peuple, Organisation populaire nassérienne) soutiennent l'idée d'une restructuration de la dette interne auprès des banques afin de sauver l'économie, d’alléger la dette de l’État et de réorienter une partie de son budget en faveur des classes populaires[17].

Dans un pays où le libéralisme économique est inscrit dans la Constitution et où les partis politiques se réclamant de la gauche ont été marginalisés dans les années 1990, la gauche libanaise semble profiter d’un contexte où, pour la première fois dans l’histoire, les considérations socio-économiques sont au moins aussi importantes que les enjeux géostratégiques. Le Parti communiste (PCL), fort d’une longue histoire et d’un ancrage sur l’ensemble du territoire, est en première ligne de la contestation, notamment dans le sud du pays où son influence est significative. Pour de nombreux observateurs, le PCL est même le principal initiateur du soulèvement dans cette région. En dépit de la pluralité des partis de gauche et de leurs divergences (relations avec la Syrie ou avec le Hezbollah notamment), ces derniers restent unis sur la question de la promotion de la justice sociale et de la lutte contre le confessionnalisme[78].

Conséquences

Le projet de taxe WhatsApp est abandonné le .

Le , le Premier ministre Saad Hariri tente d'apaiser le mouvement de protestation en promettant la tenue d'élections législatives anticipées et annonce, fait inédit, que les banques du pays contribueront à la réduction du déficit budgétaire. La gauche libanaise reste néanmoins très critique à son égard, lui reprochant de maintenir son projet de privatisation totale ou partielle de la compagnie d’aviation nationale, des télécoms, du port de Beyrouth ou du Casino du Liban, tout en n'évoquant aucune perspective de redistribution sociale[17].

Le , Saad Hariri annonce sa démission et celle de son gouvernement.

Les manifestations, qui mobilisent toutes les minorités contre la classe politique et qui sont largement soutenues par l'opinion publique, permettent de faire baisser les tensions communautaires présentes au Liban[79]. Elles permettent également aux femmes d'être plus présentes dans l'espace public libanais[79].

Le , le Premier ministre Hassan Diab propose des élections législatives anticipées[73].

Le rôle des femmes

Alors que les manifestations contre la corruption de la classe politique se poursuivent depuis le dernier au Liban, des milliers de femmes de tous les âges, de toutes les classes sociales et de toutes les appartenances confessionnelles ont rejoint les rangs de la contestation[80]. C’est pour la première fois que les femmes libanaises descendent dans les rues en si grand nombre pour dire qu’elles aussi sont capables de se rebeller et que ce n’est pas uniquement une affaire d’hommes.

Causes de la révolte féminine

Pour ces femmes, l’injustice est double parce qu’en outre des torts infligés à tout le peuple, les lois libanaises sont particulièrement discriminatoires envers les femmes. Contrairement aux hommes, elles ne peuvent toujours pas transmettre leur nationalité à leurs enfants[81]. Et puisque ce sont les lois religieuses qui s’appliquent pour gérer les affaires matrimoniales, comme les questions d’héritage, de divorce et de mariage, les femmes sont souvent lésées[82],[83]. De plus, dans les deux dernières années, les violences conjugales ont coûté la vie à 37 femmes[81]. Et même quand elles essaient de travailler pour ne pas être économiquement et socialement dépendantes de leurs maris, elles sont victimes d’inégalité dans le travail.

Demandes des mouvements féministes

En parallèle aux protestations qui sévissent dans le pays, les mouvements féministes ont organisé des marches et des veillées pour réclamer une loi laïque unifiée sur le statut personnel qui permettrait aux femmes de bénéficier des mêmes dispositions que les hommes, l’égalité des droits de nationalité, la protection contre la violence et la reconnaissance des femmes en tant que citoyennes égales sur tous les points de vue.

Présence retentissante

Dès le deuxième jour du soulèvement, une vidéo a circulé dans laquelle une femme, Malak Alawiye Herz, donne un coup de pied dans l’entrejambe d’un garde de corps d’un ministre armé d’un fusil automatique[84], une réaction inédite dans un pays où, d'habitude, les femmes n'agissent pas. Ce geste lui a valu d’être surnommée l’icône de la révolution, la « Marianne libanaise »[85].

« C'est la première fois que l'on voit une jeune femme réellement employer la force physique contre un homme », confirme l'autrice franco-libanaise Sheryn Kay (mère célibataire de trois filles). « Elle incarne parfaitement l'état d'esprit des jeunes de ce pays : fini l'ordre établi, l'heure du changement est arrivée »[85].

Les femmes ont aussi joué le rôle de tampon en formant à plusieurs reprises une chaîne humaine pour s’interposer entre les manifestants et les forces de l’ordre. Leur rôle est crucial et permet au soulèvement de rester pacifiste[80].

Sur le terrain, les Libanaises sont en permanence dans l’action : elles organisent des groupes de discussions sous des auvents, des opérations de nettoyage ponctuelles pour ramasser les ordures et les débris des nuits précédentes et un soutien médical pour les blessés ; elles cuisinent et distribuent gratuitement de la nourriture aux manifestants[86].

Après le meurtre d’un des manifestants, Alaa Abou Fakher, le , sa femme qui l’accompagnait aux protestations a appelé toutes les personnes à descendre dans la rue et à revendiquer leurs droits et a déclaré : « Je continuerai à protester parce que c'est ce qu'il aurait voulu »[87].

Bibliographie

  • Jad Hatem, Combattre pour sa servitude comme si c’était pour son salut. Contribution à la révolution libanaise, Beyrouth, Saer al Machrek, 2020.
  • Camille Ammoun, Octobre Liban, Éditions Inculte, 2020.
  • Saïd Chaaya, Liban. La révolte sans révolution, Philadelphie, Masadir, 2021.

Filmographie

Notes et références

  1. « De Paris à Washington, la diaspora libanaise mobilisée », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  2. « Manifestation: Rassemblement en solidarité avec le peuple libanais », RTL 5minutes, (lire en ligne, consulté le ).
  3. « Hariri présente sa démission à Aoun : "C'est la première victoire de la révolte" », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  4. https://oct17movement.com/fr/matters
  5. Dana Khraiche, « Nationwide Protests Erupt in Lebanon as Economic Crisis Deepens », sur www.bloomberg.com (consulté le )
  6. « Lebanese govt to charge $0.20 a day for WhatsApp calls | News , Lebanon News | The Daily Star », sur www.dailystar.com.lb (consulté le )
  7. « Protests erupt in Lebanon over plans to impose new taxes », sur www.aljazeera.com (consulté le )
  8. (en-GB) Deutsche Welle (www.dw.com), « Lebanon: WhatsApp tax sparks mass protests | DW | 18.10.2019 », sur DW.COM (consulté le )
  9. (en) Fadi Tawil | AP, « Protests spread across Lebanon over proposed new taxes »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur Washington Post (consulté le )
  10. « Protests erupt over taxes as govt races to wrap up budget | News , Lebanon News | The Daily Star », sur www.dailystar.com.lb (consulté le )
  11. (en-GB) « Lebanon scraps WhatsApp tax as protests rage », BBC, (lire en ligne, consulté le )
  12. Adlène Meddi, « D'Alger à Beyrouth, les mouvements de protestations se font écho », sur Le Point (consulté le )
  13. « Liban: le gouvernement se penche sur des réformes, la rue reste en colère », sur L'Obs (consulté le )
  14. Doha Chams, « Liban. Ce soulèvement qu’on n’attendait plus contre un édifice vermoulu », Orient 21, (lire en ligne)
  15. « Liban. La colère sociale menace le confessionnalisme », sur L'Humanité, (consulté le )
  16. Livia Perosino, « L'insurrection au Liban : révolution, unité et crise économique », sur Le Vent Se Lève,
  17. Hajar Alem & Nicolas Dot-Pouillard, « Aux racines économiques du soulèvement libanais », sur Le Monde diplomatique,
  18. Saïd Chaaya, Liban. La révolte sans révolution, page 16
  19. Claude El Khal, « Les véritables raisons du soulèvement populaire au Liban », (consulté le )
  20. « Au Liban, la révolte populaire naît aussi de l'écologie », sur Reporterre (consulté le )
  21. (ar) Walid Joumblatt, « انني طلبت من الرفيق اكرم شهيب تسليم الذين اطلقوا النار في الهواء ونحن تحت القانون لكن نطلب تحقيق شفاف ونرفض الاعتداء على ايا كان .pic.twitter.com/LUo2mCghCI », sur @walidjoumblatt, (consulté le )
  22. Tamara Qiblawi CNN, « WhatsApp tax sparks night of austerity protests across Lebanon », sur CNN (consulté le )
  23. « WhatsApp tax the final straw as massive protests erupt - Georgi Azar », sur An-Nahar, (consulté le )
  24. (en) « President Aoun called PM Hariri and agreed to hold a Cabinet meeting tomorrow at Baabda Palace », sur MTV Lebanon (consulté le )
  25. (en) « Education Minister Akram Chehayeb issues statement to close public and private schools and universities tomorrow (Friday) because of the current situation in the country », sur MTV Lebanon (consulté le )
  26. « Des manifestants s'en prennent aux domiciles et bureaux de responsables Amal et Hezbollah à Nabatiyé », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  27. « Some protesters riot in central Beirut, hurl stones at riot police, shatter shops' windows | News , Lebanon News | The Daily Star », sur www.dailystar.com.lb (consulté le )
  28. « Liban : grève générale vendredi de toutes les administrations publiques », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  29. « Liban : le bureau du CPL à Tripoli saccagé », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  30. « Police fire tear gas at rioting protesters near govt seat in central Beirut | News , Lebanon News | THE DAILY STAR », sur www.dailystar.com.lb (consulté le )
  31. « Protestations : de nombreuses routes coupées à travers le Liban », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  32. « Lebanon paralyzed after second day of protests | News , Lebanon News | The Daily Star », sur www.dailystar.com.lb (consulté le )
  33. « Lebanese Forces will not participate in today's Cabinet session: minister | News , Lebanon News | The Daily Star », sur www.dailystar.com.lb (consulté le )
  34. « Geagea appelle Hariri à démissionner », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  35. « Hariri to address the nation at 6 p.m. | News , Lebanon News | The Daily Star STAR », sur www.dailystar.com.lb (consulté le )
  36. « Joumblatt appelle à un "mouvement pacifique contre le mandat" Aoun », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  37. Zeina ANTONIOS, « Pierre Issa à L'OLJ : Si le cabinet démissionne, il faudra former un gouvernement réduit de salut public - Zeina ANTONIOS », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  38. « U.S. Embassy in Beirut urges all sides to refrain from violence and any actions that would threaten public safety | News , Lebanon News | THE DAILY STAR », sur www.dailystar.com.lb (consulté le )
  39. (en) « Hariri: We can no longer wait for our 'partners in the government' to start working on the solution, so either they show in the coming 72 hours that they are serious about reforms or I will take a different approach », sur MTV Lebanon (consulté le )
  40. (en) « Hariri: 'Partners in the government' have 72 hours to give me their answer », sur MTV Lebanon (consulté le )
  41. Saad Hariri, « #٧٢ساعة ... », sur @saadhariri, (consulté le )
  42. Newsdesk Libnanews, « Liban/Flash: 2 morts et 4 blessés à Tripoli suite à une fusillade », sur Libnanews, Le Média Citoyen du Liban, (consulté le )
  43. (en) « Nasrallah: Lebanon is facing two major menaces; the first is the financial and economic collapse and the second is the Lebanese people's rage at the political elite », sur MTV Lebanon (consulté le )
  44. (en) « Nasrallah: There are political leaders and forces in Lebanon that act above everyone else and avoid all responsibilities for the past and the present mistakes and blame others », sur MTV Lebanon (consulté le )
  45. (ar) Yumna Fawaz, « "غنم، خواريف تابعين ورا احزابكن" صرخة من متظاهرة في صور الى نبيه بري بعد الاعتداءات والتنكيل من قبل شباب حركة امل. #لبنان_ينتفض #الزعران_فلتانةpic.twitter.com/FPZoc8DbOS », sur @yumnafawaz, (consulté le )
  46. « Le monde - À Beyrouth le peuple libanais uni dans la rue contre ses dirigeants »
  47. « Le Monde - Au Liban des annonces ambitieuses mais qui ne convainquent pas »
  48. (en) « Protesters unimpressed with Hariri rescue plan », sur Annahar, (consulté le )
  49. (en) « Lebanese President Michel Aoun ready to meet representatives of protesters », sur france24, (consulté le )
  50. « Liban : plusieurs blessés dans des heurts avec l'armée, le Premier ministre réclame une "enquête" », sur france24.com,
  51. Thomas Abgrall, « Au Sud-Liban, le Hezbollah ordonne la fin des manifestations », sur Le Point (consulté le )
  52. « Les Libanais forment une chaîne humaine géante de 170 kilomètres », sur france24.com,
  53. « Liban: barrages renforcés et paralysie prolongée, le pouvoir cherche l'issue », sur Le Point (consulté le )
  54. « A Lille aussi, des manifestations en soutien aux libanais », sur grandlille.tv,
  55. Le Point magazine, « Liban : Saad Hariri annonce la démission de son gouvernement », sur Le Point, (consulté le )
  56. « Liban: levée des barrages après la démission de Hariri, mais rien n'est réglé », sur Le Point (consulté le )
  57. « Les "dégage" des manifestants libanais au président Michel Aoun », sur euronews (consulté le )
  58. « Liban: les manifestants maintiennent la pression en bloquant des routes », sur Le Point (consulté le )
  59. « Au Liban, les étudiants poursuivent la mobilisation dans la rue », sur france24.com, (consulté le )
  60. « Liban : sous la pression de la rue, Mohammad Safadi renonce à devenir premier ministre », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  61. Le Point, magazine, « "Semaine de la colère" au Liban, les manifestants investissent la rue - Le Point », sur Le Point, lepoint.fr, (consulté le ).
  62. Le monde avec l'AFP, « Liban : plus de 400 blessés lors de très violents affrontements entre policiers et manifestants », sur Le monde, lemonde.fr, (consulté le ).
  63. « Au Liban, une deuxième journée de violences pour un week-end de contestation ».
  64. « Une spirale de violence menace d’enflammer le Liban », Le Monde.fr, (lire en ligne)
  65. Le Temps, Emmanuel Macron s'affiche en proconsul du Liban
  66. France TV Info
  67. (en) « Anti-government protests break out in Beirut », sur www.bbc.co.uk,
  68. (en) « Beirut police fire teargas at protesters demanding justice over explosion. »
  69. (en) Shots, tear gas and flames as protests against Beirut explosion grow
  70. Lebanese policeman killed in clashes with demonstrators in Beirut: police
  71. RTL, Plus de 170 blessés, un policier tué
  72. (en-US) Ben Hubbard et Mona El-Naggar, « Clashes Erupt in Beirut at Blast Protest as Lebanon’s Anger Boils Over », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  73. Pierre Zéau et Stanislas Poyet, Le Figaro, article du 8 août 2020
  74. Steve Tenré, « Liban : le premier ministre annonce la démission du gouvernement », sur lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le )
  75. « Au Liban, les jeunes rêvent de dégagisme », sur Le Point (consulté le )
  76. « Liban : Nasrallah réagit aux manifestations et explique son soutien au gouvernement »
  77. « Manifestations au Liban : Nasrallah dénonce l’ingérence politique et étrangère »
  78. « Au cœur de la révolution libanaise, le réveil des gauches », sur L'Orient-Le Jour,
  79. Stéphanie Baz-Hatem, Marc Daou, « Manifestations au Liban : "Il s’agit à la fois d’un cri de souffrance et d’espoir" », sur france24.com, (consulté le )
  80. « Au Liban, les femmes et leurs droits au cœur des manifestations », sur France 24 (consulté le )
  81. « Liban : les femmes font aussi leur révolution contre les discriminations », sur Le Droit, (consulté le )
  82. Zone International- ICI.Radio-Canada.ca, « L'exceptionnelle révolte des Libanais », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  83. Sonia Dayan-Herzbrun, « Révolutions arabes : quel printemps pour les femmes ? », Les Cahiers de l'Orient, , p. 89 à 98 (lire en ligne)
  84. Par Ronan TésorièreLe 24 octobre 2019 à 17h52, « Liban : la jeune fille et le coup de pied, symboles de la contestation populaire », sur leparisien.fr, (consulté le )
  85. « Manifestations au Liban : femmes en première ligne », sur tv5monde.com, (consulté le )
  86. « Liban : que veulent les femmes de la révolution d’octobre ? », sur tv5monde.com, (consulté le )
  87. (en) « Wife of Alaa Abou Fakher says she will continue to protest “because this is what he would want” (Video) », sur LBCI Lebanon (consulté le )
  • Portail du Liban
  • Portail de la politique
  • Portail des années 2010
  • Portail des années 2020
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.