Manuel Cantacuzène
Manuel Cantacuzène (Μανουήλ Καντακουζηνός / Manouēl Kantakouzēnos), (né vers 1326 et mort le à Mistra) est un despote de Morée. Il a régné de la création du despotat, le , jusqu’à sa mort.
Ne doit pas être confondu avec Manuel Cantacuzène (usurpateur).
Manuel Cantacuzène | |
Titre | |
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Despote de Morée | |
– (30 ans, 5 mois et 16 jours) |
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Prédécesseur | Titre créé |
Successeur | Mathieu Cantacuzène |
Biographie | |
Dynastie | Cantacuzène |
Date de naissance | |
Date de décès | |
Lieu de décès | Mistra ( Empire byzantin) |
Nature du décès | Causes naturelles |
Père | Jean VI Cantacuzène |
Mère | Irène de Bulgarie |
Conjoint | Isabelle de Lusignan |
Jeunesse
Manuel Cantacuzène est le deuxième fils de l’empereur Jean VI Cantacuzène et de sa femme Irène de Bulgarie. Il a deux frères, Mathieu et Andronic, ainsi que trois sœurs, Marie, Théodora et Hélène. Sa jeunesse est mal connue. Ce n’est qu’en 1342 que les textes commencent à parler de lui[1].
En 1341, son père lutte déjà pour prendre le pouvoir de l’Empire Byzantin. Il s’est proclamé empereur et une guerre civile éclate. Le pouvoir est instable, car l’empereur Jean V Paléologue n’a que neuf ans quand son père, Andronic III Paléologue, meurt et lui laisse le pouvoir[2]. Jean Cantacuzène, en tant que Grand Domestique, est très près de l’empereur Andronic III. Il était un Paléologue par sa mère, Théodora Paléologue. Il l’a aidé pour de multiples campagnes militaires et pour le pouvoir lorsque son grand-père, Andronic II Paléologue, l’avait déshérité. Jean se considère comme son frère, et il prend naturellement le rôle de protecteur de la famille royale et de régent de l’empire après la mort d'Andronic III. Cela ne fait pas le bonheur de tout le monde. Dès que Jean part dans les provinces pour régler certaines choses, le patriarche de l’époque et quelques-uns des opposants de Jean Cantacuzène, dont Alexis Apokaukos, fomentent un complot contre lui. Le patriarche se déclare régent et la famille de Jean est contrainte de fuir Constantinople. Son fils Andronic et sa mère Théodora sont faits prisonniers et sont retenus à Constantinople[3].
Jean prend Stefan Uroš IV Dušan comme allié. En échange de ses services, il laisse Manuel en otage à la cour de Serbie[4]. Cela ne dure pas très longtemps. En , Jean Cantacuzène, avec l’aide de son nouvel allié, réussi à entrer à Béroia. Il nomme Manuel gouverneur de la ville[1].
En , Manuel aide à un coup d’état à Thessalonique en envoyant une armée en renfort. Sa situation reste inchangée jusqu’en 1347, jusqu'au jour où le roi de Serbie décide de s’emparer de Béroia. Manuel fuit la ville et se rend chez son oncle en Thessalie[5].
Despote
En , alors que son père est devenu empereur à Constantinople, Manuel le rejoint. Il reçoit le titre de despote. Lors de l’absence de son père et de son frère Mathieu en 1348, c’est lui qui est à la tête de la capitale. Il aide à la défense de la ville, en 1348-1349, contre les Génois établis dans la colonie de Galata[5].
Après avoir vu les excellentes compétences bureaucratiques de son fils lors de son gouvernorat à Béroia et durant la guerre contre les Génois, il se rend compte du talent de son fils[6]. C’est pourquoi après la guerre contre les Génois, son père l’envoie au Péloponnèse pour établir une nouvelle administration. Il arrive le et devient le premier despote de Morée et le restera jusqu’à sa mort en 1380. Il parvient à rétablir l’ordre dans le despotat, en faisant la paix avec les latins et en calmant les grecs. Les premières années de son règne sont calmes[5].
L’empire Byzantin est très morcelé à cette époque. Plusieurs régions ne touchent pas directement la capitale et cela fait sorte que c’est beaucoup plus difficile de les administrer efficacement. C’est pourquoi des despotats ont été créés. Le despotat de Morée est l’un d’entre eux. Beaucoup de latins, en général des francs, se sont installés dans différentes régions de la Grèce et ont établi des principautés. Cela a fait monter les tensions entre les latins et les grecs, déjà présents depuis beaucoup de générations à cet endroit. Cela conduit à des rébellions comme celles qu’a maté Manuel Cantacuzène en 1349. Le despote fait office de gouverneur de la région, et représente l’empereur[7].
Retour de Jean V Paléologue
En 1354, Jean V, alors en âge de régner, revient de force à Constantinople. Jean VI accepte, contre toute attente, son retour, et de co-régner. Les deux empereurs arrivent à un consensus. À la fin de l’année 1354, l’empereur Jean VI Cantacuzène abdique de son plein gré. Jean V Paléologue est sur le trône comme seul empereur. Des envoyés de Jean V ont amené les Grecs à se rebeller contre Manuel Cantacuzène, pour le remplacer à la tête du despotat. Manuel a su faire respecter son autorité et ramener la paix. Jean V a donc été obligé de le laisser à la tête du despotat de Morée[8].
Entre 1355 et 1357, Mathieu Cantacuzène est co-empereur avec Jean V. La rivalité entre les deux est telle qu’il est forcé d'abandonner ses pouvoirs impériaux[9].
Arrivée de sa famille en Grèce
Ce n’est qu’en 1361 que Jean Cantacuzène, alors devenu moine, et le reste de sa famille ont rejoint Manuel à Mistra. Peu avant leur arrivée, des rumeurs ont rapporté que Jean Cantacuzène voulait remplacer Manuel par son frère aîné, Mathieu. Ces rumeurs ont vite été discréditées. Les deux frères ont tout de même travaillé ensemble à la tête du despotat, mais Manuel a gardé le premier rôle. Jean Cantacuzène ne reste pas longtemps, mais Mathieu s'établit de façon permanente à Mistra[10].
Manuel Cantacuzène a toujours eu de bonnes relations avec les dirigeants latins du Péloponnèse. Devant la menace des Ottomans, ils ont conclu une alliance militaire. Entre 1362 et 1363, Manuel a combiné ses forces à Gautier de Lor, souverain d’Achaïe, les Vénitiens et les Hospitaliers pour une offensive contre les Turcs. Près de Mégare, ils ont remporté une importante bataille navale qui a mis en fuite les Turcs[11].
Les Ottomans n’attaqueront pas de nouveau durant le règne de Manuel. Cependant, ils vont envahir quelques années plus tard la Grèce Byzantine, jusqu’à conquérir une grande partie de la péninsule balkanique. Moins d’un siècle plus tard, en 1453, ils mettent une fin définitive à l’Empire Byzantin en envahissant Constantinople. Les victoires de la coalition grecque menée par Manuel Cantacuzène ne font que retarder la domination turque sur le Péloponnèse[12].
Quand le prince d’Achaïe, Robert de Tarente, est mort sans héritier en 1364, Manuel est intervenu dans la dispute concernant la succession de cette principauté. La veuve de Robert de Tarente, Marie de Bourbon, voulait installer sur le trône Hugues de Lusignan, son fils issu de son premier mariage. Le frère de Robert de Tarente, Philippe II de Tarente se voyait comme héritier légitime du trône de la principauté. Manuel s’est rangé du côté de Hugues de Lusignan et Marie de Bourbon. Hugues et Manuel ont détruit des villes latines du Péloponnèse pendant deux ans, jusqu’à ce qu’une trêve soit signée et qu’il ait une récompense élevée pour ses services rendus. La querelle de succession s’est poursuivie jusqu’en , quand un traité fût signé entre les deux partis. Manuel a continué, pendant ce temps, à aider Hugues de Tarente. Le conflit s’est terminé quand Hugues a été payé pour abandonner ses prétentions sur la principauté, la laissant à Philippe de Tarente[13].
Dernières années de règne
La confiance qui régnait entre les seigneurs latins et Manuel Cantacuzène s’est brisée quelques années après la querelle dynastique en Achaïe. Entre 1374 et 1376, un seigneur latin a décidé de prendre les armes et d’attaquer une ville grecque du nom de Gardiki. Les seigneurs de cette ville ont demandé de l’aide à Manuel. Il a réuni une petite armée et est parti en guerre. La bataille a été une catastrophe pour l’armée grecque, mais les latins ont renoncé à envahir la ville[14].
Manuel a aussi été impliqué, avec son père, dans les négociations avec le pape Grégoire XI en 1374, lors des discussions pour la réunification des Églises catholiques et orthodoxes. L’empire Byzantin était déjà très faible à cette époque. Il savait que seul, il ne serait pas capable de résister aux envahisseurs turcs. Constantinople a donc entrepris des négociations avec Rome pour unifier les deux églises et avoir la protection des catholiques. Cela était une solution envisagée à contrecœur. Les négociations ont finalement été un échec et Constantinople a dû faire face seule aux Turcs[15].
Manuel est mort le à Mistra. N'ayant pas eu d’enfant, c’est son frère, Mathieu, qui devient despote. Il n’aura qu’un court règne de trois ans[16].
Durant son règne, Manuel a fondé deux institutions religieuses à Mistra. Le monastère de Zoodotos Christos en 1365 et l’église de Sainte-Sophie de Mistra[16].
Le despotat de Morée ne reste pas très longtemps sous les Cantacuzène. Mathieu ne fait qu’un court règne de trois ans avant de se retirer dans un monastère pour y finir sa vie. Son fils Démétrios Cantacuzène lui succède pour un très court moment avant de mourir subitement, en 1383 ou 1384 lors d’une révolte qui l’oppose aux Paléologues. Ceux-ci prennent définitivement le pouvoir en Morée par la suite[12].
Mariage
Manuel Cantacuzène n’a eu qu’une seule femme, Isabelle de Lusignan. Ils ont été fiancés pour la première fois vers 1341. Quand l’empereur Andronic III est mort et que la guerre civile a commencé à Constantinople, le père d’Isabelle, Guy de Lusignan s’est positionné dans le camp adverse de celui de Jean Cantacuzène. Les fiançailles ont été rompues. Lors de son passage en Serbie, Manuel a été promis à une des filles du roi du royaume. Quand Manuel a quitté la Serbie, son père a fait annuler les fiançailles, prétextant qu’elles n’avaient rien d’officielles, que ce n’étaient que des paroles. Quand son père est devenu empereur en 1347, Manuel a pu marier Isabelle de Lusignan, alors âgée d’environ 14 ans, alors qu’il en avait 21[10].
Isabelle de Lusignan est née vers 1333. Elle est la fille de Guy de Lusignan, roi d’Arménie sous le nom de Constantin IV entre 1341 et 1343 et de Marie de Bourbon, sa troisième épouse[N 1]. Après son mariage avec Manuel, elle aurait pris le nom de Marie, parfois latinisé Marguerite, pour s’intégrer à la société grecque. Elle a passé une bonne partie de sa vie à la cour de Mistra en compagnie de son mari, Manuel Cantacuzène. Les bonnes relations entre la Morée et l’Achaïe seraient dues à son influence. Après la mort de Manuel en 1380, elle part finir sa vie à Chypre. Elle meurt entre 1382 et 1387[4].
Origines et famille
La famille Cantacuzène remonte au XIIe siècle. La plupart des membres sont influents et près du pouvoir. Ce sont des propriétaires terriens. Ils sont établis en dans les provinces européennes de l’empire Byzantin. Le plus célèbre personnage de la lignée est Jean Cantacuzène, le père de Manuel, qui est devenu empereur à Constantinople durant quelques années, alors qu’une guerre civile avait fragilisé le pouvoir[17].
Outre son frère Mathieu, qui a eu une grande carrière militaire avec son père, et qui est devenu despote après la mort de Manuel, Jean Cantacuzène a eu un autre fils, Andronic, et trois filles, Marie, Théodora et Hélène. Andronic est mort de la peste vers l’âge de 13 ans, avant d’avoir pu faire quoi que ce soit de notable. Marie a été mariée à Nicéphore II d’Épire. Après la mort de son mari sur un champ de bataille, elle a fini sa vie dans un couvent à Constantinople. Théodora a marié un émir turc du nom d’Orhan. Après la mort de son mari, elle est retournée à Constantinople pour vivre aux côtés de sa sœur, l’impératrice Hélène. Cette dernière est la femme de Jean V Paléologue. À la suite de la mort de son mari, elle est allée finir sa vie dans un couvent. Elle est la seule des trois filles qui a eu des enfants dont l’existence est prouvée. Parmi ceux-ci figurent les empereurs Andronic IV, Manuel II et Théodore Ier. Aucun d’eux n’a pris le nom de Cantacuzène[18].
Notes et références
Notes
- D. M. Nicol la présente comme la fille de la deuxième épouse de Guy de Lusignan, une fille de Syrgiannès Paléologue. D. A. Zakythinos, confondant deux Guy de Lusignan, affirme à tort qu’elle est la fille de Marie de Bourbon (J. Gouillard, compte-rendu de Mélanges Émile Boisacqin Échos d'Orient, tome 37, n°191-192, 1938. pp. 490-491 , citant Stéphane Binon : Guy d'Arménie et Guy de Chypre. Isabelle de Lusignan à la cour de Mistra. ).
Références
- Nicol 1968, p. 122
- Nicol 1968, p. 48-52
- Nicol 1968, p. 35-48
- Zakythinos 1936
- Nicol 1968, p. 123
- Nicol 2005, p. 254-255
- Zakythinos 1968
- Nicol 1968, p. 123-124
- Nicol 1968, p. 87
- Nicol 1968, p. 124
- Nicol 1968, p. 125
- Zakythinos 1975
- Nicol 1968, p. 126
- Nicol 1968, p. 126-127
- Nicol 2005
- Nicol 1968, p. 127
- Nicol 1968, p. I-XII
- Nicol 1968, p. 129-138
Bibliographie
- Donald M. Nicol, Les derniers siècles de Byzance : 1261-1453,
- (en) Donald M. Nicol, The Byzantine Family of Kantakouzenos (Cantacuzenus) Ca. 1100-1460 : A Genealogical and Prosopographical Study, Dumbarton Oaks Center for Byzantine Studies, trustees for Harvard University, , 340 p.
- Dionysos A. Zakythinos, Le despotat grec de Morée, Variorum,
- Dionysos A. Zakythinos, « Une princesse française à la cour de Mistra au XIVe siècle. Isabelle de Lusignan Cantacuzène. », Revue des Études Grecques, vol. 49, no 229, , p. 62-76.
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