Martin XB-51

Le Martin XB-51 est un prototype de bombardier léger triréacteur américain conçu par la Glenn L. Martin Company ; il est initialement désigné XA-45, dans la nomenclature des avions d'attaque au sol, jusqu'à l'abandon de cette dernière en 1947. Le projet est développé à partir de 1945, à la suite d'un appel d'offres émis par les United States Army Air Forces sous la spécification V-8237-1. En , deux prototypes sont commandés, et le premier réalise son premier vol en . Le XB-51 est alors en concurrence avec l'English Electric Canberra britannique qui gagne finalement le concours et la Glenn L. Martin Company s'en voit confier la production sous licence, sous la désignation B-57 Canberra ; le projet XB-51 est alors abandonné.

Martin XB-51

Le XB-51 à l'atterrissage.

Constructeur Glenn L. Martin Company
Rôle Bombardier
Statut Abandon du programme en 1952
Premier vol
Date de retrait
Investissement 12,6 millions de dollars dans les années 1950
(soit environ 128 millions de dollars de 2018)
Nombre construits 2 prototypes

Les deux prototypes du XB-51 commandés en 1946 sont construits et continuent à être utilisés comme avions d'essais après l'annulation du programme. Ils sont propulsés par trois turboréacteurs General Electric J47 : un sur chaque côté du fuselage, à l'avant, et le troisième à l'arrière, placé sur le dessus du fuselage. Ils ont une voilure en flèche et un empennage en T ; le XB-51 se montre très maniable et plus rapide que le Canberra. Le second exemplaire s'écrase en à la suite d'une perte de contrôle ; le premier appareil continue à voler. Il est finalement réquisitionné pour tourner dans un film mais est accidenté au décollage en , alors qu'il rejoint le lieu de tournage.

Conception et développement

Photo en couleur du premier XB-51 en vol.

En 1945, les United States Army Air Forces émettent une spécification pour un bombardier léger ; un appel d'offres est lancé en , pour lequel la Glenn L. Martin Company entre en compétition avec d'autres avionneurs[1],[2]. Le projet de Martin porte sur un avion à propulsion mixte : deux turbopropulseurs et deux turboréacteurs ; il doit être conduit par un équipage de six membres, avoir une vitesse de croisière de 810 km/h et un rayon d'action de 1 300 km ; le projet reçoit la désignation XA-45 comme avion d'attaque[1],[2],[3]. Au , la spécification des USAAF est modifiée : les performances sont revues à la hausse, l'avion doit pouvoir effectuer sa mission quel que soit le temps et doit être un véritable bombardier ; en raison de ces changements, le projet devient le bombardier XB-51, connu chez l'avionneur comme Model 234[1],[2],[3]. Martin révise son programme et, le , deux prototypes sont commandés pour un montant de 9,5 millions de dollars[3],[4] ( 125 millions actuels).

À la demande des Army Air Forces, la spécification est une nouvelle fois modifiée en 1947[5]. L'avionneur y répond par un triréacteur à voilure en flèche de 35°, avec un équipage de seulement deux personnes[3],[5] ; l'empennage est en T et sur la voilure, le contrôle en roulis doit se faire uniquement au moyen de spoilers au lieu d'ailerons[2],[6]. La motorisation consiste en trois turboréacteurs à simple flux General Electric J47 : deux sont placés dans des nacelles à l'avant, sur la partie inférieure du fuselage ; le troisième se trouve dans la partie arrière du fuselage avec l'entrée d'air à la base de l'empennage[2],[5]. Il est prévu que l'avion puisse emporter 1 800 kg de bombes et aille à un peu plus de 800 km/h en croisière[3],[5]. Son armement défensif consiste en huit canons de 20 mm tirant vers l'avant, avec chacun 160 coups[3],[5],[7].

La construction des deux prototypes, serial 46-685 et 46-686, a lieu dans l'usine Martin de Middle River (en) dans le Maryland ; l'assemblage du premier avion est terminé le [3]. Le , le premier prototype effectue son premier vol, d'une durée de 34 minutes, au terme duquel il se pose au Patuxent Naval Air Test Center[8],[9],[10]. Trois jours plus tard, le , la lettre-commande du est remplacée par le contrat définitif W33-038-AC-14806 ; en plus des deux prototypes, l'avionneur doit fournir des maquettes, la documentation technique ainsi qu'un stock de pièces détachées[11],[12].

Descriptif technique

Vol en formation des deux XB-51 ; la flèche de la voilure est évidente et les deux turboréacteurs avant sont visibles sur cette photo.

Avec une capacité maximale de 1 800 kg de bombes, le XB-51 est un bombardier léger et son fuselage, de 25,6 mètres de long est de forme effilée[6],[13]. L'avion a une voilure très fine avec une flèche de 35° et un dièdre négatif de 6° pour une envergure de 16,2 m[2],[6] ; afin d'améliorer les performances au décollage, l'incidence est variable[2],[6],[13],[14] ; l'empennage, en T, est également en flèche[6]. Pour le contrôle en roulis, les ailerons sont remplacés par des destructeurs de portance, ou spoilers[2],[15],[16],[17] ; les dispositifs hypersustentateurs sont des becs de bord d'attaque et des volets de courbure, ces derniers s'étendant sur la quasi-totalité du bord de fuite[7],[17]. Le XB-51 est propulsé par trois turboréacteurs à simple flux General Electric J47[2],[13] ; contrairement à ce qui se pratique alors sur les bombardiers à réactions tels que le North American B-45 ou le Boeing B-47, les réacteurs ne sont pas placés sous les ailes ; deux d'entre eux sont placés le long du fuselage, à l'avant, tandis que le dernier se trouve dans le fuselage, tout à l'arrière, avec l'entrée d'air à la base de la dérive[2],[13]. Cette disposition des réacteurs permet de garder une aile « pure ».

À l'avant du fuselage, le pilote est placé sous une verrière en bulle et l'opérateur bombardier est situé derrière, dans le fuselage, plus bas[7]. La soute à bombes, située au milieu du fuselage, est innovante pour l'époque ; c'est une trappe qui tourne sur elle-même, sur laquelle les bombes sont accrochées[2],[18]. Le train d'atterrissage est monotrace, à la manière de ceux des B-47 et XB-48 : le train principal consiste en deux diabolos, l'un en avant de la soute à bombe et l'autre en arrière, qui se replient tous les deux dans le fuselage[17]. Deux balancines, placées aux extrémités des ailes, viennent assurer l'équilibre latéral et se replient dans les ailes. Ce type de train d'atterrissage a été testé auparavant sur un B-26 Marauder modifié, devenu XB-26H[17],[19],[20].

Carrière

Un XB-51 en phase d'atterrissage.

Après le vol inaugural du premier prototype (serial 46-685), le programme d'essais en vol se déroule sur la base de Wright-Patterson, dans l'Ohio[10]. Le deuxième appareil (serial 46-685) effectue son premier vol le et rejoint à son tour le programme d'essais[2],[10],[11]. En , après le déclenchement de la guerre de Corée, l'USAF cherche un avion d'interdiction nocturne pour des missions à basse altitude, destiné à remplacer les A-26 Invader à hélices datant de la Seconde Guerre mondiale[2],[21],[22]. Pour répondre à la demande, cinq avions sont étudiés : le XB-51, le B-45 Tornado de North American, le AJ-1 Savage du même constructeur, ainsi que deux avions étrangers, l'Avro Canada CF-100 Canuck et l'English Electric Canberra[2],[21],[23]. Seuls le XB-51 et le Canberra britannique répondent aux exigences ; ils ont les performances nécessaires, peuvent emporter la charge de bombes requise et sont suffisamment maniables[21].

Bien que le XB-51 puisse voler plus vite, c'est le Canberra qui est finalement choisi, début 1951[24],[25]. En effet, par rapport au Canberra, le XB-51 a un facteur de charge limite de 3,67 g, assez faible, ce qui limite ses capacités lors de missions tactiques ; il ne peut rester qu'une heure au-dessus de sa cible distante de 650 km alors que le Canberra peut tenir 2 h 30 min au-dessus d'une cible située à 1 440 km ; de plus, le Canberra est plus adapté pour décoller et atterrir sur des pistes sommaires[2],[24]. Le , l'avion britannique est commandé à 250 exemplaires sous la désignation B-57A et la Glenn L. Martin Company s'en voit confier la production sous licence[2],[26].

Le programme du XB-51 est annulé en  ; néanmoins, les deux appareils continuent de voler[27]. Au cours de la campagne de vols d'essais, le premier appareil accumule 211 heures de vol en 233 vols avec Martin et autant d'heures de vol en un peu plus de 200 vols par l'USAF ; le second prototype, arrivé plus tardivement n'effectue avec l'avionneur que 168 vols pour une durée totale de 125 heures et avec l'USAF seulement 25 vols pour une durée totale de 26 heures[2],[11]. Cet appareil s'écrase le , alors qu'il est piloté par le Major Neil Lathrop qui effectue des acrobaties à basse altitude ; le pilote est tué dans l'accident[11],[24],[28]. Le premier exemplaire continue d'effectuer des vols d'essais jusqu'à fin 1955 et sert notamment à tester la soute pivotante et le radar SHORAN (en) qui doivent équiper le B-57B[24]. L'appareil est ultérieurement loué par la société de production cinématographique Warner Brothers et renommé « Gilbert XF-120 » pour tourner dans le film Je reviens de l'enfer (Toward the Unkown), qui sort en [2],[10],[24]. Le , alors qu'il doit se rendre en Californie pour le tournage de scènes supplémentaires, le XF-120 s'écrase au décollage à Biggs Field (en), au Texas ; les pilotes James Rudolph et Wilbur Savage meurent dans l'accident[2],[16],[24],[29].

Au total, les coûts du programme s'élèvent à 12,6 millions de dollars[2],[27] (entre 124 et 165 millions actuels).

Caractéristiques

Le premier prototype en vol ; la nacelle du réacteur gauche est visible et l'on peut distinguer l'entrée d'air du réacteur arrière, située sur le dessus du fuselage.

Données de Joe Baugher[2], Marcelle Size Knaack[30], Lou Ravi[6] et Standard Aircraft Characteristics[31].

Caractéristiques générales

Performances

  • Canons :canons défensifs de 20 mm (1 280 coups)
  • Roquettes :roquettes High Velocity Aerial Rockets (HVAR) ou
  • Bombes :
    • Jusqu'à 900 kg de bombes en soute ;
    • Jusqu'à 4 700 kg de bombes au total avec les points d'emport externes.

Notes et références

  1. Marcelle Size Knaack 1988, p. 546.
  2. (en) Joe Baugher, « Martin XB-51 », sur joebaugher.com, (consulté le ).
  3. Erik Simonsen 2016, p. 42.
  4. Marcelle Size Knaack 1988, p. 546-547.
  5. Marcelle Size Knaack 1988, p. 547.
  6. Lou Ravi 2007, p. 21.
  7. Lou Ravi 2007, p. 22.
  8. Marcelle Size Knaack 1988, p. 547 et 549.
  9. (en) « Here and there » Ici et là »], Flight International, Maurice A. Smith, D.F.C., vol. 56, no 2133, , p. 608 (ISSN 0015-3710, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  10. Erik Simonsen 2016, p. 44.
  11. Marcelle Size Knaack 1988, p. 549.
  12. Lou Ravi 2007, p. 23.
  13. Stanley H. Evans 1949, p. 642.
  14. Erik Simonsen 2016, p. 43-44.
  15. Lou Ravi 2007, p. 21-22.
  16. Erik Simonsen 2016, p. 43.
  17. Stanley H. Evans 1949, p. 643.
  18. Lou Ravi 2007, p. 22 et 24.
  19. Lou Ravi 2007, p. 23-24.
  20. (en) Joe Baugher, « Martin XB-26H Marauder », sur joebaugher.com, (consulté le ).
  21. Lou Ravi 2007, p. 24.
  22. Marcelle Size Knaack 1988, p. 299.
  23. Marcelle Size Knaack 1988, p. 299-300.
  24. Lou Ravi 2007, p. 25.
  25. Marcelle Size Knaack 1988, p. 301.
  26. Marcelle Size Knaack 1988, p. 302.
  27. Marcelle Size Knaack 1988, p. 550.
  28. (en) Joe Baugher, « 1946-1948 USAAF-USAF Serial Numbers », sur joebaugher.com, (consulté le ).
  29. Marcelle Size Knaack 1988, p. 551.
  30. Marcelle Size Knaack 1988, p. 552.
  31. (en) « Standard Aircraft Characteristics : XB-51 » [PDF], sur alternatewars.com, (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

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  • (en) Stanley H. Evans, « American Notebook : Triple-Jet Aspirant » Carnet américain : aspirant triréacteur »], Flight International, vol. 56, no 2134, , p. 642-644 (ISSN 0015-3710, lire en ligne [PDF], consulté le ). 
  • Lou Ravi (trad. René J. Francillon), « "Gilbert" XF-120 et Martin XB-51 : Un acteur sans avenir », Le Fana de l'Aviation, Clichy, Éditions Larivière, no 449, , p. 18-25 (ISSN 0757-4169). 
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  • (en) Marcelle Size Knaack (préf. Richard H. Kohn), Encyclopedia of U. S. Air Force Aircraft and Missile Systems Encyclopédie des systèmes d'avion et missiles de l'U. S. Air Force »], vol. II : Post-World War II Bombers 1945-1973, Washington, Office of Air Force History, , 635 p. (ISBN 0-912799-59-5, 0-16-002260-6 et 147814016X, présentation en ligne, lire en ligne [PDF]). 
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  • (en) Erik Simonsen, Complete History of U.S. Combat Aircraft : Winners, Losers, and What Might Have Been Histoire complète des aéronefs de combat des États-Unis : gagnants, perdants et ceux qui auraient pu exister »], Forest Lake (Minnesota), Specialty Press, , 228 p. (ISBN 978-1-58007-227-4, présentation en ligne, lire en ligne). 

Articles connexes

Liens externes

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