Massacre d'Ekité

Le massacre d'Ekité est une expédition punitive menée par l'armée coloniale qui s'est transformée en tuerie et qui s'est déroulée le à Ekité, en face d'Edéa au Cameroun.

Massacre d'Ekité
Date
Lieu Ekite, Cameroun
Victimes Civils et nationalistes upécistes
Morts entre 20 (sources militaires) et 200 (sources civiles)
Blessés Non dénombrés
Disparus Inconnus
Auteurs Forces coloniales françaises, camerounais anti-upc
Motif Pacification du maquis dans la Sanaga-Maritime
Guerre Guerre du Cameroun
Coordonnées 3° 48′ 23,4″ nord, 10° 05′ 28,3″ est
Géolocalisation sur la carte : Cameroun

Contexte

Les maquisards, nom donné aux nationalistes upécistes actifs dans les forêts, viennent d’attaquer un rassemblement catholique à Ekité. Un garde a eu la gorge tranchée.

Ekité, comme plusieurs villages de la Sanaga Maritime, est une ville réputée hostile à l'administration et acquise au front des nationalistes upécistes. C'est un fief pour les partisans de l'UPC, la zone d'action de Ruben Um Nyobè. La ville est un abri pour les maquisards.

Le massacre a lieu durant la campagne de pacification menée par les troupes coloniales françaises dans la Sanaga-Maritime[1].

Les forces régulières ont une réaction vive et tirent facilement faisant des dizaines de morts[2].  

Déroulement

La nuit du 30 au 31 décembre 1956, les troupes de l'armée coloniale française entrent à Ekité, où elles massacrent plusieurs dizaines, peut-être une ou deux centaines(s), de ses habitants.

Les troupes coloniales étaient à la recherche de combattants indépendantistes, membres de l'Union des populations du Cameroun (UPC)[3]. Qualifiés de « rebelles », de « fous » en « état de surexcitation extraordinaire », sous l'emprise magique de la sorcellerie ou du vin de palme.

Gabriel Haulin[4], capitaine et commandant de la Garde camerounaise qui dirigeait l'attaque, a dénombré des dizaines de morts dont au moins cinquante-six cadavres retrouvés.

Pierre Messmer dira : « les pelotons de la garde ont rencontré, dans la forêt entourant ce village, un groupe rebelle important (trois cents ou quatre cents personnes), formé d'upécistes convaincus, venus pour un bon nombre de Douala, et auxquels avaient été administrée une drogue (vraisemblablement du haschich, d'après les constatations médicales faites sur les blessés) »[5].

Un champ des martyrs[1] est identifié par des riverains, il est le lieu d'une commémoration des cinquante ans en 2016 par des upécistes[6].

Nombre de victimes

Des nationalistes parlent de deux cents morts[6],[7]. Gabriel Haulin dénombre cinquante-six cadavres, et « d'autres cadavres de rebelles tués en forêt, non retrouvés, ne sont pas comptés »[8].

Témoins

Gabriel Haulin est commandant de la troupe qui dirige l'attaque[8]. L'administrateur colonial Philippe Antoine  devenu « père blanc » peu après ses six années au Cameroun et ses quatre ans passés au cabinet de Michel Debré à Matignon  était sur place, et a accompagné/mené la troupe de « gardes très excités »[8]. Les troupes ne font pas de distinction et vont « tirer dans le tas, tirer dans les fourrés où se cachaient les maquisards. Pendant quinze minutes, jusqu'à ce que je demande à l'officier d'arrêter le feu »[9]. Il ajoute : « C'est allé très vite, on a fait quelques prisonniers et le chef de région a fait enterrer les morts dans la foulée »[10].

Odile Mbouma était assise au pied d'un arbre quand elle a soudain entendu des coups de feu[11] des troupes à la recherche des nationaliste Upécistes.

Des rescapés, enfants de rescapés tel Benoît Bassemel[12], témoins, populations locales - tels Odile Mbouma[13], M. Kell[14] - et proches de survivants évoquent cet épisode avec « la chair de poule »[15],[16].

Fosses communes

Il se trouve plusieurs, au moins trois[14], fosses communes dans lesquelles les nationalistes ont été enterrés[17]. Elles ont été découvertes récemment et se trouve a quelques dizaines de mètres les uned des autres.

Presse et mémoire

La presse locale au moment des faits semble muette. Le massacre fait partie d'une guerre passée sous silence selon la presse 60 ans plus tard[12].

Les rapports militaires sont inaccessibles et il n'existent pas du coté de l'administration. Il n'y a aucun service officiel pour la mémoire. Quelques personnes y déposent - sur initiative personnelle ou en groupe - des gerbes pour le souvenir[14].

Notes et références

  1. cameroun24 net-Master Communication, « L’UPC se souvient des patriotes martyrs », sur cameroun24.net (consulté le )
  2. STEVE HERVE SIMO MOUBI, CAMEROUN : LE COMBAT POUR L’INDEPENDANCE SOUS L’EMPRISE D’UNE FRANCE COLONIALE (lire en ligne), p. 71 & 72
  3. (en) « Survivors tell of France's 'dirty war' in Cameroon independence », sur France 24, (consulté le )
  4. Jean-Pierre Bat et Nicolas Courtin, Maintenir l’ordre colonial: Afrique et Madagascar. XIXe-XXe siècles, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-6903-4, lire en ligne)
  5. Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, Kamerun ! : Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971, La Découverte, (ISBN 978-2-348-04176-1, lire en ligne)
  6. « UPC Archives », sur KalaraNet Magazine (consulté le )
  7. Émilie Doré, « Les classes moyennes vues à travers leur lieu de résidence : le cas de La Molina, dans la périphérie de Lima », dans Ségrégation et fragmentation dans les métropoles, Presses universitaires du Septentrion, (ISBN 978-2-7574-0582-6, lire en ligne), p. 137–154
  8. Thomas DELTOMBE, Manuel DOMERGUE et Jacob TATSITSA, Kamerun !: Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971, La Découverte, (ISBN 978-2-348-04238-6, lire en ligne)
  9. Manuel DOMERGUE, Jacob TATSITSA et Thomas DELTOMBE, La guerre du Cameroun, La Découverte, (ISBN 978-2-7071-9372-8, lire en ligne)
  10. Thomas DELTOMBE, Manuel DOMERGUE et Jacob TATSITSA, Kamerun !: Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971, La Découverte, (ISBN 978-2-348-04238-6, lire en ligne)
  11. (en) « Survivors tell of France's 'dirty war' in Cameroon independence », sur The Citizen (consulté le )
  12. Le Point magazine, « Indépendance du Cameroun: sur les traces de la », sur Le Point, (consulté le )
  13. La Majalla, « Cameroun : L’indépendance, une mémoire encore présente… », sur Majalla - Leader du Magazine Arabe - Majalla Magazine, (consulté le )
  14. « Indépendance du Cameroun: sur les traces de la "sale guerre" de l'armée française », sur L'Obs (consulté le )
  15. (en-US) « Survivors report France’s “dirty war” in Cameroon’s independence www.archyde.com Archyde », sur Archyde, (consulté le )
  16. « Au Cameroun, sur les traces d’une guerre d’indépendance longtemps tabou », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  17. La Libre.be, « Indépendance du Cameroun: sur les traces de la "sale guerre" de l'armée française », sur www.lalibre.be (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Compte rendu d'une opération ayant été effectuée le 31.12.1956 près d'Edéa (SHAT (Service Historique de l'Armée de Terre), 6H239);
  • CR concernant les enseignements à tirer des récents incidents qui se sont déroulés en Sanaga-Maritime , 1" février 1957, p. 3 (SHAT, 6H239);
  • Coup de cœur pour l'Afrique, 1956-1957, Éditions du Pressoir de Montalègre, Cologny, 1992, p. 184;
  • JMO [journal de marche et des opérations] de l'état-major du colonel commandant militaire du Cameroun , 2e semestre 1956, p. 11 (SHAT, 6H110). et Enseignement tirés des opérations de l'ordre en Sanaga- Maritime en décembre 1956 et janvier 1957 , p. 5;
  • Trop de sang a coulé, L'Effort camerounais;
  • Comment le massacre des Kamerunais a été préparé et consommé par le gouvernement français , 3 janvier 1957 (ref. Achille Mbembe, Écrits sous maquis, p. 186);
  • Le Sillage militaire de la France au Cameroun, 1914-1964, p. 198, 199).CAOM, carton 3336, Eugène-Jean DUVAL.

Articles connexes

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