Famille matrilinéaire
La famille matrilinéaire est un système de filiation dans lequel chacun relève du lignage de sa mère. Cela signifie que la transmission, par héritage, du prestige et des biens matériels, des noms de famille et titres se succède suivant le lignage féminin. Dans la filiation matrilinéaire, la transmission masculine passe de l'oncle (le frère de la mère) au neveu (le fils de sa sœur).
La transmission de l'héritage (notoriété, position sociale, biens et services) s'est d'abord effectuée de mère à fille.
Les relations sociales régnant dans les sociétés matrilinéaires peuvent trouver une caractérisation dans le fait même de la position de la femme : étant l’intermédiaire régénérateur de la vie des ancêtres et de la mémoire sociale, elle trouve un respect qu'elle a socialement et affectivement perdu plus tard dans le patriarcat. De plus, la vertu régénératrice du coït étant totalement ignorée, il y règne une très grande permissivité sexuelle avant le mariage (voir les travaux de Bronisław Malinowski, et notamment La Paternité dans la psychologie primitive).
Des femmes continuent de transmettre leur nom, leurs biens et leurs savoirs à leurs filles, héritières d'une lignée exclusivement féminine. « La naissance de filles est donc nécessaire puisque ce sont elles qui transmettent la filiation », explique Françoise Héritier, anthropologue française féministe, experte des systèmes de parenté et qui a succédé à Claude Lévi-Strauss au Laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France. Les fils, eux, appartiennent par leur naissance au groupe de leur mère, mais ils ne transmettent pas cette filiation à leurs enfants »[1].
Toutefois, Françoise Héritier ajoute : « Ce qui ne veut pas dire que les sociétés matrilinéaires soient des sociétés où le pouvoir appartient aux femmes. Les femmes ont des frères, qui exercent leur autorité sur leurs sœurs et sur leurs neveux »[2].
Les Minangkabau
Les Minangkabau de la province indonésienne de Sumatra occidental, au nombre de quelque 8 millions de personnes, sont la plus grande société matrilinéaire dans le monde.
Les Djukas (ou Njukas)
Cette population sud-américaine, essentiellement répartie au Surinam et dans le nord-ouest de la Guyane (dans le bassin du Maroni), descendant d'esclaves enfuis des plantations du Surinam et qui se sont réfugiés dans la jungle amazonienne, est la seule population matrilinéaire de France (Guyane).
Les Barbares
Les invasions barbares qui suivent la chute de l'Empire romain d'Occident voient affluer des peuples; comme les Burgondes où « la succession se faisait non point de père en fils mais sur désignation de la mère en faveur de tous ses fils, quels qu'en soit le père, légitimes ou non. Cette pratique aboutissait au partage du royaume en autant de parts que d'enfants, lesquels n'avaient de cesse de se massacrer afin de récupérer l'ensemble du territoire »[3].
Les sociétés juives
La famille juive orthodoxe contemporaine constitue encore un modèle résiduel de la famille matrilinéaire parce que l'appartenance au peuple juif (et implicitement à la religion) est assurée seulement si la mère est juive.
Dans ce cas, la matrilinéarité n'a de relation avec la domination économique des hommes et le statut social des femmes que par la seule transmission idéale de la religiosité.
Il faut également savoir que ce n'est pas totalement matrilinéaire puisque les traditions liés à différentes cultures (ashkénazes) ou (séfarade) sont transmises par le père.
Selon des rabbins, en particulier du judaïsme « réformé », la famille hébraïque telle qu'elle apparaît dans la Torah est patrilocale, donc suit les coutumes, y compris religieuses, du mari et non de la femme. Rien n'y indiquerait une matrilinéarité obligatoire du judaïsme, cette règle serait en fait d'apparition plus tardive et n'a pas le crédit de tous les Juifs.[réf. souhaitée]
La matrilinéarité a été introduite par des Rabbins Ukrainiens à la suite des pogroms de Elisavetgrad (15 avril 1881) et Kiev (26 avril 1881) (qui font suite à l’assassinat d’Alexandre II). Le but de cette mesure était de donner une légitimité sociale aux enfants issus des nombreux viols perpétrés à ces occasions.[réf. nécessaire]
Le fosterage
Dans les sociétés anciennes, l'éducation des garçons était fréquemment confiée au frère de la mère (oncle maternel). Cette pratique était très répandue chez les Celtes, sous le nom de fosterage. Elle renforçait le contrôle de l'héritage, et donnait lieu à une expression aujourd'hui abandonnée, le beau-neveu, que l'on trouve dans la littérature médiévale. Cet usage perdure de nos jours dans certaines sociétés traditionnelles (Afrique, Haïti), on parle alors de société avunculaire.
Pour approfondir
Bibliographie
- Georges Dupré, Les Naissances d'une société : espace et historicité chez les Beembé du Congo, Paris, ORSTOM, , 418 p. (ISBN 2-7099-0688-0, lire en ligne) : Présentation en ligne. Voir: Seconde partie : Les outils du présent, sur le cas précis des Beembé.
- Cai Hua, Une société sans père ni mari : Les Na de Chine, Paris, Presses Universitaires de France, , 371 p., 24 x 2,3 x 17,5 cm (ISBN 2-13-048739-4). Voir aussi : Polyandrie chez les Naxi (dont les Moso) sur France Culture.
Articles connexes
- Histoire des théories du matriarcat (de)
- Histoire des femmes
- Femmes celtes (de)
- Mère ancestrale (de)
Liens externes
- Marc Weitzmann, « Patriarcat. La domination masculine a-t-elle toujours existé ? », sur France Culture (Signe des temps), (consulté le ). Voir aussi l'ouvrage de Heide Göttner-Abendroth (bio. sur « desfemmes.fr »), Les Sociétés matriarcales. Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde, éditions Des Femmes, 2019, (ISBN 978-2-7210-0701-8).
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « List of matrilineal or matrilocal societies » (voir la liste des auteurs).
- GEO no 397 de mars 2012 p. 64.
- Françoise Héritier, Masculin / Féminin I. La pensée de la différence, Odile Jacob poche, Essais, rééd. 2012, p. 45.
- Michel Rouche, « Clotilde, femme, reine et sainte », in Le Figaro magazine, 10 juillet 2010, page 78
- Portail de l’anthropologie
- Portail des femmes et du féminisme
- Portail de la sociologie