Mineur transgenre
Une personne mineur transgenre est un enfant ou un adolescent transgenre n'ayant pas encore atteint la majorité civile dans le pays où il vit[note 1].
La minorité des jeunes trans fait qu'ils ne vivent pas de manière autonome et dépendent fortement de leur famille, de l'école, mais aussi des autorités politiques et médicales, quant à la possibilité d'effectuer une transition et aux modalités que celle-ci peut prendre. En particulier, l'accès aux bloqueurs de puberté fait l'objet de vifs débats dans l'opinion publique. Ces débats sont notamment liés à des désaccords quant à la réalité et à la fréquence de la transidentité chez les enfants, notamment par rapport aux comportements de genre non conforme de jeunes cisgenres.
En raison d'un contexte global de transphobie, ces enfants et adolescents sont particulièrement vulnérables aux problèmes de santé mentale (anxiété, dépression, pratiques à risque, suicide). Ces difficultés s'ajoutent à la dysphorie de genre, dont la puberté, anticipée ou vécue, est le point saillant.
Ces difficultés n'empêchent pas certains jeunes trans de s'engager dans une démarche militante de visibilisation de leurs vécus et de productions de ressources permettant de meilleures conditions de vie aux autres jeunes trans.
Identité de genre
Identification au genre
L'identification à leur genre, et la considération qu'il est différent du genre opposé, est tout aussi forte et cohérente chez les enfants cisgenres que transgenres : par exemple, les petites filles, qu'elles soient assignées fille à la naissance ou en transition sociale, s'identifient comme filles et comme différentes des garçons[u 1]. Si cette identification est généralement solidifiée chez les enfants cisgenres dès l'âge de trois ans, celle-ci peut intervenir plus tard chez les enfants trans[u 1].
La division genrée des activités et des groupes d'affinités est elle-aussi présente avec la même force chez les enfants trans que cisgenres : les garçons, assignés garçon à la naissance ou en transition, ont tendance à préférer les jouets qu'aiment les autres garçons de leurs classe d'âge, et à passer du temps avec d'autres garçons[u 1].
En revanche, les enfants transgenres, mais aussi leurs frères et soeurs cisgenres, adhèrent significativement moins aux stéréotypes de genre que les autres enfants cisgenres et, surtout, pratiquent beaucoup moins de sanction sociale envers les enfants aux comportements de genre non conformes et sont plus susceptibles de développer une relation amicale avec eux[u 1].
Un phénomène similaire existe concernant la fixité du genre au cours du temps : si, par exemple, autant de petites filles trans que cis pensent qu'elles grandiront pour devenir des femmes, les enfants trans considèrent plus souvent que, en général, il est possible que l'identité de genre d'une personne varie dans le temps[u 1].
Dysphorie de genre
La dysphorie de genre est définie, en 2013, dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, comme l'ensemble des souffrances psychiques résultant du sentiment d'inadéquation entre l'identité de genre d'une part et le corps et la perception de genre d'autre part, chez les personnes transgenres[u 2].
Cette dysphorie se manifeste très tôt par une angoisse vis-à-vis de la puberté : des petites filles trans parlent ainsi à leurs parents, dès l'âge 4 ans, de leur peur à avoir de la barbe ou une voix plus grave[u 3]. Voir des enfants de leur entourage grandir et devenir pubères, tels que des grands frères ou grandes sœurs, est particulièrement source d'angoisse[u 3]. Ces enfants sont aussi dans une relation de haine envers leur corps, en particulier leurs organes génitaux[u 3]. Lorsque la puberté se manifeste, elle est vécue comme un traumatisme[u 3].
Démographie
Les taux de prévalence de la dysphorie de genre chez les enfants ont été estimés en 2003 à moins de 1 % des enfants américains[u 4]. Toujours aux États-Unis, les filles trans sont légèrement plus nombreuses que les garçons trans, avec un rapport de 1,2 pour 1[u 5]. Entre 25 000 et 75 000 jeunes belges de moins de 19 ans seraient trans[p 1].
Modalités de transition
Les enfants trans décident majoritairement de cacher leur transidentité à leurs parents, aux membres de la famille et aux amis[u 2],[u 6].
Une fois une transition entamée, il est très rare que les enfants trans détransitionnent : 5 ans après le début de leur transition, 94% des enfants continuent à être dans leur genre de transition, 3.5%, qui avaient d'abord transitionné vers fille ou garçon, sont alors non-binaires, et seuls 2.5% sont retournés à leur genre de naissance[u 7]. Ces détransitions, qui ont lieux jeunes, sont extrêmement rares chez les enfants qui sont sous bloqueurs de puberté[u 7].
Sociale
La transition sociale chez les enfants comporte généralement un changement de prénom d'usage, de pronom, de coiffure et de style vestimentaire[u 7].
La campagne Unbox Me ("Sors-moi de ma boîte") à l'initiative de l'ONU en 2022 vise à promouvoir une plus grande inclusion et acceptation des enfants transgenres et à défendre leurs droits[p 2].
En Californie, une loi de 2013 accorde aux enfants le droit d'utiliser les installations (dont les toilettes) correspondant à leur identité de genre[p 3]. Au Québec, les enfants d'un groupe scolaire peuvent désormais choisir les toilettes ou le vestiaire du genre auquel ils s’identifient[p 4].
En France
En France, le mineur émancipé qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel il se présente et dans lequel il est connu peut en obtenir la modification[1].
Au Canada
Au Canada, les modalités du changement d'état civil sont définies à l'échelle des provinces : en Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Nouvelle-Écosse et Ontario, celui-ci est ouvert aux mineurs trans sans condition de chirurgie de réattribution sexuelle, alors qu'elle est nécessaire au Québec[2].
Milieu scolaire
Le Conseil de l'Europe recommande également de « promouvoir la tolérance et le respect mutuels à l’école, quelle que soit l’orientation sexuelle ou l’identité de genre », par exemple en fournissant « des informations objectives concernant l’orientation sexuelle et l’identité de genre » dans « les programmes scolaires et le matériel pédagogique »[3]. La transidentité reste difficilement acceptée en milieu scolaire, les élèves trans y subissant du harcèlement de la part non seulement des élèves cisgenres, mais aussi du personnel scolaire[u 8],[u 9]. Ce harcèlement prend notamment la forme de comportements transphobes, le mégenrage et, surtout, une réponse inadaptée des institutions scolaires avec à ces comportements[u 10].
Toutefois, l'école peut aussi être vécue comme un espace sécurisé et d'épanouissement pour les élèves transgenres : c'est le cas lorsque leurs pronoms et prénoms sont respectés par tous, qu'il est possible d'occuper une position sociale non-binaire, que du soutien et de la confidentialité est trouvable au sein du personnel éducatif, et plus particulièrement si une personne est identifiée comme interlocutrice privilégiée sur la transidentité, la présence de ressources sur la transidentité, ou la possibilité d'utiliser les toilettes l'uniforme conforme à l'identité de genre des élèves trans[u 11]. Les réactions efficaces contre la transphobie, ainsi que des liens forts entre les écoles et les associations transgenres, sont très prédictives du bien-être des élèves trans qui les fréquentent[u 11].
Les enfants et adolescents trans considèrent que, lorsqu'ils poussent les écoles à respecter leur identité de genre, il ne s'agit pas tant d'une démarche personnelle que d'un investissement militant: corriger un professeur sur le pronom à utiliser, c'est se défendre soi-même, mais surtout faire en sorte que les prochains élèves trans de ce professeur auront une expérience plus facile[u 11].
En France
Suite à des suicides d'élèves, le ministère de l'Éducation Nationale publie pour la rentrée 2021, une circulaire décrivant la manière dont les enfants et adolescents trans doivent être accueillis à l'école ; celle-ci requiert l'accord des parents pour changer le pronom et le prénom d'usage des élèves, et limite l'utilisation de ce prénom aux documents non-officiels, à l'exclusion des diplômes et bulletins[4],[a 1].
En Belgique
En Belgique, depuis la rentrée scolaire de 2021, les parents à partir de la classe de première secondaire peuvent choisir sur les formulaires d’inscription entre : garçon, fille et neutre. Cela est destiné à lutter contre la discrimination des élèves transgenres[p 5].
En Suède
Une enseignante suédoise est licenciée en 2022 pour avoir systématiquement refusé d'utiliser un pronom neutre quand il s'agissait de nommer un élève trans. Le médiateur en charge de la lutte contre les discriminations condamne l'établissement scolaire qui n'a pas réagi assez rapidement. Il devra verser une indemnité de 15 000 euros à l'enfant[p 6].
En Espagne
En Espagne en 2019, Elsa une fillette transgenre âgée de 8 ans prononce un discours devant l'assemblée du conseil régional de l'Estrémadure afin de faire reconnaitre le droit de ce que l'on est vraiment pour vivre heureux. Si ce discours a ému l'assemblée, les parents sont soupçonnés par des commentateurs sur les réseaux sociaux d'instrumentaliser leur fille qui n'a pu écrire seule ce discours[p 7].
Activités extra-scolaires
En Suède, un garçon de 9 ans est exclu en 2018 de son équipe de football masculine en raison de sa transidentité ; si une plainte est déposée contre le club en 2018, l'enfant joue désormais avec les garçons dans le club d’une commune voisine[p 8].
Oppositions à la transition sociale
Une sénatrice conservatrice d'Australie, Amanda Stoker, mène une campagne contre les changements de sexe pour les enfants[5].
Psychiatrisation
Jusqu'en 2013, le DSM-4 pathologisait la transidentité en elle-même : elle était alors définie comme un « trouble de l'identité sexuelle » : ainsi, le rôle d'un psychiatre, face à une patiente trans, était de l'amener à se libérer de son trouble et donc à vivre en homme[u 2]. Bien que cette vision ait été abandonnée dans le DSM-5, cette vision perdure chez des médecins et thérapeutes : ainsi, si les États américains de Californie, du New Jersey et du Massachusetts ont interdit ces pratiques, assimilées à des thérapies de conversion, des praticiens, tels que le psychiatre Paul R. McHugh, estiment qu'il s'agit de la meilleure thérapeutique puisque, pour lui, le changement de sexe est impossible et que les enfants transgenres sont en réalité des enfants à l'expression de genre non-conforme[p 9].
Malgré le passage de trouble de l'identité sexuelle à dysphorie de genre, beaucoup de parents d'enfants trans trouvent qu'un tel diagnostic, qui est souvent nécessaire pour accéder aux bloqueurs de puberté, aux hormones sexuelles ou à la chirurgie, fait plus de mal que de bien aux enfants, et n'est pas pertinent pour déterminer si ceux-ci sont effectivement trans[u 7].
Bloqueurs de puberté
Le traitement visant à bloquer la puberté a été mis au point au début des années 1980 pour les enfants atteints de puberté précoce. « Encore rarissimes en France » (en 2015), ils sont proposés aux Pays-Bas, États-Unis, Royaume-Uni ou Canada[p 10]. Le traitement consiste à administrer à l'enfant des hormones de synthèse qui imitent l'action de la GnRH, l'hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires normalement produite dans l'hypothalamus. En réponse à la libération des hormones sexuelles, les récepteurs à la GnRH se désensibilisent et bloquent son activité. Des injections répétées sont nécessaires pour que la puberté reste en sommeil. À l'arrêt du traitement, elle reprend son cours normal[p 10]. Le traitement est généralement entamé avant l'apparition des premiers signes de puberté, qui sont mal vécus par les enfants transgenres[p 11]. Quelques rares effets secondaires sont répertoriés, dont des risques de douleurs musculaires et articulaires, de la fatigue, des troubles du sommeil ou un retard de calcification des os[p 10].
Les bloqueurs de puberté ont été administrés pour la première fois à la fin des années 1990 à l'hôpital universitaire d'Amsterdam, le VU Medical Center. Toujours aux Pays-Bas, un deuxième centre spécialisé a ouvert en 2011 à Leyde. Dans le pays, environ 300 adolescents ont bénéficié du traitement entre son lancement et l'année 2015[p 10].
La seule "clinique du genre" pour enfant du Royaume Uni ferme en 2022 à la demande du National Health Service en raison de l’utilisation d’un bloqueur de puberté et d’autres pratiques controversées. Elle sera remplacée par deux services spécialisés basés dans les principaux hôpitaux pour enfants [p 12].
En France, les hôpitaux de la Pitié-Salpêtrière et Robert-Debré ont ouvert leurs consultations aux mineurs, qui seront suivis par un pédopsychiatre pendant au moins six mois ; des solutions non médicamenteuses sont d'abord proposées[p 13]. En suivant les recommandations internationales, les professionnels spécialisés dans ce domaine peuvent prescrire des bloqueurs de puberté à l'arrivée de la puberté — avant les hormones masculinisantes ou féminisantes —. Leur utilisation reste en effet controversée en France[u 12]. À Paris en 2020, environ sept cents mineurs — de 3 à 18 ans —sont actuellement suivis ou sur liste d'attente[p 14]. Si le nombre de demandes de transition augmente (multiplié par 10 en 7 ans selon l’Assurance maladie), le taux de regret demeure faible, autour de 10 à 20%[p 15],[p 16].
L'American Psychiatric Association, dans une communication de 2020, souligne l'importance de l'utilisation des bloqueurs de puberté pour le bien-être mental et émotionnel des enfants et adolescents ; elle rappelle que l'absence d'intervention, en raison de l'impact de la puberté, n'est pas une décision neutre et qu'il vaut mieux laisser les enfants et adolescents le temps d'explorer leur identité de genre[6]. En 2022, une polémique s'empare d'un groupe de pédiatres de l'American Academy of Pediatrics car certains membres critiquent l'emploi des bloqueurs de puberté[p 17].
Non seulement les bloqueurs, lorsqu'ils sont pris, permettent d'éviter le traumatisme de la puberté et de laisser aux enfants des années supplémentaires pour réfléchir à leur identité de genre, mais le fait même de savoir qu'ils sont une possibilité permettent aux enfants trans pré-pubères de calmer leurs angoisses[u 3].
Un phénomène paradoxal a lieu avec les bloqueurs de puberté : alors que, dans les années 2010, émerge un consensus médical quant à la pertinence de leur utilisation, ceux-ci sont aussi l'objet d'un violente contre-attaque idéologique s'opposant à leur utilisation[u 3]. Ces contre-attaques ont parfois abouti à la mise en place de limitations légales à l'accès de ces traitements[u 3],[u 13],[u 14]. C'est le cas notamment en Angleterre et au pays de Galles où, dans un arrêt rendu le , la Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles) limite très fortement la possibilité pour des enfants de moins de 16 ans d'avoir accès à des bloqueurs de puberté[p 18],[p 19].
Le processus d'accès aux bloqueurs de puberté est une épreuve difficile pour les enfants et adolescents trans : ceux-ci témoignent de devoir prouver qu'ils sont « assez trans » pour avoir droit au traitement, de parler de leur rapport à leur corps alors qu'il s'agit d'une conversation pénible pour eux, et de devoir prouver que leur mal-être est uniquement du à leur dysphorie de genre, sans aucune autre explication possible[u 3]. Les équipes utilisent aussi souvent une définition restreinte de la dysphorie de genre, considérant par exemple que les bloqueurs de puberté ne devraient être prescris qu'aux enfants et adolescents vivant une dysphorie génitale, et ce alors que de nombreux adultes trans n'effectuent pas de chirurgie de réassignation sexuelle[u 3]. De nombreux parents témoignent aussi de tentatives par les équipes médicales de les convaincre de ne pas laisser leurs enfants effectuer une transition médicale, invoquant des taux de regrets surélevés par rapport à la réalité[u 3]. Outre la pénibilité des rencontres entre équipes médicales et enfants trans, celles-ci s'étirent longuement dans le temps, sur plusieurs années, au point que les bloqueurs soient prescrits alors que la puberté a déjà commencé ; des parents témoignent qu'il s'agit parfois d'une volonté délibérée des équipes, pour vérifier que les enfants considèrent leur puberté réelle comme effectivement aussi insupportable que ce qu'ils avaient anticipé[u 3]. De nombreux endocrinologues ne prennent en consultation que les mineurs qui ont déjà commencé leur puberté, avec des critères arbitraires quant à la taille minimale des testicules ou des seins des adolescents indépendants de leur détresse émotionnelle[u 3]. Un garçon transgenre de 14 ans introduit une action en justice en novembre 2020, soutenu par The Good Law Project contre le National Health Service en raison du retard dans l'accès au traitement d'un changement de sexe. Il a attendu plus d’un an avant d'être accepté dans une clinique alors que d'après lui le NHS a « l’obligation légale » de fournir des soins spécialisés dans un délai de 18 semaines. Le temps d’attente moyen pour un premier rendez-vous avec le Service de Développement de l’Identité de Genre serait de 18 mois, selon l'association, voire dans certains cas de quatre ans[7].
La prise de bloqueurs de puberté s'accompagne d'une sérénité retrouvée des enfants et des adolescents, ainsi que d'une plus confiance en eux[u 3]. Toutefois, pour les adolescents les plus âgés, la prise de bloqueurs seuls, sans hormone sexualisante (œstrogène ou testostérone) peut s'avérer pénible (bouffées de chaleur, troubles de l'humeur)[u 3].
Hormones féminisantes ou masculinisantes
L'accès aux hormones sexualisantes est limitée pour les mineurs : un hôpital de Suède n'en propose plus qu'aux majeurs, et les recommandations en Angleterre posent une limite à 16 ans minimum[u 3],[p 20]. Cela crée des situations absurdes, où des garçons trans sous bloqueur de puberté souffrent d'un manque d'hormone sexuelle, mais à qui on refuse la testostérone qu'ils veulent tout en leur proposant des œstrogènes de synthèse, hormone dont les bloqueurs empêche justement la production naturelle[u 3]. Ce délai provoque une détresse sociale, où les adolescents trans de 14-15 ans se retrouvent seuls à être pré-pubères tandis que leurs camarades de classe sont déjà bien avancés dans leur puberté[u 3].
Chirurgie
Les opérations de réattribution sexuelle pratiquées sur des mineurs demeurent très rares mais sont en augmentation : environ 50 par an en France, 200 par an aux-États-Unis, essentiellement pour des garçons trans[p 21],[p 22].
Le California Department of Insurance rappelle en décembre 2020 aux compagnies d'assurance maladie par l'intermédiaire du Procureur général de Californie, qu'en application de l'article 12921.9 du code des assurances, refuser la prise en charge pour la mastectomie et la reconstruction d'un thorax masculin uniquement sur la base de l'âge est interdit en vertu des lois de l'État exigeant la couverture de la chirurgie reconstructive. Les compagnies d'assurance maladie doivent tenir compte de la situation clinique spécifique du patient pour déterminer la nécessité d'une intervention médicale,[8]. L'Arkansas devient le premier État américain en 2021 parmi plus d'une vingtaine à interdire aux mineurs l'accès aux transitions médicales[p 23]. Cependant en juillet 2021, un juge fédéral saisi par l'Union américaine pour les libertés civiles ordonne la suspension de la loi par une injonction interlocutoire en raison de la violation de la Constitution des États-Unis[p 24],[p 25].
Opposition à la prise en charge médicale
Un article alarmiste publié dans le journal conservateur Daily Mail en 2018, au Royaume-Uni, présente les transitions chez les enfants comme un phénomène de mode, non pas du à une véritable transidentité mais à une influence d'internet et des élèves trans sur les élèves cis influençables, en particulier autistes[p 26]. Un 2020, une tribune française d'une cinquantaine de psys, médecins et intellectuels avaient qualifié la transition comme une « emprise idéologique sur le corps des enfants »[p 27]. Le psychiatre américain McHugh a qualifié en 2020 l'administration d'hormones retardatrices de puberté de proche de la « maltraitance sur mineurs », arguant qu'elles ralentissent croissance des enfants et risquent de provoquer leur stérilité[p 9]. Un nouvelle tribune similaire, réunissant 140 scientifiques et intellectuels, est publiée en 2022 dans la presse européenne[p 28].
Ces tribunes ne sont pas restées sans réponse. Ainsi, le pédopsychiatre Jean Chambry responsable du Centre Intersectoriel d'Accueil pour Adolescent à Paris, publie en 2020 une tribune dans L'Express dans laquelle il attribue l'augmentation des transitions chez les adolescents par la libération de la parole concernant la transidentité qui évite que les jeunes trans passent à côté de leur identité en raison d'une absence de mots pour en parler[p 29]. La transidentité est indépendante de la pression sociale selon une étude menée par l’American Academy of Pediatrics en 2022[9].
Transphobie
Rejet, discriminations et violences
Les personnes transgenres sont souvent victimes de transphobie — rejetées, discriminées, insultées ou brutalisées[p 30]. Selon une étude italienne datant de 2011, 27,5 % des enfants trans ont déjà subi des violences[p 3]. Certains parents réagissent très négativement au coming-out trans de leurs enfants, allant jusqu'à rejeter l'enfant du foyer, ou à lui imposer une « thérapie de conversion » pour le remettre « dans le droit chemin ». Ces « thérapies », liées à la droite chrétienne américaine, sont jugées dangereuses par l’association américaine de psychiatrie, et vivement contestées par une partie de l'opinion publique[p 30]. Les mineurs transgenres sont plus victimes de maltraitance que les enfants et adolescents cisgenres[u 15].
Les enfants trans subissent plus souvent du harcèlement que les enfants cisgenres, quelque soit leur orientation affective et sexuelle ; cela contredit l'hypothèse, souvent affirmée par les opposants à la transition des mineurs, que les mineurs trans sont en réalité des jeunes lesbiennes ou de jeunes gays cherchant à échapper à l'homophobie, puisque la transphobie à laquelle ils font face est en réalité pire[u 5].
Santé mentale
En raison de la transphobie qu'elles subissent, beaucoup de jeunes personnes trans internalisent dès le plus jeune âge qu'elles sont un problème et que leur identité de genre doit rester cachée[u 11],[u 16]. Cela amène rend les enfants et adolescents trans beaucoup plus vulnérables à une multitude de problèmes tels que troubles psychiatriques, l'abus de substances, les conduites à risque ou le suicide[u 15],[p 3]. Le taux de suicides et de tentatives de suicides dans la population trans est d'ailleurs extrêmement élevé: En France, en 2009, plus de 65 % des jeunes transgenres de 16 à 26 ans ont déjà envisagé le suicide, et près de 34 % ont déjà fait une ou plusieurs tentatives[p 3],[p 31].
Conditions de vie
En 2018, une enquête sur la santé des personnes LGBTI souligne que les jeunes trans vivent très mal leurs années de collège : près des 86 % des personnes trans interrogées se sont senties mal au cours de leur scolarité[p 32]. En particulier, les élèves qui subissent du harcèlement transphobe réussissent moins bien en classe, ont moins d'activités extra-scolaires, sèchent plus de cours et ont globalement moins confiance en eux, ce qui impacte négativement la manière dont ils envisagent leur orientation future[u 11]. En 2022, un couple et leur fils trans préfèrent quitter le Texas où des textes hostiles aux jeunes trans sont adoptés.[p 33]
Les jeunes trans sont aussi proportionnellement plus nombreux que les cisgenres à être sans-abri et à se prostituer pour assurer leurs revenus[u 2].
Socialité des mineurs trans
Réseaux d'entraide
Les jeunes trans se tournent souvent vers le web pour trouver information et soutien[p 34]. L'accès à une communauté acceptante de la transidentité, qu'elle soit en ligne ou pas, améliore la santé mentale des jeunes trans[u 2].
Militantisme
En 2007, alors qu'elle n'a encore que six ans, Jazz Jennings donne une interview à la télévision américaine sur ce que signifie être une petite fille trans[u 1]. Alors âgée de 16 ans, la militante Eli Erlick fonde en 2011 l'association Trans Student Educational Ressources, qui produit des documentations sur l'accueil des élèves transgenres dans le système scolaire[p 35]. En 2015 sort la série documentaire I am Jazz (en), centré sur la vie de Jazz Jennings, alors âgée de 14 ans[p 36].
Études sur les enfants et adolescents trans
En 2013 est lancé le TransYouth Project, une étude longitudinale sur le développement des enfants ayant commencé leur transition sociale avant le début de leur puberté[u 1].
Les travaux internationaux montrent un bénéfice des traitements médicaux sur le bien-être global des jeunes concernés. Cependant d'autres thématiques gagneraient à être approfondies : un état des lieux de l’accompagnement des mineurs en France, l’impact des traitements hormonaux au long cours, le consentement éclairé des mineurs et sur les enjeux de préservation de leur fertilité, notamment. Enfin, la HAS souhaite mener une enquête auprès des services (hospitaliers, Maison Des Adolescents) et des professionnels libéraux pour établir un état des lieux de l’accompagnement des mineurs trans et en exploration de genre et de veiller à un maillage territorial de l’offre d’accompagnement des mineurs, en consolidant les équipes spécialisées et en soutenant la formation et le travail en réseau des autres professionnels impliqués[10]. Il n'existe pas d'orientation nationale en France sur les thérapies en dehors des recommandations précitées de l'Académie de Médecine et de la HAS[p 37].
Pour la première fois en Belgique francophone, en 2021, le Centre d’Accompagnement des Transidentités du CHU de Liège lance une consultation mixte en pédopsychiatrie et endocrinologie pédiatrique spécialisée sur la question transidentitaire infanto-juvénile afin de répondre à une demande émergente, des besoins spécifiques des enfants et des adolescents[p 38].
En raison de la pathologisation de la transidentité comme trouble de l'identité sexuelle jusqu'au début des années 2010, la grande majorité de la littérature universitaire produite sur les enfants transgenres est écrite par des professionnels de santé mentale, avec une majorité d'entre eux cherchant à faire revenir les enfants trans vers un développement cisgenre vu comme sain[u 17]. S'est développé ensuite une série de publications se focalisant toujours sur la santé mentale des enfants trans, mais partant d'une position d'affirmation plutôt que de correction du genre revendiqué par les enfants[u 17].
Représentations dans la culture
Différents supports abordent la transidentité des enfants.
Filmographie
- Le film Ma vie en rose (1997) d'Alain Berliner met en scène Ludovic, jeune enfant de sexe masculin qui vit en tant que fille, et tente de convaincre son entourage de respecter cette identité. Il est en conflit avec sa famille et ses voisins.
- Le film Tomboy (2011) de Céline Sciamma raconte l'histoire d'une enfant de 10 ans nommée Laure, qui, après son déménagement dans un nouveau quartier, se fait passer pour un garçon auprès de ses amis.
- Le film About Ray (2015) de Gaby Dellal raconte le parcours d'un jeune homme trans et de sa famille. Il suit cette famille qui va devoir traverser et accepter la transition de Ray afin qu'il puisse s'épanouir.
- La série australienne Premier Jour (First Day) de 4 épisodes (la rentrée, la révélation, l'épreuve, le grand saut) d'une durée de 25 minutes environ est diffusée sur la plateforme de vidéos Okoo en 2020. La vie d'une ado transgenre rentrant au collège: révélation, acceptation par les autres, rivalités, affirmation et accomplissement dans son genre[p 39],[p 40].
- Il est elle (2020) s'inspire de la BD Barricades de Charlotte Bousquet et Jaypee. Ce téléfilm français en deux parties raconte la vie d'une adolescente assignée garçon et sa lutte pour avoir le droit d'effectuer sa transition. C'est une coproduction RTBF[p 41].
- La série britannique Butterfly (2020) raconte l'histoire de la transition d'un garçon vers l'autre sexe au sein des trois générations d'une famille[p 42].
- Cowboys (2020). Un garçon transgenre de 10 ans dont les parents sont séparés, part vivre l'aventure d'un cowboy dans la forêt du Montana avec son père. Sa mère prévient les autorités afin de les retrouver[p 43],[11].
- Le film The Mirror (2021). Les premiers pas d'une petite fille trans dans la société contemporaine en Inde[12].
Livres jeunesses
- Le Club des cinq d'Enid Blyton, une des jeunes adolescentes, prénommée Claudine, se fait appeler Claude et revendique une identité masculine[p 44],[p 45]. Des lecteurs modernes voient dans ce personnage de garçon manqué un jeune transgenre. Il est improbable qu'il s'agisse de l'intention de l'autrice, compte tenu de ses opinions conservatrices[p 46].
- Barricades, roman graphique de Charlotte Nousquet et Jaypee, paru chez Gulf Stream éditeur en janvier 2018.
- Je suis Camille de Jean-Loup Felicioli (2019). Ses anciens camarades de classe la rejetaient : « Camille c'est pas une vraie fille lalalalère ». Un jour Camille rencontre Zoé, elle hésite beaucoup à lui révéler son secret. (Editions Syros en édition Kindle)
- La bande dessinée en ligne de Sophie Labelle Assignée garçon raconte l'histoire de Stéphie, 11 ans, une fille trans qui découvre son genre, et qui se l'approprie.
- Camille aux papillons (2021) de Mary Wenker et Amélie Buri par les Editions "Loisirs et Pédagogie". Une petite fille trans qui aime les vêtements pour les filles rencontre d'autres enfants comme elle[13].
- Reconnaitrans une bande dessinée de Laurier The Fox. Un recueil des témoignages sur les micro-agressions subis au quotidien par les personnes transgenres: actes, paroles, situations transphobes, enbyphobes, cissexi (2021). Editions Lapin
- Les Editions "On ne compte pas pour du beurre" (2022) publient Je m’appelle Julie dont l'héroïne est une petite fille transgenre[p 47].
- Marie-Pierre Gazaille et Marie-Eve Turgeon (2022) livrent le récit dans L’ouragan et moi, la vie d'un petit garçon dont le père est devenu une femme[p 48]. Editions Québec Amérique
Autres supports
Bibliographie
Sciences humaines
- Jules Gill-Peterson, Histories of the transgender child, (ISBN 978-1-4529-5815-6, 1-4529-5815-7 et 978-1-4529-5814-9, OCLC 1027732161, lire en ligne)
Témoignages
- Josephine Yole Signorelli, P. Mon adolescence trans, Massot éditions, (ISBN 978-2380352580)
- Anne Marbot et Elodie Durand, Transitions - Journal d'Anne Marbot, Delcourt, , 176 p. (ISBN 978-2413024316)
- Quentin Zuttion et Catherine Castro, Appelez-moi Nathan, Editions Payot et Rivages, , 144 p. (ISBN 978-2228921626)
- Cat Clarke, Opération Pantalon, Robert Laffont, , 270 p. (ISBN 978-2221193440)
- Julie Anne Peters, Cette fille, c'était mon frère, Editions Milan, , 384 p. (ISBN 978-2745978363)
Aide aux parents
- Dr Anne Bargiacchi, C’est pas mon genre ! Les clés pour répondre aux questions de votre enfant sur le genre, Marabout, , 256 p. (ISBN 978-2501167277)
- Annie Pullen Sansfaçon et Denise Medico, Jeunes trans et non binaires - De l'accompagnement à l'affirmation, Remue-Ménage, , 384 p. (ISBN 978-2890917439)
- Elisa Bligny, Mon ado change de genre, La boite à pandore, , 145 p. (ISBN 978-2875574466)
Documentaires
- Transhood d'HBO (2020) porte sur les enfants trans aux États-Unis.
- Petite Fille (2020) de Sébastien Lifshitz, raconte l'histoire de Sasha qui sait depuis ses trois ans, qu'elle appartient au sexe féminin contrairement à ce qu'indique son acte de naissance[p 51].
- Je suis un garçon (2019) illustre le parcours d'un adolescent transgenre de France 3 Occitanie, en partenariat avec Cinélatino et la région Occitanie[p 52].
- I am Jazz (2015), série documentaire sur une petite fille trans américaine
Essais
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- Céline Masson et Caroline Eliacheff, La fabrique de l'enfant transgenre, Éditions de l'Observatoire, , 112 p. (ISBN 979-10-329-2522-5)
- Claude Habib, La question trans, Paris, Gallimard, , 176 p. (ISBN 978-2-072-95092-6) - Prix Femina
- Christian Flavigny, Aider les enfants « transgenres » : Contre l'américanisation des soins, Pierre Téqui, , 84 p. (ISBN 978-2740323434)
Notes
- La définition de minorité dépendant du pays, le périmètre de l'article correspond à sa définition la plus large, c'est-à-dire aux personnes transgenre de moins de 21 ans
Références
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Autres références
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- Annie Pullen Sansfaçon, « Parentalité et jeunes transgenres : un survol des enjeux vécus et des interventions à privilégier pour le développement de pratiques transaffirmatives », Santé mentale au Québec, vol. 40, no 3, , p. 93–107 (ISSN 0383-6320 et 1708-3923, DOI 10.7202/1034913ar, lire en ligne, consulté le )
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- « Non, la transidentité n’est pas un « effet de mode » », sur Ma Gande Taille, (consulté le )
- « Rapport sur la santé des personnes Trans - Haute Autorité de la Santé », sur Ministère des solidarités et de la santé, (consulté le )
- (en) « Cowboys review – Steve Zahn brings his A-game to warm Montana trans drama », sur the Guardian, (consulté le )
- « Reportage: Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui je suis vraiment », sur Unaids.org, (consulté le )
- « Camille aux papillons », sur Editions Loisirs et Pédagogie, (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- [vidéo] « Transidentité - Leur enfant veut changer de sexe » sur YouTube, émission Ça commence aujourd'hui sur France 2.
- Bertrand Villegas « Les enfants transgenres, un nouveau genre télé » sur Télérama, le .
- Christine Rousseau « TV : Le difficile combat des adolescents transgenres » sur Le Monde, le .
- « Ils ne sont pas nés dans le bon corps », émission Ça commence aujourd'hui sur France 2 diffusée le vendredi 13 novembre 2020 [voir en ligne]
- « Témoignages » La nouvelle vie de Stella et Alex, émission Envoyé spécial sur France 2 diffusée le jeudi 25 février 2021 [voir en ligne]
- « Unique en Mon Genre », un documentaire de Pascale Fournier, Co-production France 3 Pays de la Loire – 13 prods (2021)
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