Miorița

Miorița (lire mioritsa, signifiant « agnelle »[1]) est un poème populaire roumain considéré comme un des plus importants du folklore roumain sur le plan artistique et mythologique[2].

Miorița
Informations générales
Auteur
Inconnu
Lieu
Soveja (VN) (RO)
Date de publication
1852
Type
Ballade Populaire

Histoire

L'histoire est simple. Ici on présente seulement une des variantes, qui se trouve dans les manuels des écoles et autres livres.

  • Il s'agit de trois bergers, l'un moldave, un autre valaque, le troisième transylvain.
  • Le Moldave a une agnelle : Miorița, qu'il chérit particulièrement et qui lui parle. Elle l'avertit que les deux autres veulent le tuer à la fin de la journée pour s'emparer de son troupeau, et lui conseille de s'enfuir avec ses ouailles.
  • Mais le Moldave répond à Miorița qu'il ne partira pas et lui demande de dire aux tueurs de l'enterrer au milieu de ses bêtes, avec trois flûtes au-dessus, pour que les moutons puissent pleurer sur sa tombe.
  • Il lui demande ensuite de dire à ses brebis troublées qu'il est parti se marier avec la meilleure fille du monde, qu'à son mariage sont venus le Soleil et la Lune, les arbres, les montagnes, les oiseaux et les étoiles, et qu'à la fin du mariage, une étoile est tombée du ciel pour les mariés.
  • Il dit ensuite à Miorița que si elle voit sa mère, qu'elle lui raconte qu'il est parti se marier au Paradis, et rien d'autre.

Traduction comparative

La première version traduite en français en 1854 par Jules Michelet est basée sur la version améliorée du collecteur de folklore Vasile Alecsandri. Les deux textes roumain et français sont présentés en parallèle pour comparaison.

Pe–un picior de plai
Pe–o gură de rai,
Iată vin în cale,
Se cobor la vale
Trei turme de miei,
Cu trei ciobănei.
Unu–i moldovan,
Unu–i ungurean
Și unu–i vrâncean.
Iar cel ungurean
Și cu cel vrâncean,
Mări, se vorbiră,
Ei se sfătuiră
Pe l–apus de soare
Ca să mi–l omoare
Pe cel moldovan,
Că–i mai ortoman
Ș–are oi mai multe,
Mândre și cornute
Și cai învățați
Și câni mai bărbați.
Dar cea mioriță,
Cu lână plăviță,
De trei zile–ncoace
Gura nu–i mai tace,
Iarba nu–i mai place.
 
 
Mioriță laie,
Laie, bucălaie,
De trei zile–ncoace
Gura nu–ți mai tace!
Ori iarba nu–ți place,
Ori ești bolnăvioară,
Drăguță mioară?
 
 
Drăguțule bace,
Dă–ți oile–ncoace,
La negru zăvoi,
Că–i iarbă de noi
Și umbră de voi.
Stăpâne, stăpâne,
Îți cheamă ș–un câne,
Cel mai bărbătesc
Și cel mai frățesc,
Că l–apus de soare
Vor să mi te–omoare
Baciul ungurean
Și cu cel vrâncean!
 
Oiță bârsană,
De ești năzdrăvană
Și de–a fi să mor
În câmp de mohor,
Să spui lui vrâncean
Și lui ungurean
Ca să mă îngroape
Aice, pe–aproape,
În strunga de oi,
Să fiu tot cu voi;
În dosul stânii,
Să–mi aud cânii.
Aste să le spui,
Iar la cap să–mi pui
Fluieraș de fag,
Mult zice cu drag;
Fluieraș de os,
Mult zice duios;
Fluieraș de soc,
Mult zice cu foc!
Vântul, când a bate,
Prin ele–a răzbate
Ș–oile s–or strânge,
Pe mine m–or plânge
Cu lacrimi de sânge!
Iar tu de omor
Să nu le spui lor.
Să le spui curat
Că m–am însurat
C–o mândră crăiasă,
A lumii mireasă;
Că la nunta mea
A căzut o stea;
Soarele și luna
Mi–au ținut cununa.
Brazi și păltinași
I–am avut nuntași,
Preoți, munții mari,
Paseri, lăutari,
Păsărele mii,
Și stele făclii!
 
 
Iar dacă–i zări,
Dacă–i întâlni
Măicuță bătrână,
Cu brâul de lână,
Din ochi lăcrimând,
Pe câmp alergând,
Pe toți întrebând
Și la toți zicând:
Cine–a cunoscut
Cine mi–a văzut
Mândru ciobănel,
Tras printr–un inel?
Fețișoara lui,
Spuma laptelui;
Mustăcioara lui,
Spicul grâului;
Perișorul lui,
Pana corbului;
Ochișorii lui,
Mura câmpului!”
 
Tu, mioara mea,
Să te–nduri de ea
Și–i spune curat
Că m–am însurat
C–o fată de crai,
Pe–o gură de rai,
Iar la cea măicuță
Să nu spui, drăguță,
Că la nunta mea
A căzut o stea,
C–am avut nuntași
Brazi și păltinași,
Preoți, munții mari,
Paseri, lăutari,
Păsărele mii,
Și stele făclii!

« Par les cols fleuris,

Seuils de paradis,
Vois descendre, prestes,
Des jardins célestes,
Trois troupeaux d’agneaux
Et trois pastoureaux :
L’un de Moldavie,
L’un de Transylvanie,
Et l’un de Valachie ;
Or, ces deux bergers,
Ces deux étrangers,
Les voici qui causent,
Dieu ! ils se proposent
De tuer d’un coup,
Entre chien et loup,
Ce pasteur moldave,
Car il est plus brave,
Il a plus d’agneaux,
Encornés et beaux,
Des chevaux superbes
Et des chiens acerbes.
Or, voici trois jours,
Qu’à nouveau, toujours !
Sa brebis chérie
Reste, là, marrie,
Sa voix ne se tait,
L’herbe lui déplaît.
 
O, brebis bouclée,
Bouclée, annelée,
Depuis quelques jours
Tu gémis toujours !
L’herbe est–elle fade,
Ou es–tu malade ?
Dis–moi, cher trésor
À la toison d’or.
 
Maître, mon doux maître,
Mène–nous pour paître,
Dans le fond des bois,
Où l’on trouve, au choix,
De l’herbe sans nombre
Et pour toi de l’ombre.
Maître, ô maître mien !
Garde auprès un chien,
Le plus fort des nôtres,
Car, sinon, ses autres
Te tueront d’un coup
Entre chien et loup.
 
 
O, brebis liante,
Si tu es voyante,
Si ce soir je meurs
Dans ce val en fleurs,
Dis–leur, brebis chère,
De me mettre en terre
Près de tous mes biens,
Pour ouïr mes chères.
Puis, quand tout est prêt
Mets à mes chevet :
Un pipeau de charme,
Moult il a du charme !
Un pipeau de houx,
Moult est triste et doux !
Un pipeau de chêne,
Moult il se déchaîne !
Lorsqu’il soufflera
Le vent y jouera ;
Alors rassemblées,
Mes brebis troublées,
Verseront de rang
Des larmes de sang.
Mais, de meurtre, amie
Ne leur parle mie !
Dis–leur, pour de vrai,
Que j’ai épousé
Reine sans seconde,
Promise du monde ;
Qu’à ces noces–là
Un astre fila ;
Qu’au–dessus du trône
Tenaient ma couronne :
La Lune, en atours,
Le Soleil, leurs cours,
Les grands monts, mes prêtres,
Mes témoins, les hêtres,
Aux hymnes des voix
Des oiseaux des bois ;
Que j’ai eu pour cierges
Les étoiles vierges,
Des milliers d’oiseaux
Et d’astres, flambeaux !
 
Mais si tu vois, chère,
Une vieille mère
Courant, toute en pleurs
Par ces champs en fleurs,
Demandant sans cesse
Pâle de détresse :
« Qui de vous a vu,
Qui aurait connu
Un fier pâtre, mince
Comme un jeune prince ?
Son visage était
L’écume du lait ;
Sa moustache espiègle,
Deux épis de seigles ;
Ses cheveux, si beaux,
Ailes de corbeaux ;
Ses prunelles pures
La couleur des mures ! »
 
Toi, dis–lui, qu’en vrai
J’avais épousé
Reine sans seconde,
Promise du monde,
Dans un beau pays,
Coin du paradis !
Mais, las ! à ma mère
Ne raconte guère
Qu’à ces noces–là
Un astre fila ;
Les grands monts, mes prêtres,
Mes témoins les hêtres,
Aux hymnes des voix
Des oiseaux des bois ;
Que j’ai eu pour cierges
Les étoiles vierges,
Des milliers d’oiseaux

Et d’astres flambeaux ! »

 Jules Michelet (traducteur), Paris, 1854

Autres versions

Voici une version traduite en français par Ion Ureche :

Par les cols fleuris
Seuils de paradis,
Vois descendre, prestes,
Des jardins célestes,
Trois troupeaux d'agneaux
Et trois pastoureaux :
L'un de Moldavie,
L'un de Hongrie (la principauté de Transylvanie faisait, au Moyen Âge, partie du Royaume de Hongrie),
L'un de Valachie ;
Or, ces deux pasteurs,
Ces deux prédateurs,
Les voici qui causent,
Dieu ! ils se proposent
De tuer d'un coup,
Entre chien et loup,
Ce pasteur moldave,
Car il est plus brave,
Il a plus d'agneaux,
Encornés et beaux,
Des chevaux superbes
Et des chiens acerbes.
Or, voici trois jours,
Qu'à nouveau, toujours !
Sa brebis chérie
Reste, là, marrie,
Sa voix ne se tait,
L'herbe lui déplait".
- "O, brebis bouclée,
Bouclée, annelée,
Depuis quelques jours
Tu gémis toujours
L'herbe est-elle fade
Ou es-tu malade ;
Dis-moi, cher trésor
À la toison d'or ?
- "Maître, mon doux maître
Mène-nous pour paître
Dans le fond des bois
Où l'on trouve, au choix,
De l'herbe sans nombre
Et pour toi de l'ombre.
Maître, ô maître mien !
Garde auprès un chien,
Le plus fort des nôtres,
Car, sinon, les autres
Te tueront d'un coup
Entre chien et loup".
- "O, brebis liante,
Si tu es voyante,
Si ce soir je meurs
Dans ce val en fleurs,
Dis-leur, brebis chère,
De me mettre en terre
Près de tous mes biens,
Pour ouïr mes chères.
Puis, quand tout est prêt
Mets à mes chevet :
Un pipeau de charme,
Moult il a du charme !
Un pipeau de houx,
Moult est triste et doux !
Un pipeau de chêne,
Moult il se déchaîne !
Lorsqu'il soufflera
Le vent y jouera ;
Alors rassemblées,
Mes brebis troublées,
Verseront de rang
Des larmes de sang.
Mais, de meurtre, amie
Ne leur parle mie !
Dis-leur, pour de vrai,
Que j'ai épousé
Reine sans seconde,
Promise du monde ;
Qu'à ces noces-là
Un astre fila ;
Qu'au-dessus du trône
Tenaient ma couronne
La Lune, en atours,
Le Soleil, leurs cours,
Les grands monts, mes prêtres,
Mes témoins, les hêtres,
Aux hymnes des voix
Des oiseaux des bois.
Que j'ai eu pour cierges
Les étoiles vierges,
Des milliers d'oiseaux
Et d'astres, flambeaux !…
Mais si tu vois, chère,
Une vieille mère
Courant, toute en pleurs
Par ces champs en fleurs,
Demandant sans cesse
Pâle de détresse :
- Qui de vous a vu,
Qui aurait connu
Un fier pâtre, mince
Comme un jeune prince ?
Son visage était
L'écume du lait ;
Sa moustache espiègle,
Deux épis de seigles ;
Ses cheveux, si beaux,
Ailes de corbeaux ;
Ses prunelles pures
La couleur des mures !
Toi, dis-lui, qu'en vrai
J'avais épousé
Reine sans seconde,
Promise du monde,
Dans un beau pays,
Coin du paradis !
Mais, las ! à ma mère
Ne raconte guère
Qu'à ces noces-là
Un astre fila ;
Qu'au-dessus du trône
Tenaient ma couronne :
La Lune, en atours,
Le Soleil, leurs cours,
Les grands monts, mes prêtres,
Mes témoins les hêtres,
Aux hymnes des voix
Des oiseaux des bois ;
Que j'ai eu pour cierges
Les étoiles vierges,
Des milliers d'oiseaux
Et d'astres flambeaux !…

Exégèse

De très nombreuses exégèses ont étudié le symbolisme ternaire et la portée philosophique de Miorița : le thème mioritique a inspiré de très nombreux écrivains, compositeurs et artistes plastiques ; il a été traduit dans plus de 20 langues étrangères et George Călinescu le considère comme « l'un des quatre mythes fondateurs de la littérature roumaine »[3].

Mircea Eliade avait imaginé que Miorița pourrait avoir une ancienne origine indo-européenne[4], car une légende similaire existe en effet en Inde, chez les bergers du Maharashtra, du Rajasthan et du Gujarat, liée aux mythes entourant les loups[5]. Sans remonter jusqu'aux premiers indo-européens, il est possible que ce soient les conteurs Roms, originaires de l'Inde, qui aient véhiculé cette légende jusqu'aux pays habités par les roumanophones.

Quoi qu'il en soit, Miorița compte plus de 2000 variantes selon les régions[6]. Par exemple, Toma Alimoș est une ballade similaire de Valachie, au dénouement moins tragique ; en Transylvanie et Marmatie Miorița était déclamée sous forme de colinde lors des fêtes du nouvel an, et accompagnait des rites initiatiques de passage à l'âge adulte[7]. Dans les autres régions, Miorița s'est muée en ballade populaire[8].

Plus sarcastiquement, les Roumains ont coutume de se moquer d'eux-mêmes en affirmant que l'étude à l'école primaire de Cățeluș cu părul creț / fură rața din coteț (« Chiot au poil frisé qui vole la cane du poulailler »), au collège de Miorița (où deux roumains complotent pour en tuer un troisième afin de le voler, et ce dernier se laisse faire) et enfin au lycée de Luceafărul (poème épique « L'Étoile du matin » de Mihai Eminescu, où une minette superficielle amène un génie au bord de la folie pour finalement lui préférer un bellâtre inculte) encourage les dysfonctionnements de la société roumaine (corruption, économie parallèle, complots et instabilité en politique, consumérisme, conformisme, traditionalisme dans les archétypes amoureux ou familiaux, et priorité donnée aux apparences, le tout enrobé de fatalisme)[9].

Liens externes

Notes

  1. Selon les dictionnaires Pușcariu, p. 1054; Capidan et Cândrea-Densușianu.
  2. Victor Kernbach, (ro) Dicționar de mitologie generală, Bucarest, 1989, p. 430-431.
  3. (ro) George Călinescu, Istoria literaturii române de la origini până în prezent (1941, réédité par Nagard en 1980 à Milan, 948 pp.)
  4. Mircea Eliade, De Zalmoxis à Gengis-Khan, études comparatives sur les religions et le folklore de la Dacie et de l'Europe orientale, Payot « Bibliothèque historique », Paris 1970.
  5. Senani Hegde, Nima Manjrekar et Bobby Krupkar : Loup y es-tu ?, enquête dans les plaines de l’Inde, 40-ème minute, documentaire indo-allemand, Arte-ZDF 2014, et
  6. Adrian Fochi, (ro) Miorița, Bucarest 1964
  7. Adrian Fochi, (ro) Miorița, 1964 et Dorin Ștef, (ro) Miorița s-a născut în Maramureș (Miorița est née au Maramureș), Bucarest 2005, chap. Întoarcerea la obârșii retour aux sources »)
  8. Selon Mihail Sadoveanu, Alecu Russo et Nichita Stănescu cités dans Miorița s-a născut în Maramureș, 2005, chap. Fenomenul cultural
  9. Rapporté par le critique littéraire George Pruteanu: Critic literar.
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