Miroirs des princes

Les « Miroir des princes » (Specula principum), qui relèvent du genre littéraire du miroir apparu au Moyen Âge, sont des sortes de traités d'éthique, de marche à suivre, de préceptes moraux spécifiquement destinés aux chefs d'État de l'époque.

La définition du genre « Miroir des princes », du latin specula principum, ou speculum principis est l'objet d'études approfondies, pour ce qui concerne sa définition au Moyen Âge, dès le début du XXe siècle. En 1938, l'ouvrage de W. Berges Fürtenspiegel des hohens und späten Mitteralters « (Miroir des princes du haut et bas Moyen Âge »), fait date. Depuis quelques années, le genre est étudié par les historiens de la pensée pour comprendre la politique au Moyen Âge[1],[2]. À ce jour, la définition du genre pose question. Les travaux d'Einar Mar Jonsson[3] donnent les cadres de définition du genre. Frédérique Lachaud et Lydwine Scordia ont également dirigé la rédaction d'un ouvrage sur la question des « Miroirs des princes » : De l'Antiquité aux Lumières.

En 2019, un colloque s'est tenu à Namur sur la question de la plasticité de ce genre littéraire[4].

Histoire

Super Physicam Aristotelis, 1595.

Antiquité

Des écrits de conseillers (souvent des théologiens) à l'intention des souverains existaient déjà durant l'Antiquité mais sous une forme différente. Ils se développent véritablement au VIIIe siècle. Les « Miroirs des princes » constituent une sorte de manuel composé de conseils et de préceptes moraux destinés à montrer au souverain la voie à suivre pour régner selon la volonté de Dieu ou des divinités. Comme leur nom l'indique, ces traités font figure de miroirs renvoyant l'image, la description du roi parfait.

De nombreux textes sont rédigés en grec par des philosophes païens (Jamblique, Sopatros d'Apamée, Thémistios) et un théologien chrétien (Eusèbe de Césarée) au ive siècle après J.-C., à une époque charnière de l'Empire romain, une période de transition entre le monde gréco-romain et les débuts des civilisations médiévales (latine, byzantine et arabe). Ces différents courants de pensée portent sur ce que serait le bon gouvernement ; sur ce qui fait qu'un roi est bon ; sur les qualités morales et intellectuelles, les responsabilités et les fonctions du meilleur gouvernant ; sur le sens de la politique[5].

Islam

Dans la tradition islamique, les plus anciens traités d'éthique gouvernementale nous étant parvenus sont datés du VIIIe siècle[6],[7],[8].

Les premiers « Miroir des princes » sont sans doute ceux d'Abd al-Hamid Ibn Yahya et d'Ibn al-Muqaffa avec l'Al-Adab al-Kabīr[9]. Al-Imam al-Hadrami a composé le Kitâb al-Ishâra (Traité de bonne conduite princière) au XIe siècle[10].

L'un des plus célèbres, le Kitâb at-tibr al-masbûk fî nasîhat al-mulûk (Le miroir du prince et le conseil aux rois), est composé par l'imam Abû Hamid Al-Ghazâlî à la fin de sa vie, entre 1105 et 1111[11].

En 1603, parait le Taj as-Salatin (La couronne des rois) rédigé en malais classique (jawi) attribué à Bukhari al-Jauhari[12]. Il serait en grande partie basé sur le Nasîhat al-Mulûk d'Al-Ghazâlî[13].

Époque carolingienne

En Europe occidentale, le premier véritable « Miroir des princes » de l'époque carolingienne fut la Via regia écrite par Smaragde de Saint-Mihiel aux alentours de l'année 813 pour Louis le Pieux, alors qu'il n'était pas encore empereur. Le texte de Smaragde est empreint d'une forte valeur morale que l'auteur lie étroitement au domaine politique et à la personne du roi. Parmi d'autres écrits de ce type, la Cyropédie de Xénophon a été imitée au Moyen Âge comme modèle du genre « Miroir des princes ». Il convient de citer également le Liber exhortationis, écrit vers 795 par l'évêque Paulin d'Aquilée pour le duc Éric de Frioul[14], et le De regis persona et regio ministerio d'Hincmar de Reims, rédigé en 873, qui adopte une vision de la fonction des évêques qui est bien distincte de l'autorité royale. Un ouvrage majeur dans la lignée des « Miroirs des princes » est le De institutione regia que Jonas d'Orléans écrivit vraisemblablement en 831 pour Pépin d'Aquitaine, un des fils de Louis le Pieux. Le De institutione regia fonde la royauté sur des vertus morales nécessaires pour la recherche du salut de l'âme et de l'amour de Dieu.

Dans cette optique, les « Miroir des princes » touchent également aux rapports des pouvoirs — le temporel et le sacerdotal —, et à leur position vis-à-vis de Dieu.

Articles connexes

Notes et références

  1. Michel Senellart, Les arts de gouverner. Du regimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, seuil, Passim
  2. Frédérique Lachaud, L'éthique du pouvoir au moyen âge, Paris, classiques Garnier
  3. Einar Már Jónsson, « Les « miroirs aux princes » sont-ils un genre littéraire ? », Médiévales, no 51, , p. 153–166 (ISSN 0751-2708 et 1777-5892, DOI 10.4000/medievales.1461, lire en ligne, consulté le )
  4. « calenda »
  5. Miroirs de prince de l’empire romain au IVe siecle, Dominic O'Meara 2006 ed cerf
  6. Denise Aigle, « La conception du pouvoir dans l'islam. Miroirs des princes persans et théorie sunnite (XIe-XIVe siècles) », Perspectives médiévales vol. 31, 2007, p. 17.
  7. Gustav Richter, « Studen zur Geschichte der alteren arabischen Fürstenspiegel », Peipzig, 1932.
  8. Dimitri Gutas, « Classical Arabic Wisdom Literature : Nature and Scope », Journal of the American Oriental Society, vol. 101, 1981, p.49-86.
  9. Denise Aigle, « La conception du pouvoir dans l'islam. Miroirs des princes persans et théorie sunnite (XIe-XIVe siècles) », Perspectives médiévales vol. 31, 2007, p. 26.
  10. Mohamed Salem Ideidbi, (2011). Traité de politique ou Conseils pour la conduite du pouvoir d'al-Imam al-Hadrami. (ISBN 9782705338510).
  11. https://attahawi.files.wordpress.com/2011/04/nasihat-al-muluk-by-imam-al-ghazali.pdf.
  12. http://www.unesco.org/new/fr/communication-and-information/flagship-project-activities/memory-of-the-world/memory-of-the-world-nominations-2011/full-list-of-current-nominations/current-nominations-t-to-z/taj-al-salatin-the-crown-of-kings/
  13. Zaini-Lajoubert Monique. Le deuxième colloque international de l’Association malaisienne de littérature comparée (Kuala Lumpur, 7-9 juin 2007). In: Archipel. Volume 74, 2007. p. 8. url : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_2007_num_74_1_3910 Consulté le 06 mars 2013
  14. Franz Brunhölzl, Histoire de la littérature latine du Moyen Âge, volume 1, partie 2, Université catholique de Louvain, Institut d'études médiévales, 1991.
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