Mohand Amokrane Khelifati

Mohammed Amokrane Khelifati, dit Mohand Amokrane Khelifati, né le à Ain El Hammam (Algérie française) et mort le à Paris 20e (France), est un homme politique algérien et linguiste autodidacte. Il a adhéré très tôt au mouvement nationaliste algérien et milité toute sa vie pour la cause berbère.

Khelifati Mohand Amokrane
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Mohammed Amokrane Khelifati
Nationalité
Activité

Biographie

Mohand Amokrane Khelifati est né le à Azrou Kollal, commune de Ain El Hammam (ex Michelet), wilaya de Tizi Ouzou, Algérie. Pendant son enfance, il a fréquenté l'école primaire du village d'Azrou Kollal, où il a obtenu son certificat d'études primaires en 1928[1].

Alphabet berbère

Dès son jeune âge, Mohand Amokrane Khelifati s'intéresse à sa langue, le berbère et entreprend des recherches, notamment sur sa transcription. Il compléte un alphabet berbère en 1934. La transcription de cet alphabet est originale et ne dérive ni du latin, ni de l’arabe, ni du tifinagh[1],[2],[3].

Camp de Djenien Bourezg

Il adhère à l'Étoile nord-africaine (ENA) en 1936, puis au Parti du peuple algérien (PPA) à la création de ce dernier. Pour rappel, le PPA a été créé le par Messali Hadj en France[4]. Militant actif au sein du PPA, Mohand Amokrane Khelifati est l'un des organisateurs du parti dans la région de Kabylie. Recherché par les autorités coloniales, il entra dans la clandestinité. Le , il est arrêté par le régime de Vichy et est interné dans le camp de Djenien Bourezg à 70 km au sud de Ain Sefra à 1 000 m d’altitude, en compagnie de militants du PPA et de communistes algériens. Il a vulgarisé son alphabet à un auditoire de prisonniers intéressés, des nationalistes et communistes kabyles. Cette initiative a entrainé une prise de conscience sur la dimension berbère de l'Algérie. Certains militants kabyles parlaient déjà de l'intégration de cette question dans le mouvement nationaliste. Mohand Amokrane a été libéré en et il reprend ses activités nationalistes[1],[3],[2].

Avant son arrestation de 1946

En , il prend de nouveau le maquis et ses compagnons étaient les militants tels qu'Amar Ould Hamouda, Ouali Bennaï et d’autres. Ces militants nationalistes, jaloux de leur identité, ont toujours associé la question berbère à l’indépendance nationale et à la démocratie. Lors de la venue de Amar Khelil, délégué officiel du parti, en , cette approche lui a été développée par les cadres de la Kabylie en présence de notamment Amar Chikh, Belaïd Aït-Medri, Salem El-Hadj et Mohand Amokrane Khelifati selon lequel la mise entre parenthèses de la question de la langue berbère fut décidée à cette réunion. Sa proposition de préparer un programme d'enseignement de tamazight en adoptant son alphabet original et de le présenter au parti fut rejetée[1],[3],[5].

Quelques jours après la réunion de , Mohand Amokrane Khelifati a été arrêté après avoir tiré sur un gendarme à Draa Ben Khedda (ex Mirabeau) dans la wilaya de Tizi Ouzou. Il est jugé au tribunal de Ain El Hammam et interné à la prison de Tazoult (ex Lambèze) près de Batna[1],[2] Pour l’anecdote, le juge lui demande: « Pourquoi êtes vous allé jusqu’à Mirabeau (60 km de Michelet) pour tirer sur un gendarme ? » Si Mohand Amokrane répond au juge : «Comment êtes vous venu d’Alsace pour me juger dans mon pays (ou à Michelet) ? ».

La crise berbériste

Durant les années de détention de Mohand Amokrane Khelifati, la question berbère a évolué. Messali Hadj a lancé « un Appel aux Nations Unis » en où il affirme que l'Algérie est arabe. Cela a déplu à certains militants kabyles et la réponse n'a pas tardé à venir. En effet, une motion de Rachid Ali-Yahia est votée en , qui préconisait l'égalité des langues et des cultures berbère et arabe. « Sur 32 membres du Comité fédéral, 28 rejettent toute idée d'une Algérie arabe et musulmane et se prononcent pour la thèse de l'Algérie algérienne» [1] (Harbi, 1980, p. 63 et Aït-Ahmed, 1983, p. 179)[3].

Après sa libération de Tazoult à la fin de l’année 1948, Mohand Amokrane Khelifati est dépêché à Paris par Amar Ould Hamouda (chef de l’OS en Kabylie), pour essayer de régler les problèmes surgis au cours de la crise berbériste[2].

Mohand Amokrane Khelifati a participé à une réunion clandestine des militants berbéristes du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques, MTLD, qui s’était tenue, le , au 59, rue Ordener à Paris 18e. Cette réunion a été perturbée par des militants MTLD anti berbéristes. Il y a eu une trentaine de blessés légers[1].

À Paris, le , Mohand Amokrane Khelifati rompt avec le PPA qui ne prend pas en considération sa proposition de demande d’un congrès extraordinaire du Parti[1],[2].

Tiwizi n tmazight

Une «Association pour le développement de la langue berbère» dite «Tiwizi n tmazight» est créée le à Paris. Khelifati Mohand Amokrane était l’un des 12 membres du conseil d’administration composé entre autres de : Dr Aïssani, Mohand Ait Amrane, Tahar Bouaziz, Ali Boudaoud, Rabah Cerbah, Ali Daoud, Mohamed Heroui, Si Mohand Amokrane Haddag, « Jojo» d'Azazga, Si Mohand Amokrane Khelifati et Moulay. Tous sont des anciens militants du PPA-MTLD.[1]

Académie berbère

L’Académie berbère est une association culturelle créée le , lors d'une réunion de 25 personnes à Levallois Perret dans la région parisienne. Cette association française régie par la Loi 1901 fut fondée par quelques jeunes intellectuels kabyles dont Rahmani Abdelkader, Mohand Said Hanouz, Naroun Amar, Khelifati Med Amokrane, Taos Amrouche, Mohand Arab Bessaoud et sera parrainée par Jacques Bénet. Cette association est déclarée le sous la dénomination ABERC – Académie Berbère d’Échanges et de Recherches Culturels. Elle est domiciliée au 6, rue de la Paix 75002 Paris. Le premier bureau exécutif factuel se compose comme suit : président : Abdelkader Rahmani ; 1er vice-président : Amar Naroun ; 2e vice-président : Mohand Amokrane Khelifati ; 3e vice-président : Said Hanouz ; trésorier : Mohand Arab Bessaoud ; secrétaire : Djaffar Oulahbib. Elle changea plusieurs fois de siège et se stabilisa au 5, rue d’Uzès à Paris 2e[6],[7],[8],[9].

À partir du , cette association devient "Académie Berbère – Agraw Imazighen". le bureau de cette académie comprenait : • un président : Mohand Said Hanouz, professeur de pharmacologie et écrivain ; • un vice-président : Youssef Achour, ancien sous-préfet et sénateur ; • un secrétaire général : Hamici Hamid, animateur de la chaîne de radio kabyle ; • une trésorière : Mme Mina Charlette. Mohand Arab Bessaoud assurait les fonctions de secrétaire de l’association. Le siège de l’Académie Berbère au 5, Rue d’Uzès à Paris 2e, fut l’adresse la plus connue des Berbères d’Afrique du Nord et même au-delà. Elle a symbolisé la référence du combat amazigh des années 1970[6]. Mohand Amokrane Khelifati a quitté l’académie au début des années 1970.

La rue des Vignoles

Durant les années 1980, Mohand Amokrane Khelifati est tenancier d’un café sis au 37, rue des Vignoles (à hauteur du 85, rue de Buzenval) à Paris 20e, un café très fréquenté par les militants amazigh et les fans de Si Mohand Amokrane[10]. Ce dernier ne prenant qu’un repas par jour, le dîner, un éternel couscous à l’huile d’olive, était entouré jusqu’à une heure tardive de la nuit. Cela discutait de tout : de son alphabet berbère, de la politique algérienne, de la cause berbère… Des historiens, des hommes de culture, des hommes politiques algériens et étrangers venaient recueillir l’information à la source. Il s’est éteint dans sa chambre le [11] à Paris, alors qu’il était en train de lire un journal. Son corps repose à Thakouravt n Sidi Tayeb au village d’Azrou Kollal à Ain El Hammam dans la région de Tizi Ouzou.

Commémorations et hommages

Le nom de Mohand Amokrane Khelifati est lié à la lutte pour la berbérité de l'Algérie et à l'émancipation de la langue berbère. Depuis sa disparition en 1991 jusqu'à nos jours, son nom est cité à chaque fois qu'un auteur évoque la crise berbériste [5],[12], l'académie berbère[7],[8],[9], l'alphabet berbère[13],[14],[15],[16].

À chaque fois qu'un militant berbériste disparaît[10],[17], à chaque commémoration des militants berbères[18],[19],[20], lors de journées de recueillement[21], le nom de Mohand Amokrane Khelifati est rappelé.

Un grand hommage lui est rendu à Azrou Kollal, son village natal, à la suite de la reconstruction de sa tombe le [22].

Notes et références

  1. Amar Ouerdane, « La « crise berbériste » de 1949, un conflit à plusieurs faces », sur persee.fr, (consulté le ).
  2. Benjamin Stora, Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens, L’Harmattan Paris, , 414 p. (lire en ligne), p. 177,178
  3. Hocine Ait Ahmed, Mémoires d’un combattant : L’esprit d’indépendance 1942-1952, Messinger Paris, , 257 p. (lire en ligne), p. 77,180,181.
  4. Messali Hadj, « Mémoires », sur fondationmessali.org (consulté le ), p. 245.
  5. thadarthiw, « Histoire du mouvement pour la reconnaissance de l’amazighité », sur centerblog.net, (consulté le ).
  6. Richard Giraud, « Académie berbère historique », sur http://richard.giraud.over-blog.com, (consulté le ).
  7. Madjid Boumekla, « L’académie berbère renaît de ses cendres », sur lematindz.net, Le Matin d’Algérie, (consulté le ).
  8. Mohand Aarav Bessaoud, De petites gens pour une grande cause ou l’histoire de l’académie berbère 1966-1978), Mohand Aarav Bessaoud, , 173 p. (lire en ligne), p. 28,42,47.
  9. Ramdane Redjala, « Le long chemin de la revendication culturelle berbère », sur persee.fr, Hommes et Migrations, (consulté le ).
  10. Mouhoub Nait Maouche, « Hommage à Ramdane Haifi L’exécution d’un intègre », sur ziane-online.com, La Dépêche de Kabylie, (consulté le ).
  11. Insee, « Extrait de l'acte de décès de Mohammed Amokrane Khelifati », sur MatchID
  12. Ali Guenoun, « Revendication identitaire avant 1980 », sur hardeur48.over-blog.fr, overblog, (consulté le ).
  13. Mouloud Lounaouci, « Langue amazigh et constitution des enjeux : La question de la graphie », sur liberte-algerie.com, Liberté, (consulté le ).
  14. Mouloud Lounaouci, « Transcription de tamazight en caractères arabes : Mouloud Lounaouci répond à Ali El Kenz », sur liberte-algerie.com, Liberté, (consulté le )
  15. Chérif Sini, « La promotion du berbère en Algérie : De la prise de conscience intellectuelle au projet de société citoyenne », sur cairn.info, Cahiers d’Etudes africaines, (consulté le )
  16. Mouloud Lounaouci, « Langue amazigh et constitution des enjeux : La question de la graphie », sur liberte-algerie.com, Liberté, (consulté le )
  17. Rédaction nationale, « Il était l’un des fondateurs de l’académie berbère : Salem Ould Slimane tire sa révérence », sur liberte-algerie.com, Liberté, (consulté le ).
  18. Smail Medjeber, « En hommage à tous(tes) les Militants(tes) et Martyrs(res) de la cause Amazigh, proposition d’un Jour de Mémoire Amazigh », sur tamurt.info, Tamurt, (consulté le ).
  19. Rachid Hamoutène, « De grandes figures historiques et culturelles honorées, 36ème anniversaire du Printemps amazigh », sur djazairess.com, Journal Horizons, (consulté le ).
  20. Koceila Tighilt, « Célébration du 1er anniversaire de l’officialisation de Tamazight à Tizi Ouzou : De petites avancées et de grandes attentes », sur liberte-algerie.com, Liberté, (consulté le ).
  21. B.B, « Recueillement aujourd’hui à la mémoire d’artistes », sur en.calameo.com, Le Temps, (consulté le ).
  22. A.Said, « Revendication identitaire avant 1980Née de la volonté des hommes », sur lexpressiondz.com, L’Expression Le Quotidien, (consulté le ).
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