Mosquée Agha-Pacha

La mosquée Agha-Pacha (en grec moderne : Τζαμί του Αγά Πασά / Tzamí tou Agá Pasá), également connue sous le nom de Vouleftikó (Βουλευτικό, « Parlement »), est un édifice ottoman situé dans la ville grecque de Nauplie, dans le Péloponnèse. Commanditée par Agha Pacha, la mosquée abrita le premier Parlement hellénique entre 1825 et 1826. Le lieu sert aujourd'hui d'espace culturel et événementiel.

Mosquée Agha-Pacha
Vouleftikó

La mosquée vue depuis Acronauplie, au sud.
Présentation
Nom local Τζαμί του Αγά Πασά
Culte Musulman
Type Mosquée
Rattachement Ministère de la Culture et des Sports
Fin des travaux 1716, 1730 ou entre 1818 et 1820
Autres campagnes de travaux Restauration : années 1990
Style dominant Ottoman
Protection Bâtiment protégé en Grèce
Géographie
Pays Grèce
Périphérie Péloponnèse
District régional Argolide
Ville Nauplie
Coordonnées 37° 33′ 56″ nord, 22° 47′ 47″ est

Histoire

Une datation et un commanditaire incertains

Selon une légende locale, la mosquée fut érigée par Agha Pacha dans une tentative d'expiation du crime de deux Vénitiens qui tentaient de trouver un trésor enfoui pendant la seconde occupation de la République de Venise. L'édifice aurait été construit avec le pactole découvert. Le pacha, qui vivait sur les hauteurs du chantier, ne vit cependant pas l’édifice achevé puisqu'il perdit la vie en tombant de son balcon[1],[2].

Étant donné l'absence de traces écrites irréfutables et les multiples changements d'usage ayant altéré l'architecture originelle, la date de construction exacte de la mosquée est inconnue. Les sources divergent également quant au commanditaire de l'édifice. Le dénommé Agha Pacha pourrait être identifié dans les archives ottomanes sous le nom de Ragıb Pacha, général de province (mirmiran (en)), qui résida à Nauplie et mourut en [3]. La mosquée aurait donc vraisemblablement été achevée entre 1818 et 1820, d'après les plans de l'architecte Antónios Rigópoulos, originaire du village de Langádia en Arcadie[3],[4].

L'archéologue Sémni Karoúzou[2], ainsi que les auteurs de la publication ministérielle de référence sur l'architecture ottomane en Grèce[1], font toutefois l'hypothèse plus générale d'une construction entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle. Pour autant, d'autres auteurs ont indiqué les dates antérieures de 1716[5] et 1730[6].

Le premier Parlement hellénique

Durant la guerre d'indépendance, à la suite de la prise de la ville par les forces grecques en 1822, le nouvel organe législatif national permanent, appelé « Vouleftikó », décida la restauration de la mosquée en ruine en , afin de servir de siège à l'assemblée. Les travaux furent confiés à l’ingénieur militaire Theódoros Valliános (el)[1] et le contrat d'un montant de 7 000 piastres signé le [3]. Afin de marquer la désacralisation, les murs de l'ancienne mosquée furent plâtrés et blanchis à la chaux[7]. La couverture des dômes et les ouvertures furent également reprises, ainsi que les espaces intérieurs, notamment la galerie surélevée en bois autrefois réservée aux femmes[3].

L'inauguration de l'ancienne mosquée devenue premier Parlement de la Grèce moderne eut lieu le . L'édifice accueillit des sessions parlementaires plénières de l'automne 1825 au printemps 1826[1]. Le , lors d'affrontements entre révolutionnaires, un tir de mortier frappa le monument, tuant le député Chrístos Gerothanásis qui se trouvait à l'intérieur[8]. Cet événement tragique marqua peu ou prou la fin de l'usage parlementaire de l'ancienne mosquée Agha-Pacha[3].

Une multitude d'usages successifs

La mosquée Agha-Pacha servit de salle de bal au début de la Régence, puis fut convertie en tribunal[3],[9]. Le lieu fut notamment le théâtre du procès de Dimítrios Plapoútas et Theódoros Kolokotrónis en 1834[10]. Des travaux furent conduits l'année suivante afin de transformer l'édifice et la médressé voisine en prison[3]. Le général Stáikos Staïkópoulos, artisan de la prise de la forteresse Palamède en , y fut notamment incarcéré[2].

Entre 1915 et 1932, la mosquée fit office de lieu de stockage pour le Musée archéologique de Nauplie situé à proximité[3]. Il servit également d'école, d'hôpital, de caserne et, plus récemment, de conservatoire[9]. C'est aujourd'hui un espace culturel et événementiel à l'étage[6], tandis que le rez-de-chaussée abrite la galerie municipale de Nauplie[9].

Architecture

L'édifice, surplombant l'actuelle place Sýntagma, appartient au type architectural des mosquées surélevées (fevkani) à deux niveaux[3]. Dans sa partie supérieure, le monument présente une salle de prière rectangulaire et un imposant dôme[6]. L'accès depuis la rue s'effectue par un escalier conduisant à la façade principale, où deux niches à muqarnas encadrent l'entrée. Un porche à trois dômes surmontait à l'origine le parvis actuel, détruit par un tremblement de terre en 1910[3]. Le linteau de l'une des portes originelles de la mosquée est composé d'une colonne provenant du site archéologique de Mycènes[3]. La maçonnerie est constituée d'un appareil isodome en pierre de taille calcaire, provenant potentiellement du monastère de Karakála situé à une dizaine de kilomètres au nord-est de Nauplie[2],[9]. À l'intérieur de la salle de prière, le mihrab au décor peint polychrome fut découvert en 1990 et mis en valeur lors des campagnes de restauration de la mosquée entre 1994 et 1999[9].

Dans la partie inférieure en rez-de-chaussée, la mosquée consiste en dix petites salles rectangulaires résultant des réaménagements lors de la transformation en prison. Cet espace était initialement dévolu aux activités commerciales[9]. Un passage commun avec la médressé voisine constituait une entrée secondaire pour les marchands et menait à la base du minaret situé à l'angle sud-ouest, dont il ne reste que peu de traces aujourd'hui[3].

Galerie

Notes et références

  1. Vassilíou 2008, p. 126.
  2. (el) Chrístos Piterós, « Βουλευτικό – Πότε χτίστηκε το μεγάλο Τζαμί «Βουλευτικό» στο Ναύπλιο » Vouleftikó – Quand la grande mosquée « Vouleftikó » a-t-elle été construite à Nauplie ? »], sur www.argolikivivliothiki.gr, 4e Éphorie des antiquités d'Argolide, (consulté le )
  3. Amygdalou et Kolovos 2021.
  4. (el) Chrístos Konstantinópoulos, Η μαθητεία στις κομπανίες των χτιστών της Πελοποννήσου L'apprentissage dans les entreprises de construction du Péloponnèse »], Athènes, Fondation nationale hellénique de la recherche (en), , 136 p. (ISBN 9780007094493, lire en ligne), p. 22 et 23.
  5. (en) Ahmed Ameen, Islamic architecture in Greece: Mosques, Alexandrie, Center for Islamic Civilization studies, Bibliotheca Alexandrina, , 271 p. (lire en ligne), p. 26.
  6. Pantazís et Lámbrou 2009, p. 162.
  7. (en) Raphael Greenberg et Yannis Hamilakis, Archaeology, Nation and Race, Cambridge, Cambridge University Press, , 234 p. (ISBN 978-1-009-16023-0, lire en ligne), p. 105.
  8. Vassilíou 2008, p. 126 et 127.
  9. Vassilíou 2008, p. 127.
  10. Centre des monuments nationaux, Du Bosphore à l'Adriatique : des photographes français découvrent les monuments des Balkans, 1878-1914, Paris, Editions du Patrimoine, , 142 p. (ISBN 978-2-7577-0064-8, lire en ligne), p. 113.

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Kalliopi Amygdalou et Elias Kolovos, « From Mosque to Parliament: The Vouleftiko (Parliament) Mosque in Nafplio and the Spatial Transition from the Ottoman Empire to the Greek State during the Greek Revolution », Bulletin de correspondance hellénique moderne et contemporain, no 4, (ISSN 2732-6535, lire en ligne, consulté le ). 
  • (en) Giórgos Pantazís et Evangelía Lámbrou, « Investigating the orientation of eleven mosques in Greece », Journal of Astronomical History and Heritage, vol. 12, no 2, , p. 159–166 (ISSN 1440-2807, lire en ligne). 
  • (en) Anastasía Vassilíou (trad. du grec moderne par Elizabeth Key Fowden), « Vouleftiko Mosque », dans Érsi Broúskari (dir.) et al., Ottoman architecture in Greece, Athènes, Ministère de la Culture et des Sports, , 494 p. (ISBN 960-214-792-X), p. 126–127. 

Articles connexes

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