Moubarak al-Sabah

Moubarak Al-Sabah (1837 - ) (arabe: الشيخ مبارك بن صباح الصباح) « le Grand » était le souverain du Koweït du , jusqu'à sa mort le . Moubarak accède au trône après avoir tué son frère, Mohammed Al-Sabah. C'est le septième souverain de la dynastie des Al Sabah.

Moubarak al-Sabah
Moubarak Al-Sabah, roi du Koweït
Fonction
Émir du Koweït
-
Muhammad Al-Sabah (en)
Biographie
Naissance
Décès
Nom dans la langue maternelle
الشيخ مبارك بن صباح الصباح‎‎
Nationalité
Activité
Famille
Père
Sabah II Al-Sabah (en)
Fratrie
Muhammad Al-Sabah (en)
Abdûllah II Al-Sabâh (en)
Enfants
Jaber al-Mubarak al-Sabah
Salim Al-Mubarak Al-Sabah (en)

Moubarak est connu pour avoir placé le Koweït sous l'orbite britannique après avoir signé l'accord anglo-koweïtien du . Il s'engagera alors à ne pas recevoir des agents ou des représentants étrangers sans l'approbation du gouvernement britannique. Il est généralement considéré comme le fondateur du Koweït moderne.

Origine

Moubarak naît au Koweït en 1837, au sein de la puissante famille des Al-Sabah. Il servira comme chef militaire dans de nombreuses opérations militaires, principalement au Qatar, au Hasa et dans le sud de l'Irak[1]. Pour tous ses services, il obtient du gouvernement impérial ottoman le titre de «istabl-i amire payesi» ou « Grand chevalier de sa majesté impériale ». C'est dès l'année 1863, qu'il rencontre des responsables britanniques, notamment Sir Lewis Pelly le résident de sa majesté en Iran et plus tard lors d'une mission diplomatique au Bahreïn[2],[3].

Homme avide, il dépense des fortunes à Bombay dans les jeux de hasard, ce qui lui attire l'inimitié de son frère Mohammed qui n'hésite pas à l'insulter en public et à le ridiculiser[4]. Personne ne savait d’où pouvait bien lui venir tout cet argent, lorsqu'on lui posait la question il se contentait de répondre qu'« Allah est grand, et sa générosité est infinie ». Il revient à Koweït en 1897, où il rencontre Abderrahman et son jeune fils, Abdelaziz. Moubarak se prend très vite d'amitié pour Abdelaziz qui écoute ses histoires avec intérêt. Il prendra l’éducation du jeune Saoud en main, et lui enseigne l’histoire, la géographie, les mathématiques et un peu d’anglais. Mais surtout, il lui apprendra le métier de la politique. Moubarak recevait dans ses quartiers nombres d’émissaires, de commerçants, de banquiers ou encore d’explorateurs venant du monde entier. Âgé d’à peine 18 ans, c'est sous l'enseignement de Moubarak que le futur fondateur de l'Arabie saoudite, Abdelaziz, apprendra les rouages de la politique et de la diplomatie.

Le coup d’État contre Mohammed al-Sabah

Le , Moubarak tue ses deux frères, Mohammed, souverain du Koweït et Jarrah, ce qui lui permet d'accéder au trône. La plupart des historiens pensent que Moubarak a tué ses frères, mais les détails de leurs assassinats varient largement. Pour Jill Crystal, Moubarak aurait tué ses frères pendant la nuit avec l'aide de ses deux fils, Jabir et Salim et de partisans[5]. Frederick Anscombe indique également que Moubarak et ses hommes (il ne précise pas si ses fils ont participé à l'opération) ont tué les deux souverains au lever du jour.

On ne sait pas exactement pourquoi Moubarak a tué ses frères, plusieurs théories existent. L'une de ses théories veut que Moubarak ait été mécontent d'être toujours envoyé régler des conflits tribaux dans le désert[1]. Une autre théorie voudrait que Mohammed n'ait pas suffisamment financé les expéditions en question[6]. La troisième théorie fait état de l'impopularité de Mohammed qui était vu comme une personne indolente, paresseuse et faible et qui assommait les Koweïtiens avec une politique fiscale très élevée[1],[5],[7]. La théorie la plus plausible est celle qu'il estimait n'avoir pas reçu sa juste part de l'héritage de son père, de plus il avait une certaine appétence pour le pouvoir[8].

Cependant, pour B. J. Slot, Moubarak n'est pas forcément l'assassin, il en veut pour preuve les informations très divergentes à ce sujet[9]. Néanmoins, les nombreuses rumeurs qui circulaient à l'époque à son sujet ont porté un grand préjudice à sa prise de pouvoir, et lui ont causé du tort vis-à-vis des Ottomans.

Recherche d'une légitimité

Manquant de légitimité, il tentera de soudoyer l'administration ottomane par des pots-de-vin considérables. Voulant être reconnu comme gouverneur du Koweït, il dépensera l'héritage laissé par son père, ce qui ne lui a pas suffi à s'attirer les faveurs du gouvernement impérial qui réfléchira à une intervention au Koweït à partir des troupes stationnées à Bassorah.

Du côté de la population, elle assiste au coup de force dans une relative indifférence, elle espère que cette révolution de palais entraînera une baisse des impôts, et une politique plus libérale du nouveau souverain[4].

Relation avec les Britanniques

Le Koweït revêtait pour les Britanniques une importance cruciale. Les Allemands par la voie des Ottomans construisaient le chemin de fer du « Berlin-Stamboul-Baghdad » dont le point d’aboutissement devait être le Koweït. Cette voie de chemin de fer inquiétait grandement l’Angleterre qui voyait la route terrestre des Indes coupée en deux, et laissait à des nations rivales un accès vers l’Orient.

L’ancien Émir du Koweït Mohammed était acquis aux Ottomans, et donc au projet allemand dans la région. L’Angleterre décida donc de soutenir son frère Moubarak, acquis à la cause britannique lors de ses séjours à Bombay. Les agents de l’India Office lui ont apporté des subsides importants, ce sont eux qui ont financé ses pertes aux jeux, et eux encore qui ont soutenu son coup de force contre son frère[4].

Lors de la bataille perdue contre Al-Rachid, l’Angleterre enverra un cuirassé protéger le Koweït des troupes envoyées par le sultan ottoman.

Campagne du Nedjd

Avec le soutien des Britanniques, Moubarak part en campagne avec 10 000 hommes. Son armée comprenait à la fois des Mountafiks, des Ajmans et les guerriers fidèles aux Saoud. L’objectif était alors de réclamer la partie méridionale du territoire rachidite, dans l’espoir de devenir le chef incontesté du monde arabe[10].

Il confie donc le gros de ses troupes à Abderrahman al-Saoud, et place le jeune Abdelaziz à la tête d’un petit contingent. La campagne se déroule sous de bons auspices jusqu’à la bataille de Sarif (ar) du où, devant la force ennemie, les Mountafiks fuient la bataille et les Ajmans changent de camp.

En pleine déroute, il regagne le Koweït et se prépare à un siège de la capitale. Les Britanniques sont surpris et déçus de l’échec retentissant de leur allié. Moubarak demande le que le Koweït devienne un protectorat britannique[11]. Cette demande est déclinée, les Britanniques sachant qu’elle aurait dressé les puissances européennes contre le Royaume-Uni. Londres envoie cependant un cuirassé protéger le pays et envoie un ultimatum aux Turcs et aux troupes d’Al-Rachid.

Son règne

À la tête du Koweït, il cherchera à gagner toujours plus de souveraineté pour son État. Il autorise en 1904 les Britanniques à installer un bureau de poste dans le pays, et cherchera à doter le Koweït de son propre drapeau.

En , il accorde la ligne de chemin de fer passant par son pays au Royaume-Uni (ce qui portera grandement préjudice à la ligne Berlin-Bagdad), et reçoit en échange 4 000 £ par an, et la promesse d’une reconnaissance de l’autonomie et de sa légitimité à la tête du pays[12].

Moubarak a également soutenu les Saoud lors de la guerre qui les opposait aux troupes d’Ibn-Rachid et aux Ottomans. En il sert de médiateur entre Ibn Saoud et les Ottomans, et élabore dans le même temps la stratégie saoudienne durant les négociations.

Lors de la Première Guerre mondiale, il prend parti pour la révolte arabe, et expulse les Ottomans de Bassorah en . En réaction, le gouvernement britannique reconnaît le Koweït comme un « gouvernement indépendant sous protection britannique »[13]. Dans le même temps, il supprime les symboles ottomans présents sur le drapeau koweïtien et les remplace par « Koweït » écrit en arabe.

La politique observée par Moubarak a nui à l’achèvement de la ligne Berlin-Bagdad, elle a permis aux Britanniques de garder leur prééminence sur le golfe Persique et a empêché les Allemands et les Ottomans de dépêcher du renfort.

Mort et succession

Moubarak, gravement malade, meurt le . Après sa mort, son fils, Jaber II Al-Sabah monte sur le trône, puis ce sera le tour de son frère quelques années plus tard, Salim Al-Moubarak Al-Sabah. Les souverains du Koweït sont tous des descendants directs de Moubarak par la voie de ses deux fils.

Bibliographie

  • (en) Salwa Alghanim, The Reign of Mubarak al-Sabah : Shaikh of Kuwait, 1896-1915, New York, I.B. Tauris, (1re éd. 1998), 242 p. (ISBN 978-1-86064-350-7, lire en ligne)
  • (en) Frederick F. Anscombe, The Ottoman Gulf : The Creation of Kuwait, Saudi Arabia, and Qatar, New York, Columbia University Press, (1re éd. 1997), 270 p. (ISBN 978-0-231-10839-3, lire en ligne)
  • (en) Robin Bidwell, The Affairs of Kuwait 1896-1905 : Volume 1: 1896-1901, Londres, Frank Cass and Company Limited, (1re éd. 1971) (ISBN 978-0-7146-2692-5, lire en ligne)
  • (en) Briton Cooper Busch, « Britain and the Status of Kuwayt 1896-1899 », Middle East Journal, Middle East Institute, vol. 21, no 2, , p. 187–198 (ISSN 0026-3141, lire en ligne)
  • (en) Michael S. Casey, The History of Kuwait, Westport, CT, Greenwood Publishing Group, (1re éd. 2007), 160 p. (ISBN 978-0-313-34073-4, lire en ligne)
  • (en) Jill Crystal, Oil and Politics in the Gulf : Rulers and Merchants in Kuwait and Qatar, Cambridge University Press, (1re éd. 1990), 242 p. (ISBN 978-0-521-46635-6, lire en ligne)
  • (en) B.J. Slot, Mubarak Al-Sabah : Founder of Modern Kuwait 1896-1915, Londres, Arabian Publishing Ltd., (1re éd. 2005), 461 p. (ISBN 978-0-9544792-4-4, lire en ligne)

Références

  1. Anscombe 1997, p. 93
  2. Alghanim 1998, p. 33
  3. Bidwell 1971, short blurb on the Al-Sabah genealogical map insert, p. xviii
  4. Ibn Seoud, ou la naissance d'un royaume, Benoist-Méchin
  5. Crystal 1995, p. 23
  6. Casey 2007, p. 84
  7. Slot 2005, p. 65
  8. Anscombe 1997, p. 94
  9. Slot 2005, p. 76
  10. Anscombe 1997, p. 118
  11. Slot 2005, p. 178
  12. Anscombe 1997, p. 134
  13. Slot 2005, p. 406

Liens externes

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