Niger (fleuve)

Le Niger, ou Djoliba en mandingue, est un fleuve d'Afrique occidentale, le troisième du continent par sa longueur, après le Nil et le Congo. Il prend sa source entre la Sierra Leone et la Guinée à 800 m d'altitude au pied des monts Tingi pour, après une grande boucle aux confins du Sahara occidental, se jeter dans l'océan Atlantique, au Nigéria. Son cours traverse ou borde six États (la Sierra Leone, la Guinée, le Mali, le Niger, le Bénin et le Nigéria), parmi lesquels deux tirent leur nom directement du fleuve (le Niger et le Nigéria).

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le Niger

Le Niger à Koulikoro (Mali).

Le fleuve Niger avec les limites nationales
Caractéristiques
Longueur 4 184 km
Bassin 2 262 000 km2
Bassin collecteur bassin du Niger
Débit moyen 6 000 m3/s (Sokoto)
Régime pluvial tropical
Cours
Source au pied des monts Tingi
· Localisation Liabidinnkoro
· Altitude 490 m
· Coordonnées 9° 39′ 00″ N, 10° 52′ 00″ O
Embouchure l'océan Atlantique
· Altitude m
· Coordonnées 5° 19′ N, 6° 25′ E
Géographie
Pays traversés Guinée
Mali
Niger
Bénin
Nigeria

Étymologie

Carte de l'Afrique gravée et imprimée à Amsterdam, 1660.

L'étymologie du nom du fleuve est incertaine. Sur les anciennes cartes européennes, le nom est donné au bras moyen du fleuve au Mali actuel. Sur la carte hollandaise de 1660, ci-contre, le Niger apparaît comme identique au fleuve Sénégal (rio senega) qu'il prolonge après Tombouctou prenant alors le nom de fluvius Niger. Cette carte montre que les Européens connaissent l'existence d'un grand fleuve à l'intérieur des terres, mais n'en connaissent clairement ni la source (sur la carte, quelque part dans la région des Grands Lacs) ni le delta (confondu avec celui du fleuve Sénégal). Dans le golfe du Bénin, le fleuve qui débouche n'est pas identifié par le cartographe.

Il est tentant de faire du latin Niger noir ») l'étymon du fleuve. Mais les Portugais, premiers explorateurs et colonisateurs des côtes africaines, nous auraient laissé, sans avoir recours au latin, un Rio Negro (comme ils l'ont fait ailleurs, au Brésil, par exemple) en utilisant leur propre langue dans les cartes diffusées. De plus, les eaux du fleuve ne sont pas noires (ce qui explique le plus souvent l'appellation de rio negro). La tentation d'explication suivante serait de dire que le fleuve a été nommé ainsi pour le désigner comme le « fleuve des Noirs ». Elle ne tient pas non plus : aucune autre rivière africaine, asiatique ou américaine n'a pris le nom de la couleur du peuple qui en habite les rives.

L'explication la plus probable est que les Portugais, comme ils le font pour le Sénégal, adoptent le nom local du fleuve et l'étymologie la plus probable, si l'on retient cette hypothèse, est le touareg gher n gheren fleuve des fleuves ») abrégé en ngher et en usage le long des rives à Tombouctou[1].

Il est utile, en soutien de l'étymon d'origine berbère, de mentionner que la table de Peutinger mentionne un fleuve africain, le flumen Girin fleuve Girin ») et légende : Hoc flumen quidam Grin vocant, alii Nilum appellant, dicitur enim sub terra Etyopium in Nylum ire Lacum, « ce fleuve est nommé Grin, d'autres l'appellent Nil. On dit qu'il coule au sud de (« sous ») l'Éthiopie (« l'Afrique ») et se jette dans le lac du Nil. » Notons qu'en dépit de ces explications, le Girin et le Nil ne sont pas, topographiquement parlant, reliés par le cartographe antique. Une dernière source antique est à considérer, Pline l'Ancien mentionne en effet dans son Histoire naturelle, à plusieurs reprises, un fleuve Nigris, dont il indique qu'il est la frontière entre la province d'Afrique et l'Éthiopie, dans son sens antique, c'est-à-dire l'Afrique sub-saharienne[2]. Lui aussi le compare au Nil, en les séparant très nettement. Il place sa source entre deux peuples et indique le nom d'une ville. Il évoque également le récit de Caius Suetonius Paulinus au sujet d'un fleuve saharien nommé Ger[3]. Cependant, cette dernière mention concerne peut-être plutôt l'Oued Guir.

Le Niger a plusieurs noms locaux dont le mandingue Jeliba ou Joliba ou Dhioliba, le songhaï Issa Beri (littéralement: le grand cours d'eau).

Géographie

L'énigme du Niger

Le Niger est longtemps resté une énigme pour les géographes occidentaux[pas clair]. Les caravanes sahéliennes qui commerçaient avec l'Afrique du Nord depuis Tombouctou rapportaient que cette ville était irriguée par un grand fleuve mais c'était la seule information dont disposaient les géographes européens qui ont, de manière plus ou moins sérieuse, plus ou moins documentée, rempli les blancs. Les hypothèses les plus fantaisistes étaient avancées.

Certains le confondaient avec le Sénégal ou avec le Congo, d'autres en faisaient une branche du Nil et pour d'autres encore, c'était une rivière tributaire d'un lac intérieur.

Dans le livre V de son Histoire naturelle, Pline l'Ancien mentionne ce fleuve à plusieurs reprises[4] : « le fleuve Nigris sépare l'Afrique de l'Éthiopie. L'Afrique étant pour Pline la province romaine correspondant à notre Afrique du Nord et l'Éthiopie, un terme générique pour toute l'Afrique noire ». « Dans l'intérieur de l'Afrique, du côté du midi, au-dessus des Gétules, et après avoir traversé des déserts, on trouve d'abord les Libyégyptiens, puis les Leucéthiopiens; plus loin, des nations éthiopiennes : les Nigrites, ainsi nommés du fleuve dont nous avons parlé. » Cette mention corrobore l'hypothèse faite ci-dessus sur l'étymologie du nom : le peuple africain prend, pour l'auteur latin son nom du fleuve et non l'inverse. « Le Nigris a la même nature que le Nil ; il produit le roseau, le papyrus et les mêmes animaux ; la crue s'en fait aux mêmes époques; il a sa source entre les Éthiopiens Taréléens et les Oecaliques. » Hélas pour les géographes futurs, Pline ne nous renseigne pas sur ces deux peuples. La source du Niger reste donc un mystère imprécis. Plus loin, Pline suppose que le Nil et le Niger sont reliés entre eux : « [le Nil] se dérobe encore une fois dans des déserts de vingt journées de marche, jusqu'aux confins de l'Éthiopie; et lorsqu'il a reconnu derechef la présence de l'homme, il s'élance, sans doute jaillissant de cette source qu'on a nommée Nigris. Là, séparant l'Afrique de l'Éthiopie, les rives en sont peuplées, sinon d'hommes, du moins de bêtes et de monstres : créant des forêts dans son cours, il traverse par le milieu l'Éthiopie, sous le nom d'Astapus, mot qui, dans la langue de ces peuples, signifie une eau sortant des ténèbres. »

En 1812, Le Niger est encore crédité d'un cours est-ouest et son embouchure est située "quelque part" au Sierra Leone.

Au milieu du XIVe siècle, le voyageur et géographe berbère, Ibn Battûta[5], traverse le Sahara, longe le Niger qu'il croit, lui aussi, être le Nil, pour rejoindre Gao, et l'empire du Mali. Il remonte le fleuve jusque Tombouctou qu'il quitte en traversant le désert vers son Maroc natal — il ne tente pas, hélas pour la précision géographique, de le remonter jusqu'à l'Égypte. Le flou reste entier.

Un siècle plus tard, les explorateurs portugais sont les premiers à explorer systématiquement et à coloniser les côtes africaines pour sécuriser la route maritime vers l'Inde. Le Niger est toujours mentionné sur leurs cartes mais, la plupart du temps, comme l'amont du fleuve Sénégal. À dire vrai, l'Afrique intérieure les intéresse peu.

Cela reste vrai pour les puissances coloniales successives qui prennent la haute main en mer : Hollandais, Français, Anglais, tous dressent des cartes et toutes se trompent quant au fleuve qui nous intéresse.

À la fin du XVIIIe siècle, il devient clair que le Niger n'est pas le Nil ni le Sénégal et Tombouctou est une ville mythique dans l'imaginaire européen à la suite des descriptions qu'en a laissées Léon l'Africain sur sa richesse en or, étoffes et esclaves, qui aiguise la soif de connaissance (sinon d'or) des Européens. Les Anglais fondent, en 1788, l'Association pour la promotion et la découverte des parties intérieures de l'Afrique (Association for Promoting the Discovery of the Interior Parts of Africa), plus connue sous le nom abrégé d'Association africaine. Son but est la localisation précise de Tombouctou et la définition du tracé du Niger. Plusieurs expéditions sont organisées.

Le major Daniel Houghton (1740-1791) établit que le cours du fleuve orienté ouest-est empêche qu'il soit le prolongement du fleuve Sénégal. Il meurt lors d'une expédition exploratoire. Le véritable découvreur du Niger est Mungo Park, un Écossais de 24 ans (indirectement à l'origine du mythe des Monts de Kong, qui délimiteront sur la plupart des cartes du XIXe siècle le bassin du Niger du golfe de Guinée), qui a, lors d'une expédition en 1805, descendu le fleuve sur 1 600 km de Bamako à Boussa afin de prouver sa route exacte vers l'océan Atlantique. Il ne revint jamais de son expédition, et restait à en trouver la source[6].

Alexander Gordon Laing, militaire britannique en poste au Sierra Leone, est le premier explorateur qui, au début des années 1820 estime avec précision les coordonnées géographiques de la source du fleuve, quand bien même il ne peut l'atteindre. Il meurt, lui aussi, à Tombouctou en 1826 lors d'une mission géographique d'exploration du cours du Niger. En 1828, René Caillé est le premier Européen à revenir vivant de Tombouctou, ce qui lui vaut un prix de la part de la Société de géographie. Il fait part de ses découvertes dans son récit Voyage à Temboctou et à Djenné dans l'intérieur de l'Afrique, publié en 1830.

Adolphe Burdo, membre de la Société royale belge de géographie, fait deux voyages en Afrique centrale en 1878 et 1880 et remonta le Niger jusqu'à sa jonction avec la Bénoué. Au retour, il publie Niger et Bénué en 1880[7].

Bassin hydrographique

Le bassin du fleuve Niger.

Il prend sa source au pied des monts Tingi, à la frontière de la Sierra Leone et de la Guinée. Il prend une direction nord-est, traversant la Guinée et le sud du Mali où, après avoir traversé Bamako, il reçoit le Bani, qui vient de Côte d'Ivoire. Par la suite il passe à une dizaine de km au sud de Tombouctou, puis arrose Gao.

Entre KéMacina et Tombouctou il s'étend en une vaste plaine inondée de près de 40 000 km2 au maximum de l'inondation, dans ce qu'on appelle le delta intérieur, où son débit est réduit. Il y perd entre 25 et 50 % de ses eaux, principalement par évaporation.

Il se dirige ensuite vers le sud-est, traverse l'ouest du Niger dont la capitale Niamey, longe la frontière Niger-Bénin, puis le Nigeria où il s'oriente de plus en plus vers le sud, vers un Delta du Niger marécageux. Avant de rejoindre l'Atlantique à Port Harcourt après un périple de 4 184 km, il reçoit à Lokoja en rive gauche son principal affluent, la Bénoué, en provenance du Cameroun, qui double son débit avant le delta maritime.

Malgré sa faible anthropisation, le fleuve Niger fait partie de ces fleuves (tout comme le Sénégal) qui ont été fortement aménagés depuis les années 1980 à cause de l'accentuation de la sécheresse. Par le biais de l'Autorité du Bassin du Niger (en) (ABN), organisme de coopération internationale entre neuf pays qui se partagent son bassin (1980), et la création de l'Office du Niger (1932), le fleuve constitue un véritable enjeu agricole mais aussi électrique. L'aménagement de barrages (le barrage hydroélectrique de Sélingué, celui de Kainji) a désormais la vocation de sortir les pays africains de la dépendance énergétique (hydroélectricité) et céréalière (irrigation de périmètre de riziculture).

Les pays membres de l’Autorité du bassin du Niger ont signé à Niamey le la charte de l’eau du bassin du Niger[8]. Cet instrument juridique concerne l’ensemble des « activités consacrées à la connaissance, la gouvernance, la préservation, la protection, la mobilisation et l’utilisation des ressources en eau du bassin » et s’applique au fleuve Niger, à ses affluents, sous affluents et défluents[9].

Affluents

Pêcheur Bozo sur le fleuve Niger près de Gao, au Mali.
Moisson en pinasse sur le fleuve Niger près de Bourem, au Mali.
Le coucher de soleil sur le fleuve Niger.

Le cours du fleuve peut être divisé en quatre sections :

Principales villes arrosées

De l'amont vers l'aval, les villes suivantes sont arrosées par le fleuve : Faranah, Kouroussa et Siguiri (Guinée), la capitale du Mali : Bamako, Koulikoro, Ségou, Djenné, Mopti, Niafunké, Gao, Tillabéri, Niamey, Kollo, Say, Gaya, Malanville, Onitsha, Port Harcourt.

Gouvernance

En 2004 a été signée à Paris une déclaration sur « Les principes de gestion et de bonne gouvernance pour un développement durable et partagé du bassin du Niger » par neuf chefs d'État et de gouvernement (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Nigeria). Une « vision claire et partagée » du Bassin du Niger a été élaborée, afin de créer un « environnement propice » à la coopération et de préparer un « Plan d’Action de Développement Durable (PADD) », accepté par tous les acteurs du bassin[10].

En 2002, les autorités du Mali ont créé par l'Ordonnance N*02-049/P-RM du , « l'agence de bassin du fleuve Niger » (ABFN) avec comme mission principale "la sauvegarde du fleuve Niger, de ses affluents et de leurs bassins versants sur le territoire de la République du Mali, et la gestion intégrée de ses ressources". L'Agence est créée sous forme d’établissement public à caractère administratif (EPA) doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Afin de lutter contre l'importante pollution du fleuve, elle a lancé un projet en 2018 pour recueillir des données sur la qualité de l'eau aux alentours de Bamako. Le fleuve Niger fait l'objet d'une gestion intégrée des ressources en eau, dans le cadre du projet ECHEL-Eau du dispositif Challenge Programme Water & Food (CPWF) du Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale[11].

Ponts

Le pont Kennedy du Niger.

Il n'y a au total qu'une quinzaine de ponts permettant de traverser le fleuve Niger. En dehors de ces ponts, seules des barques assurent la traversée.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Charles Tilstone Beke, « Observations sur la communication supposée entre le Niger et le Nil », Nouvelles annales des voyages, Paris, 2e série, vol. 2, , p. 186-194 (lire en ligne).
  • Jacques Champaud, « La navigation fluviale dans le moyen Niger », Les Cahiers d'Outre-Mer, 1961 - 14-55, p. 255-292 (lire en ligne)
  • T. C. Boyle, Water Music, 1981 : un roman sur l'explorateur écossais Mungo Park.
  • Fabio Spadi, « The ICJ Judgment in the Benin-Niger Border Dispute: the interplay of titles and 'effectivités' under the uti possidetis juris principle », 2005 Leiden Journal of International Law 18: 777-794

Liens externes

Notes et références

Notes

    Références

    1. (en) John Hunwick, Timbuktu and the Songhay Empire : Al-Sadi's Tarikh al-Sudan down to 1613 and other contemporary documents, Leiden, Brill, (1re éd. 1999), 412 p. (ISBN 90-04-11207-3), p. 275 Fn 22.
    2. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, livre V, IV, 5 et VIII 1-2.
    3. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, livre V, I, 15.
    4. référence pour la traduction
    5. « Ibn Battûta (1304-1377) - Langue et Culture arabes », sur www.langue-arabe.fr (consulté le ).
    6. V. Fontaine, « Mungo Park : « Voyage dans l'intérieur de l'Afrique » » (consulté le )
    7. Niger et Bénué : voyage dans l'Afrique centrale, édition Plon (Paris), 1880 sur Gallica
    8. [PDF] Charte de l’Eau du Bassin du Niger.
    9. « Communiqué du conseil des ministres du mercredi 13 mai 2020 », sur maliweb.net, (consulté le )
    10. Afrique : Pays du Bassin du Niger (2006) : Établissement d’un Programme d’Investissement et Mise en place des Investissements
    11. Agropolis, Gestion intégrée des ressources en eau dans les bassins du Limpopo, du Mékong et du Niger (projet ECHEL-Eau 2005-2010)
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