Northern extended millimeter array

L'observatoire NOEMA (NOrthern Extended Millimeter Array), anciennement Interféromètre du plateau de Bure, est un radiotélescope observant les ondes radio millimétriques (0,8, 1, 2 et 3 millimètres) qui situé à 2550 mètres d'altitude sur le plateau de Bure dans les Alpes du sud en France. Dans la configuration qui sera opérationnelle à compter de fin 2022 il comprend un réseau de 12 antennes de 15 mètres de diamètre dont les signaux permettent en les combinant par interférométrie d'atteindre une résolution angulaire de 0,1 seconde d'arc. L'observatoire est géré par l'Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM) dont les locaux se situent à Grenoble et qui est financé conjointement par la France, l'Allemagne et l'Espagne. NOEMA est le radiotélescope millimétrique le plus puissant de l’hémisphère nord.

NOrthern Extended Millimeter Array
L'observatoire NOEMA au plateau de Bure dans les Hautes-Alpes françaises
Caractéristiques
Organisation
Opérateur
Type
Radio-interféromètre (d)
Altitude
2552 m
Lieu
Adresse
Coordonnées
44° 38′ 02″ N, 5° 54′ 29″ E
Site web
Télescopes
Radiotélescope
Réseau de 12 antennes millimétriques (15 mètres de diamètre) fonctionnant en interférométrie.

Historique

L'Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM) est fondé en 1979 par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France et la Max-Planck-Gesellschaft (MPG) en Allemagne dans le but de construire des instruments dédiés à la radioastronomie millimétrique. A l'époque la coopération franco-allemande est fortement encouragée par les instances politiques. Ces deux organismes sont rejoints en 1990 par l'Instituto Geografico Nacional (IGN) espagnol. L'IRAM s'installe à Grenoble et lance la construction d'un observatoire astronomique sur un site en altitude (2550 mètres) situé sur le plateau de Bure (massif du Dévoluy) à une centaine de kilomètres à vol d'oiseau au sud de Grenoble[1]. L'Interféromètre du plateau de Bure est inauguré en 1989 et compte initialement trois antennes de 15 mètres de diamètre. Au cours des années 90, s'ajoutent les antennes 4 et 5, puis, en 2000, l'antenne numéro 6.

En juin 2011, les trois organismes gérant l'IRAM décident d'accroitre fortement les capacités de l'observatoire. Dans le cadre de ce projet, l'observatoire est rebaptisé NOEMA (NOrthern Extended Millimeter Array)}. Les travaux d'extension doivent être réalisées en deux phases. Durant la première phase qui doit s'achever en 2016 quatre nouvelles antennes doivent être ajoutées. Dans une deuxième phase deux nouvelles antennes seront ajoutées et les voies sur lesquelles circulent les antennes seront allongées permettant ainsi d'augmenter le diamètre de l'antenne virtuelle créée par interférométrie[2]. Le cout de la première phase est évaluée à 35 millions € tandis que celui de la deuxième phase est chiffré à 16 millions €[3].

Le projet NOEMA débute avec l'assemblage de la septième antenne début 2013 qui est effectué dans le bâtiment conçu à cet effet du plateau de Bure[4]. En octobre 2015 un nouveau téléphérique desservant le site est inauguré. Il remplace une installation similaire qui avait été mis hors service 16 ans auparavant à la suite d'un accident qui avait provoqué la mort de 20 techniciens et ouvriers[5]. Un nouveau corrélateur, baptisé PolyFix, est mis en service en novembre 2017. Celui-ci permet d'élargir la bande spectrale observable et peut gérer la configuration finale à 12 antennes[6]. Avec la mise en service en septembre 2018 de la 10e antenne, la première phase du projet s'achève[7],[8].

La deuxième phase du projet dont l'objectif est d'ajouter deux antennes et d'étendre la ligne de base est-ouest sur laquelle circulent les antennes de 752 mètres vers l'est et de 160 mètres vers l'ouest portant le diamètre virtuel de l'observatoire à 1,7 kilomètres[9].

la onzième antenne est inaugurée en septembre 2020[10] et la douzième en janvier 2022[11]. La phase 2 doit s'achever en octobre 2022 avec l'inauguration de l'extension des lignes de base.

L'observatoire

L'observatoire est situé à plus de 2 500 mètres d‘altitude sur le plateau de Bure (massif du Dévoluy) à une centaine de kilomètres à vol d'oiseau au sud de Grenoble. Ce plateau calcaire pratiquement plat est long d'environ 1,5 km pour une largeur de quelques centaines de mètres. Grace à l'altitude de l'observatoire la couche atmosphérique supérieure contient souvent moins de 2 millimètres de vapeur d'eau ce qui facilite les observations. Mais les conditions atmosphériques sont sévères en hiver avec des températures pouvant descendre à -30°C, de fortes chutes de neige et des conditions de givrage qui ne sont pas exceptionnelles. Par ailleurs aucune route ne dessert l'observatoire qui n'est accessible que par des chemins de montagne (dénivelé supérieur à 1000 mètres à compter de l'extrémité des routes carrossables) ou par un téléphérique construit à cet effet qui part de la station de ski de SuperDévoluy [12],[13].

NOEMA avec le deuxième observatoire de l'IRAM, le télescope de 30 mètres, il fait partie du réseau global EHT (Event Horizon Telescope) qui a présenté en 2019 la première image d'un trou noir.

L'observatoire en cours d'agrandissement (aout 2022). De gauche à droite : l'extrémité ouest de la voie est-ouest, plusieurs antennes, bâtiment central, terminus du téléphérique avec en arrière plan le bâtiment dans lequel sont assemblés ou réparés les radiotélescopes, à l'extrême droite le terminus de l'ancien téléphérique (couleur blanc cassé).

Fonctionnement

Pendant les observations, les antennes de NOEMA opèrent en réseau, une technique appelée interférométrie. Toutes les antennes NOEMA sont pointées vers une même source céleste. Les signaux ainsi reçus par chaque antenne sont combinés grâce à un super ordinateur, aussi appelé corrélateur. Celui-ci produit des images de la source astronomique d’une sensibilité et résolution exceptionnelles.

NOEMA fonctionne comme une caméra à objectif variable. En modifiant la configuration des antennes, les astronomes peuvent 'zoomer’ sur un objet céleste pour en observer les détails les plus petits. Plus la configuration est étendue, plus le zoom est puissant.

Dans sa configuration la plus étendue, NOEMA obtient une résolution spatiale de 0.1 seconde d'arc à 350 GHz. Autrement dit, la résolution spatiale de NOEMA est si élevée que ses antennes seraient capables de distinguer un smartphone à une distance de plus de 500 kilomètres.

Astronomie radio

Chaque objet cosmique émet différentes catégories de lumière, en fonction de sa composition et de sa température : lumière visible et ultraviolette mais également infrarouge ou ondes radio. Pour obtenir une compréhension complète d’un objet cosmique, l’astronomie moderne combine des observations à différentes longueurs d’onde.

Complémentaire à l’astronomie optique qui est surtout sensible à l’Univers chaud (les étoiles, typiquement quelques milliers de degrés Celsius), les radiotélescopes, tel que NOEMA, sondent l’Univers froid (autour de -250 degrés Celsius). Ils permettent ainsi d'observer la formation et l’évolution des galaxies, des étoiles, des planètes et des molécules interstellaires, “briques élémentaires” de la vie.

Résultats scientifiques

Au cours des 30 dernières années, les télescopes de l'IRAM ont réalisé des travaux pionniers dans le domaine de la radioastronomie. NOEMA a fourni des images d’étoiles naissantes et en fin de vie, de trous noirs aux confins de l’univers, formés peu après le Big Bang et de disques autour de jeunes étoiles, véritables berceaux de formation planétaire. NOEMA a observé la galaxie la plus lointaine connue à ce jour. NOEMA et le télescope de 30 mètres ont obtenu les premières images radio complètes et détaillées des galaxies proches et de leur gaz. NOEMA a aussi obtenu la première image d’un disque de gaz entourant un système d’étoile double (GG Tau, Guilloteau et al. 1994). Par la suite, ses antennes ont capté pour la première fois une cavité dans un de ces disques, indice majeur pour l’existence d’un objet planétaire qui orbite autour de l’étoile et qui absorbe de la matière sur sa trajectoire (Piétu et al. 2011). Les observatoires de l’IRAM ont découvert un tiers des molécules interstellaires connues à ce jour (ApJ, 2018, Brett A. McGuire). Les deux observatoires sont à la recherche de molécules prébiotiques dans l’espace, éléments clés de la vie sur Terre.

Caractéristiques techniques

Dans sa configuration de fin 2022 l'observatoire comprend 12 antennes de type Cassegrain d'un diamètre de 15 mètres avec une surface collectrice unitaire de 177 m². Chaque parabole est constituée d'une structure de poutrelles en fibre de carbone recouvertes de panneaux en alliage d'aluminium. Les irrégularités de surface sont comprises entre 25 et 40 microns. La parabole repose sur une monture altazimutale qui peut être pointée avec une précision de 1,5 secondes d'arc en élévation et en azimut. Les radiotélescopes fonctionnent tant que le vent ne dépasse pas 50 km/h. Les signaux radio captés par la parabole sont renvoyés vers un miroir secondaire placé au foyer qui les réfléchit à son tour vers le récepteur. Celui-ci, développé par l'IRAM, exploite la technique des jonctions solides SIS (supraconducteur-isolant-supraconducteur). Le récepteur comporte quatre capteurs centrés sur les longueurs d'ondes 0,8, 1, 2 et 3 millimètres qui chacun permettent d'observer les émissions sur une largeur de 32 GHz. Les capteurs sont refroidis à 4 kelvins par des réfrigérateurs (donc sans liquide cryogénique). Un corrélateur (super ordinateur) situé sur le site de Bure analyse les signaux produits par les 12 radiotélescopes et produit en sortie jusqu'à 128 000 canaux spectraux distincts[14],[15].

Les antennes se déplacent à la façon d'un train sur des rails de chemin de fer sur les lignes de base qui sont des bandes de roulement de 5 mètres d'entraxe s. Chaque rail repose sur une longrine formée d'une semelle filante en béton de 50 cm de large pour 1,4 mètres de profondeur. Les longrines sont reliées entre elles par une dalle de béton de 20 centimètres d'épaisseur. Le rail est de type pont roulant Patry A65[16]. .

Galerie d'images


Cinéma et télévision

En 2019, l'observatoire NOEMA sert de décor[17] à la série Franco-Britannique La Guerre des Mondes[18].

Notes et références

  1. James Lequeux, « Histoire de la radioastronomie en France 1901 - 1980 », Cahiers Clairaut - Bulletin du Comité de Liaison Enseignants et Astronomes, no 149, (lire en ligne)
  2. (en) « The NOEMA Project », IRAM,
  3. Projet de construction des voies de services et extension des lignes de bases de l’interféromètre (NOEMA), Plateau de Bure (05) - Dossier de demande de dérogation au titre de l'article L411-2 du code de l'environnement, , 99 p. (ISBN 978-0-387-98190-1, lire en ligne), p. 19
  4. (en) « The NOEMA project becomes reality : construction of the 7th antenna », IRAM,
  5. (en) « Inauguration of the Bure cable car: a new access to science », IRAM,
  6. (en) « IRAM closes in on NOEMA's full potential: PolyFiX and the Nine Antenna Array », IRAM,
  7. « Dernière ligne droite pour Noema, le plus puissant radiotélescope de l’hémisphère nord | CNRS », sur www.cnrs.fr (consulté le )
  8. « Une étape majeure pour la construction du radiotélescope NOEMA », IRAM,
  9. Projet de construction des voies de services et extension des lignes de bases de l’interféromètre (NOEMA), Plateau de Bure (05) Dossier de demande de dérogation au titre de l'article L411-2 du code de l'environnement, , 99 p. (ISBN 978-0-387-98190-1, lire en ligne), p. 9
  10. (en) « The NOEMA observatory: antenna 11 joins the array », sur www.iram-institute.org (consulté le )
  11. « NOEMA atteint sa pleine sensibilité », sur www.insu.cnrs.fr, (consulté le )
  12. S Guilloteau (1994) « The IRAM Interferometer on Plateau de Bure » (pdf) dans International Astronomical Union Colloquium 140: 27-34 p. (DOI:10.1017/S0252921100019047).
  13. À la recherche des origines de l'Univers: première étape pour NOEMA, techno-science.net, 24 septembre 2014. Consulté le 26 septembre 2014.
  14. The NOrthern Extended Millimeter Array NOEMA, p. 18
  15. NOEMA - Une fenêtre sur les mondes en formation, p. 12-13
  16. Projet de construction des voies de services et extension des lignes de bases de l’interféromètre (NOEMA), Plateau de Bure (05) Dossier de demande de dérogation au titre de l'article L411-2 du code de l'environnement, , 99 p. (ISBN 978-0-387-98190-1, lire en ligne), p. 10
  17. « HAUTES-ALPES. Le Dévoluy : "La Guerre des mondes" a commencé sur le plateau de Bure », sur www.ledauphine.com (consulté le )
  18. AlloCine, « La Guerre des Mondes (Canal+) » (consulté le )

Sources

  • (en) Roberto Neri, The NOrthern Extended Millimeter Array NOEMA, IRAM, , 78 p. (lire en ligne) — Caractéristiques techniques détaillées de l'observatoire.
  • (en) M. Krips, An Introduction to the IRAM NOEMA interferometer, IRAM, , 18 p. (lire en ligne) — Présentation des caractéristiques de l'observatoire à destination de futurs utilisateurs.
  • Alain Omont, Jérôme Pety et Michel Guelin, « NOEMA - Une fenêtre sur les mondes en formation », L'Astronomie, vol. 131, no 101, , p. 12-21 (lire en ligne)
    Présentation de NOEMA
  • (en) Javier R. Goicoechea, ALMA/NOEMA and the Interstellar Medium, ICMM, , 42 p. (lire en ligne) — NOEMA / ALMA et l'étude du milieu interstellaire.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Vidéos

  • Portail de l’astronomie
  • Portail des Hautes-Alpes
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.