Nuraghe

Un nuraghe est une tour ronde en forme de cône tronqué que l'on trouve principalement en Sardaigne. Cet édifice mégalithique est caractéristique de la culture nuragique, culture apparue en Sardaigne entre 1900 et 730 av. J.-C.[1]

Le nuraghe Losa, près d'Abbasanta.
Tour centrale du nuraghe Santu Antine de Torralba.
Le nuraghe Su Nuraxi.

Étymologie

Le terme nuraghe est sarde, où il se prononce [nuˈraɡe] (pluriel nuraghi en italien, nuraghes en sarde).

En français, le terme, masculin, se prononce [nurag] ; les variantes « nouraghe » et « nourague » sont également rencontrées, ainsi que plus rarement et de façon vieillie « nurage », « noraghe » et « nurhag »[2]. Le pluriel peut être un décalque de l'italien « nuraghi » ou être francisé en « nuraghes »[2].

Selon l'Oxford English Dictionary, l'étymologie du terme est « incertaine et contestée » : « le terme est peut-être lié aux toponymes sardes Nurra, Nurri, Nurri, ou au sarde nurra, tas de pierres, cavité dans la terre (bien que ces sens soient difficiles à réconcilier). Une connexion avec la base sémitique de l'arabe nūr, « lumière », « feu », est généralement rejetée. »[3].

Une théorie étymologique suggère une origine proto-basque sous le terme *nur (pierre) avec la terminaison commune plurielle -ak[4], le suffixe paléosarde -ake, également présent dans certaines langues indo-européennes telles que le latin et le grec[5]. Une autre explication possible est que Nuraghe vient du nom du héros mythologique ibérique Norax et que la racine *nur serait une adaptation de la racine indo-européenne *nor[6],[7].

Caractéristiques

Structure

Le nuraghe typique a la forme d'un cône tronqué et ressemble de l'extérieur à une tour médiévale et à l'intérieur à une tholos. Les murs sont constitués de trois composants :

  • une couche externe en forme de tour, inclinée vers l'intérieur et composée de plusieurs couches de pierres dont la taille diminue avec la hauteur ;
  • une couche intermédiaire, faite de petites pierres et de terre ;
  • une couche interne, constituée de petites pierres formant un dôme en forme d'obus similaire à une tholos.

L'ensemble de la construction est robuste : un nuraghe tient debout simplement grâce au poids de ses pierres, qui peut avoisiner plusieurs tonnes par ouvrage. Certains nuraghes atteignent 20 m de hauteur. Un escalier en spirale, en pierre, est bâti à l'intérieur des murs, conduisant aux étages supérieurs ou à une terrasse.

Époque

Les nuraghes sont bâtis entre le milieu (XVIIIe au XVe siècles av. J.-C.) et la fin de l'âge du bronze. Ils font leur apparition en Sardaigne vers 1660 av. J.-C.-1550 av. J.-C.. À partir de l'âge du fer (fin du Xe siècle av. J.-C.), on cesse d'en construire, mais ils continuent à être utilisés, souvent comme lieux de culte.

Fonction

Aucun consensus n'existe sur la fonction des nuraghes. Il est difficile de la préciser, car il en existe de différentes dimensions et en différents endroits, aussi bien en plaine que sur le sommet des collines. Ils pourraient avoir servi de temples, d'habitations, de forts, de lieux de rencontre ou toute autre combinaison de ces possibilités. Toutefois, certains nuraghes sont situés dans des endroits stratégiques, comme au sommet des collines, et peuvent avoir servi de tours de guet. Certains grands nuragues sont constitués de plusieurs tours reliées par un mur, comme dans une forteresse, autour d'une cour et d'une sorte de donjon central.

Nuraghe Genna Maria, Villanovaforru

Nombre de monuments

A la fin du XXe siècle, les archéologues estimaient qu'il subsistait un peu moins de 7 000 nuraghes en Sardaigne, principalement dans le nord-ouest et le centre-sud de l'île. Mais en une vingtaine d'années, « le nombre d’édifices répertoriés est passé de 9 000 à 20 000 »[8].

Exemples

Reconstruction d'un nuraghe complexe

Su Nuraxi, le village nuragique le mieux conservé, spectaculaire par son organisation[8], est situé à Barumini, dans la province du Sud-Sardaigne. Cette forteresse de grosses pierres basaltiques est classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1997[8]. Le visiteur y accède par un labyrinthe de murets circulaires, qui séparent entre elles les maisons d’un hameau construit plus tard[8]. Dans un silo, une température de douze degrés en toute saisons permet de conserver les aliments des habitants de la forteresse[8].

Vingt constructions de ce type ont été édifiées sur plateau basaltique appelé Giara de Gesturi, centre d’un ancien volcan de 42 kilomètres carrés[8], à 600 mètres d’altitude[8], qui à l'âge du bronze moyen « servait de pâturage d’hiver[8]. Chaque tour était celle du clan qui possédait les champs en contrebas. »[8].

Le vaste "Su Nuraxi", à Barumini, est considéré comme le nuraghe « le plus complexe »[8]. Il a été exhumé en 1950 par l’archéologue Giovanni Lilliu[8], grâce à une cavité sur une petite montagne de terre et de cailloux[8].

Dans l'un d'eux ont été exhumés des bijoux en or, argent, ambre, cristal de roche, et des centaines de lampes à huile en terre cuite en guise d’offrandes à la lumière[8], transférés au musée voisin[8] : c'est le nuraghe de Su Mulinu, à côté de Villanovafranca, à 50 km au nord de Cagliari[8].

D'autres nuraghes imposants sont situés à proximité d'Alghero (nuraghe Palmavera), Macomer (nuraghe Santa Barbara), Abbasanta (nuraghe Losa), Orroli (nuraghe Arrubiu), Torralba (nuraghe Santu Antine), Villanovaforru (nuraghe Genna Maria), Villanova Monteleone (nuraghe Appiu) et Gonnesa (nuraghe Seruci).

Notes et références

  1. (en) A. Depalmas et R. T. Melis, Landscapes and Societies: Selected Cases : The Nuragic People: their settlements, economic activities and use of the land, Sardinia, Italy, New York, Martini, I. P. et W. Chesworth, Springer Science+Business Media,
  2. Définitions lexicographiques et étymologiques de « nuraghe » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  3. Oxford English Dictionary, Oxford University Press, « nuraghe »
  4. Recensione di Blasco Ferrer, Paleosardo
  5. M. Wagner, La lingua sarda, Berna 1951
  6. Giovanni Ugas, L'alba dei Nuraghi , Cagliari, Fabula, 2005, p.23
  7. Sigismondo Arquer (édité par Maria Teresa Laneri, 2008). Sardiniae brevis historia et descriptio, CUEC, pg.16. <<Aujourd'hui, la Sardaigne fait partie de Espagne et des ruines antiques en forme de tour, effilées vers le sommet, recouvrent les zones rurales et montagneuses. Elles sont construites avec des rochers solides et présentent de petites ouvertures; au centre se trouvent de petites marches menant au sommet: elles ressemblent à des forteresses. Les Sardes indigènes appellent ce type de ruines Nuraghes, peut-être parce qu'elles sont ce qui reste des exploits de Norax.>> Texte original: <<Hodie insula paret regi Hispanorum habetque passim antiquissimas ruinas in locis agrestibus et montosis instar rotundarum turrium in angustiam ascendentium, quae robustissimis saxis sunt extructae, habentes ianuas angustissimas; intra vero muri mediam latitudinem sunt gradus per quos in altum conscenditur: prae se ferunt formam propugnaculorum. Incolae vocant huiusmodi ruinas nuragos, fortassis quod reliquiae quaedam sint operum Noraci.>> Sigismondo, Arquer (1549). Sardiniae brevis historia et descriptio, De Sardiniae antiquis vocabulis atque Reipublicae moderatoribus quos habuit olim et hodie quoque habet. Item de antiquitatibus
  8. Florence Evin, La tête dans les nuraghes, Le Monde, 29 juin 2015.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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