Algèbre de Boole (logique)

L'algèbre de Boole, ou calcul booléen, est la partie des mathématiques qui s'intéresse à une approche algébrique de la logique, vue en termes de variables, d'opérateurs et de fonctions sur les variables logiques, ce qui permet d'utiliser des techniques algébriques pour traiter les expressions à deux valeurs du calcul des propositions. Elle fut lancée en 1854 par le mathématicien britannique George Boole. Aujourd'hui, l'algèbre de Boole trouve de nombreuses applications en informatique et dans la conception des circuits électroniques.

Pour les articles homonymes, voir Algèbre de Boole.

Elle fut utilisée la première fois pour les circuits de commutation téléphonique par Claude Shannon.

Exemple introductif

L'algèbre de Boole des fonctions logiques permet de modéliser des raisonnements logiques, en exprimant un « état » en fonction de conditions. Par exemple, si nous étudions l'expression Communication et l'expression Décrocher ;

Communication

Communication = Émetteur ET Récepteur

Communication serait « VRAI » si à la fois les variables Émetteur ET Récepteur étaient actifs (c'est une fonction logique dépendant des variables Émetteur et Récepteur)

Décrocher

Décrocher = (Sonnerie ET Décision de répondre) OU Décision d'appeler

Décrocher serait « VRAI » soit si à la fois on entend la sonnerie ET l'on décide de répondre, soit (OU) si simplement l'on décide d'appeler.

L'algèbre de Boole étant un domaine commun à trois disciplines, on rencontre des notations différentes pour désigner un même objet. Dans le reste de l'article, on indiquera les diverses notations, mais on en privilégiera une pour conserver une certaine homogénéité.

Algèbre de Boole des valeurs de vérité

On appelle B l'ensemble constitué de deux éléments appelés valeurs de vérité {VRAI, FAUX}. Cet ensemble est aussi noté

  • .

avec pour et pour .

On privilégiera dans la suite la notation .

Sur cet ensemble on peut définir deux lois (ou opérations) binaires, les lois ET et OU, et une opération unaire, la négation (ou le complémentaire).

Pour l'ensemble des exemples et propriétés suivantes,

Conjonction

Table de la loi ET
b\a01
000
101

Elle est définie de la manière suivante : a ET b est VRAI si et seulement si a est VRAI et b est VRAI.

Cette loi est aussi notée :

On privilégiera dans la suite la notation «  ».

La table de cette loi (analogue à une table d'addition ou de multiplication) n'est pas une table de vérité.

Disjonction

Table de la loi OU
b\a01
001
111

Elle est définie de la manière suivante : a OU b est VRAI si et seulement si a est VRAI ou b est VRAI. (En particulier, si a est vrai et que b est vrai aussi, alors a OU b est vrai.)

Cette loi est aussi notée :

  • «  » («  ») en mathématiques (et en logique mathématique) ou en APL ;
  • «|» ou «||» dans certains langages de programmation ;
  • en toutes lettres « or » ou « OR » en logique ou dans certains langages de programmation.

On privilégiera dans la suite la notation mais on prendra garde du fait que cette loi n'est pas l'addition usuelle dans Z/2Z. C'est pourquoi, en mathématiques et en logique mathématique, la notation n'est pas utilisée pour désigner le « ou inclusif » : elle est réservée au « ou exclusif », opération qui (jointe au « et ») fait de toute algèbre de Boole un anneau de Boole, en particulier une Z/2Z-algèbre.

Négation

La négation de a est VRAIE si et seulement si a est FAUX.

La négation de a est notée :

  • non-a, non a, not a
  • « ~a » dans quelques notations algébriques, en APL et dans quelques langages d'interrogation de bases de données (SQL…) ;
  • « ! » dans quelques langages de programmation (C, C++…) ;
  • « 1- » dans quelques langages ne disposant pas de fonctions adaptées (Batch…) (puisque 1-0=1 et 1-1=0).

On privilégiera dans la suite la notation .

On obtient alors et .

Propriétés des opérateurs

Les opérateurs sont concernés par plusieurs propriétés communes :

  • associativité : , qui est parfois écrit pour cette raison : et , qui est parfois écrit pour cette raison :  ;
  • commutativité : et  ;
  • distributivité[1] : et  ;
  • idempotence : et .

Par ailleurs, chaque opérateur possède un élément neutre et un élément absorbant :

  •  ;
  •  ;
  •  ;
  •  ;

Des simplifications sont possibles comme :

  •  ;
  •  ;
  •  ;
  • .

le théorème du consensus s'applique aux opérateurs de l'algèbre de Boole :

  • .

Enfin, ils suivent le principe de complémentarité :

  • involution : (ex. : la proposition "La lumière est allumée" équivaut à "la lumière n'est pas non allumée" ou, dit autrement, "la lumière n'est pas éteinte").
  • tiers exclu : (la proposition "lumière allumée" OU "lumière non allumée" est toujours VRAI.).
  • contradiction ou antilogie : (la proposition "lumière allumée" ET "lumière non allumée" est toujours FAUX.).

Structure

On retrouve alors toutes les propriétés qui confèrent à B une structure d'algèbre de Boole.

Priorité

Pour alléger les écritures, il est d'usage que les opérations booléennes soient soumises aux mêmes règles de priorité que les opérations arithmétiques usuelles : la fonction ET (multiplication logique) est ainsi prioritaire par rapport à la fonction OU (somme logique). Ainsi :

Il reste possible de placer des parenthèses dans les calculs pour changer l'ordre de priorité des opérations.

Théorème de De Morgan

Première loi de De Morgan (négation de la disjonction)
s'exprime par l'égalité suivante
Table de vérité/Table de fonctionnement
a b
0 0 01111
0 1 10100
1 0 10010
1 1 10000

Dans les deux cas, l'expression ne sera VRAIE
que si a et b sont fausses.

Deuxième loi de De Morgan (négation de la conjonction)
Table de vérité/Table de fonctionnement
a b
0 0 01111
0 1 01101
1 0 01011
1 1 10000

Dans les deux cas, l'expression ne sera FAUSSE
que si a et b sont vraies.

Fonctions logiques

Mathématiquement, une fonction logique ou opérateur logique est une application de Bn dans B.

En électronique, une fonction logique est une boîte noire qui reçoit en entrée un certain nombre de variables logiques et qui rend en sortie une variable logique dépendant des variables d'entrée. L'article fonction logique précise comment construire les boîtes noires de quelques fonctions fondamentales.

Une table de vérité permet de préciser l'état de la sortie en fonction des états des entrées. Elle caractérise la fonction logique.

Toute table de vérité, et donc toute fonction logique, peut se décrire à l'aide des trois opérations de base :

On démontre aussi qu'il existe exactement fonctions logiques de paramètres. Il suffit en effet de considérer toutes les tables de vérités possibles, ou de considérer le développement d'une fonction de paramètres.

Fonctions logiques fondamentales

Elles sont issues des trois opérations de base et définissent alors

  • une fonction de B dans B : le complémentaire ou inversion
  • deux fonctions de B2 dans B qui sont la somme (OU) et le produit (ET)
Table de vérité de l'inverse
a
01
10
Table de vérité de la somme
aba b
000
011
101
111
Table de vérité du produit
aba b
000
010
100
111

Fonctions logiques composées

Ce sont les fonctions logiques à deux variables. Parmi celles-ci, on en dénombre certaines suffisamment intéressantes pour qu'on leur donne un nom.

Disjonction exclusive

Table de vérité de XOR
aba b
000
011
101
110

Le OU étudié jusqu'à présent doit se comprendre de la manière suivante : « l'un ou l'autre ou les deux ». Il est également appelé « OU inclusif ». Le OU exclusif (ou XOR pour ' eXclusive OR') s'entend comme : « l'un ou l'autre, mais pas les deux ».

a XOR b

On peut également le définir avec un modulo sur une somme ordinaire :

Le « ou exclusif » est parfois noté par le signe arithmétique (différent de). Fonctionnellement, on utilise aussi un + entouré :.

Propriété - Toute table de vérité, toute fonction logique, peut se décrire à l'aide de la constante 1 et des deux opérations : disjonction exclusive et conjonction, car :, et

Équivalence

Table de vérité de EQV
aba b
001
010
100
111

L'équivalence (notée EQV ou XNOR) est vraie si les deux entrées ont la même valeur et fausse sinon. C'est la négation du « ou exclusif ».

L'équivalence peut s'écrire

L'équivalence est souvent notée par le signe . Elle peut aussi être notée « == » dans certains langages (C++, PHP…) et «  » en électronique.

Implication

Table de vérité de IMP
aba b
001
011
100
111
L'implication (notée IMP) s'écrit de la manière suivante

Cette opération n'est pas commutative. a est une condition suffisante pour b, qui, elle, est une condition nécessaire pour a.

Mais

Illustration :

De l'affirmation « SI j'habite en France (métropolitaine), ALORS j'habite en Europe. », on peut déduire « SI je n'habite pas en Europe, ALORS je n'habite pas en France. » mais pas « SI je n'habite pas en France, ALORS je n'habite pas en Europe. » car je peux habiter en Europe ailleurs qu'en France, sans contredire l'énoncé initial.

Inhibition

Table de vérité de INH
ab
000
010
101
110
L'inhibition (notée INH) se compose comme suit

Si a est VRAI, l'expression vaut VRAI, SAUF si b est VRAI.

Cette opération n'est pas commutative.

Fonction logique à trois variables

Table de vérité de décrocher
abcd
0000
0011
0100
0111
1000
1011
1101
1111

L'égalité Décrocher = (Sonnerie ET Décision de répondre) OU Décision d'appeler traduit la situation pratique suivante : On décroche un téléphone quand on décide d'appeler quelqu'un ou quand le téléphone sonne et qu'on décide de répondre.

Elle est constituée de trois variables :

  • a = « Sonnerie » ;
  • b = « Décision de répondre » ;
  • c = « Décision d'appeler ».

la variable d = « Décrocher » est fonction logique des 3 précédentes et peut s'écrire d = a.b + c

La table de vérité de cette fonction d est alors la suivante (à droite) :

Table de vérité de décrocher2
abcd2
0000
0011
0100
0111
1000
1010
1101
1111

La table indique une situation absurde : quand on décide d'appeler quelqu'un et que le téléphone sonne sans qu'on ait envie de répondre, on décrocherait quand même. Une modification de la table comme ci-contre corrigerait cette absurdité. Cette table correspond à une fonction logique Décrocher d2 ou d2 qu'il est possible de déterminer et simplifier en .

Fonction logique à quatre variables

Un bon élève s'interroge s'il est sage de sortir un soir. Il doit décider en fonction de quatre variables :

  • a = il a assez d'argent ;
  • b = il a fini ses devoirs ;
  • c = le transport en commun est en grève ;
  • d = l'automobile de son père est disponible.

Cet élève pourra sortir si :

  • il a assez d'argent, a = vrai ;
  • il a fini ses devoirs, donc b = vrai ;
  • le transport en commun n'est pas en grève, donc c = faux ;
  • ou si l'automobile de son père est disponible, donc d = vrai.

L'expression logique de sortir en fonction de l'état des variables a, b, c et d peut donc s'écrire ainsi :Sortir =

Factorisation d'une expression

Une fonction logique peut être déterminée

  • soit sous forme d'une expression faisant intervenir les 3 opérations (, , )
  • soit sous forme de sa table de vérité. Dans ce cas il sera toujours possible d'effectuer un développement pour écrire cette fonction comme une somme de produits.

Exemple : Dans l'exemple de "Décrocher2", la lecture de la table montre que égale quand ou ou ou .Cela permet de définir d2 par

Il est possible de trouver une expression minimisant le nombre de termes et le nombre de lettres dans chaque terme. C'est l'objectif de certaines techniques comme la méthode de Quine-Mc Cluskey, les diagrammes de Karnaugh, la méthode des consensus, la double dualisation…

Exemple (suite) : la somme précédente peut être réduite par factorisation des deux premiers termes par et factorisation des deux derniers termes par

Arbre d'expression

Les expressions logiques sont souvent représentées en informatique sous forme d'arborescence.

À un premier sommet (racine) sont rattachés différents sous-arbres (ou branches). Les sommets sans issue sont appelés feuilles.

Chaque sommet interne correspond à un sélecteur booléen « si alors sinon  », qui ramène une question à deux sous-questions plus simples, éventuellement réduites à 1/vrai ou 0/faux.

L'évaluation d'une fonction f dépendant d'une variable q choisie pour la première question est alors , qui ramène à deux expressions indépendantes de .

Soit  ; on peut écrire

Les arbres dépendant de l'expression et de l'ordre des questions, pour une même expression certains questionnaires seront plus simples que d'autres.

Notes et références

  1. Respectivement (E4.1) et (E4.2) dans M. Jaume et al., Logique pour l'informatique, Ellipses, (lire en ligne), p. 76.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • J. Kuntzmann, Algèbre de Boole, Paris, Dunod,
  • N. Permingeat, Algèbre de Boole : Théorie, méthodes de calcul, applications, avec exercices, Paris, Dunod,
  • Claude François Picard, Théorie des questionnaires, Paris, Gauthier-Villars,
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