Ostracisme (sociologie)
L’ostracisme (ou rejet social) est une forme d'exclusion délibérée d’un individu d’une relation interpersonnelle ou d’une relation sociale. Cela inclut le rejet interpersonnel et le rejet sentimental. Un individu peut être rejeté, à cause d’une base individuelle, par un autre individu ou par un groupe entier de personnes. En outre, le rejet peut se manifester lors de harcèlements, d'intimidations, d'activités physiques et/ou morales blessantes et/ou ridicules ou passives, en ignorant une personne ou en lui infligeant un type de « bizutage » silencieux. L’expérience du rejet est subjective pour l’individu qui le subit, et peut être perçu lorsqu’il n’est pas réellement présent.
Pour les articles homonymes, voir Ostracisme et Rejet.
Ne doit pas être confondu avec Exclusion sociale.
Bien que les êtres humains aient une attitude sociale, certains niveaux de rejet restent inévitables durant une partie de la vie. Néanmoins, le rejet peut devenir problématique lorsqu’il est prolongé ou persistant, lorsque la relation est importante, ou lorsque l’individu est hautement sensible au rejet. Le rejet par un groupe d’individus peut avoir un effet négatif, particulièrement lorsqu’il engendre un isolement social[1].
L’expérience face au rejet peut conduire à bon nombre de conséquences psychologiques telles que la solitude, une faible estime de soi, une agressivité et une dépression[2]. Cela peut également entraîner un sentiment d’insécurité et une haute sensibilité morale à de futurs rejets. Le rejet social incite souvent l’individu à tenter d’être conforme aux attentes d’un groupe qui l’a précédemment rejeté dans le but d’être accepté par celui-ci.
Rejet durant l'enfance
Des études montrent typiquement que certains enfants (une minorité) sont sujets au rejet social par les autres.
D’après Karen Bierman, de la Pennsylvania State University, la majorité des enfants rejetés développent les comportements suivants - une baisse du comportement altruiste, un fort comportement agressif ou colérique, un fort comportement immature, une impulsivité ou un manque d’attention et une forte anxiété sociale. Bierman explique que les enfants ayant un bon savoir-vivre savent quand et comment rejoindre un groupe pour jouer. Les enfants ayant déjà eu l’expérience d’un ou plusieurs rejets auparavant sont souvent plus réservés et, plutôt que de tenter de s’inclure dans un groupe, restent seuls et préfèrent jouer dans leur coin. Les enfants au comportement plus agressif ou athlétique ont plus de facilité à s’inclure dans un groupe, et peuvent devenir le chef d’un groupe lors de harcèlements d’autres enfants plus moralement fragilisés. Les enfants d’une minorité, handicapés ou possédant d’autres caractéristiques ou comportements inhabituels, ont un plus grand risque au rejet. Dépendant des normes d’un groupe, même de petites différences entre enfants peuvent parfois conduire à un rejet. Les enfants qui sont moins sûrs d’eux ou qui préfèrent rester solitaire ont plus de chance d’être rejetés que les autres enfants souffrant de rejet ou d’anxiété sociale[3].
Une fois établi, le rejet social tend à être stable dans la plupart des cas, et est ainsi difficile à surpasser[4]. Des chercheurs ont découvert que les sentiments de rejet se stabilisent, sont plus nuisibles et persistent lors d’un transfert d’une école à une autre[3]. Les enfants rejetés ont souvent une faible estime de soi, et sont fortement exposés à des problèmes intérieurs tels que la dépression[2]. Certains, au contraire, extériorisent leur comportement par une agressivité plutôt qu’une dépression. Tout ceci explique que les enfants rejetés peuvent avoir de nombreux troubles posant un véritable problème de personnalité. Un rejet chronique peut entraîner un cycle de développement négatif qui empire avec le temps[5], c'est ce phénomène qui est principalement et presque systématiquement mis en cause dans les fusillades en milieux scolaires par des enfants (Massacre de Columbine).
Les enfants rejetés sont le plus souvent sujets à être harcelés et à avoir moins d’amis que les autres enfants, mais ces conditions ne sont pas toujours présentes. Par exemple, certains autres enfants ont peu d’amis, alors que les enfants rejetés en ont plus. Le rejet d’un groupe est appelé à être moins intense aux côtés d’un ami proche.
Souvent on observe une participation passive et même active au harcèlement scolaire.
Rejet romantique
En contraste aux études menées dans les rejets durant l’enfance, examinant premièrement les enfants, certains chercheurs s’intéressent aux relations amoureuses. Chez les adultes et adolescents, le rejet romantique est perçu lorsqu’une personne refuse d’être courtisée d’une autre ou met fin à une relation. L’état d’un amour non-partagé est une expérience commune durant la jeunesse, mais l’amour mutuel devient plus souvent réciproque lorsque les individus vieillissent[6].
Le rejet romantique est une expérience émotionnelle douloureuse qui semble déclencher une réponse dans le noyau caudé du cerveau et est associée aux activités de la dopamine et du cortisol[7]. Subjectivement, une expérience de rejet individuel mène l'individu à percevoir une palette d’émotions négatives, incluant frustration, intense colère, et finalement, une résignation et un désespoir.
Sensibilité au rejet
Karen Horney était la première théoricienne à discuter de la sensibilité au rejet[8]. Elle suggère que c’est un composant de la personnalité névrotique, et que c’est une tendance aux sentiments d’anxiété et d’humiliation.
Un ancien questionnaire sur le rejet a été développé par Albert Mehrabian[9]. Mehrabian pense que ces individus sensibles au rejet seraient réticents à s'exprimer, tentant d'éviter toute dispute ou autres discussions, et à demander des services ou encore à s'imposer auprès des autres. Ils sont également facilement touchés par les opinions négatives et ont tendance à trop compter sur les membres de leur famille pour éviter le rejet.
Plus récemment, Geraldine Downey et ses collègues de la Columbia University ont affiné le concept de la sensibilité au rejet et l'ont décrit comme une tendance à l'anxiété et à réagir très difficilement face au rejet social[10].
Psychologie évolutionniste
Chez les espèces sociales du règne animal et dans les communautés humaines primitives, l'ostracisme signifie essentiellement une condamnation à mort de l'être, abandonné à son sort en pleine nature[11]. Le conformisme à l'autorité, l'anxiété vis-à-vis de transgresser les valeurs du groupe et la peur morbide d'être socialement isolé, innés dans la psychologie humaine, semblent donc être des réponses évolutives pour réduire le risque d'être exclu du groupe.
Dans les sectes
La pratique de l'ostracisme est très fréquemment observée dans les communautés fermées, aux valeurs très rigides, telles que les sectes, afin d'écarter du groupe les brebis galleuses qui peuvent nuire à la cohésion sociale. Chez les Témoins de Jéhovah, l'ostracisme est une punition obligatoire à l'égard des personnes excommuniées. Les autres Témoins n'ont alors plus le droit d'adresser la parole à la personne excommuniée, même son conjoint, ses parents ou ses enfants, sous peine d'être également excommunié[12].
Annexe
- « Ostracisme ? » est l’une des répliques comiques répétitives dans Le Mariage de Mademoiselle Beulemans, pièce du théâtre bruxellois.
Bibliographie
- La puissance des émotions. Par Michelle Larivey, Les Éditions de l'Homme (2002). (ISBN 2-7619-1702-2). 334 pages. Préface Jacqueline C. Prud’homme.
Références
- (en) Kipling D. Williams, Joseph P. Forgas, William von Hippel, The Social Outcast : Ostracism, Social Exclusion, Rejection, and Bullying, Psychology Press, , 366 p. (ISBN 1-84169-424-X).
- (en) McDougall, P., Hymel, S., Vaillancourt, T., & Mercer, L. (2001). The consequences of childhood rejection. In M. R. Leary (Ed.), Interpersonal rejection. (p. 213-247). New York, NY: Oxford University Press.
- (en) Bierman, K. L. (2003). Peer rejection: Developmental processes and intervention strategies. New York, The Guilford Press.
- (en) Cillessen A., Bukowski W.M. & Haselager G. (2000). Stability of sociometric categories. San Francisco, CA: Jossey-Bass.
- (en) Coie, J. D. (1990). Toward a theory of peer rejection. In S. R. Asher & J. D. Coie (Eds). Peer rejection in childhood (p. 365-401). Cambridge, England: Cambridge University Press.
- (en) Baumeister, R. F. & Dhavale, D. (2001). Two sides of romantic rejection. In M. R. Leary (Ed.), Interpersonal rejection. (p. 55-72). New York, NY: Oxford University Press.
- (en) Fisher, H. (2006) Lost Love: The Nature of romantic rejection, In Cut Loose: (mostly) midlife and older women on the end of (mostly) long-term relationships. Nan Bauer-Maglin (Ed.) New Jersey: Rutgers University Press.
- Downey, G. (2008). Les effets néfastes de la menace sociale pour les individus atteints de troubles borderline. Paper presented at the Annual Meeting of the Society for Personality and Social Psychology, 7-9 février 2008.
- (en) Mehrabian, A. (1976). Questionnaire measures of affiliative tendency and sensitivity to rejection. Psychological Reports, 38, 199-209.
- (en) Downey, G. & Feldman, S. I. (1996). Implications of rejection sensitivity for intimate relationships. Journal of Personality and Social Psychology, 70, 1327-1343.
- (en) Margaret Gruter et Roger D. Masters, « Ostracism as a social and biological phenomenon: An introduction », Ethology and Sociobiology, vol. 7, no 3, , p. 149–158 (ISSN 0162-3095, DOI 10.1016/0162-3095(86)90043-9, lire en ligne, consulté le )
- « L’ostracisme – Une odieuse pratique de conditionnement | UNADFI », sur www.unadfi.org (consulté le )
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