Dépendance au sentier

La dépendance au sentier, parfois appelé sentier de dépendance (path dependence ou path dependency en anglais), est un concept de science politique selon lequel les décisions prises par les décideurs publics à un moment sont influencées par un ensemble des décisions passées. La dépendance au sentier permet de comprendre pourquoi des politiques publiques radicales sont rarement implémentées.

Concept

La dépendance au sentier (aussi appelé dépendance au chemin emprunté[1]) désigne un phénomène d'inertie au niveau des prises de décision des décideurs publics. Leurs décisions sont influencées par les décisions qui ont été prises par le passé, de telle manière que changer de manière radicale la trajectoire de certaines politiques publiques est soit impossible, soit prend plus de temps que prévu[2].

Ce phénomène traduit l'idée que les particularités historiques, ou des décisions justifiées à un moment donné, peuvent influer de manière considérable sur de nouvelles décisions, quand bien même ces dernières ne devraient pas être tributaires de celles du passé. Certains sentiers continueraient ainsi d'être empruntés par des décideurs publics car les changer impliquerait un coût ou un effort trop élevé à un moment, alors que ce changement pourrait être payant à long terme.

Le concept est créé par le politiste Paul Pierson (en), dans un article publié en 2000, "Increasing Returns, Path Dependence, and the Study of Politics". Publié dans la American Political Science Review, l'article affirme que « une fois établie, les modèles de mobilisation politique, les règles du jeu institutionnel et même les façons de voir le monde politique vont souvent auto-générer des dynamiques auto-renforçantes »[3].

En 1997, Merrien va plus loin encore en parlant d'« empreinte des origines ». Il soutient que plus que les constructions faites petit à petit, ce sont les dispositions décidées à l'origine qui ont le plus de poids sur la dépendance des acteurs futurs dans la prise de décision publique[4].

Le concept de dépendance au sentier, né des sciences sociales, a été repris par l'économie, mais aussi par l'étude du développement de nouvelles technologies. Une école de pensée des relations internationales, l'institutionnalisme historique, l'utilise aussi.

Exemples

Informatique

Les dispositions des touches des claviers informatiques les plus utilisées, comme qwerty ou azerty, ne sont pas optimales du point de vue du confort et de la rapidité[5] ; d'autres dispositions comme la disposition Dvorak pour la langue anglaise ou bépo pour la langue française, censées être plus pratiques, ont été inventées plus récemment, mais elles n'arrivent pas à s'imposer, puisqu'il y a un effort à fournir (les claviers dans cette configuration sont plus difficiles à trouver, et il faut s'habituer à une nouvelle configuration)[6].

Notes et références

  1. Dictionnaire des politiques publiques, « Path dependence (Dépendance au chemin emprunté) » Palier (Bruno), directeur de recherche CNRS, Centre d’études européennes (Sciences Po)
  2. Philippe Bezes, Réinventer l'État : Les réformes de l'administration française (1962-2008), Presses Universitaires de France, (ISBN 978-2-13-073921-0, lire en ligne)
  3. (ar) Daniel Külber, Analyser les politiques publiques, PUG - Presses universitaires de Grenoble, , 128 p. (ISBN 978-2-7061-2410-5, lire en ligne)
  4. Pascale Vielle, L'État social actif : vers un changement de paradigme?, Peter Lang, , 357 p. (ISBN 978-90-5201-227-8, lire en ligne)
  5. Présentation de la disposition bépo
  6. (en) David, Paul A, « Clio and the Economics of qwerty », The American economic review, , p. 332-337 (ISSN 0002-8282)

Voir aussi

Articles connexes

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