Patricienne à ceinture
Une patricienne à ceinture ou patricienne zōstē (en grec ζωστὴ πατρικία, zōstē patrikía) est une dignité aulique byzantine réservée exclusivement à la femme qui est la principale collaboratrice de l'impératrice. Occupant un très haut rang dans la hiérarchie, sa titulaire est la première femme de la cour après l'impératrice. Le titre est attesté du IXe au XIIe siècle, mais peu de titulaires sont connues.
Histoire et fonctions
Le titre est utilisé pour les femmes servant de dames de compagnie à l'impératrice byzantine[1]. Ses origines et sa date d'apparition sont obscures[2]. En oubliant la référence clairement anachronique à Antonina, l'épouse du général du VIe siècle Bélisaire, en tant que zostē patrikia, le titre est attesté pour la première fois vers 830 pour Théoktiste (en), la mère de l'impératrice Théodora[1],[3]. Le titre est attesté pour la dernière fois dans les sources littéraires dans la Chronique de Skylitzès de Madrid en 1018 (lorsqu'il est conféré à Marie, épouse de l'ex-tsar Ivan Vladislav de Bulgarie), et dans une série de sceaux du XIe siècle (cf. infra). Comme d'autres titres mésobyzantins, il disparaît après les réformes d'Alexis Ier Comnène (r. 1081-1118)[1],[2].
Dans le Klētorologion de Philothée (899), cette dignité a un très haut rang dans l'ordre de préséance impérial, avant le magistros et après le kouropalatēs[4]. Son statut exceptionnel s'illustre en outre par le fait qu'elle est l'un des six dignitaires acceptés à la table de l'empereur (avec le patriarche de Constantinople, le Caesar, le nōbelissimos, le kouropalatēs et le basileopatōr), et par le rôle proéminent qu'elle remplit dans les cérémonies impériales, en particulier celles tournant autour de l'impératrice, comme son couronnement ou son accouchement[5],[6]. La zōstē patrikia fonctionne comme la collaboratrice principale de l'impératrice (à laquelle elle est généralement apparentée) et est à la tête de la cour féminine (le sekreton tōn gynaikōn), qui comprend principalement les épouses des fonctionnaires de haut rang[5],[7],[8]. Ce titre est la seule dignité féminine : les autres femmes portent la version féminisée du titre de leur époux. Une zōstē patrikia est donc la seule patrikia per se, et non parce que son époux est ou était patrikios[3],[1],[9],[10]. Rodolphe Guilland souligne en outre que le titre lui-même semble être un composé, au vu des sources le mentionnant comme « la zōstē et patrikia », ce qui indique que le titre noble de patrikia est ajouté à la dignité aulique de zōstē[10].
Bien qu'il semble, comme pour les autres dignités de même rang auxquelles ce titre est associé, qu'il n'y ait qu'une titulaire à un moment donné, lors de la réception d'Olga de Kiev, la forme plurielle zōstai est employée, suggérant qu'il y en a au moins deux[11]. Peut-être est-ce en raison du fait qu'à l'époque, il y a deux impératrices, et que chacune dispose d'une zōstē[6].
La zōstē reçoit son titre lors d'une cérémonie d'investiture élaborée à la Théotokos du Pharos, selon le De ceremoniis (I.50) de Constantin VII Porphyrogénète (r. 913-959). La cérémonie se termine dans le Chrysotriklinos, où elle reçoit des mains de l'empereur les tablettes d'ivoire, insignia de son titre. Elle se rend ensuite à Sainte-Sophie, où les tablettes sont bénies par le patriarche, avant de se rendre à la Magnaure, où elle reçoit les félicitations des femmes de la cour et des épouses des hauts dignitaires. Enfin, elle retourne au Pharos, où elle dépose 70 nomismata, avant de se retirer dans ses appartements[12],[13]. Son accessoire distinctif, qui lui a vraisemblablement donné son nom, est la large ceinture en or (le lōros) qu'elle porte lors de la cérémonie d'investiture ; descendant de la trabea consulaire, le lōros d'or est l'insigne impériale la plus prestigieuse, également porté par l'empereur et quelques-uns de ses plus hauts dignitaires, tels l'éparque de Constantinople ou les magistroi[11],[14],[15]. Une autre origine moins probable de l'appellation zōstē pourrait découler de sa position de dame de compagnie de l'impératrice, dont un des devoirs est de diriger son habillage, ou, comme les Patria de Constantinople le disent, de « ceinturer » l'impératrice[15].
La zōstē obtient son titre à vie, et le conserve même après la mort de son impératrice. En outre, comme la plupart des titres byzantins, le titre peut être conféré de manière honorifique, sans obligations, comme c'est vraisemblablement le cas pour Théoktiste et Marie[16].
Titulaires
Malgré leur rang élevé, les sources ne mentionnent que rarement les zōstai. On connaît les suivantes :
- Antonina, épouse de Bélisaire, référence clairement anachronique des Patria[1],[17],[18] ;
- Théoktiste (en), mère de l'impératrice Théodora, épouse de Théophile (r. 829-842)[1],[11],[19] ;
- Anastasie, connue par une seule référence à la fin du Xe siècle dans la Vie de Basile le Jeune (une hagiographie) – peut-être Anastaso, la fille du patrikios Adralestos, qui entre par mariage dans la famille Maleinos et qui est la mère de Constantin Maleinos et de Michel Maleinos[20],[21] ;
- Olga de Kiev a pu obtenir le titre durant sa visite à Constantinople[22] ;
- Miroslava, fille du tsar Samuel de Bulgarie (r. 997-1014), qui se réfugie à Byzance avec son mari, Achot Taronitès[23],[24] ;
- Marie, épouse du tsar Ivan Vladislav de Bulgarie (r. 1015-1018), qui reçoit le titre après sa fuite à Constantinople à la suite du meurtre de son mari[24],[25] ;
- Khousousa, épouse du roi Sénéqérim-Hovhannès de Vaspourakan, connue par un sceau la décrivant comme « zōstē et mère de David le magistros »[26] ;
- Irène, attestée par un seul sceau du XIe siècle, qui la décrit en outre comme une nonne[24] ;
- Marie Mélissène, attestée par un sceau de 1060-1070, et qui pourrait être la mère de Nicéphore Mélissène, le beau-frère d'Alexis Ier[27],[28] ;
- Anne Radènè, une amie proche de Michel Psellos, probablement vers 1070[29] ;
- Hélène Tornikinè, zōstē et kouropalatissa, attestée par un sceau de 1070-1110[30].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Zoste patrikia » (voir la liste des auteurs).
- Kazhdan 1991, vol. 3, « Zoste patrikia », p. 2231.
- Cheynet 2000, p. 187.
- Bury 1911, p. 33.
- Bury 1911, p. 22.
- McClanan 2002, p. 132.
- Guilland 1971, p. 271.
- Garland 1999, p. 5, 245, 264.
- Maguire 2004, p. 183.
- Cheynet 2000, p. 179-180.
- Guilland 1971, p. 269.
- Cheynet 2000, p. 180.
- Bury 1911, p. 22, 33.
- Guilland 1971, p. 270.
- Maguire 2004, p. 44.
- Guilland 1971, p. 269-270.
- Guilland 1971, p. 271-272, 274.
- Cheynet 2000, p. 180-181.
- Guilland 1971, p. 272-273.
- Guilland 1971, p. 273-274.
- Cheynet 2000, p. 180, 182.
- Guilland 1971, p. 274.
- Davids 2002, p. 74-75.
- Guilland 1971, p. 272.
- Cheynet 2000, p. 181.
- Guilland 1971, p. 271-272, 274-275.
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- Cheynet 2000, p. 181-182.
- Guilland 1971, p. 275.
- Cheynet 2000, p. 183.
- Cheynet 2000, p. 184-185.
Bibliographie
- (en) John Bagnell Bury, The Imperial Administrative System of the Ninth Century : With a Revised Text of the Kletorologion of Philotheos, Londres, Oxford University Press, .
- Jean-Claude Cheynet, « La patricienne à ceinture : une femme de qualité », dans Patrick Henriet et Anne-Marie Legras (dir.), Au cloître et dans le monde : femmes, hommes et sociétés (IXe – XVe siècle : Mélanges en l'honneur de Paulette L'Hermite-Leclercq, Paris, Presses de l'Université Paris-Sorbonne, (ISBN 978-2-84050-180-0), p. 179-187.
- (en) Adelbert Davids, The Empress Theophano : Byzantium and the West at the Turn of the First Millennium, Cambridge, Cambridge University Press, (1re éd. 1995), 364 p. (ISBN 978-0-521-52467-4, lire en ligne).
- (en) Lynda Garland, Byzantine Empresses : Women and Power in Byzantium, AD 527-1204, New York et Londres, Routledge, , 343 p. (ISBN 978-0-415-14688-3, lire en ligne).
- Rodolphe Guilland, « Contribution à l'histoire administrative de l'Empire byzantin : la patricienne à ceinture, ἠ ζωστὴ πατρικία », Byzantinoslavica, vol. 32, , p. 269-275.
- (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re éd., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208).
- (en) Henry Maguire, Byzantine Court Culture from 829 to 1204, Washington, Dumbarton Oaks, (1re éd. 1997), 264 p. (ISBN 978-0-88402-308-1, lire en ligne).
- (en) Anne L. McClanan, Representations of Early Byzantine Empresses : Image and Empire, New York, Palgrave Macmillan, , 282 p. (ISBN 978-0-312-29492-2).
- (en) P. G. Sayre, « The Mistress of the Robes: Who was She? », Byzantine Studies / Études byzantines, vol. 13, , p. 229-239.
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