Paul Sbath
Paul Sbath (ou Būlus Ṣbāṭ), né à Alep en 1887, mort le , est un prêtre de l'Église syrienne catholique qui s'est rendu célèbre par une collection et des catalogues de manuscrits proche-orientaux anciens.
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Il commença à collecter des manuscrits en 1912 dans sa ville natale et en réunit rapidement une centaine. En août 1913, il se rendit à Jérusalem pour devenir professeur de syriaque et d'arabe dans le séminaire syrien-catholique ouvert dans cette ville par des bénédictins français de la congrégation de Subiaco[1]. Il y poursuivit sa collecte et y bénéficia des conseils des orientalistes y séjournant. Fin juillet 1914 (quelques jours avant l'éclatement de la Première Guerre mondiale), il quitta Jérusalem pour entreprendre un voyage d'études en Europe, mais il dut renoncer à s'embarquer et retourner à Alep, ayant laissé en Palestine les manuscrits qu'il y avait collectés. Quand il revint à Jérusalem vers le , il ne retrouva que quelques-uns de ces manuscrits, car les établissements français avaient été saisis par les Turcs au début de la guerre. Mais il avait consacré les années du conflit, pendant lesquelles il était cantonné à Alep, à fouiller cette ville, et put réunir alors une bibliothèque de 1 000 volumes contenant plus de 1 500 manuscrits[2]. Dans les années 1920, il poursuivit ses investigations, notamment, en Égypte (où il s'installa durablement) et au Liban.
Il réunit finalement un fonds constitué de 1 325 manuscrits d'époques et de sujets très divers (1 243 en arabe, 31 en syriaque, 44 en turc et en persan, et quelques-uns en d'autres langues)[3]. Un manuscrit syriaque remonte au VIIIe siècle, et la moitié des manuscrits datent d'entre le XIe et le XVIIe siècle. En 1926, il fit don de 775 manuscrits de cette collection à la Bibliothèque vaticane (représentée par Eugène Tisserant)[4], où ils constituent le fondo Sbath. Le reste demeura en sa possession, jusqu'à sa mort, à Alep.
Après sa mort, ses héritiers cédèrent cette collection à une Fondation Georges Salem nouvellement créée[5]. La collection de manuscrits de cette fondation, la plus importante dans des mains privées en Syrie, comprend actuellement 548 manuscrits (508 en arabe, 15 en arabe transcrit en garshuni, 6 en syriaque et 19 en turc, persan, arménien et italien). Le récent catalogage effectué par une équipe de l'Institut inter-universitaire du Proche-Orient ancien de l'université de Barcelone[6] a permis de retrouver les manuscrits du catalogue établi par Paul Sbath en 1928-34, sauf 23 dont on ignore le sort, et 23 autres (22 en arabe et un en persan) qui ne figuraient pas dans le catalogue d'origine. 60 de ces manuscrits sont antérieurs au XVIIe siècle (jusqu'au XIIe siècle). La collection se trouvait dernièrement dans la cathédrale maronite Saint-Élie[7].
Paul Sbath prit également des notes sur des collections de manuscrits autres que la sienne ; il en publia un catalogue en trois volumes (Al-Fihris) en 1938/40, faisant état d'environ 3 000 manuscrits qu'il aurait personnellement pu consulter, notamment à Alep[8]. Le premier volume, consacré à des auteurs antérieurs au XVIIe siècle, recense 1 031 manuscrits (606 chrétiens, 408 musulmans, 15 juifs et deux païens) appartenant à 93 propriétaires, dont 83 d'Alep.
Paul Sbath s'est également occupé de l'édition de certains des textes qu'il avait découverts.
Éditions de textes
- Paul Sbath (éd.), Mukhtaṣar fî 'ilm al-nafs al-insânîya li-Ghrîghûriyûs Abî al-Faraj al-ma'rûf bi-Ibn al-'Ibrî saḥḥaḥahu wa-'allaqa 'alaihi al-qass... / Traité sur la science de l'âme humaine par Grégoire Bar Hebræus, Le Caire, H. Friedrich et Cie, 1928.
- Paul Sbath (éd.), Vingt traités philosophiques et apologétiques d'auteurs arabes chrétiens du IXe au XIVe siècle, Le Caire, H. Friedrich et Cie, 1929 (introduction en français, puis textes arabes seuls)[9].
- Paul Sbath et Max Meyerhof (éds.), Al-Masâ'il fî l-'ayn / Le livre des questions sur l'œil de Hunayn ibn Ishaq, Mémoires de l'Institut d'Égypte, n° 36, Le Caire, 1938.
Bibliographie
- Paul Sbath, « Les manuscrits orientaux de la bibliothèque du R. P. Paul Sbath », Échos d'Orient, vol. 22, 1923, n° 131, p. 299-339 ; vol. 23, 1924, n° 133, p. 63-85, n° 134, p. 201-221, n° 135, p. 339-358 ; vol. 24, 1925, n° 139, p. 369-377 ; vol. 25, 1926, n° 142, p. 212-226, n° 143, p. 357-368, n° 144, p. 480-493 ; vol. 26, 1927, n° 148, p. 476-493 ; vol. 27, 1928, n° 149, p. 111-116, n° 152, p. 485-493.
- Paul Sbath, Bibliothèque de manuscrits Paul Sbath. Catalogue contenant la description de 1 325 manuscrits, 3 vol., Le Caire, 1928-34 (réédité par Gorgias Press).
- Paul Sbath, Al-Fihris (Catalogue de manuscrits arabes), 1re partie : Ouvrages des auteurs antérieurs au XVIIe siècle, Le Caire, Librairie al-Sharq,, 1938 ; 2e partie : Ouvrages des auteurs des trois derniers siècles, Le Caire, al-Sharq, 1939 ; Supplément, Le Caire, al-Sharq, 1940.
- Angelo M. Piemontese, I manoscritti persiani del fondo Sbath nella Biblioteca Vaticana e un nuovo Barzūnāma, Rendiconti lincei. Scienze morali, storiche e filologiche, Rome, 1978.
- Francisco del Rio Sanchez, Catalogue des manuscrits de la Fondation Georges et Mathilde Salem (Alep, Syrie) (édition française), coll. Sprachen und Kulturen des christlichen Orients, Heidelberg, L. Reichert Verlag, 2008.
Notes et références
- En 1873, le gouvernement ottoman offrit à la France l'ancienne église croisée d'Abu Gosh et ses dépendances, et en 1901 une convention fut signée entre l'État et des bénédictins français (abbaye de Belloc) pour que ces derniers prennent en charge ce lieu. Parallèlement, la France ayant été sollicitée par l'Église syrienne catholique pour la création d'un séminaire pour son clergé à Jérusalem, les mêmes bénédictins mirent en place cet établissement dans un autre bâtiment, la Maison d'Abraham sur le Mont du Scandale. Voir Dominique Trimbur, « Vie et mort d'un séminaire syrien-catholique. L'établissement bénédictin de Jérusalem », Proche-Orient chrétien, vol. 52, n° 3-4, 2002, p. 303-352.
- Il présenta cette collection dans la revue Échos d'Orient dans une série d'articles à partir de 1923. Les faits rapportés ici sont relatés par le P. Sbath lui-même en introduction du premier article.
- Dans la préface au volume II du catalogue de sa propre collection de manuscrits orientaux à la Cadbury Research Library de Birmingham, Alphonse Mingana († 1937) déclare que la collection Sbath est l'une des quatre principales collections de manuscrits arabes chrétiens au Proche-Orient (avec celle du monastère Sainte-Catherine du Sinaï, celle de l'Université catholique Saint-Joseph à Beyrouth, et celle du musée copte du Caire).
- Les 776 premiers numéros de son catalogue, moins le n° 339. Eugène Tisserant évoque lui-même un contrat d'achat pour 988 manuscrits : « Au Caire, où je me proposais d'acheter la collection de manuscrits arabes du P. Paul Sbath, je profitai de mon séjour pour faire une étude systématique des anciennes mosquées [...] Le 5 avril (1926), je quittais Jérusalem pour Beyrouth, où je réussis à conclure avec le P. Sbath un contrat d'achat de 988 manuscrits » (Recueil Cardinal Eugène Tisserant, Louvain, 1955, t. II, p. 803). Mais apparemment Paul Sbath fit des difficultés pour exécuter ce contrat.
- Georges Élias Salem (1888 - † 26 octobre 1944), commerçant chrétien d'Alep, laissa dans son testament des instructions pour créer grâce à ses biens une fondation caritative et culturelle, désignant pour l'exécution de ce projet sa veuve Mathilde Chelhot-Salem (1904 - † 27 février 1961) et l'archevêque d'Alep de l'Église catholique melkite, Mgr Isidore Fattal. Créée en 1947, la fondation (devenue plus tard Fondation Georges et Mathilde Salem) fut confiée à l'ordre des Salésiens, dont Mme Salem était proche. Depuis 1961, les présidents de la fondation sont les archevêques catholiques melkites d'Alep (actuellement Mgr Jean-Clément Jeanbart).
- Dans le cadre du projet MANUMED pour la conservation et la sauvegarde du patrimoine documentaire et manuscrit des pays méditerranéens, coordonné par le Centre de conservation du livre d'Arles.
- « Ces monuments syriens menacés », La Croix, 21 février 2014.
- Le fait que beaucoup de ces manuscrits sont restés ensuite introuvables a conduit certains spécialistes à s'interroger sur la sincérité de ce compte-rendu.
- Ces vingt traités sont : quatre traités d'Ibn Zura, trois de Yahya ibn Adi, un d'Élie de Nisibe, quatre de Yeshuyyab b. Malkoûn, autre métropolite nestorien de Nisibe (XIIIe siècle), deux d'al-Safi ibn al-'Assal, un de Hunayn ibn Ishaq, un d'Abdallah ibn al-Fadl al-Antaki (théologien melkite d'Antioche du XIe siècle), un d'Ibn Kolaïl (copte du XIIe siècle), un de Daniel ibn al-Khattâb (syrien jacobite du XIVe siècle), un d'Abdallah ibn at-Tayyib, un d'Abu l-Khayr ibn at-Tayyib (jacobite d'époque incertaine).
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