Photocomposition
La photocomposition est un procédé de composition de lignes de texte en qualité typographique par un principe photographique, et non, comme depuis les débuts de l’imprimerie, par des caractères en plomb assemblés manuellement ou mécaniquement. Assis devant le clavier d'une machine imposante, un opérateur peut ainsi produire des colonnes de texte sur des films, qui sont ensuite découpés et assemblés pour réaliser les maquettes transparentes des pages de journal, brochures, livres, etc. au travers desquelles on « flashe » (sensibilise) les plaques de l'imprimerie offset.
La première machine opérationnelle, la Lumitype, fut mise au point par les ingénieurs Louis Moyroud, René Higonnet et René Gréa[1] à partir de 1944. Le procédé se généralisa dans les années 1960 et fut remplacé par l’informatique à la fin des années 1970[2].
Historique
Les premières évolutions pour sortir de la composition en plomb se font dans le secteur de ce qu’on n’appelle pas encore la bureautique. Les administrations requièrent de plus en plus de documents à faible diffusion. Vers 1890 apparaît le photostat, procédé de reproduction photographique. Les machines à écrire se perfectionnent : au milieu des années 1920 apparaît la Typary de la société suisse Polygraphic, machine à écrire justifiante, puis la Varityper de Coxhead (USA), qui permet de varier styles et corps en qualité supérieure à la machine à écrire standard. Ces machines permettent la composition de texte pour l’impression offset et héliogravure de bureau, mais on n’arrive pas à la production en grandes quantités et en vraie qualité typographique.
Des photocomposeuses, généralement destinées au titrage, sont fabriquées : celle d’Alfred E. Bawtree (1915), celle de J. R. C. August et E. K.Hunter (1915), qui fait déjà appel au calcul binaire. On modifie le principe de la Linotype (Smothers, 1925 ; Friedman et Bloom, 1926). En 1928, Ödön Uher fabrique une machine assez évoluée, l’Uhertype, pour qui Jan Tschichold dessine plusieurs polices. Mais la machine vraiment universelle et efficace reste à inventer.
Ce sont deux ingénieurs dans le domaine du téléphone, Higonnet et Moyroud, totalement étrangers à l’imprimerie, qui, apportant sur la question un regard totalement neuf, réaliseront, non sans mal, à partir de 1944, la première photocomposeuse moderne, la Lumitype.
Principe
Sur la Lumitype, les « matrices » des caractères sont des négatifs photographiques, disposés sur un disque. Chaque disque peut comporter plusieurs fontes ou polices différentes. Le disque tourne devant un objectif qui détermine le corps du caractère. L’image du caractère est impressionnée sur le support, papier ou film, par un éclat de lumière stroboscopique. La saisie se fait sur un clavier assez proche de celui d’une machine à écrire. La ligne est mise en mémoire, un calculateur détermine la valeur des espaces inter-mots en fonction des valeurs des signes saisis, puis la ligne est composée avec la justification voulue. La qualité est améliorée et le coût à la page nettement inférieur à ce qui est obtenu avec un système au plomb, en raison des vitesses possibles (15 000 lignes/minute, soit dix fois la vitesse d'une imprimante d'ordinateur de l'époque, était une vitesse de composition typique).
Contexte
Le procédé a remplacé, outre les linotypes, les plus modestes composeuses à boule genre « Composphère », machines à écrire très améliorées, dont les premiers modèles exigeaient qu'on frappe chaque ligne de texte deux fois (la première servant à déterminer a priori la justification (les espacements entre caractères à observer lors de la seconde frappe, qui seule se traduisait par une impression).
Apparue à la fin des années 1940, la photocomposition a permis ensuite le passage de l'imprimerie à l'ère du numérique, non sans bouleversements sociaux.
Saisie
Dans un premier temps, la saisie était faite « au kilomètre » et en différé, afin de pouvoir alimenter la machine de façon aussi continue que possible. Aucun moniteur ne permettait de vérifier sa sortie. Le texte était ensuite reporté sur une bande perforée ou un support magnétique.
Des moniteurs permirent ensuite de contrôler les textes et les codifications. Loin des logiciels wysiwyg actuels, ces moniteurs ne travaillaient qu'en mode texte. On y gagnait cependant un bien meilleur confort par rapport aux saisies au kilomètre « en aveugle ».
Le stockage des données se fit ensuite sur disquettes magnétiques de 5,25 pouces puis sur disques durs.
Ces données, les textes, étaient enrichies, balisées, afin de leur appliquer des styles : police de caractère, corps, graisse, déformation (procédé fortement dénoncé comme non professionnel par Adrian Frutiger), justification, alignement, etc., afin de leur donner une forme. Ensuite, ces textes étaient envoyés à l'unité d'écriture, la photocomposeuse.
De là, les colonnes de texte partaient sur des tables de montage où elles étaient le plus souvent assemblées, jusque vers les années 1980, avec de la colle et des ciseaux.
Procédés
Différents procédés ont permis de reporter les textes sur papier photosensible puis sur films. Les systèmes dits à miroirs (Berthold), dans lesquels les caractères étaient ajourés et, par report de pochoir grâce à une source lumineuse, impressionnés sur la surface sensible. Puis le laser fit rapidement son apparition (Linotronic, Compugraphic, Cerci...) pour l'écriture directe sur la surface.
Toutes ces machines avaient une capacité de production de quelques milliers de caractères à l'heure, mais restaient prisonnières de la matrices négative du caractère, et du flash. Le disque de caractère même s'il tournait à 2000 tours minutes, et le flash au 1 millionième de seconde ne permettait pas d'aller plus vite que 300 000 caractères/heures. Il convenait donc de s'affranchir de cette matrice négative.
Différentes solutions ont été trouvées à l'époque. Linotype Paul en angleterre avec sa gamme Linotron 505 restait encore prisonnière d'une matrice physique mais transposait cela sur tube cathodique et donc permettait de passer à la vitesse de 1 a 2 millions de caractères. D'autres machines atteignirent les 4 millions. C'est machines étaient nécessaires pour les entreprises de presse et les journaux, et coûtaient plusieurs millions d'euros et donc réservé aux industriels du secteur.
C'est la société Monotype qui a révolutionné cette technologie avec sa machine, la Lasercomp. La matrice du caractère n'est plus physique (disque négatif) mais devient virtuelle donc électronique et en mémoire d'ordinateur.
Le principe est le suivant, le caractère typographique est représenté en mémoire par son contour sous forme de courbe de Bézier (algorithme décrit par un mathématicien Français). A partir de cette formule, et donc de son contour, l'ordinateur de la machine génère le remplissage du caractère, et le laser expose ce caractère sur la surface sensible qui reste un film ou papier Photographique.
Conjointement à cette époque, Xérox à Palo Alto puis Adobe (société créé par John Warwick un ex de Xérox), mettaient au point le langage Postscript, qui reprend les principes de la description du contour de caractère.
A partir de cette époque, les créateurs typographes (Monotype, Linotype, Berthold, Lumitype...) ont été obligés pour protéger leurs droit d'auteur de fournir leurs polices de caractère sous cette forme numérique. Les professionnels des arts graphique achètent donc ces polices de caractères sous cette forme virtuelles, Cela donne naissance à la PAO. Pour mémoire, aucune polices de caractère n'est gratuite, même si vous les obtenez au travers d'un logiciel ou d'un système d'exploitation. (Windows ou Os mac).
Naissance de la PAO
Conjointement à la photocomposition on assiste à la naissance de la publication assistée par ordinateur,
C'est en 1980 qu'apparait le premier Apple 2, suivit en 1982 par le premier IBM PC. Ces premiers ordinateurs ne visualisaient sur écran que des caractères basiques, et ne permettaient pas une visualisation des caractères dans leur forme réelle. En 1984, Apple sort son Macintosh, avec un écran graphique de définition assez fine pour pouvoir représenter la forme d'un caractère dans son dessin réel. C'est donc le Macintosh qui lit la forme du caractère et le transforme en pixel écran. Il a fallu dans les algorithmes générer un Postscript écran mais le résultat était là. On tape un A sur le clavier et sur l'écran vous avez instantanément le dessin d'un A en Times ou Helvética dans n'importe qu'elle grosseur.
Apple était suivit de près par d'autres sociétés avec de plus grands écrans capables de visualiser une page entière et des micro-ordinateurs plus puissants.
Dès lors, ce procédé de composition sortait un peu du domaine professionnel pour se diffuser vers un plus large publique. Nombreuses sociétés de "PAO" se sont créés autours de logiciels de mise en page tel QuarkXpress. Il était possible avec un budget relatif (disons 10 000 €) de s'équiper avec une machine et les logiciels pour effectuer des travaux d'imprimerie.
Il convient de dire un mot à ce stade du traitement des images. Dans les années 1980, les scanners émergeaient aussi sur le marché et la numérisation des images associés aux logiciels type Photoshop, complétaient le besoin. En effet, une publication de livre ou de document est la synthèse texte et image.
L'évolution des procédés d'impression Offset (mais aussi hélio), ont fait qu'il a été possible de supprimer complètement le support film. C'est maintenant directement que le fichier final sortant de l'ordinateur peut être gravé directement sur la plaque offset ou le cylindre Hélio. Ceci à complètement transformer les imprimeries.
Notes et références
- Logical Design of Electrical Circuits, René Gréa, René Higonnet, 1958
- http://www.industrie-technologies.com/ingenieurs/affichage.cfm?ID_m=1681111&cd=5058&id=secteur
Annexes
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