Pierre Crozat

Pierre Crozat (Toulouse 1661-1740) est un financier et collectionneur français. Trésorier de France, il est parfois dit, par euphémisme, « le pauvre », par opposition à son frère Antoine, fondateur de la Louisiane française. Contrairement à son frère, il fut surtout un véritable mécène, un homme de goût et l'un des plus grands connaisseurs de l'art de son temps.

Ne doit pas être confondu avec Pierre Crozat (architecte).

Pierre Crozat
Portrait par Rosalba Carriera.
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Œuvres principales

Biographie

Vue reconstituée du château de Montmorency depuis la demi-lune, tel qu'il était en 1730.
Le Parc du château de Montmorency par Antoine Watteau.

Trésorier de France à Montauban, trésorier des États de Languedoc (1690-1710), il succède à son frère comme homme d'affaires auprès de Pierre-Louis Reich de Pennautier. Il est aussi trésorier général adjoint du clergé (1705-1710)[1].

Son père est Marc Antoine Crozat (1624-1690), originaire de Millau, déjà riche de terres, titré seigneur de La Bastide et de Préserville. Le grand-père Crozat, Guillaume, est un marchand d'Albi. L'origine de la fortune des Crozat est leur faculté de pratiquer le négoce entre deux pôles commerciaux maritimes, Bordeaux et Marseille, avec au centre, la ville de Toulouse. Marc Antoine a quatre enfants : Antoine, Pierre, l'abbé Jean et Anne, tous issus du mariage avec Catherine de Saporta, fille d'un important avocat toulousain[2].

Il arrive à Paris dans les années 1700.

Le souvenir de Pierre demeure attaché à la ville de Montmorency où, en 1702, il achète l'ancienne propriété du peintre de la Cour Charles Le Brun, qui était inhabitée depuis la mort de celui-ci survenue en 1690. Il fait édifier à la place une magnifique demeure où il reçoit de nombreux artistes. Le château de Montmorency a aujourd'hui disparu. Le peintre Antoine Watteau y résida et réalisa des toiles représentant le parc de Montmorency.

En 1704, il acquiert à Paris un hôtel particulier situé au 91/93 rue de Richelieu qu'il fait transformer et agrandir avec des jardins. Dans l'hôtel Crozat, le peintre Charles de La Fosse réside avec sa famille jusqu'à sa mort. Il y peint un plafond qu’il termine en 1707 pour lequel il travaille avec le jeune Watteau.

Sans alliance, Pierre Crozat laisse un fils naturel, Henri Crozat de Ramon, marquis de Thorigné, mort avant son père en 1735, en laissant lui-même quatre enfants[3]. Mais sa collection d'art passe après lui à ses neveux.

Un collectionneur

Collectionneur d'art et mécène, il réunit une collection de dessins et des tableaux d'une qualité exceptionnelle.

Vue de l'Hôtel Crozat situé rue de Richelieu à Paris, depuis le bout du parterre, vers 1710.

Pierre Crozat est un fin connaisseur de la peinture italienne (entre autres de l'École vénitienne) et achète de nombreuses œuvres italiennes. Il avait également de nombreuses toiles de l'École flamande dont des Rembrandt. Âgé de 22 ans, il commence à collectionner des œuvres à Toulouse ; l'un de ses premiers achats est une suite de dessins de Raymond Lafage (il en posséda plus de 300)[4]. Sa collection rivalise avec la collection du futur régent, Philippe d'Orléans : ce dernier le charge dès 1714 d'acquérir à Rome l'ancienne collection de Christine de Suède, mission qu'il poursuit jusqu'en 1721, bénéficiant ainsi de la protection du souverain[5].

En 1729, paraît le premier tome d'un vaste projet appelé le Recueil Crozat[6] : il s'agit de créer un nouvel instrument de connaissance de l'art pour un public d'amateurs, de connaisseurs, de collectionneurs et d'artistes en présentant de manière inédite les œuvres des grandes collections princières et privées, essentiellement en sollicitant l'image gravée. Ce projet avait été initié par Pierre Crozat dès 1721 avec la complicité du régent et de tout un cercle d'amateurs. Le premier tome de ce recueil d'estampes comprend d'abord les dessins et tableaux de l'école romaine suivi d'un abrégé de la vie des peintres, lequel devient l'embryon du futur Abecedario de Pierre-Jean Mariette. Entre catalogue, album et livre d'art, ce projet nécessita la complicité du graveur et collectionneur, le comte de Caylus. Un second tome paraît en 1742 après la mort de Crozat, et puis s'arrête[7],[8],[6].

À sa mort en 1740, Pierre Crozat lègue toute sa collection de tableaux (plus de 400) et de sculptures à ses neveux (les enfants d'Antoine), Louis-François (mort en 1750), Joseph-Antoine (mort en 1750), et Louis-Antoine (mort en 1770). Pierre Crozat voulant léguer une importante somme aux pauvres, une série de ventes des dessins (19 000) et d'entailles est organisée à Paris en avril et mai 1741 par Pierre-Jean Mariette et trois autres experts, Gabriel Huquier, Edme-François Gersaint et François Joullain.

Ces ventes restent parmi les premières grandes ventes du marché de l'art, tel qu'il se met en place au début de ce siècle, et sans aucun doute la plus importante vente de dessins de ce temps[9]. Les pierres gravées sont achetées par le fils du régent[10].

L'autre partie de la collection Crozat, enrichie au passage, est achetée en 1772 aux héritiers de Louis Antoine Crozat grâce à Diderot, par l'impératrice Catherine II de Russie et se trouve actuellement au musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg.

Références

  1. Thierry Claeys, Dictionnaire biographique des financiers en France au XVIIIe siècle, tome 1, Paris, SPM, (ISBN 978-2-901952-65-7), p. 569-573
  2. Michel Bertrand, Pouvoirs des familles, familles de pouvoir, CNRS-Université de Toulouse-Le Mirail, 2005, p. 218.
  3. Thierry Claeys, Dictionnaire biographique des financiers en France au XVIIIe siècle, Paris, SPM, (ISBN 978-2-901952-65-7), p. 572-573
  4. (en) Nathan T. Whitman, The Drawings of Raymond Lafage, La Haye, Springer, 1963, p. X.
  5. Robert Challe, Mémoires, Correspondance secrète, Rapports sur l'Acadie et autres pièces, publiés d'après les originaux avec de nombreux documents inédits par Frédéric Deloffre avec la collaboration de Jacques Popin, Collection « Textes littéraires français », 1996, p. 332 — analyse sur Dix-huitième siècle.
  6. Versions complètes sur archive.org (gravures incluses) pour ces deux tomes : Tome 1 et Tome 2.
  7. P.-J. Mariette [préfacier-éditeur], Recueil d'estampes d'après les plus beaux tableaux et d'après les plus beaux dessins , qui sont en France dans le cabinet du Roy, dans celuy de Mgr le Duc d'Orléans, & dans d'autres cabinets, divisé suivant les différentes écoles, avec un abbrégé de la vie des peintres et une description historique de chaque tableau], Paris, de l'Imprimerie royale, 1729-1742 — sur Gallica.
  8. Note de Chiara Gauna, du Getty Center, in: « 'Recueil Crozat', fiche de lecture », Encyclopaedia Universalis, en ligne — accès limité
  9. Michael Jaffé (en), « Two Rediscovered Antwerp Drawings from Crozat's Collection », in: Master Drawings, 32.1 (été 1994), 54-59, p. 54.
  10. Description sommaire des desseins des grands maistres d'Italie, des Pays-Bas et de France, du cabinet de feu M. Crozat, avec des réflexions sur la manière de dessiner des principaux peintres, par P.-J. Mariette [suivi de Description sommaire des pierres gravées du cabinet de feu M. Crozat], Paris, avril et mai 1741 — Bibliothèque de l'INHA.

Annexes

Bibliographie

  • Sergeï Androsov, Ludmila Kagané, Militsa Korchounova, Irina Solokova et Valery Chevtchenko, préfaces de Marc Restellini et Mikhaïl Piotrovsky, L'Ermitage - La Naissance du Musée impérial - Les Romanov, Tsars collectionneurs, catalogue de l'exposition de la Pinacothèque de Paris, 2011 (ISBN 978-2-3586-7014-2)

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