Pierre Morain

Pierre Morain, né le à Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise) et mort le à Verrières (Aveyron), est un ouvrier carreleur, syndicaliste, militant communiste libertaire[1] et anticolonialiste.

Pour l’article ayant un titre homophone, voir Pierre Morin.

Pour les articles homonymes, voir Pierre Morain (peintre) et Morain.

Pierre Morain
Naissance
Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise)
Décès
Verrières (Aveyron)
Première incarcération 29 juin 1955 pour son soutien aux indépendantistes algériens
un an à la prison de Loos
Origine français
Cause défendue communisme libertaire
syndicalisme
anticolonialisme
antimilitarisme

Arrêté le , il est le premier militant français emprisonné (un an d’incarcération) pour son soutien aux indépendantistes algériens[2].

Biographie

En 1953, ouvrier carreleur, il adhéra au du Syndicat Unique du bâtiment (SUB) de la Confédération nationale du travail (France) et en devint le secrétaire. Il fut cependant mal à l'aise dans les querelles qui déchiraient alors la CNT-F et rejoignit, à l'été 1954, la Fédération communiste libertaire (FCL)[3].

Le premier Français métropolitain condamné dans le conflit algérien

En accord avec le Mouvement National Algérien (MNA) de Messali Hadj, il est envoyé en avril 1955 dans le Nord de la France pour y favoriser les contacts entre nationalistes algériens et syndicalistes français[4]. Il travaille le jour comme manœuvre terrassier chez Carette-Duburcq et diffuse le soir Le Libertaire dans les cafés algériens. Le journal consacre une large place à l’activité des révolutionnaires algériens et Pierre Morain rédige plusieurs articles importants consacrés à la vie quotidienne des Algériens de Roubaix[5].

Le , il participe à Lille aux violents affrontements survenus lors de la manifestation entre les forces de l’ordre et les travailleurs algériens porteurs de banderoles réclamant L’Algérie libre[5].

Militant du Mouvement de Libération Anticolonialiste (MLA) qui, à Paris, rassemble des anarchistes, des trotskistes et des militants de la mouvance qui deviendra la nouvelle gauche[6], il rédige un tract qu'il dépose aux arrêts de bus de Roubaix, Tourcoing et Croix. Une patrouille des douanes l’interpelle et l'interrogent pour savoir s’il est l’auteur de l’article sur le 1er mai à Lille publié dans Le Libertaire. Il est arrêté le [4].

Incarcéré à la prison de Loos et il est inculpé, avec plusieurs responsables du MNA, pour « reconstitution de ligue dissoute » pour sa participation à la manifestation du 1er mai. C'est le premier Français métropolitain condamné dans le conflit algérien[7],[8].

Lors du procès devant le Tribunal Correctionnel de Lille, lorsque le Président lui demande pourquoi en tant que Français il a manifesté avec les travailleurs algériens, il répond : « Moi, je ne suis pas français, je suis ouvrier »[9]. il est condamné à 5 mois de prison[10]. À la fin du mois de septembre, à la suite de l'appel du parquet, la Cour d’Appel de Douai, alourdi la peine à un an. Le procureur précise à l'audience dans son réquisitoire : « Pour Morain, le cas est plus grave, car, Messieurs, Morain est français… »[11]

Sous l'impulsion de Claude Bourdet[12], un « Comité pour la libération de Pierre Morain et pour la défense des libertés démocratiques »[13] se constitue à Paris, regroupant Jean Cassou, Daniel Guérin, Georges Fontenis[14], André Marty[15], Jean-Marie Domenach[16] et animé par deux militants anarchistes, Jacques Danos et Armand Robin. Le , L’Express publie une note en soutien signée Albert Camus : « Pour en rester aux vulgarités, je signale qu'un jeune militant, Pierre Morain, a été placé sous les verrous pour avoir manifesté un mauvais esprit en matière de politique algérienne. La protestation jusqu'à présent a été limitée à d'étroits secteurs de l'opinion, Morain ayant le double tort d'être ouvrier et libertaire. »[17],[5]

Le , il est transféré à la prison de la Santé en application d’un mandat d’amener délivré par un juge d’instruction de la Seine pour « atteinte à la sûreté extérieure de l’État »[18] à la suite d'un article anticolonialiste[19] paru avant son incarcération dans Le Libertaire. L’instruction traîne en longueur et finalement, il est libéré en [11].

À sa sortie de prison, il rencontre Suzanne Gouillardon[20] avec laquelle il vit jusqu'à la fin de sa vie.

En , il est arrêté pour avoir participé à l’attaque d'un local du mouvement poujadiste à Paris. Il est incarcéré à la Santé puis à Poissy jusqu’au printemps 1958.

Mai 68 et le Larzac

Fin 1957, la FCL est démantelée par la répression. Il s’installe dans la Nièvre où il milite à la CGT du bâtiment de Nevers et adhère au PCF dont il est exclu dans les années 1960 pour « orientation pro-chinoise ».

Après les événements de Mai-68, il est attiré un temps par le dynamisme des mao-spontexs de la Gauche prolétarienne, avant de se rapprocher, en 1974, de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA)[21].

En 1976, il s'installe sur le plateau du Larzac et participe, avec sa compagne, à la lutte des agriculteurs contre l’extension du camp militaire[22].

Il continue son activité militante : soutien aux Kanaks dans les années 1980, à la Confédération paysanne dans les années 1990.

Dans les années 2000, il devient membre de la coordination de la Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien (CCIPPP)[23].

Le , il meurt à 83 ans. Le , deux cents personnes assistent à son enterrement au hameau de Saint-Martin-du-Larzac[22].

Bibliographie

  • Comité de défense de Pierre Morain, Un Homme, une cause : Pierre Morain, Paris, Le Libertaire, 1956, notice.
  • Gilbert Esteve, Un entretien avec Georges Fontenis. Il y a 50 ans, l’insurrection algérienne, L’Émancipation syndicale et pédagogique, et , texte intégral.
  • Jean-René Genty, Des Algériens dans la région du nord : De la catastrophe de Courrières à l'indépendance, L'Harmattan, 2005, pp. 175–179.
  • Jean-René Genty, Le Mouvement nationaliste algérien dans le Nord, 1947-1957 : fidaou al Djazaïr, L'Harmattan, 2008, pp. 137–144.
  • Nathalie Funès, Mon oncle d'Algérie, Stock, 2010, notice.
  • Sylvain Boulouque, Les anarchistes français face aux guerres coloniales (1945-1962), Atelier de création libertaire, 2003, notice, (ISBN 2905691824).
  • Sylvain Pattieu, Mohamed Harbi, Les Camarades des frères : trotskistes et libertaires dans la guerre d'Algérie, Syllepse, 2002, 2018 (ISBN 2-913165-82-6).
  • Sidi Mohamed Barkat, Des Français contre la terreur d'État. Algérie 1954-1962, Éditions Reflex, Paris, 2002.

Audiovisuel

  • Guillaume Lenormant, Daniel Goude, Une résistance oubliée (1954-1957). Des libertaires dans la guerre d’Algérie, DVD, 2001, voir en ligne.
  • Mort de Pierre Morain, grand militant de la cause palestinienne, CCIPPP, 2011, voir en ligne.
  • Alter Echo, Hommage à Pierre Morain, Radio Larzac, , écouter en ligne.

Articles de presse

Notices

Articles connexes

Notes et références

  1. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, « Le Maitron » : Pierre Morain.
  2. Gilbert Esteve, Un entretien avec Georges Fontenis. Il y a 50 ans, l’insurrection algérienne, L’Émancipation syndicale et pédagogique, 31 janvier et 28 février 2005, texte intégral.
  3. Georges Fontenis, Changer le monde. Histoire du mouvement communiste libertaire (1945-1997), Alternative libertaire, 2008.
  4. Jean-René Genty, Des Algériens dans la région du nord : De la catastrophe de Courrières à l'indépendance, L'Harmattan, 2005, pp. 175-179.
  5. Jean-René Genty, Mort de Pierre Morain, incarcéré à Loos en 1955 pour son soutien aux révolutionnaires algériens, La Brique, 31 mai 2013, texte intégral.
  6. Sylvain Pattieu, Mohamed Harbi, Les Camarades des frères : trotskistes et libertaires dans la guerre d'Algérie, Syllepse, 2002, extraits en ligne.
  7. Nathalie Funès, Mon oncle d'Algérie, Stock, 2010, extrait en ligne.
  8. Vanessa Codaccioni, Punir les opposants - PCF et procès politiques 1947-1962, CNRS éditions, 2013, extrait en ligne.
  9. Millau. Hommage à Pierre Morain, La Dépêche du Midi, 18 juillet 2013, texte intégral.
  10. Frédéric Charpier, Histoire de l'extrême gauche trotskiste, de 1929 à nos jours, Paris, Éditions 1, 2002, extrait en ligne.
  11. Jean-René Genty, Le Mouvement nationaliste algérien dans le Nord, 1947-1957 : fidaou al Djazaïr, L'Harmattan, 2008, pp. 137-144.
  12. Benjamin Stora, Ils venaient d'Algérie : L'immigration algérienne en France (1912-1992), Fayard, 1992, extrait en ligne.
  13. Philippe Tétart, Histoire politique et culturelle de France observateur, 1950-1964 : Aux origines du Nouvel Observateur - Tome 1 : 1950-1957, L'Harmattan, 2001 page 147.
  14. Daniel Guérin, Quand l'Algérie s'insurgeait, 1954-1962 : un anticolonialiste témoigne, La Pensée sauvage, 1979, page 73.
  15. Sylvain Boulouque, Les anarchistes français face aux guerres coloniales (1945-1962), Atelier de création libertaire, 2003, page 49.
  16. Denis Pelletier, Jean-Louis Schlegel, A la gauche du Christ : chrétiens de gauche en France de 1945 à nos jours, Seuil, 2012, extrait en ligne.
  17. Albert Camus, Œuvres complètes: 1949-1956, Gallimard, 2008, page 1041.
  18. Patrick Kessel, Guerre d'Algérie: écrits censurés, saisis, refusés 1956-1960-1961, L'Harmattan, 2003, page 92.
  19. Stuart Christie, Arena Two : Anarchists in Fiction, PM Press/Christie Books, 2011, page 38.
  20. Dictionnaire international des militants anarchistes : Suzanne Gouillardon.
  21. Guillaume Davranche, Nécrologie : Pierre Morain, « pas français, ouvrier », Alternative libertaire, été 2013, texte intégral.
  22. Libcom : texte intégral.
  23. Mort de Pierre Morain, grand militant de la cause palestinienne, Toubainfotv, 30 mai 2013, en ligne.
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