Pilier des Nautes
Le pilier des Nautes est une colonne monumentale gallo-romaine érigée en l'honneur de Jupiter par les Nautes de Lutèce au Ier siècle, sous le règne de l'empereur Tibère. Le pilier des Nautes a été découvert au XVIIIe siècle dans le sous-sol de la cathédrale Notre-Dame de Paris, et est exposé dans la salle du frigidarium des thermes de Cluny.
Type | |
---|---|
Matériau | |
Site web |
Adresse |
---|
Coordonnées |
48° 51′ 02″ N, 2° 20′ 37″ E |
---|
Découverte
Il s'agit de l'empilement de quatre blocs ou autels qui ont été mis au jour lors de la construction d'une crypte sous la cathédrale Notre-Dame de Paris le lors des fouilles entreprises pour la réalisation du vœu de Louis XIII[1].
« Tout Paris a été les voir » a rapporté Baudelot, membre de l'Académie des médailles et auteur d'une Description des bas-reliefs anciens trouvez depuis peu dans l'église cathédrale de Paris[2],[3].
Les plus brillants esprits du temps s'interrogèrent sur les inscriptions révélées ; ainsi le philosophe Gottfried Wilhelm Leibniz échangea avec Sophie de Hanovre une correspondance sur la portée philologique de cette découverte[2].
Description
Il est constitué d'un piédestal et de quatre blocs de forme cubique, en pierre de l'Oise, ornés de bas-reliefs représentant diverses scènes, ainsi que des divinités gauloises et romaines. L'un de ces blocs comporte une dédicace. Il est représenté en pilier dans sa reconstitution la plus récente par Jean-Pierre Adam[4], et c'est à ce jour le plus ancien monument autochtone daté de Paris[5],[6],[7],[8].
Inscription
Le pilier porte une dédicace à l'empereur Tibère, fils adoptif d'Auguste[2] :
« À Tibère César Auguste, à Jupiter très bon, très grand, les Nautes du territoire des Parisii, aux frais de leur caisse commune ont érigé [ce monument]. »
en latin :
« TIB CAESARE
AVG IOVI OPTVMO
MAXSVMO
NAVTAE PARISIACI
PVBLICE POSIERVNT »
Les Nautes sont une confrérie d'armateurs mariniers naviguant sur les fleuves et rivières de la Gaule. Il devait s'agir d'armateurs ou de commerçants assez aisés, puisque c'est dans leurs rangs que les autres confréries navigantes (dendrophores, utriculaires) choisissaient habituellement leurs patrons.
L'inscription latine montre que les Nautes avaient une caisse commune et donc une personnalité morale, ce qui en fait la première société dont on ait trace à Paris.
Iconographie
Un indice de la puissance des Nautes est donné par une des sculptures du pilier : on les voit défiler en armes avec boucliers et lances, privilège octroyé par les Romains, ce qui est exceptionnel moins d'un demi-siècle après la conquête de la Gaule[9].
Le pilier, haut de cinq mètres, était constitué de quatre dés ou autels de pierre, disposés sur un socle et ornés de bas-reliefs sculptés sur les quatre faces. Ces bas-reliefs représentent des dieux des panthéons latin et gaulois.
Sont représentés pour le panthéon latin :
- Jupiter, portant le foudre, accompagné de l'aigle,
- Mars, le guerrier, cuirassé et armé, son manteau de général, la paludamentum, replié sur le bras,
- le forgeron Vulcain,
- Mercure, protecteur du commerce,
- Fortuna, qui donne chance,
- Vénus, qui favorise la fécondité,
- les Dioscures Castor et Pollux, patrons de la cavalerie.
Sont représentés pour le panthéon gaulois :
Interprétation
Selon l'historienne Anne Lombard-Jourdan, les Nautes cherchaient en édifiant le pilier à montrer aux peuples de la Gaule la voie de la coopération, qu'il était désormais raisonnable de suivre. En dédiant le pilier à Jupiter, ils montraient qu'ils agréaient à la religion des Romains tout en affirmant leur fidélité aux cultes indigènes par la mention de dieux gaulois[10]. La construction du pilier est contemporaine de l'interdiction des assemblées de druides. En donnant une figure humaine aux dieux gaulois, les Nautes contribuaient à ruiner la position d'intermédiaires des druides entre les dieux et les hommes[11]. Pour Anne Lombard-Jourdan, le pilier aurait été situé au Lendit, à proximité où se seraient réunis selon elle les druides des Gaules[12],[13].
Un projet de reconstitution du pilier des Nautes sur l'île de la Cité a été lancé en 2017 par l'association Gladius Scutumque[14].
Galerie
- L'inscription latine.
- Le taureau Tarvos trigaranus.
- Ésus, dieu gaulois de la guerre, de l'agriculture, du commerce.
- Cernunnos, le dieu gaulois aux bois de cerf.
- La dédicace et les Nautes armés.
Notes et références
- Busson 1998.
- Alexis Charniguet et Anne Lombard-Jourdan, Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois, Paris, Larousse, coll. « Dieux, mythes & héros », , 238 p. (ISBN 978-2-03-584620-4), p. 14.
- Charles César Baudelot de Dairval, Description des bas-reliefs anciens, trouvez depuis peu dans l'église cathédrale de Paris, Paris, Pierre Cot, , 39 p. (lire en ligne).
- Dr. Titus A.S.M. Panhuysen, La sculpture d'époque romaine dans le nord, dans l'est des Gaules et dans les régions avoisinantes : acquis et problématiques actuelles, Actes du colloque international de Besançon, 1998 (À propos du pilier tibérien de Nimègue), Presses universitaires franc-comtoises, collections annales littéraires, (ISBN 2-913322-80-8, lire en ligne), p. 17.
- Henriette Walter, Minus, lapsus et mordicus : Nous parlons tous latin sans le savoir, Paris, Éditions de Noyelles et Robert Laffont, , 315 p. (ISBN 978-2-286-08615-2 et 978-2-221-13342-2, lire en ligne).
- « Le pilier des Nautes », sur panoramadelart.com, (consulté le ).
- Florence Saragoza, « Savoir plus : Le pilier des Nautes », sur jfbradu.free.fr, (consulté le ).
- « LE PILIER DES NAUTES DE LUTECE LE PLUS ANCIEN MONUMENT DE PARIS », sur pilierdesnautes.paris (consulté le ).
- Charniguet et Lombard-Jourdan 2009, p. 15.
- Anne Lombard-Jourdan, Montjoie et Saint-Denis ! Le centre de la Gaule aux origines de Paris et de Saint-Denis, Paris, Presses du CNRS, , 392 p. (ISBN 2-87682-029-3), p. 107.
- Lombard-Jourdan 1989, p. 108.
- Lombard-Jourdan 1989, p. 105.
- D'après les plans les plus anciens, dont celui de Charles Inselin (1708), il aurait existé un lieu-dit « le Pilier », à proximité d'une rue du Pilier, à Aubervilliers.
- Le Pilier des Nautes de Lutèce
Annexes
Bibliographie
- Paul-Marie Duval, Paris antique des origines au milieu du IIIe siècle, Paris, Herrmann, 1961.
- Paul-Marie Duval, Les inscriptions antiques de Paris, Paris, Coll. de l'histoire générale de Paris, 1961.
- Bernard Jacomin, Le pilier des Nautes de Lutèce : Astronomie, mythologie et fêtes celtiques, éd. Yvelinédition, (ISBN 2-84668-096-5).
- Didier Busson, Carte Archéologique de la Gaule : Paris : 75 Inscriptions de DES de Paris, Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres, , 108 p. (ISBN 2-87754-056-1).
- Philippe de Carbonnières, Lutèce : Paris ville romaine, Paris, éd. Gallimard, 1997 (ISBN 2-07-053389-1).
- Henri d'Arbois de Jubainville, « Ésus, Tarvos Trigaranuss : La légende de Cûchulainn en Gaule et en Grande-Bretagne », Revue celtique, vol. XIX, , p. 245–251 (lire en ligne).
- Patrice Jaloye, « Le pilier des Nautes de Paris », Histoire antique, no 10 (hors-série) « Paris antique », , p. 34–39 (lire en ligne).
- Ortolf Harl, "Kaiser Tiberius und die nautae Parisiaci: Das Pfeilermonument aus Notre-Dame de Paris und seine Stellung in Religion, Kunst und Wirtschaft Nordgalliens", avec une introduction de Henri Lavagne: "Le pilier des Nautes, hier et aujourd'hui" (Monuments Piot, 99, 2019, p.71-225 (présentation sur le site de Peeters).
Articles connexes
Liens externes
- Ressource relative aux beaux-arts :
- Article sur le pilier des Nautes sur le site du musée de Cluny
- Le pilier des Nautes sur Paris, ville antique, ministère de la Culture
- Portail de l’archéologie
- Portail de l’histoire de l’art
- Portail de la Rome antique
- Portail de Paris