Pınar Selek

Pınar Selek, née le à Istanbul, est une sociologue, conteuse, militante antimilitariste féministe et écrivaine turque, vivant en France où elle a obtenu la nationalité française en 2017.

Pınar Selek
Pınar Selek en 2013.
Biographie
Naissance
Nationalités
Turque
Française (depuis )
Formation
Sociologie
Activités
Période d'activité
Depuis
Autres informations
Dir. de thèse
Samim Akgönül (d)
Site web

Éléments de biographie

Fille d'Alp Selek, un avocat qui a passé quatre ans et demi en prison après le coup d’État de septembre 1980[1], et de Ayla Selek, pharmacienne[2], Pınar Selek est par ailleurs la petite-fille de Haki Selek, un des fondateurs du Parti des travailleurs de Turquie. Ancienne élève du lycée Notre-Dame de Sion à Istanbul[3], elle soutient en 2014 une thèse de doctorat à l'université de Strasbourg[4].

Connue pour ses écrits sur les groupes opprimés en Turquie, elle plaide pour une approche sociologique qui ne situe pas en surplomb des personnes enquêtées mais repose sur une immersion de longue durée (comme elle le résume dans un des articles récents paru en français[5]). Ainsi son mémoire de DEA soutenu en 1997 porte sur la rue Ulkër à Istanbul. Ayant partagé la vie des enfants de la rue pour mieux les connaître, parfois enfants de prostituées, jeunes homosexuels, elle mène sa recherche sur les personnes trans qui sont exclus de cette rue[6].

Après ce travail, elle commence une enquête d'histoire orale sur la diaspora politique kurde au Kurdistan, en Allemagne et en France. La police turque l’arrête le 11 juillet 1998 et lui demande de livrer les noms de ses enquêtés[7]. Elle refuse de les donner malgré les actes de torture qu'elle subit. Commence alors une des affaires judiciaires les plus emblématiques de la répression que subissent intellectuels, universitaires étudiants, artistes et journalistes en Turquie.

Sa thèse de doctorat, soutenue en 2014, porte sur les mouvements sociaux turcs. Elle a déjà publié plusieurs travaux de sociologie en Turquie dont une partie commence à être traduite en français. Membre de l'URMIS, elle est enseignante-chercheure au département de Sociologie-Démographie à l'université Côte-d'Azur à Nice[8],[9]. Elle est également écrivaine et a publié plusieurs essais et romans, ainsi que des contes de fées. Son essai Parce qu'ils sont arméniens (2015) allie de façon originale autobiographie intellectuelle, témoignage social et historique, et réflexion critique. Pınar Selek cofonde en 2001 l'association Amargi, qui lutte contre les violences faites aux femmes.

En , elle obtient la nationalité française[10].

L'affaire Pınar Selek

Pınar Selek (au centre) lors d’une conférence de presse à Strasbourg le 25 janvier 2013. À sa gauche l’écrivain et journaliste Günter Wallraff.
Pınar Selek et Günter Wallraff lors de la conférence de presse à Strasbourg le 25 janvier 2013.

Une explosion a lieu le 9 juillet 1998 sur le bazar aux épices à Istanbul faisant 7 morts et une centaine de blessés. Il a été établi par plusieurs experts que cette explosion était due à une fuite de gaz. Alors que Pınar Selek est enfermée, les autorités policières produisent des preuves falsifiées prouvant que cette explosion était due à une bombe posée par des partisans du PKK[11]. La police reproche à Pınar Selek d'avoir collaboré à ce supposé attentat. En l'attente d'un jugement, en 2000, Pınar Selek est libérée une première fois.

À sa libération, Pınar Selek crée en 2001, avec d'autres militantes féministes, l'association Amargi qui s'engage notamment contre les violences faites aux femmes. En 2006, lorsque vient l'heure d'un premier procès, un des faux témoins produits pour les besoins de ce procès politique se rétracte et confie que ses aveux ont été obtenus sous la torture. Pınar Selek est relaxée une première fois mais le procureur fait appel. En 2008, elle est relaxée une seconde fois mais l'appel de la Cour de Cassation l'oblige à fuir la Turquie. Elle vient de publier Sürüne Sürüne erkek olmak, une étude sur la construction de la masculinité à travers le service militaire en Turquie. Bénéficiant d'une bourse du PEN club, Pınar Selek se rend alors en Allemagne.

En attendant que son dossier passe de chambre en chambre dans les méandres de la justice suite à un énième appel du procureur, elle arrive en 2012 en France. Le , elle soutient sa thèse en science politique à l'université de Strasbourg, où elle a bénéficié de l'asile académique[4]. Elle est maîtresse de conférences associée à l'université Côte-d'Azur, rattachée au laboratoire de recherche URMIS[12].

Chronologie des événements

  • 1998 : Arrestation de Pınar Selek. Elle refuse de livrer à la police l’identité de militants kurdes sur lesquels elle conduisait ses travaux de sociologue.
  • 2000 : Elle sort de prison.
  • 2006 : Procès. Pınar Selek est acquittée.
  • 2008 : Second acquittement. La cour de cassation turque fait à nouveau appel. Pınar Selek quitte la Turquie pour Berlin où elle obtient une bourse du PEN club allemand. Elle vit deux ans dans la capitale allemande, avant de déménager à Strasbourg.
  • 2011 : Troisième acquittement. La cour de cassation fait à nouveau appel.
  • 24 janvier 2013 : Pınar Selek est condamnée à perpétuité par le Palais de justice d'Istanbultribunal de Çağlayan à Istanbul[13].
  • En octobre 2013, Pınar Selek reçoit les insignes de docteur honoris causa de l’École normale supérieure de Lyon, en même temps que l’écrivain algérien Boualem Sansal et que le professeur d’histoire contemporaine marocain Jamaâ Baida[14].
  • 11 juin 2014 : La Cour de cassation turque annule la condamnation à la prison à perpétuité de 2013. Elle sera rejugée[15].
  • 24 janvier 2017 : elle est condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour « terrorisme » par la 12e cour pénale du Tribunal d'Istanbul[16].
  • 21 juin 2022 : Pınar Selek est condamnée à la prison à perpétuité par la Cour suprême de Turquie[17],[18].

Publications en français

  • Travailler avec ceux qui sont en marge, Socio-Logos, avril 2010, no 5
  • Loin de chez moi mais jusqu'où ?, Donnemarie-Dontilly, Éditions iXe, coll. « La petite IXe », 2012, 56 p. (ISBN 979-10-90062-11-5)
  • La Maison du Bosphore, Éditions Liana Levi, Paris, 2013, 400 p. (ISBN 978-2867466694)
  • Devenir homme en rampant, Paris, L'Harmattan, 218 p. Paris, 2014 (traduction de Sürüne Sürüne erkek olmak paru en 2008) (ISBN 9782343024417)
  • Parce qu'ils sont Arméniens, Éditions Liana Levi, 96 p. Paris, 2015. (ISBN 978-2867467646)
  • Verte et les oiseaux, Pınar Selek, Elvire Reboulet & Maud Leroy (ill.), conte illustré traduit du turc par Lucie Lavoisier, Éditions des Lisières, Sainte Jalle, 2017, 64 p. (ISBN 9791096274031)
  • Algue et la sorcière, Pınar Selek, Elvire Reboulet & Maud Leroy (ill.) conte illustré traduit du turc par Lucie Lavoisier, Éditions des Lisières, Curnier, 2021, 56 p. (ISBN 9791096274277)
  • Guillaume Gamblin, L'Insolente. Dialogues avec Pınar Selek, Camboourakis, 2019, 224 p.
  • Azucena ou Les fourmis zinzines, des femmes, 2022, 224 p.

Notes et références

  1. AFP, « Pınar Selek, sociologue turque harcelée, exilée, mais toujours engagée », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  2. Marie-Eve Lacasse, « Pinar Selek, la chercheuse recherchée », Libération, (lire en ligne, consulté le ).
  3. (de) Biographie de Pinar Selek sur le site du PEN club Deutschland.
  4. « Les possibilités et les effets de convergences des mouvements contestataires, sous la répression : les mobilisations au nom de groupes sociaux opprimés sur la base du genre, de l'orientation sexuelle ou de l'appartenance ethnique, en Turquie », sur HAL thèses (consulté le )
  5. Article paru dans la revue Socio-Logos 2010.
  6. « Je pensais que les sociologues, tout comme les médecins, devaient être capables de guérir les blessures de la société. Après avoir achevé mes recherches sur la manière dont les transsexuels avaient été expulsés d’Ulker Street2 et avoir validé ma thèse, je ne pouvais tout simplement pas abandonner les personnes dont j’avais partagé les problèmes, sous prétexte d’avoir obtenu ce que je désirais. Et donc je ne les ai pas abandonnées. J’ai participé à un atelier avec les personnes que j’avais rencontrées au cours de diverses enquêtes et qui avaient toutes subi une forme ou une autre d’exclusion et d’isolement. Nous l’avions appelé « l’Atelier des Artistes de Rue ». » - Extrait de sa plaidoirie lors de son procès le 17 mai 2006.
  7. Pinar Selek, « Je ne voulais pas leur donner les noms, c'est une question d'éthique », in Sylvain Laurens et Frédéric Neyrat, Enquêter : de quel droit ?, Bellecombe en Bauges, 2010.
  8. Anne-Camille Beckelynck, « Perpétuité requise contre Pinar Selek après quatre acquittements », Dernières nouvelles d’Alsace, 28 janvier 2016.
  9. « Équipe d'enseignement du département de sciences politiques de l'UNICE » (consulté le ).
  10. Pierre France, « Pinar Selek devient citoyenne française », rue89strasbourg.com, 26 septembre 2017.
  11. Le Figaro du 11 décembre 2012
  12. « Membres permanent·es de l’Urmis », sur Unité de recherche Migrations et Société (consulté le ).
  13. Arte Reportage, « Pinar Selek : « Je ne suis pas seule » », sur arte.tv, (consulté le )
  14. « Pinar Selek docteur Honoris Causa de l’École normale supérieure de Lyon », sur le site dnf.fr du 2 octobre 2013.
  15. AFP, « Turquie : la condamnation à la prison à vie de Pinar Selek annulée », sur france3.fr, France 3 Grand Est, (consulté le ).
  16. « Pinar Selek condamnée à perpétuité », sur istanbul.blog.lemonde.fr, (consulté le )
  17. Guillaume Perrier, « Turquie : 24 ans de harcèlement judiciaire contre l’universitaire Pinar Selek », sur Le Point, (consulté le )
  18. « Pınar Selek • Une condamnation ubuesque », sur Kedistan, (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • L'Insolente. Dialogues avec Pinar Selek, Guillaume Gamblin, Paris, Cambourakis, coll. « Sorcières », 2019, 224 p.

Liens externes

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