Plateforme nationale des interceptions judiciaires
La plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) est un organisme interministériel français. Créée en 2005 et opérationnelle depuis 2017, elle doit à terme englober l'ensemble des procédures d'écoutes judiciaires en France.
Cadre légal
Code de procédure pénale
La PNIJ est régie par les articles R. 40-42 à R. 40-56 du code de procédure pénale, instaurés par décret n° 2014-1162 du portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel[1].
L'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés indique que la PNIJ ne traite que les communications transitant par des opérateurs effectivement basés sur le territoire français, les interceptions de communications à l’étranger continuant d’être traitées par des commissions rogatoires internationales[1].
Dans le cadre des écoutes judiciaires, si le secret des correspondances téléphoniques est garanti par la loi, en revanche la décision du magistrat de procéder à une écoute judiciaire n'est pas susceptible de recours, car elle n'a pas de caractère juridictionnel[2].
Cour de justice de l'Union européenne
La cour de justice de l'Union européenne rend en une décision en matière de collecte d'information : les États européens ne peuvent pas réclamer aux opérateurs une collecte massive des données de connexions à des fins judiciaires et de renseignement. La décision, selon l'avocat général, se fonde sur l'appréciation d'une disproportion dans la réglementation française, qui doit certes permettre de recueillir du renseignement dans un contexte particulier, mais « n’instaure pas l’obligation d’informer les personnes concernées du traitement de leurs données à caractère personnel »[3].
Pour François Molins, procureur général près la Cour de cassation, la limitation des activités de renseignement pourrait toucher, voire frapper de nullité un certain nombre d'enquêtes pénales[3].
Histoire
Les procédures d'interceptions judiciaires sont un outil d'enquête pénal qui a dû se transformer en raison de l'évolution rapide des modes de communication. En 2000, il semble nécessaire de rationaliser une activité qui fait appel à deux acteurs distincts : les opérateurs privés de communication électronique, d'une part, qui acheminent les communications téléphoniques et électroniques, ainsi que des prestataires privés (il s'agissait dans un premier temps d'Elektron, Azur Integration, Foretec, Midi System, Amecs ou SGME[1]) et, d'autre part, plusieurs milliers d'officiers de police judiciaire de l'État, qui relèvent de magistrats[4].
La pratique des « écoutes-taxi », lors desquelles un enquêteur ajoutait manuellement un nom à la liste préalablement autorisée par le magistrat, et la nécessité d'une traçabilité plaident alors également pour la centralisation des écoutes auprès d'un seul organisme[1],[5].
Le Conseil constitutionnel censure en 2000 une disposition législative qui visait à faire porter par les opérateurs de communication électronique les coûts liés aux interceptions et consacre, à l'inverse, le principe de leur juste rémunération[6]. La création de la plateforme, préconisée en 2004, est décidée en 2005[6].
La plateforme est opérée, au titre d'un partenariat public-privé, par l'entreprise Thales à partir de 2009[7],[5]. L'appel d'offres, auxquelles participaient également les entreprises Atos et Capgemini a été soumis au secret ; portant sur un montant initial de 17 millions d'euros, il a dépassé en 2017 les 100 millions d'euros[7] . Le contrat ne doit a priori pas être renouvelé en 2024[8]. En sus de Thales, la PNIJ a également recours en 2019 à deux prestataires privés pour les messages cryptés (WhatsApp, Signal, Telegram) ou l'utilisation de PGP (Pretty Good Privacy)[9],[1].
L'utilisation de la plateforme par les enquêteurs, à l'exclusion d'autres méthodes d'écoutes, devient obligatoire en [10].
Activité
La PNIJ indique réaliser en 8 500 interceptions judiciaires, et intercepter 600 000 communications et 900 000 SMS par semaine. Elle recense 45 000 utilisateurs de la plateforme, et 7 000 connexions quotidiennes[11],[12].
En 2020, la Cour des comptes indique une moyenne de 10 000 lignes écoutées en permanence, ainsi qu'un total d'interceptions de 100 millions de communications par an[8].
Coût
Le coût de l'ensemble des interceptions judiciaires s'élève à 122,5 millions d'euros en 2015, la dépense cumulée de 2006 à 2016 atteignant un milliard d'euros[13]. La mise en place de la PNIJ, pour un montant global estimé en 2016 à 100 millions d'euros, revu en 2018 à 150 millions d'euros[10], a notamment pour objectif de faire baisser ces coûts importants[14],[10].
Notes et références
- Clarisse Serre et Charles Evrard, « Du rififi chez les grandes oreilles », sur www.dalloz-actualite.fr, (consulté le )
- « Écoutes téléphoniques | service-public.fr », sur www.service-public.fr (consulté le )
- « La justice de l’UE s’oppose à la collecte massive des données de connexions Internet et téléphoniques par les Etats », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Migaud 2016, p. 2-3.
- Emmanuel Fansten, « Comment Thalès va équiper les Grandes Oreilles de la justice », sur Slate.fr, (consulté le )
- Migaud 2016, p. 3.
- Emmanuel Leclère, « La plateforme nationale des interceptions judiciaires : Kafka 2.0 », sur www.franceinter.fr, (consulté le )
- Stéphane Joahny, « INFO JDD. La Cour des comptes réhabilite la gestion des écoutes téléphoniques », sur lejdd.fr, (consulté le )
- Emmanuel Leclère, « Sur écoute : la 5G, le cauchemar des enquêteurs », sur www.franceinter.fr, (consulté le )
- Pierre de Cossette, « Écoutes judiciaires : comment fonctionne le dispositif qui gère les ratés », sur Europe 1, (consulté le )
- Ministère de la Justice, « La plateforme nationale des interceptions judiciaires en chiffres », sur justice.gouv.fr, (consulté le )
- Pierre Alonso, « Avec la Pnij, les écoutes téléphoniques en plein vertige », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Migaud 2016, p. 1-2.
- Migaud 2016, p. 7.
Voir aussi
Bibliographie
- Didier Migaud, Les interceptions judiciaires et la Plateforme nationale des interceptions judiciaires, Paris, Cour des comptes, , 10 p. (lire en ligne).
Articles connexes
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