Possédées de Morzine

Les possédées de Morzine est le nom donné à un phénomène collectif de possession, appelé mal de Morzine, ayant eu lieu au XIXe siècle sur la commune de Morzine en Haute-Savoie.

Historique

Pendant environ treize ans, de 1857 à 1870, plusieurs dizaines de femmes de Morzine furent prises de convulsions, d’hallucinations, de crises de somnambulisme. Elles se disaient possédées par des diables.

Le docteur Augustin Constans, inspecteur général des asiles et un des médecins qui examinèrent les malades, qualifièrent ces faits d’« épidémie d’hystéro-démonopathie ». La psychiatrie contemporaine pourrait qualifier ces crises de « trouble de conversion ».

Cette affaire eut, à une époque où la psychiatrie était une spécialité balbutiante, une grande publicité. Des revues scientifiques se firent écho des faits[1],[2],[3], Joseph Arthaud, médecin aliéniste de l'asile du Vinatier à Bron notamment vint examiner les Morzinoises. Magnétiseurs et spirites firent aussi le déplacement[4],[5]. Le spirite Allan Kardec[6] se rendit à Morzine avant d’être refoulé par les gendarmes.

Les Possédées de Morzine est également un tableau du peintre et ancien maire Laurent Baud.

Cette lettre du sous-préfet de Thonon adressée au préfet de la Haute-Savoie et datée du est particulièrement éloquente. Elle fut rédigée après la cérémonie de confirmation opérée par l’évêque d’Annecy, un des pics de la crise. Le prélat fut agressé dans l'église bondée lors de la cérémonie de confirmation.

Les possédées de Morzine lors de la cérémonie de confirmation de 1864. Tableau de Laurent Baud, artiste-peintre et ancien maire de Morzine
« Le brigadier Fourcade s’est distingué : il souffre de nombreuses blessures occasionnées en voulant secourir l’évêque. Il y a 120 ou 130 malades. Des jeunes filles guéries depuis cinq ans n’ont pu supporter cet effrayant spectacle et sont de nouveau atteintes ; trois enfants de 5 et 6 ans sont tombés en crise (...). La consternation et la peur n’ont jamais été si grandes à Morzine. C’est la population entière qui est malade. Les femmes seules ont des crises, mais tout le monde est frappé, et les esprits ébranlés ne peuvent être rassurés par le fait d’un seul et par le travail d’une année. C’est l’éducation morale de la commune qu’il faut refaire, en même temps que l’on devra appliquer des mesures rigoureuses. Il faut couper net l’influence religieuse. Les exercices religieux, les cérémonies, tout ce qui se rattache d’un point de vue moral ou matériel, la vue d’un prêtre, le son des cloches, sont des causes qui déterminent presque exclusivement les accès des malades. »[7],[8]

Il y a de nombreuses autres hypothèses, car les crises ont varié dans le temps, d'individuelles, elles sont devenues collectives. La tension qui régnait entre le clergé et l'administration a souvent envenimé les choses.

Bibliographie

  • Richard (Jean-Christophe), Les possédées de Morzine - Recueil de documents anciens, 2010 - (ISBN 978-2-9524101-1-3).
  • Richard (Jean-Christophe), Les possédées de Morzine - L’enquête historique : Phénomènes de possession 1857-1873, 2016, 550 pages, (ISBN 978-2-95241-012-0).
  • De Baecque (Antoine), "Les possédées de Morzine", in Les Alpes, No 169, février-, p. 60-61.

Références

  1. Chiara, Les diables de Morzine en 1861 ou les nouvelles possédées, Lyon, 1861 (extrait de la Gazette médicale de Lyon)
  2. Arthaud, Relations d’une hystéro-démonopathie épidémique observée à Morzine (Haute-Savoie), Lyon 1862 (extrait de la Gazette médicale de Lyon)
  3. Khun, « De l’épidémie hystéro-démonopathique de Morzine (Haute-Savoie). Mémoire adressé à la Société médico-psychologique », Annales médico-psychologique, 4e série, t. V, 23e année, pp. 400-418 et t. VI, 23e année, p. 20-41.
  4. Épidémie démoniaque en Savoie, Revue spirite publié sous la direction d’Allan Kardec, 5e année, Paris, 1862
  5. Lafontaine, Les possédées de Morzine, Revue spiritualiste, année 1864, t. VII, p. 129-137.
  6. Jean-Philippe Buord, Les Mystères de la Haute-Savoie, Éditions de Borée, , 349 p. (ISBN 978-2-84494-300-2), p. 123, « Le spirite Alan Kardec se veut rassurant, mais suspecte des entités néfastes ».
  7. Citée par Maire (Catherine), Les Possédées de Morzine, (1857-1873), Presses universitaires de Lyon, 1981
  8. Carroy-Thirard (Jacqueline), Le mal de Morzine : de la possession à l'hystérie (1857-1877), Solin, 1981.
  • Portail de l'histoire de la Savoie
  • Portail des Alpes
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.