Prévision policière

La prévision policière (développé aux États-Unis sous le nom de Predpol ou predictive policing) fait référence à l'application des techniques de prévision et d'analyse, notamment des données, à la prévention de la criminalité. Etant une composante technologique du concept de la « safe city », cette méthode prend souvent la forme d’un outil cartographique permettant d’organiser les patrouilles de police et a été saluée par les médias comme une innovation révolutionnaire capable d’arrêter le crime avant qu'il n'ait lieu[1]. Il emploie une technique ayant son origine dans la simulation des tremblements de terre.

La prévision policière s’inscrit dans la continuité du « hotspots policing » qui, depuis les années 90, incarne un modèle de police proactive intervenant dans les zones où se concentrent les crimes, et ce avant d’y être appelée.

En 2010 les chercheurs proposèrent qu'il serait possible de prévoir certains délits, de la même manière que les savants prévoient les répliques sismiques. En 2008 le chef de la police de Los Angeles s'est mis à collaborer avec les directeurs du bureau d'aide légale (BJA) et l'institut national de justice (NIJ) en vue d'élaborer le concept de la prévision policière pour prévenir la criminalité. En , le magazine TIME désigna la prévision policière comme une des 50 meilleures découvertes de l'année[2]. Les services de police de plusieurs États américains (tels que la Californie, le Washington, la Caroline du Sud, l'Arizona, la Tennessee et l'Illinois) ont mis en œuvre la prévision policière.

L'efficacité de la technique a été mise à l'épreuve par le service de police de Los Angeles, qui la trouva deux fois plus précise que ses pratiques actuelles[3]. À Santa Cruz (Californie), la mise en œuvre des méthodes de la prévision policière sur une période de six mois fit baisser les cambriolages de 19 %. À Kent, 8,5 % de la criminalité de rue eut lieu dans les endroits prévus par PredPol, surpassant les 5 % des analystes criminels.

Critiques de Predpol

La prévision policière a fait l’objet de nombreuses critiques, à commencer par Predpol. Il a été reproché à l’entreprise californienne de ne jamais avoir soumis son algorithme à une évaluation indépendante et d’avoir, à la place, établi une méthode de communication agressive. Ainsi, le contrat, passé entre la firme et la police de Modesto et révélé par le site publicintelligence.net en 2014, stipule que les agents de police s’engagent à réaliser une communication positive autour de l’outil en échange d’un prix soldé. De plus, se démarquant des autres prestataires, Predpol propose également la prise en charge des serveurs permettant le stockage des données et leur analyse, posant ainsi la question de la souveraineté et du contrôle de données sensibles[4].

En France, la police prédictive fait l'objet de fortes réserves de la part d'un collectif de chercheurs grenoblois qui lui reproche, notamment, de déplacer les zones de criminalité, hors des territoires criminogènes identifiés par Predpol. D'autre part, ils affirment avec étude à l'appui, que l’algorithme de la société américaine prédit surtout des résultats déjà connus des services de police. Un rappport de 2019 de l’Institut Paris Région (IPR), ex-Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) d’Ile-de-France cité dans cet article concernant la videosurveillance et la police prédictive pointe les atteintes à la vie privée « Le risque, tel que l’identifient les associations de défense des libertés individuelles, est celui d’une surenchère de dispositifs de contrôle et un renforcement des logiques de surveillance massive.»

Plus généralement, Bilel Bendouzid explique que les systèmes de prévision policière, en particulier Predpol au travers de son système de traçage basé sur le GPS des voitures de police, est avant tout un moyen de rationalisation fonctionnelle et économique des services de police dans l’esprit du new public managment. Selon l’auteur, « au travers des plateformes de police prédictive, le travail policier est ainsi mis en équivalence et organisé à partir d’indices de productivité basés sur le niveau de criminalité »[4]. Le traçage numérique offrirait donc de nouveau moyen de gestion du travail. Les logiciels de prévision policière s’inscrivent dans la continuité du système Comptsat déployé par la police de New York dans les années 90, jugée depuis anticonstitutionnel et qui a été amplement réformé. Compstat est un dispositif de management visant à rendre la police proactive en responsabilisant l’ensemble des échelons. Ainsi, des quotas de contrôle ont été mises en place[4].

Enfin, certaines critiques évoquent le fait que cette évolution de la police n’ait pas été le fruit d’un débat politique sur la réforme des institutions policières, mais plutôt le résultat de logiques économiques. Ces systèmes sont donc symptomatiques de la place de plus en plus importante prise par les entreprises de matériels informatiques dans les processus de gouvernance des villes[4].

Notes et références

  1. Joel Rubin. "Stopping crime before it starts". The Los Angeles Times. Consulté le: 19 décembre 2013.
  2. "The 50 Best Inventions". Time (magazine). Consulté le 19 décembre 2013.
  3. Zach Friend. "Predictive Policing: Using Technology to Reduce Crime". Federal Bureau of Investigation. Consulté le 19 décembre 2013.
  4. Antoine Courmont et Patrick Le Galès, Gouverner la ville numérique, Paris, Presses Universitaires de France, , 108 p., « La police prédictive : technologie gestionnaire de gouvernement »
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