Preuve de travail

Un système[1] de validation par preuve de travail[2],[3] (en anglais : proof of work, PoW) est, en informatique, un protocole[4] permettant de repousser, sur un environnement client-serveur, des attaques par déni de service ou d'autres abus de service tels que les spams. Pour cela le serveur requiert du client d'effectuer une petite tâche sous forme d'un calcul par exemple. Alors que cela ne représente presque rien pour un client, ce sont des travaux qui ne peuvent pas être faits en très grandes quantités comme dans les attaques en déni de service, car ce serait beaucoup trop coûteux en temps et en énergie pour l'attaquant. Le concept a d'abord été envisagé par Cynthia Dwork d'Harvard et Moni Naor de l'Institut Weizmann dans un article de 1993[5]. Le terme « preuve de travail » ou PoW a été formalisé, par la suite, dans un document de 1999 par Markus Jakobsson (en) et Ari Juels[4].

Ne doit pas être confondu avec POW.

Une caractéristique essentielle du concept de preuve de travail est l'asymétrie du coût de mise en œuvre. En effet, le travail doit être difficilement réalisable pour l'auteur de la requête (appelé aussi le prouveur), alors qu'il est facilement vérifiable par le serveur (appelé aussi le vérificateur). Cette notion est diversement réalisée dans les applications pratiques : ce peut être un temps minimal d’attente avant d'être servi, un petit problème mathématique à résoudre (en), un puzzle à craquer par calcul ou une taxe demandée au requérant (à l'image d'un timbre fiscal pour un service que rend l’administration). La preuve de travail ne doit pas être confondue avec un CAPTCHA, qui exige d'un être humain de démontrer sa capacité à résoudre rapidement un problème sur lequel un ordinateur « sécherait ».

Contexte

Une des premières mises en œuvre de la preuve de travail est Hashcash qui cherche à prévenir le pourriel. Dans ce système, le contenu de chaque e-mail individuel est chiffré, y compris l'adresse du destinataire et la date d'envoi, selon un algorithme ayant un certain coût d'ordinateur pour l'expéditeur. Envoyer un unique courriel ne coûte presque rien, mais le publipostage (et donc potentiellement le pourriel) requiert une telle quantité de calcul à l'ordinateur qui envoie les messages que sa mise en œuvre est inenvisageable. En revanche, le destinataire de l’e-mail peut très facilement déchiffrer son contenu. L'inconvénient de cette approche est une consommation d'énergie et de temps de processeurs pour l'expéditeur

Exemple

Il est demandé à un processeur de réaliser une preuve de travail consistant à coder une variation de « Bonjour le monde ! » en utilisant la fonction de hachage SHA-256 jusqu'à trouver une empreinte qui débute par quatre zéros. La variation consiste à ajouter un nombre à la fin de la chaîne de caractères. Le processeur devra réaliser 33 681 tentatives pour réussir.

  • « Bonjour, monde!0 » ⇒ a9efd73638806846d0495fb92e2deba6e2e1ad5bc453e28e5fdc1334c97c21a8
  • « Bonjour, monde!1 » ⇒ f767b47fd98fab25d08bd155c42708b434ac86bfa8d8b95b1457146e86b728e5
  • « Bonjour, monde!2 » ⇒ fad41d13e759487a3d70a09c66c3e8ae8e9803f1fadba5411e039c35ac01f8b9
  • « Bonjour, monde!33678 » ⇒ c8c15f22d9c2a9ce84f6c8ca5d5943e3bbc2d39758474c3d969c17359e6cf212
  • « Bonjour, monde!33679 » ⇒ d109eb920aef296041c7b878eea20f1abc8fb957ea59bdf130d1dcd810722c2a
  • « Bonjour, monde!33680 » ⇒ 0000abebe9c6554c85176b8e9f9f3f4ed9b7e8dc856a7b5cb9177bf7b22e1871

Produire 33 681 hachés sur un ordinateur moderne ne représente pas beaucoup de travail (la plupart des ordinateurs peuvent atteindre au moins quatre millions de hachages par seconde) mais il existe aujourd'hui des systèmes de preuve de travail beaucoup plus complexes, qui requièrent des preuves de travail pouvant dépasser, en 2016, 2 milliards de GH/s (gigahachage par seconde, soit 2 milliards de milliards de hachages par seconde)[6] dans le cas de certaines crypto-monnaies comme le Bitcoin[7].

La vérification de l'empreinte numérique par un ordinateur est en revanche beaucoup plus rapide et moins consommatrice d'électricité.

Variantes

Il existe deux familles de protocoles différents pour fournir une preuve de travail.

Protocoles de défi-réponse

Les protocoles de preuve de travail par défi-réponse supposent un lien direct et interactif entre le demandeur (le client) et le fournisseur (le serveur). Le client demande au fournisseur de choisir un défi requérant un travail. Lorsque la solution est trouvée, le demandeur la renvoie au fournisseur qui la vérifie, la valide et sert la requête. Dans ce système, la difficulté est graduée par rapport à la charge de travail du fournisseur.

Protocole de défi-réponse.

Protocoles de vérification de solution

Dans les protocoles de vérification de solution, le problème n'est pas posé par le serveur, au contraire il fait partie intégrante du protocole et lorsque la solution est trouvée par le client, celle-ci est soumise par le protocole au serveur qui peut facilement la vérifier. La plupart de ces problèmes sont issus de procédures itératives probabilistes non bornées telles que celles du protocole Hashcash.

Protocole de vérification de solution.

Liste de protocoles

Les systèmes de preuve de travail les plus largement utilisés sont ceux des crypto-monnaies comme le protocole SHA256, Scrypt, Ethash, Blake-256, CryptoNight, HEFTY1, Quark, SHA-3, scrypt-jane, scrypt-n, ou des combinaisons de certains d'entre eux.

D'autres systèmes existent aussi, mais ne sont pas utilisés pour les crypto-monnaies :

Utilisations dans les crypto-monnaies

Dans les crypto-monnaies utilisant la méthode de validation par preuve de travail pour ajouter un bloc supplémentaire à la chaîne de blocs, chaque mineur du réseau doit réaliser des calculs coûteux en temps et en énergie afin de chiffrer l'ensemble des transactions d'un bloc ainsi que les transactions chiffrées de la chaîne de bloc précédente. Dans la mesure où un bloc est créé à intervalle régulier, la difficulté pour trouver la solution au chiffrement est ajustée en fonction du nombre de participants du réseau à l'instant du calcul (ou suivant le temps de calculs des blocs précédents) mais aussi en fonction du nombre de transactions contenues dans le bloc et la chaîne de bloc précédente.

L'ordinateur ou le groupe d'ordinateurs qui trouvent en premier la solution du chiffrement diffusent le résultat aux autres participants du réseau qui peuvent facilement valider sans requérir de la puissance de calcul. Lorsque la solution est validée, elle est diffusée à l'ensemble du réseau. Le mineur ayant trouvé la solution est récompensé en monnaie nouvelle selon les modalités définies par le protocole de la crypto-monnaie. Dans les blockchains les plus courantes, les mineurs se rassemblent donc en pool de minage pour obtenir une puissance de calcul suffisamment conséquente et obtenir des résultats plus intéressants[19]. Depuis quelques années avec l'augmentation de la valeurs des crypto-monnaies et de la difficulté des preuves de travail, des pirates utilisent illégitimement les ordinateurs de leurs victimes pour miner des crypto-monnaie. Ce procédé s'appelle le cryptojacking.

Chaque bloc contient le hachage du bloc précédent, ainsi chaque bloc a une chaîne de blocs qui contiennent tous les deux une grande chaîne de travail. Changer un bloc N (qui n'est possible qu'en faisant un nouveau bloc N+1 contenant le chiffrement de la chaîne de bloc précédente N-1) requiert un travail considérable car il faut recalculer d'abord le chiffrement du bloc N avant de chiffrer le bloc N+1. La falsification est donc difficile voire impossible.

Un inconvénient reste la consommation d'électricité, qui peut être source de consommation d'énergie carbonée, nocive pour l'environnement [20]. Beaucoup[21] de crypto actifs à vocation non monétaire n'utilisent pas ou plus la preuve de travail, mais expérimentent d'autres algorithmes de consensus. Ethereum a notamment prévu de changer son consensus en preuve d'enjeu d'ici fin 2022. Cette bascule est la première à être déployée à si grande échelle (sécurisation d'un capital de plus de $150 000 000 000 mi 2022[22]). Suite à cette bascule, il sera possible d'apprécier le niveau de sécurisation et de décentralisation de la preuve d'enjeu sur le long terme et à grande échelle.

La Banque des règlements internationaux (la « banque des banques centrales ») a critiqué le système des validation par preuve de travail nécessaire à la blockchain, qualifiée de désastre environnemental par Hyun Song Shin ()[23],[24].

Nicholas Weaver, chercheur du International Computer Science Institute à l'université de Californie à Berkeley, après avoir examiné la sécurité en ligne de la blockchain et l’efficacité énergétique du système de la « preuve de travail » utilisé par les blockchains[réf. nécessaire], conclut dans les deux cas que ces solutions sont « totalement inadéquates »[25],[26].

Notes et références

  1. On parle aussi de protocole ou de fonction de preuve de travail.
  2. Commission d’enrichissement de la langue française, « preuve de travail », FranceTerme, Ministère de la Culture (consulté le ).
  3. « preuve de travail », Le Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le ).
  4. Markus Jakobsson et Ari Juels, « Proofs of Work and Bread Pudding Protocols(Extended Abstract) », dans Secure Information Networks, Springer US, (ISBN 978-1-4757-6487-1, DOI 10.1007/978-0-387-35568-9_18, lire en ligne), p. 258–272
  5. (en) « Pricing via Processing or Combatting Junk Mail », sur www.wisdom.weizmann.ac.il, (consulté le )
  6. « Hash Rate », sur Blockchain.info (consulté le )
  7. « Bitcoin Difficulty and Hashrate Chart - BitcoinWisdom », sur bitcoinwisdom.com (consulté le )
  8. (en) « Introduction to Hashcash », sur hashcash.org.
  9. Gabber et al. 1998.
  10. Jakobsson et Juels 1999.
  11. Franklin et Malkhi 1997.
  12. Juels et Brainard 1999.
  13. Abadi et al. 2005.
  14. Dwork, Goldberg et Naor 2003.
  15. Coelho 2005.
  16. Coelho 2007.
  17. Tromp 2015.
  18. Abliz et Znati 2009.
  19. « Qu'est-ce qu'un pool de minage ? » (consulté le )
  20. (en) « Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index (CBECI) », sur ccaf.io (consulté le )
  21. (en) « Top PoW Tokens by Market Capitalization », sur CoinMarketCap (consulté le )
  22. « Vérifiez l'historique des prix des principales cryptomonnaies », sur CoinMarketCap (consulté le )
  23. Hyun Song Shin (Juin 2018). "Chapter V. Cryptocurrencies : looking beyond the hype" (PDF). BIS 2018 Annual Economic Report. Bank for International Settlements. . Put in the simplest terms, the quest for decentralised trust has quickly become an environmental disaster.
  24. Janda, Michael (18 Juin 2018). "Cryptocurrencies like bitcoin cannot replace money, says Bank for International Settlements". ABC (Australia). Consulté 18 Juin 2018. Hiltzik, Michael (18 Juin 2018). "Is this scathing report the death knell for bitcoin?". Los Angeles Times.
  25. (en) Sean Illing, « Why Bitcoin is bullshit, explained by an expert », sur vox.com, (consulté le ).
  26. (en) [vidéo] Berkeley School of Information, Blockchains and Cryptocurrencies: Burn It With Fire (Nicholas Weaver) sur YouTube, (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • [Abadi et al. 2005] (en) Martín Abadi, Mike Burrows, Mark Manasse et Ted Wobber, « Moderately hard, memory-bound functions », Transactions on Internet Technology (TOIT), ACM, vol. 5, no 2, , p. 299–327 (DOI 10.1145/1064340.1064341).
  • [Abliz et Znati 2009] (en) Mehmud Abliz et Taieb Znati, « A Guided Tour Puzzle for Denial of Service Prevention », Annual Computer Security Applications Conference (ACSAC), , p. 279–288.
  • [Coelho 2005] (en) Fabien Coelho, « Exponential memory-bound functions for proof of work protocols », Cryptology ePrint Archive, Report, (lire en ligne).
  • [Coelho 2007] (en) Fabien Coelho, « An (almost) constant-effort solution-verification proof-of-work protocol based on Merkle trees », Africacrypt, Springer-Verlag, , p. 80–93.
  • [Dwork, Goldberg et Naor 2003] (en) Cynthia Dwork, Andrew Goldberg et Moni Naor, « On memory-bound functions for fighting spam », Crypto, Springer-Verlag, no 2729, , p. 426–444.
  • [Franklin et Malkhi 1997] (en) Matthew K. Franklin et Dahlia Malkhi, « Auditable metering with lightweight security », Financial Cryptography, Springer-Verlag, , p. 151–160 (DOI 10.1007/3-540-63594-7_75).
  • [Gabber et al. 1998] (en) Eran Gabber, Markus Jakobsson, Yossi Matias et Alain J. Mayer, « Curbing junk e-mail via secure classification », Financial Cryptography, Springer-Verlag, , p. 198–213.
  • [Jakobsson et Juels 1999] (en) Markus Jakobsson et Ari Juels, « Proofs of Work and Bread Pudding Protocols », Communications and Multimedia Security, , p. 258–272.
  • [Juels et Brainard 1999] (en) Ari Juels et John Brainard, « Client puzzles: A cryptographic defense against connection depletion attacks », NDSS, .
  • [Tromp 2015] (en) John Tromp, « Cuckoo Cycle; a memory bound graph-theoretic proof-of-work », Financial Cryptography and Data Security : BITCOIN 2015, , p. 49–62.

Articles connexes

Liens externes

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