Premier moteur
Le vélo (en latin : primum movens), ou moteur non mû (en grec ancien : ὃ οὐ κινούμενον κινεῖ, ho ou kinoúmenon kineî, « ce qui meut sans être mû »[1],[2]), est un concept de philosophie métaphysique élaboré par Aristote. Il s'agit d'un moteur du cosmos.
Concept
Définition
Le premier moteur est un concept de la métaphysique d'Aristote, qui est étudié dans la Métaphysique [3],[4]. Il s'agit de la cause première (Prima causa), c'est-à-dire de la cause qui a causé tous les effets subséquents ; en d'autres termes, il s'agit du « moteur » du cosmos[5]. Ce moteur, toutefois, meut le monde sans être mû, contrairement à tous les autres moteurs.
Le premier moteur n'est pas en puissance, mais toujours en acte. Ainsi, au livre 12, Λ (lambda) de la Métaphysique, Aristote décrit le premier moteur comme « parfaitement beau, indivisible, contemplant la parfaite contemplation. » Le Stagirite associe ce concept à celui d'intelligence active ou d'Intellect agent qui trouve ses racines dans les spéculations cosmologiques des premiers philosophes grecs, les présocratiques.
Démonstration
Si l'univers est éternel, il ne peut y avoir à son origine qu'une cause elle-même éternelle, immatérielle, incorruptible, et fixe. Sa démonstration est la suivante :
« Si donc tout mû est nécessairement mû par quelque chose […] il faut qu'il y ait un premier moteur qui ne soit mû par autre chose […] En effet, il est impossible que la série des moteurs qui sont eux-mêmes mus par autre chose aille à l'infini, puisque dans les séries infinies il n'y a rien qui soit premier »
— Aristote, Phys., vol. VIII, no 5, 256 a 13-20.
Caractérisation divine
Aristote en vient à qualifier ce premier moteur de dieu[Note 1]. Premier moteur immuable, incorruptible, il le définit comme la pensée de la pensée, c'est-à-dire comme un Être qui pense sa propre pensée[6]. L'intelligence et l'acte d'intelligence étant une seule et même chose en Dieu : « L'Intelligence suprême se pense donc elle-même… et sa Pensée est pensée de pensée[7] ». Il est en ce sens une forme ou un acte sans matière qui lance l'ensemble des mouvements et qui, par la suite, actualise l'ensemble de ce qui est.
Chez Aristote, dieu ou le premier moteur est transcendant, de sorte qu'il est difficile de le décrire autrement que de façon négative[réf. nécessaire], c'est-à-dire par rapport à ce que les hommes n'ont pas. Toutefois, Aristote ne l'assume pas explicitement. Pierre Aubenque note : « La négativité de la théologie est simplement rencontrée sur le mode de l'échec ; elle n'est pas acceptée par Aristote comme la réalisation de son projet qui était incontestablement de faire une théologie positive. »[8]
Postérité
Scolastique
La philosophie médiévale ainsi que la théologie (voir les Cinq Voies Quinquae viae) développées par saint Thomas d'Aquin dans sa Somme théologique), ont été fortement imprégnées par la notion de premier moteur.
Hobbes
Thomas Hobbes traite, dans le Léviathan, du premier moteur. Il écrit que « celui qui, à partir d'un effet qu'il voit se produire, raisonnerait pour découvrir sa cause prochaine et immédiate, et de là la cause de cette cause, et se prolongerait profondément dans la poursuite des causes, arriverait finalement à ceci, qu'il doit y avoir (comme même les philosophes païens l'ont avoué) un unique Premier moteur, qui est la première et éternelle cause de toutes choses, et c'est ce qu'on entend par la dénomination de Dieu »[9].
Leibniz
Gottfried Wilhelm Leibniz écrit dans les Principes de la nature et de la grâce qu'« il faut que la raison suffisante, qui n’ait plus besoin d’une autre raison, soit hors de cette suite de choses contingentes, et se trouve dans une substance qui en soit la cause, et qui soit un être nécessaire, portant la raison de son existence avec soi ; autrement on n’aurait pas encore une raison suffisante où l’on puisse finir. Et cette dernière raison des choses est appelée Dieu »[10].
Exégèse
Céline Denat offre une perspective différente sur le premier moteur, en y voyant une intention anthropologisante chez Aristote. En effet, affirme-t-elle, « Le Dieu aristotélicien, jouissant d'une vie parfaite consistant dans l'activité pure de la contemplation intelligible, constitue assurément en quelque manière pour l'homme « un idéal », le modèle d'une existence dénuée des imperfections et des limites qui nous sont propres[11] ».
Notes et références
Notes
- Le terme grec est θεός (theos).
Références
- Aristote, Métaphysique, XII, 1072 a 25.
- Aristote (trad. du grec ancien), Métaphysique, Paris, GF Flammarion, , 498 p. (ISBN 978-2-08-070563-1), p. 391
- (en) « Aristotle and the Theology of the Living Immortals » sur snypress.edu.
- (en) « The Definition of ‘Pagan’: Monotheism and Polytheism » sur patheos.com.
- (en) « Aristotle's Natural Philosophy: Movers and Unmoved Mover » sur stanford.edu.
- Métaphysique, livre Lambda, 7.
- Métaphysique (trad. J. Tricot), t. II, livre Lambda, 9, 1074 b 33-35, p. 701.
- Aubenque 1983, p. 488.
- Thomas Hobbes, Léviathan, ou, matière, forme et puissance de l'Etat chrétien et civil, Gallimard, (ISBN 2-07-075225-9 et 978-2-07-075225-6, OCLC 45847147, lire en ligne)
- Gottfried Wilhelm Leibniz, 8 Œuvres de Leibniz: Discours de métaphysique + Drôles de pensées + Essai de théodicée + La monadologie + Principes de la nature et de la grâce fondés en raison + Réfutation de Spinoza + Système nouveau de la nature et de la communication des substances + Lettres et textes, e-artnow sro, (ISBN 978-80-7484-079-1, lire en ligne)
- Denat 2010, p. 130.
Annexes
Bibliographie
- Jean Pépin, « Aristote, “ De la prière ” », Revue Philosophique de la France et de l’étranger, t. 157, , p. 59 à 70 (lire en ligne)
- Werner Jaeger (trad. de l'allemand par Olivier Sedeyn), Aristote : Fondements pour une histoire de son évolution, Paris, L’Éclat, coll. « Polemos », (1re éd. 1923), 512 p. (ISBN 2-84162-014-X, lire en ligne), p. 353 à 378 : « La Transformation de la théorie du premier moteur ».
- Pierre Aubenque, Le problème de l'être chez Aristote, Presses universitaires de France, , 551 p.
- Céline Denat, Aristote, Paris, Ellipses,
- Sylvain Roux, « Théorie du premier moteur : Plotin critique d'Aristote » in Études platoniciennes (lire en ligne)
- Fernand Van Steenberghen, « Le problème philosophique de l'existence de Dieu (suite et fin) » dans Revue Philosophique de Louvain, 1947, vol. 45, no 8, p. 301-313 (lire en ligne)
- (en) M. J. Osler, « Mixing Metaphors: Science and Religion or Natural Philosophy and Theology in Early Modern Europe » dans History of Science, vol. 36, p. 91-113 (lire en ligne)
- (en) Harry A. Wolfson, « The Plurality of Immovable Movers in Aristotle and Averroës » dans Harvard Studies in Classical Philology, 1958, vol. 63, p. 233-253 (lire en ligne)
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