Pristis clavata

Le poisson-scie nain (Pristis clavata) est une espèce de poissons de la famille des Pristidae et du genre Pristis vivant dans les eaux australiennes. Étymologiquement, le mot Pristis provient du grec et signifie « scie » tandis que le nom clavata provient du mot latin clava qui signifie « club »[1].

Histoire

Le poisson-scie nain a été décrit pour la première fois en 1906 par Samuel Garman, anatomiste et premier conservateur officiel des poissons, des amphibiens et de reptiles au Museum of Comparative Zoology de Harvard. Garman a ensuite illustré ce spécimen dans sa monographie The Plagiostomia en 1913, donnant ainsi à cette espèce le nom scientifique Pristis clavata Garman 1906[1].

Caractéristiques

Le poisson-scie nain peut atteindre une taille de maximum 318 cm et est plus petit que les autres espèces du genre Pristis, d’où son nom le qualifiant de nain[1],[2],[3],[4],[5]. À la naissance, les jeunes mesurent de 60 à 81 cm et les mâles vont atteindre la maturité entre 255 et 260 cm[1],[4],[5].

L’âge maximum qui a été répertorié chez un spécimen de poisson-scie nain dans le Golf de Carpentaria en Australie est de 34 ans[1],[3]. Cependant, des scientifiques estiment que l’espèce pourrait atteindre un âge maximum de 80 ans et une longueur de 5m[6]. L’âge approximatif de la maturité de l’espèce est entre 8 et 10 ans[7].

Pristis clavata possède un corps en forme de torpille qui rappelle un requin avec une peau présentant des denticules. Sa tête est aplatie ventralement avec la bouche et les fentes branchiales situées en dessous de celle-ci. Les narines sont larges avec de grands volets nasaux et sont situées derrière les yeux, positionnés sur la face dorsale de la tête[1],[3],[6],[8],[9],[10]. Les nageoires pectorales sont triangulaires avec des bases larges tandis que les nageoires dorsales sont hautes et pointues. La première nageoire dorsale est située directement au-dessus, ou légèrement en arrière, de l'origine des nageoires pelviennes et la nageoire caudale n’a pas de lobe inférieur distinct[3],[5],[6],[9].

Le museau est large et plat, et est allongé en un rostre possédant entre 18 et 22 paires de dents rostrales régulièrement espacées. Ces dents sont minces et présentent une rainure le long des marges postérieures jusqu’à sa confluence avec le rostre. Cette rainure ne se développe qu’à l’âge adulte[3],[5],[6],[8],[11]. Les denticules dermiques sont plats avec une couronne arrondie. Ces denticules sont plus allongés et convexes sur la partie postérieure du corps tandis qu’ils sont plus petits sur la partie ventrale[12]. Le sexe ne peut être déterminé par le nombre de dents contrairement à l’espèce du même genre, Pristis microdon[8],[11].

Ce poisson est généralement brun verdâtre, ou occasionnellement brun jaunâtre, sur sa surface dorsale, et possède une couleur blanche ou jaune ventralement. Les nageoires sont souvent d’une couleur plus claire que la surface dorsale contrairement à la tête qui est plus foncée[2],[3],[5],[6],[7],[13].

Face dorsal du Pristis clavata

Répartition et Habitat

Répartition

Historiquement, la distribution du poisson-scie nain s’étendait dans tout l’océan Pacifique indo-occidentale, près des pays de la Nouvelle-Guinée, l’Indonésie, la Malaisie ou encore les Philippines et l’Australie[1],[7],[10],[14].

Distribution du Pristis clavata

Actuellement, sa distribution ne s’étend plus qu’à la partie Nord de l’Australie en partant de la Côte de Pilbara dans le nord de l’état de l’Australie-Occidentale jusque sur les côtes de la ville de Cairns dans le Queensland, en passant par le Golf de Carpentaria et la Péninsule de Cap York. On peut aussi retrouver cette espèce dans les rivières qui jalonnent le nord de l’Australie comme South Alligator Rivers et Buffalo Creek dans l’état du Territoire du Nord ou encore la rivière Pentecost en Australie occidentale[4],[7],[11],[14],[15],[16].

Habitat

L’habitat de cette espèce est limité aux eaux saumâtres et salées jusqu’à 41,1 ppt et ayant une profondeur allant de 1 à 20m. On n’en retrouve pas dans les eaux purement douces comme l’espèce Pristis microdon[3],[5],[8],[11].

Le poisson-scie nain se trouve principalement dans les zones côtières et estuaires australiens, mais on peut aussi le trouver dans les rivières saumâtres proches de la côte, les vasières à marée, les baies ou les forêts de mangroves inondées[3],[4],[5],[8],[13].

Les habitats estuariens sont utilisés comme les zones de nurserie par les poissons-scies nains dont les poissons juvéniles immatures vont y rester jusqu’à l’âge de 3 ans[5],[8],[11]. Pour les adultes, ce sont les environnements marins proches de quelques kilomètres de la côte qui sont privilégiés. La distance maximum par rapport à la côte reste inconnue[2],[5].

Les poissons-scies nains sont souvent retrouvés sur les plateaux limoneux-sableux avec une faible couverture d’algues et de macrophytes, de faibles niveaux de détritus et le moins de gros débris ligneux possible[17].

Ecologie et comportement

Comportement

Les poissons-scies nains adultes migrent de façon saisonnière avec généralement comme point d’origine, les bassins estuariens. Cette espèce est qualifiée d’amphidrome, c’est-à-dire qui se déplace des eaux fluviales vers la mer et inversement. Leurs déplacements sont liés à l’afflux d’eau douce ainsi qu’à la salinité de l’eau mais ils vont aussi se déplacer dans la direction des courants de marée[7],[10],[11],[18].

Les déplacements vers l’amont des estuaires (vers les rivières) ont lieu pendant la saison sèche quand le débit de l’eau douce est faible et que la salinité et la température augmente. Inversement, les déplacements vers l’aval des estuaires (vers les eaux océaniques) se déroulent lors de la saison humide, aussi appelée la saison des pluies, quand le débit d’eau douce augmente et que la salinité diminue[18].

Cette espèce est capable d’évoluer dans une large gamme de salinité (entre 1 et 41 ppt)[11]. Cependant, ces changements rapides de salinité peuvent affecter directement ou indirectement le poisson-scie nain sur le plan physiologique. D’une part, il peut y avoir des coûts métaboliques afin de maintenir l’osmolarité du poisson-scie ainsi que des changements du coût de locomotion résultant d’une modification de la flottabilité ou encore de la nage. D’autre part, la salinité peut avoir un impact sur le déplacement des proies[18].

En plus des migrations horizontales, les poissons-scies nains pratiquent la migration verticale  diurne. Ils vont avoir tendance à occuper des zones moins profondes pendant la journée afin de se réfugier et se protéger des prédateurs, tandis qu’ils vont occuper des zones plus profondes quelques heures le matin pour la recherche de nourriture[5],[18].

Les juvéniles vont utiliser des habitats fluviaux ou côtiers peu profond afin d’éviter les prédateurs avant de se déplacer à l’âge adulte vers des habitats marins plus profonds[19].

Alimentation

Pour s’alimenter, le poisson-scie nain utilise son rostre dans un mouvement d’entailles latérales afin de remuer et déloger les invertébrés du substrat des fond marins[10],[13].

De plus, le rostre va aussi permettre d’étourdir, assommer et tuer des poissons se retrouvant dans des bancs de poissons[10],[11],[13].

Le régime alimentaire de cette espèce est principalement constitué de poissons osseux comme le Mullet Popeye Rhinomugil nasutus, abondant dans les bassins estuariens à la fin de la saison sèche, et de crustacés comme les crevettes du genre Macrobrachium[5],[8],[11],[13],[18],[20].

Reproduction

Le poisson-scie nain est une espèce de poissons à viviparité aplacentaire qui signifie que les œufs éclosent et se développent à l’intérieur du corps de la femelle. Les petits vont se nourrir du sac vitellin qui fournira de l’énergie in utero avant la naissance[1],[3],[6],[21].

Les jeunes naissent avec une taille d’environ 65 cm et avec la tête qui sort en première tandis que le rostre est recouvert d’une gaine de tissu jusqu’après la naissance pour ne pas blesser la mère[1],[5].

La mise à bas se déroule durant la saison humide (novembre à mars) jusqu’au début de la saison sèche en mai en Australie[3],[4]. Approximativement, un poisson-scie nain femelle atteint sa maturité à 8 ans et donne naissance à 12 petits par an [18]. Les jeunes vivent dans les eaux estuariennes pendant les 3 premières années de leur existence[11].

Respiration

Les poissons-scies nains ont la capacité de respirer lorsqu’ils sont allongés sur le fond marin. Pour ce faire, ils aspirent de l’eau dans leurs branchies à travers de grands trous derrières chaque œil, appelés spiracles, sur la face ventrale de l’animal[1].

Le poisson-scie nain et l'humain

Statut

Actuellement, l’espèce Pristis clavata n’est plus présente que sur les côtes australiennes. Son étendue d’occurrence a fortement diminué de plus de 70% et est considérée comme éteinte dans les autres régions[22].

La liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (UICN) a classé cette espèce dans la catégorie « En danger » en raison de sa rareté croissante[1].

Menaces

Les menaces principales auxquelles le poisson-scie nain est confronté sont la pollution et la dégradation de son habitat. En effet, cette espèce a besoin d’habitats particuliers lors des différents stades de son développement comme les rivières, les estuaires ou la côte. Des aménagements côtiers et fluviaux vont donc former des barrages les empêchant de migrer vers ces habitats indispensables ou encore modifier la structure de ces lieux[10].

Pristis Clavata

La deuxième menace est la prise accidentelle, quelle soit commerciale ou récréative, lors de la pêche au filet maillant et au chalut. Ces pêches ciblent de base les espèces comme le Barramundi (Lates calcarifer), le barbure à quatre doigts (Eleutheronema tetradactylum) ou encore le saumon aveugle (Polydactylus macrochir) tandis que le poisson-scie nain n’est ciblé par aucune industrie de pêche légale[11],[13],[18]. Comme cette espèce vit près de la côte ou des rives, qui sont des lieux où une grande partie de l’activité de la pêche se déroule, elle est fort susceptible de se faire attraper dans des filets de pêche. Malgré les règles obligeant de relâcher ces poissons, ils sont abandonnés sur les rives car ils sont compliqués à manipuler et à les démêler des filets à cause de leur rostre[2],[5],[7],[8],[10],[15],[21],[22].

En plus d’être abandonnés sur les rives, ces poissons peuvent aussi rentrer dans le commerce illégal. En effet, leurs nageoires et leur rostre peuvent être vendues, leur peau peut se transformer en cuir, leur foie procure de l’huile de foie qui peut servir dans la médecine chinoise traditionnelle toute comme leurs œufs[23]. La chair du poisson-scie nain est appréciée[3].

Conservation/gestion

Afin de permettre sa conservation, le poisson-scie nain est protégé en Australie en vertu de la loi de 1999 sur la protection de l’environnement et la conservation de la biodiversité, la loi sur les pêches dans l’État de Queensland de 1994, la loi de 2000 sur les parcs du territoire et la conservation de la faune dans l’État du Territoire du Nord et par la loi de 1994 sur la gestion des ressources halieutiques dans l’État d’Australie occidentale[1].

De plus, le commerce international de tous les poissons-scies est interdit par la convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES). Cette espèce est aussi inscrite à l’annexe I et II de la convention des espèces migratrices[1],[24]. L’Australie a mis en place des gestions spécifiques mettant en avant l’éducation sur les techniques de remise en liberté ainsi que pour la gestion spécifique de la pêche pour sensibiliser la population[1],[18].

Pour protéger les femelles reproductrices et leur progéniture, une fermeture saisonnière de la pêche a été mise en place en 1980 dans le golf de Queensland afin d’empêcher les prises accidentelles[4].

Références

  1. (en-US) « Pristis clavata », sur Florida Museum, (consulté le )
  2. (en) J.D. Stevens, R.B McAuley, C.A. Simpfendorfer et R.D. Pillans, « Spatial distribution and habitat utilisation of sawfish (Pristis spp) in relation to fishing in Northern Australia », report to Department of the Environment, Water, Heritage and the Arts, , p. 31
  3. « Pristis clavata, Dwarf sawfish », sur www.fishbase.de (consulté le )
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  5. (en) Lee K. Curtis, Andrews J. Dennis et Keith R. McDonald, Queensland’s Threatened Animals, Csiro Publishing (ISBN 978-0-643-09614-1), p. 82
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  23. (en) Gwynn Guilford, « Fishing, Chinese medicine, and a crazy-looking snout are driving sawfish to extinction », sur Quartz (consulté le )
  24. « The CITES Appendices | CITES », sur cites.org (consulté le )
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