Prix Sade
Le prix Sade, dédié à la littérature érotique, est un prix littéraire français créé en 2001 en hommage au marquis de Sade.
Prix Sade | |
Prix remis | Prix Sade |
---|---|
Description | Récompense une œuvre érotique |
Pays | ![]() |
Date de création | 2001 |
Dernier récipiendaire | Caroline De Mulder pour Manger Bambi (2021) |
Historique
Le prix a été créé par Lionel Aracil (président d’honneur) et Jean-Baptiste Blanc, avec la participation de Frédéric Beigbeder[1]. Il est décerné par un jury qui se présente comme une « réunion d’auteurs, d’éditeurs et autres artistes pour la célébration du libertarisme contemporain »[2],[3], le prix Sade est remis chaque année à la fin du mois de septembre afin de récompenser « un auteur singulier et honnête homme, selon la définition de son siècle. Un authentique libéral qui sera parvenu, par delà les vicissitudes de la Révolution et l'emprise de l'ordre moral, à défaire les carcans de la littérature comme ceux de la politique[4]. »
Le lauréat reçoit une création d'un artiste contemporain[1], comme Éric Madeleine, Nobuyoshi Araki, Alberto Sorbelli, Fabrice Hybert, ou encore Jean-Paul Gaultier, qui a signé un martinet.
Quelques dates
Le premier ouvrage récompensé, en 2001, est La Vie sexuelle de Catherine M., une autobiographie de Catherine Millet. L'auteure y décrit ses expériences sexuelles. Pour Marie Tréhard de Marianne les jurés ont ainsi retenu un ton libre et la « la désacralisation de la sexualité féminine ».
En 2004, l'essai du philosophe Ruwen Ogien, Penser la pornographie, est mis en avant. L'ouvrage évoque notamment l'« image de la femme ou l'incitation à la violence » tout en analysant les objections à la pornographie. Ainsi pour Marie Tréhard le prix Sade prétend « combattre le moralisme étouffant : parce que c'est le conformisme qui est obscène[2]. »
En 2016, les délibérations du jury sont enregistrées pour être diffusées par France Culture dans La série documentaire (LSD), Sade : le prix du fouet. Les membres du jury sont alors Emmanuel Pierrat, Catherine Robbe-Grillet, Jean-Luc Hennig, Laurence Viallet, Gisèle Vienne, François Angelier, Guy Scarpetta, Catherine Corringer, Ruwen Ogien, Jean Streff et le fouet de Maîtresse Cindy. Le prix est attribué à Agnès Giard pour son livre Désir d’humain, les Love doll au Japon[5].
Jury
Sous l’égide de son président, Emmanuel Pierrat, assisté de Jean Streff, secrétaire général, les membres du jury, participants ou ayant participé, sont :
- Lionel Aracil
- Frédéric Beigbeder
- Pierre Bourgeade (†)
- Catherine Breillat
- Catherine Corringer
- Marie L. (Sophie Marie L.)
- Guillaume Dustan (†)
- Marcela Iacub
- Pierre Leroy
- Catherine Millet
- Ruwen Ogien (†)
- Catherine Robbe-Grillet
- Laurence Viallet
- Philippe Brenot
- François Angelier
- Philippe Breno
- Jean-Jacques Lebel
- Guy Scarpetta
Avec Annie Le Brun
Annie Le Brun, auteur de plusieurs essais de référence sur Sade, dont son livre-préface (Soudain un bloc d'abîme, Sade, 1986) aux œuvres complètes du marquis éditées par Jean-Jacques Pauvert, a vivement critiqué ce prix, publiant dans son essai Ailleurs et autrement (2011) une lettre qu'elle avait adressée le à son président, Lionel Aracil, qui avait fait figurer son nom, à son insu, dans le jury. Dénonçant ce qu'elle estime être une mascarade médiatique et culturelle, elle y écrit notamment :
« Petite misère culturelle, vous êtes bien mal renseigné : méprisant depuis toujours autant ceux qui reçoivent les prix que ceux qui les donnent, comment pourrais-je consentir à participer à la mômerie d'un prix marquis de Sade ? “Bas les pattes devant Sade”, avais-je écrit avec mes amis surréalistes devant les manigances d'un théâtreux en mal de scandale, à la fin des années soixante. Que pourrais-je dire d'autre avec Jean-Jacques Pauvert, qui s'associe à moi en l'occurrence, au ramassis d'écrivains et artistes que vous sollicitez, les Sollers, Bourgeade, Pingeot, Bramly…, pour peu qu'ils acceptent de patronner cette mascarade bien dans le goût de l'époque ? Sans doute les uns et les autres ne se sont-ils pas assez discrédités pour ne pas rater une occasion d'en rajouter. »
Et critiquant le trophée, un fouet « dessiné par le bagagiste de luxe Louis Vuitton », qui lui rappelle « le balai immonde » du roi Ubu, elle conclut : « Que voulez-vous, tout le design du monde ne réussira jamais à maquiller tant d'indignité[6]. » Critique qui, au-delà de ce seul prix, s'inscrit contre cette tendance au recyclage, « merchandising » de certaines icônes culturelles[7].
Dans les pages « Débats et opinions » du Figaro du 8 août 2001, Lionel Aracil répond à ces critiques, dans une tribune intitulée « Sade et ses nouveaux geôliers » :
« Notre divin marquis aurait apprécié les cris d'orfraie de ceux qui se présentent en véritables gardiens du temple de Silling. N'est-il pas navrant qu'un prix littéraire dédié à l'héritage de l'écrivain et philosophe, emprisonné pour sa liberté d'expression, soit dénoncé et vilipendé par des embastilleurs de l'édition… un quarteron de littéreux à la retraite, dont Pauvert et Lebrun (sic) se dressent contre les impertinents et subversifs qui ont osé toucher au mausolée ?
Si le Prix Sade a été créé, [c'est] pour révéler ou défendre un auteur qui défie l'ordre moral ou politique par-delà toute forme de terrorisme intellectuel […][8]. »
Christine Angot
En 2012, le prix est attribué à Christine Angot pour son ouvrage Une semaine de vacances, traitant de l'inceste[9]. Angot refuse ce prix. Selon son éditeur Flammarion, l'obtention de celui-ci pouvait l'empêcher de recevoir d’autres prix plus prestigieux[10],[4].
Dans une lettre à Emmanuel Pierrat, elle s'en explique ainsi :
« L’image de ce prix, qu’elle corresponde ou non à l’œuvre du Marquis de Sade, est en contradiction totale avec le livre que j’ai écrit, et ne pas refuser ce prix serait souscrire à un contresens objectif quant à ce que dit ce livre, contresens que je récuse[11]. »
Lauréats
Prix Sade
- 2001 : Catherine Millet pour La Vie sexuelle de Catherine M.[2]
- 2002 : Alain Robbe-Grillet pour C'est Gradiva qui vous appelle
- 2003 : Louis Skorecki pour Il entrerait dans la légende, éditions Léo Scheer
- 2005 : Jean Streff pour Traité du fétichisme à l'usage des jeunes générations, éditions Denoël
- 2006 : Shozo Numa pour Yapou, bétail humain, éditions Désordres-Laurence Viallet[12]
- 2007 : Dennis Cooper pour Salopes, éditions P.O.L
- 2008 : Charles Robinson pour Génie du proxénétisme, éditions Le Seuil
- 2009 : Stéphane Velut pour Cadence, éditions Christian Bourgois
- 2010 : Jacques Chessex pour Le Dernier Crâne de M. de Sade, éditions Grasset
- 2011 : Thomas Hairmont pour Le Coprophile, éditions P.O.L
- 2012 : Christine Angot pour Une semaine de vacances, éditions Flammarion — refusé par l'auteur
- 2013 : Jean-Baptiste Del Amo pour Pornographia, éditions Gallimard
- 2014 : Alain Guiraudie pour Ici commence la nuit, éditions P.O.L
- 2015 : Jean-Noël Orengo pour La Fleur du Capital, éditions Grasset, ex-æquo avec Audrée Wilhelmy pour Les Sangs, édition Grasset[13]
- 2016 : Agnès Giard pour Un désir d'humain, les Love Doll au Japon, éditions Les Belles Lettres[5]
- 2017 : Gay Talese pour Le Motel du voyeur : une enquête, éditions du Sous-Sol
- 2018 : Jonathan Littell pour Une vieille histoire, éditions Gallimard
- 2019 : Christophe Siébert pour Métaphysique de la viande, éditions Au diable vauvert, ex-æquo avec Kevin Lambert pour Querelle, Le Nouvel Attila.
- 2020 : Marie-Pier Lafontaine[14] pour Chienne, éditions Le Nouvel Attila
- 2021 : Caroline De Mulder pour Manger Bambi, éditions Gallimard
Prix Sade du premier roman
- 2001 : Éric Bénier-Bürckel pour Un prof bien sous tout rapport, éditions Pétrelle
- 2017 : Raphaël Eymery pour Pornarina : la-prostituée-à-tête-de-cheval, éditions Denoël
Prix Sade de l'essai
- 2004 : Ruwen Ogien pour Penser la pornographie, éditions PUF[2]
- 2011 : Paul B. Preciado pour Pornotopie, Playboy et l'invention de la sexualité multimédia, éditions Climats
- 2020 : Marc Renneville pour Vacher l'éventreur. Archives d'un tueur en série[15], éditions J. Millon
Prix Sade du livre d'art
- 2006 : Jacques Henric et Jorge Amat pour Obsessions nocturnes, éditions Édite
- 2018 : Mavado Charon pour Dirty, Mania Press
- 2019 : Jean-Jacques Lequeu, bâtisseur de fantasmes, éditions Norma/Bibliothèque nationale de France (catalogue d'exposition)
- 2020 : Marc Martin pour Les Tasses - Toilettes publiques, affaires privées[16],[15], éditions AGUA, ex-æquo avec Nathalie Latour pour Céroplastie, corps immortalisés[15] , éditions Le Murmure
Prix Sade du jury
- 2009 : Pierre Bourgeade pour Éloge des fétichistes, éditions Tristram
Prix Sade document
- 2012 : Jean-Pierre Bourgeron pour l'édition de trois textes de la collection « Eros singuliers » (éditions HumuS) : L'Aviateur fétichiste (2012), Marthe de Sainte-Anne (2011) et Le Curé travesti (2011)
- 2015 : Trois milliards de pervers : grande encyclopédie des homosexualités, réédition[17] de l’édition saisie en 1973 (éditions Acratie)
Notes et références
- « Littérature : Quelles sont les caractéristiques du prix littéraire Sade et qui sont les lauréats ? », sur Eurêkoi. Bibliothèque publique d’information, (consulté le )
- « Un prix libertin ? », sur Marianne, (consulté le )
- Voir sur le site officiel du prix Sade.
- « « Une semaine de vacances » de Christine Angot reçoit le prix Sade », sur Libération, (consulté le )
- « Un prix libertin ? », sur France Culture, (consulté le )
- Annie Le Brun, Addendum à « De l'insignifiance en milieu vaginal » (article critique du livre de Catherine Millet, première lauréate du prix Sade, initialement paru dans La Quinzaine littéraire, n° 807, 1-15 mai 2001), dans Ailleurs et autrement, Gallimard, coll. « Arcades », 2011, p. 19-20.
- Thibaud Croisy, « Quand la “com” s'empare du théâtre », Le Monde, .
- Lionel Aracil, « Sade et ses nouveaux geôliers », Le Figaro, 8 août 2001.
- « Christine Angot, lauréate du Prix Sade 2012 », sur Le Point, (consulté le )
- « Christine Angot, lauréate du prix Sade », sur Elle, (consulté le )
- « Christine Angot et le Prix Sade : les raisons d’un refus », sur La Règle du Jeu, (consulté le ).
- « Ça se passe comme Sade », sur Libération, (consulté le ).
- Vincy Thomas, « Grasset s'octroie deux Prix Sade », sur Livres Hebdo, (consulté le ).
- Thomas Vincy, « Prix Sade 2020 », sur gallimardmontreal.com, (consulté le ).
- « Les lauréats du prix Sade 2020 », sur Livres Hebdo (consulté le ).
- « Le livre d'art "Les Tasses" de Marc Martin est lauréat du prix Sade 2020 », sur TÊTU, (consulté le ).
- Voir sur le site des éditions Acratie.
Voir aussi
Articles connexes
Lien externe
- Site officiel du prix Sade
- Portail de la littérature française
- Portail des récompenses et distinctions
- Portail de la sexualité et de la sexologie