Quartet du dialogue national
Le quartet du dialogue national (arabe : الرباعي الراعي للحوار الوطني soit ar-rubāɛī ar-rāɛī lil-ḥiwār al-waṭanī) est l'association de quatre organisations tunisiennes s'étant donné pour but d'organiser des négociations entre les partis politiques pour assurer la transition du régime de l'assemblée constituante de 2011 vers un régime démocratique permanent, dans le contexte de l'assassinat de Mohamed Brahmi le [1].
الرباعي الراعي للحوار الوطني
Union générale tunisienne du travail (Représentant : Houcine Abassi) Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Représentante : Wided Bouchamaoui) Ordre national des avocats de Tunisie (Représentant : Mohamed Fadhel Mahfoudh) Ligue tunisienne des droits de l'homme (Représentant : Abdessattar Ben Moussa) |
Gouvernement Larayedh, Ennahdha, Ettakatol | Nidaa Tounes, Front populaire, Mouvement du peuple, Union pour la Tunisie, Al Joumhouri |
Assemblée constituante Élection présidentielle de 2014 Élections législatives de 2014 Gouvernement Larayedh Instance supérieure indépendante pour les élections Transition démocratique en Tunisie |
Prix Nobel de la paix (2015) Commandeur de la Légion d'honneur (2015) |
Le quartet est composé de l'Union générale tunisienne du travail, de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat, du Conseil de l'Ordre national des avocats de Tunisie et la Ligue tunisienne des droits de l'homme[1].
Le quartet obtient le prix Nobel de la paix 2015 pour son succès dans la mission qui a abouti à la tenue des élections présidentielles et législatives ainsi qu'à la ratification de la nouvelle Constitution en 2014. Ce prix est le premier Nobel attribué à un ressortissant ou organisation de la Tunisie[1] après son indépendance[2].
Création
En 2011, la Tunisie connait une révolution après laquelle la stabilité et la sécurité du pays sont considérablement compromises[3],[4]. Après l'élection de l'assemblée constituante, la rédaction de la nouvelle Constitution présente plusieurs difficultés et le délai d'une année prévu pour la ratification finale du texte est largement dépassé[5]. Durant cette période, le gouvernement est critiqué pour son laxisme envers les islamistes radicaux[5] ; s'ensuivent des attentats dont le plus médiatisé est l'assassinat de Chokri Belaïd le [5],[6]. Les tensions s'accroissent en conséquence entre le gouvernement majoritairement islamiste et l'opposition[7].
Après l'assassinat de Mohamed Brahmi le , le Front populaire, dont Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi sont des leaders, organise avec les autres partis de l'opposition unifiés un front commun qui prend le nom de « Front du salut national ». Ce front organise la manifestation du Bardo, demandant la démission du gouvernement et, pour certains, la dissolution de l'assemblée constituante[5],[6],[7]. En outre, 42 représentants de l'opposition se retirent de l'assemblée[5], ce qui entraîne l'interruption des travaux de l'assemblée dès le 6 août[5].
Vu la situation critique du pays, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) appelle à l'organisation d'un dialogue national entre les partis au pouvoir et l'opposition le [5],[6]. Les partis acceptent de participer au dialogue, au vu de l'aggravation de la situation[5],[6]. Le , l'initiative est rendue publique et placée sous l'égide de l'UGTT et de trois autres organisations de la société civile : l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat, le Conseil de l'Ordre national des avocats de Tunisie et la Ligue tunisienne des droits de l'homme.
Action
Le , le quartet rédige une ébauche de consensus entre les partis, qui est adoptée sur un compromis permettant aux partis de pouvoir commencer la négociation[5]. Cette ébauche de feuille de route est constituée de quatre points : la démission du gouvernement et son remplacement par un gouvernement de technocrates, le choix de dates fermes pour la fin des travaux de l'assemblée constituante et des élections présidentielles et législatives, la préservation de l'identité nationale dans la nouvelle Constitution et la négociation des procédures nécessaires pour la transition finale et certaine d'un régime transitoire à un régime démocratique ainsi que les délais pour la création d'instances indépendantes[5].
Chaque parti politique doit accepter la feuille de route s'il veut participer aux sessions du dialogue national[5]. La feuille est signée par 21 partis politiques des deux bords, à l'exception notable du Congrès pour la République[8], parti du président Moncef Marzouki et qui fait partie de la troïka au pouvoir : le dialogue national devient donc possible[5]. La première session est organisée le au palais des congrès de Tunis[9]. Durant, cette session, Abdessattar Ben Moussa, le président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, commet un lapsus : au lieu de Ḥīwar (dialogue), il prononce le mot Ḥīmar (âne)[10], ce qui provoque une crise de rire de la part de l'audience, y compris Rached Ghannouchi, le président du parti Ennahdha[10].
Par la suite, les sessions se déroulent sous l'égide du quartet d'une façon régulière, au sein du ministère des Droits de l'homme et de la Justice transitoire[11].
Ces sessions aboutissent au choix de Mehdi Jomaa comme chef du gouvernement le [12], à la démission du gouvernement Larayedh le [13], à la ratification de la nouvelle Constitution le [5] et à l'organisation des élections législatives et de la présidentielle en [14],[15].
Reconnaissance
Le , Houcine Abassi, le secrétaire général de l'UGTT et initiateur du quartet, est élu parmi les 100 meilleurs penseurs globaux[16].
Le , le quartet obtient le prix Nobel de la paix 2015 pour son soutien à la transition démocratique en Tunisie et le sauvetage du pays d'une crise certaine par l'organisation du dialogue national[1]. Ce prix est décerné aux représentants du quartet lors d'une cérémonie organisée le à Oslo[17].
Cet événement engendre plusieurs réactions nationales et internationales :
- Tunisie : Le , la présidence de la République tunisienne organise une cérémonie pour honorer le quartet au palais présidentiel de Carthage en présence de personnalités politiques, médiatiques et de la société civile[18] ;
- ONU : Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, exprime sa joie et félicite le quartet tout en affirmant que ce prix est dédié à tous les Tunisiens qui ont commencé le Printemps arabe[19] ;
- France : François Hollande, président de la République française, affirme dans un communiqué que le prix prouve le succès de la transition démocratique en Tunisie, que ce pays est sur la bonne voie et qu'il est le seul parmi les pays du printemps arabe à réussir son évolution transitoire vers la démocratie[20]. D'autres hommes politiques français félicitent également la Tunisie, comme le Premier ministre Manuel Valls, dans un tweet publié en arabe[21], et le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, dans une déclaration officielle[22]. Le , Fabius accueille les représentants du quartet au ministère des Affaires étrangères[23]. Le même jour, les représentants sont reçus à l'Institut du monde arabe à Paris[24]. Le lendemain, Hollande les accueille au palais de l'Élysée[25]. Il les accueille à nouveau le pour élever le quartet au rang de commandeur de la Légion d'honneur[26] ;
- Allemagne : Frank-Walter Steinmeier, ministre des Affaires étrangères, félicite la Tunisie pour le prix le [27]. Le , le président Joachim Gauck attribue à Houcine Abassi, secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail, le prix de l'Afrique[28].
- Plusieurs autres personnalités félicitent la Tunisie pour le prix comme le président du Parlement européen Martin Schulz[29], le président américain Barack Obama[30], le ministre italien des Affaires étrangères Paolo Gentiloni[31] et le président algérien Abdelaziz Bouteflika[32].
Références
- (en) « The Nobel Peace Prize 2015 », sur nobelprize.org (consulté le ).
- Charles Nicolle reçoit le prix Nobel de physiologie ou médecine 1928 « pour ses travaux sur le typhus » à la tête de l'Institut Pasteur de Tunis.
- « La solidité économique de la Tunisie affectée par l'instabilité politique et les problèmes de sécurité, selon Moody's », sur turess.com, (consulté le ).
- « Tunisie : les forces de sécurité en état d'alerte maximale ! », sur turess.com, (consulté le ).
- Yadh Ben Achour, « Tunisie : la force du droit ou la naissance d’une constitution en temps de révolution », sur tunisiefocus.com, (consulté le ).
- « Assassinats politiques : la Tunisie revient de très loin », sur gnet.tn, (consulté le ).
- « Tunisie : retour sur 6 mois de troubles politiques, sociaux et religieux », sur lemonde.fr, (consulté le ).
- Antoine Lerougetel et Johannes Stern, « Les partis politiques tunisiens organisent un « dialogue national » », sur wsws.org, (consulté le ).
- « Dialogue national : TOP c'est parti avec 210 minutes de retard ! », sur tunivisions.net, (consulté le ).
- « Le lapsus de Abdessatar Moussa », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
- Monia Ben Hamadi, « Reprise du dialogue national : le quartet se réunit avec les partis politiques dans le cadre du processus électoral » [archive du ], sur tunivisions.net, (consulté le ).
- Sarah Ben Hamadi, « Tunisie - Reprise du dialogue national : le plus dur reste à faire », sur huffpostmaghreb.com, (consulté le ).
- « Tunisie : Ali Larayedh remet sa démission au président de la République », sur huffpostmaghreb.com, (consulté le ).
- « Tunisie – Dialogue national : les élections législatives devanceront la présidentielle », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
- « Tunisie : les législatives fixées au 26 octobre et la présidentielle au 23 novembre », sur jeuneafrique.com, (consulté le ).
- Najma Kousri Labidi, « Le Tunisien Houcine Abassi est nommé parmi les 100 global thinkers par le magazine Foreign Policy », sur huffpostmaghreb.com, (consulté le ).
- (en) « Nobel Lecture by the National Dialogue Quartet, Oslo, 10 December 2015 », sur nobelprize.org, (consulté le ).
- « Cérémonie au palais de Carthage en l’honneur du Quartet du dialogue national vainqueur du prix Nobel de la Paix », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
- « L'ONU salue l'attribution du Prix Nobel de la paix au Quartet du dialogue national tunisien », sur un.org, (consulté le ).
- « Le Prix Nobel qui vient d'être remis à la Tunisie consacre la réussite de la transition démocratique », sur elysee.fr, (consulté le ).
- (ar) « Manuel Valls », sur twitter.com, (consulté le ).
- « Prix Nobel de la Paix - Déclaration de Laurent Fabius (9 octobre 2015) », sur diplomatie.gouv.fr, (consulté le ).
- « Tunisie – Le Quartet reçu par Laurent Fabius », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
- « Une cérémonie à l'IMA en l'honneur du quartet lauréat du Nobel de la paix 2015 », sur lapressenews.tn, (consulté le ).
- « Le Quartet tunisien, Prix Nobel de la Paix, reçu à l'Elysée », sur huffpostmaghreb.com, (consulté le ).
- « Tunisie - François Hollande décerne la Légion d’honneur au quartet », sur tunisienumerique.com, (consulté le ).
- (en) « Foreign Minister Steinmeier welcomes Nobel Peace Prize for Tunisian Dialogue Quartet », sur auswaertiges-amt.de, (consulté le ).
- (en) « Federal President Joachim Gauck honouring Houcine Abassi on his receipt of the Africa Award from the German Africa Foundation on 19 November 2015 in Berlin », sur bundespraesident.de, (consulté le ).
- « Le Président adresse ses félicitations au quartet du dialogue national en Tunisie », sur europarl.europa.eu, (consulté le ).
- (en) « Statement by the President Congratulating the 2015 Nobel Peace Prize Recipients », sur whitehouse.gov, (consulté le ).
- (it) « Conferimento del Premio Nobel per la Pace al Quartetto di esponenti della società civile tunisina », sur whitehouse.gov, (consulté le ).
- « Prix Nobel de la paix : Bouteflika félicite Caïd Essebsi, le Quartet et le peuple tunisien au nom de l’Algérie », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
Liens externes
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