Réindustrialisation
La réindustrialisation est, en économie, l'accroissement de la part de l'industrie (secteur secondaire) dans la richesse nationale, ou le produit intérieur brut. La réindustrialisation est souvent le fait de politiques publiques stratégiques.
Concept
La part des secteurs productifs dans une économie évoluent avec le temps. Si le secteur primaire (dont l'agriculture) a longtemps compté pour la majorité de la richesse produite par un pays, le secteur secondaire, à savoir l'industrie, a pris une place croissante en Europe à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle. La baisse de la part de la richesse nationale due à l'industrie touche la quasi-totalité des pays riches et industrialisés dans la seconde moitié du XXe siècle. Ce phénomène de désindustrialisation fait l'objet de réactions et de débats dans la sphère publique[1].
La réindustrialisation est le mouvement inverse de la désindustrialisation. Il est défini par l'augmentation de la part de la richesse produite par l'industrie dans la richesse totale du pays. La réindustrialisation requiert des politiques publiques volontaristes et ciblées. Ces dernières peuvent avoir pour objectif de rapatrier des activités externalisées à l'étranger, auquel cas on parle de relocalisation économique, de renforcer des industries existantes, auquel cas on parle réindustrialisation en continuité, ou de permettre l'émergence de secteurs industriels qui n'avaient jamais été implantés sur le territoire[2].
La réindustrialisation peut être le fait d'un accroissement des emplois ou de la production au sein du secteur industriel existant[3].
Historique
La réindustrialisation est débattue dès les années 1980 au Congrès des États-Unis[4]. En 1980, le magazine Machine Design remarque qu'il y a « de plus en plus de personnes aux Etats-Unis qui pensent que notre industrie a besoin de quelque chose que l'on appelle "réindustrialisation »[5]. En 1985, un livre appelé Reindustrialization and Technology appelle à une réindustrialisation massive du pays[6].
La Suède s'est réindustrialisée dans les années 1990, ainsi que l'Allemagne dans les années 2000. L'Italie a également mis en place une politique de réduction des coûts et de montée en gamme dans les années 2010, et se place en tête des pays européens en matière de relocalisations industrielles[7].
Les États-Unis ont fait de même sous Barack Obama, résultant en de fortes créations d'emplois industriels au début des années 2010[8]. La Suède a relancé une politique de réindustrialisation dans la seconde moitié des années 2010, avec l'objectif d'être le pays européen avec le plus faible taux de chômage d'ici 2020[9].
Après des années de désindustrialisation de la France, l'Hexagone a mené une politique de réindustrialisation à partir du quinquennat de François Hollande[10],[11]. Son successeur, Emmanuel Macron, se montre dans sa continuité[12].
Réindustrialisation et question climatique
Lorsque l’on pense industrie, on a souvent l’image d’activités fortement énergivores et émettrices de CO2. Pourtant la réindustrialisation d’un pays comme la France, qui possède déjà une électricité bas-carbone, est un puissant levier de baisse de l’empreinte carbone. Les politiques climatiques doivent donc se penser dans une optique bien plus large que la seule vision énergétique. Selon le rapport « Futurs énergétiques 2050 » de RTE publié le 25 octobre 2021, la réindustrialisation de la France aurait un rôle bénéfique dans la baisse de son empreinte carbone. En effet, l'empreinte carbone est constituée des émissions directes sur le territoire français, des productions de biens destinés à la consommation intérieure et émissions directes des ménages, ainsi que des émissions associées aux biens et services importés. En 2016, l'empreinte carbone s'établit à environ 660 millions de tonnes de CO2eq alors que la totalité des émissions territoriales s'élève à près de 440 millions de tonnes. Si les émissions nationales ont baissé de 25 % entre 2000 et 2019, en raison notamment d'une nouvelle vague de désindustrialisation de la France, la part liée aux importations est restée relativement stable sur la même période. Cette dépendance aux importations se retrouve également dans la consommation énergétique. L'INSEE estime ainsi que trois quarts de l'énergie finale consommée par les ménages provient de l'énergie grise nécessaire pour produire les biens importés et consommés. Cette forte part des importations dans l'empreinte carbone rend l'atteinte de la neutralité en France tributaire des trajectoires d'émissions dans les autres pays qui exportent vers la France. La Chine prévoit une neutralité carbone atteinte en 2060. L'électricité française présente une intensité carbone parmi les plus basses au monde, lui donnant un avantage compétitif pour toute production dépendante de l'électricité. RTE estime ainsi que si tous les biens manufacturés importés étaient produits en France, l'empreinte carbone diminuerait de 75 millions de tonnes de CO2eq. En prenant l'exemple du textile, 1 kg de textile produit en France a une empreinte carbone deux fois plus faible que s'il était produit en Chine. Relocaliser 25 % de la production de textiles achetés en France diminuerait l'empreinte carbone de 3,5 millions de tonnes de CO2eq par an[13].
Aide à la réindustrialisation
En France, l’aide à la réindustrialisation ou ARI accompagne des projets présentant un réel potentiel de développement de l’activité et de l’emploi sur le territoire et concourant à structurer l’environnement économique local. Sont bénéficiaires de l’aide à la réindustrialisation les PME et Entreprises de taille intermédiaire (ETI) indépendantes du secteur de l’industrie et des services à l’industrie qui ont un projet d’investissement concourant à la réindustrialisation du territoire et à la création d’emplois. Elles doivent s’engager à maintenir l’activité et les emplois créés pendant au moins trois ans pour les PME et cinq ans pour les ETI, à compter de l’achèvement du programme. Elles doivent être implantées en France[14].
Notes et références
- (en) European Spatial Research and Policy, Łódź University Press, (lire en ligne)
- Jacques Pélerin, Wallonie, réindustrialisation et innovation «Sortir par le haut?», Académie royale de Belgique, (ISBN 978-2-8031-0470-3, lire en ligne)
- Xinshen Diao et Mia Ellis, « Africa’s manufacturing puzzle: Evidence from Tanzanian and Ethiopian firms », sur VoxEU.org, (consulté le )
- (en) Robert James Thornton, Attiat F. Ott et Jay Richard Aronson, Reindustrialization: Implications for U.S. Industrial Policy, JAI Press, (ISBN 978-0-89232-485-9, lire en ligne)
- (en) Machine Design, Penton/IPC, (lire en ligne)
- (en) Geoffrey Rothwell, Roy Rothwell et Walter Zegveld, Reindustrialization and Technology, M.E. Sharpe, (ISBN 978-0-87332-330-7, lire en ligne)
- William Honvo, La dissertation d'économie : préparation aux concours avec méthode et sujets corrigés, dl 2020 (ISBN 978-2-8073-2847-1 et 2-8073-2847-4, OCLC 1198603316, lire en ligne)
- François Bost, Laurent Carroué, Sébastien Colin et Christian Girault, Images économiques du monde 2014: Les pays développés à l'épreuve de la désindustrialisation, Armand Colin, (ISBN 978-2-200-28910-2, lire en ligne)
- Magnus Lodefalk, « Tear down the trade-policy silos! Or how the servicification of manufacturing makes divides in trade policymaking irrelevant », sur VoxEU.org, (consulté le )
- Jean-Michel Quatrepoint, Alstom, scandale d'État, Fayard, (ISBN 978-2-213-68910-4, lire en ligne)
- « François Hollande met l'accent sur la croissance et la réindustrialisation », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Emmanuel Macron veut accélérer la réindustrialisation des territoires », sur LEFIGARO, (consulté le )
- Anais Voy-Gillis et Greg de Temmerman, « Pourquoi la réindustrialisation est aussi une question climatique », La Tribune, 12 nombre 2021, lire en ligne (consulté le 2 février 2022)
- Aide à la réindustrialisation (ARI) en France
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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