Politique de relance

Une politique de relance ou plan de relance est un ensemble de mesures de politique économique visant à stimuler l'économie d'un pays lors d'une phase de creux. Une politique de relance s'effectue généralement par des dépenses publiques supplémentaires, ou la réduction de certains impôts. Elle mène à une dégradation du solde public temporaire, dans le but de relancer l'activité.

Les politiques de relance peuvent faire intervenir la politique budgétaire et la politique monétaire. Les politiques de relance sont l'application de la théorie keynésienne selon laquelle le gouvernement pourrait efficacement relancer l'économie par des dépenses publiques supplémentaires : elles permettraient de passer d'un équilibre sous-optimal (faible demande, faible offre, chômage et sous-utilisation du capital, moral en berne conduisant à des anticipations négatives) à un équilibre plus satisfaisant (plein emploi, demande et offre plus forte, anticipations positives restaurant la croissance).

L'efficacité des politiques de relance est controversée par les libéraux. En particulier, les politiques de relance menées dans les pays développés au cours des années 1970 ont été souvent reconnues comme des échecs qui ont aggravé la stagflation. De plus, les politiques de relance creusent les déficits et la dette publique et il est souvent nécessaire de mettre en œuvre par la suite des politiques de rigueur qui ramènent le déficit à des niveaux raisonnables, ou permettent de diminuer l'inflation. Longtemps mise à l'écart et critiquée, la relance économique a été utilisée par de nombreux pays afin de contrer les effets de la crise économique de 2008.

Conditions

Les politiques de relance sont des politiques conjoncturelles, répondant à une faiblesse ponctuelle de la croissance en présence de capacités de production inutilisées. Elles sont impuissantes face à une faiblesse de la croissance liée à l'organisation même du système productif, qui demande des politiques d'ajustement structurel. Il faut également que le supplément de revenu se traduise dans une augmentation de la demande interne, ce qui suppose la croyance par les ménages que leurs impôts n'augmenteront pas pour faire face aux dépenses de l'État.

Des capacités de production inutilisées

Conçue face à la Grande Dépression, l'analyse keynésienne de la relance budgétaire s'appuie sur la situation de l'époque, où un grand nombre d'entreprises tournaient en sous-régime. Elle suppose ainsi que les entreprises peuvent très rapidement augmenter leur production pour faire face à un surplus de demande.

Si ce n'est pas le cas, l'équilibrage du marché transite par une pure hausse des prix. Ce dernier phénomène explique l'échec des politiques de relance de la fin des années 1970 et des années 1980, le choc d'offre lié au choc pétrolier ayant conduit les entreprises à limiter l'augmentation de leurs capacités de production, et donc leurs capacités disponibles. Les politiques de relance se sont alors traduites par une augmentation des prix (inflation par la demande) et une hausse de la dette publique, sans augmentation de la croissance (phénomène de stagflation).

Confiance des entreprises et des ménages

L'augmentation des revenus ou de l'offre de monnaie ne peut se traduire en surplus de demande que si les agents économiques font preuve d'une certaine confiance dans l'avenir. Sans cela, le surplus de revenu est épargné par les ménages (pour faire face à une future hausse des impôts), et les décisions d'investissement des entreprises sont retardées.

Un cas extrême de manque de confiance est celui de la trappe à liquidité, où l'anticipation d'une faible croissance dans un contexte de déflation incite les agents à garder leurs actifs en monnaie, ce qui réduit à néant tout effet d'une politique budgétaire ou monétaire.

Le gouvernement peut jouer dans une certaine mesure sur ce paramètre, en ciblant la politique de relance sur des agents économiques qui consomment plutôt que des agents qui épargnent, et en annonçant une durée limitée à l'offre avantageuse ; il peut notamment opter pour une relance par l'investissement, en misant sur les entreprises si la structure de la demande s'y prête (voir condition suivante)

Structure de la demande

Les ménages doivent avoir une faible propension à importer pour que la politique de relance soit efficace. Dans le cas contraire, l'effet de l'augmentation du revenu des ménages sur la demande intérieure est restreint. D'autre part, la dégradation du solde extérieur (augmentation des importations à volume des exportations égal) induite par une haute propension à importer contribue négativement à la croissance.

Moyens

Les outils d'une politique de relance sont de trois ordres : budgétaires, monétaires ou réglementaires.

Outils budgétaires

Dans le cas d'une relance budgétaire, il s'agit d'augmenter la demande interne en augmentant les dépenses de l'État (constructions, investissements,…) ou en augmentant les revenus disponibles des agents (baisse des impôts ou hausse des prestations sociales).

Outil réglementaire

Dans ce cas, l'État utilise son pouvoir réglementaire pour augmenter les revenus d'un groupe ciblé de la population. Il s'agit en général des bas salaires, la loi psychologique fondamentale de Keynes assurant qu'une augmentation des revenus de ce groupe se traduira presque intégralement par une hausse équivalente de la demande (ce type de ménages ayant une propension à épargner plus faible que les autres groupes, et donc une propension à consommer plus forte).

En pratique, ces augmentations prennent souvent la forme d'augmentation de différents minima sociaux ou du salaire minimum. Les effets peuvent alors être négatifs sur le taux de chômage (voir trappe à inactivité et analyse économique du salaire minimum).

Outil monétaire

La politique monétaire peut être mobilisée dans le cadre d'une politique de relance. Dans une telle situation, la banque centrale peut opter pour une politique monétaire conventionnelle, qui vise à contrôler la masse monétaire via la modulation de ses taux directeurs. En baissant les taux auxquels les banques peuvent emprunter, ces dernières sont incitées à prêter plus, ce qui stimule l'activité économique.

En économie ouverte, cette décision peut avoir des effets vertueux sur la compétitivité-prix du tissu industriel national à moyen-terme. En effet, la diminution du taux de rendement des actifs libellés en la devise nationale entraîne une baisse de la demande pour ces actifs, donc une diminution de la demande de cette devise sur le marché des changes. Ainsi, le cours de la devise face aux monnaies étrangères baisse. A moyen-terme, cette dépréciation augmente la compétitivité-prix de la production nationale donc le solde de la balance commerciale (hausse des exportations et baisse des importations). C'est l'effet volume. Néanmoins, à court-terme, c'est l'effet prix qui l'emporte sur l'effet volume. Ceci s'explique par le temps que les ménages et entreprises mettent à percevoir que le prix des biens nationaux est devenu plus avantageux, puis à changer leurs habitudes de consommation. Tant que les ménages et les entreprises ne font pas évoluer la structure de la demande, la hausse conjointe du prix relatif des biens importés et la baisse du prix des exportations dégrade les termes de l'échange donc le solde commercial. Ainsi, l'effet est négatif à court terme, positif à moyen-terme, et neutre sur le long terme : voir Courbe en J.

Cette politique favorisera cependant une hausse de l'inflation et une hausse du coût des biens importés, les produits pétroliers par exemple.

La politique monétaire trouve toutefois un certain nombre de limites, qui la contraignent à agir de concert avec une politique fiscale et/ou budgétaire. Les situations de trappe à liquidité et de trappe à inflation, notamment, illustrent l'affaiblissement du pouvoir des banques centrales dans les cas où les taux d'intérêt ont atteint le taux plancher zéro.

Histoire

La notion de relance budgétaire, généralement associée à John Maynard Keynes, aurait en réalité été formulée pour la première fois par Abba Lerner lors d'une conférence de Keynes en 1944, qui redoutait que le taux d'épargne ne devienne trop élevé après la guerre. Lerner lui aurait alors suggéré que le gouvernement puisse augmenter la demande agrégée en créant du déficit budgétaire par une augmentation des dépenses publiques et/ou une diminution des taxes[1].

Les plans de relance abondent dans l'histoire de l'économie. Ils sont notamment utilisés dans la période qui suit le premier choc pétrolier, et la fin des Trente Glorieuses. Aux États-Unis, le président John Fitzgerald Kennedy met en place la relance Kennedy-Johnson, qui stimule la croissance américaine, qui était négative par rapport à la croissance potentielle[2]. Cette relance est un franc succès car elle se traduit par une augmentation forte de la croissance économique, et une réduction de la dette publique[3].

En France par exemple, le plan de relance Giscard de 1975 représentait 2,8 points de PIB. Il a été « un succès mitigé : croissance de + 4,4 % en 1976, forte inflation (+11 %) et un gros déficit du commerce extérieur »[4]. En 1981, le plan de relance Mauroy représentant « 1,7 point sur deux ans » visait surtout à relancer la consommation. Lancé alors que les partenaires extérieurs de la France adoptaient des politiques restrictives, il a vite provoqué une dégradation des comptes extérieurs et le gouvernement a dû adopter une politique de rigueur[4].

La crise économique mondiale des années 2008 et suivantes incite les pays à mettre en place des plans de relance massifs, dont celui de la France dès 2008. La crise économique liée à la pandémie de Covid-19 en 2020 incite les ministres des Finances de l'Union européenne à parvenir à un accord sur un plan de relance européen, à hauteur de 500 milliards d'euros[5].

Critiques et limites

Creusement du déficit commercial

Plusieurs économistes, dont des keynésiens, ont critiqué la portée des relances budgétaires par la consommation. Le post-keynésien Nicholas Kaldor a notamment formulé une critique portant sur l'effet néfaste d'une relance budgétaire intérieure sur la balance commercial. En effet, une augmentation des transferts, si elle conduit à une augmentation de la consommation de la part des ménages, stimule les importations. Kaldor soutient donc que ce sont les investissements et les aides à l'exportation qui tirent l'activité économique par le haut[6].

Brouille des signaux prix et déstabilisation de l'économie

La première critique concerne les politiques monétaires expansionnistes. Loin de combattre les crises, celles-ci les causeraient. Une politique monétaire keynésienne favoriserait en effet la formation de bulles, dont l'explosion serait à l'origine des crises. Cette thèse est développée notamment par des économistes affiliés à l'école autrichienne comme Ludwig Von Mises ou Friedrich Hayek. Selon ces auteurs, la manipulation autoritaire des taux d'intérêt brouille les signaux de prix.

L'abondance de liquidités, les faibles taux d'intérêt incitent les agents à mal investir, c'est-à-dire à investir dans des projets peu rentables et/ou risqués. La crise survient quand les investisseurs comprennent qu'ils ont investi dans des projets non viables. Ils tentent alors de vendre les actifs dans lesquels ils ont déraisonnablement investi. Toute tentative de sauvetage du gouvernement est alors dangereuse. D'une part, le rachat d'actifs par le gouvernement ou la Banque Centrale entrave le processus de destruction créatrice. D'autre part, il incite les agents à commettre à nouveau les mêmes erreurs en leur envoyant le signal que l’État corrigera leurs erreurs futures.

Blocages dus à la rationalité des agents

La théorie de l'équivalence néo-ricardienne considère que les individus étant rationnels, lorsque l’État dépense l'argent qu'il n'a pas pour financer une politique budgétaire, ils suspendent leur consommation et épargnent ; ils sauraient en effet qu'une augmentation des dépenses signifie une augmentation de l'imposition à l'avenir. Cette réaction neutraliserait l'effet de la relance budgétaire.

Motivations démagogiques

Certains accusent les hommes politiques de mettre en œuvre des politiques de relance de la demande pour des raisons électorales. En effet, de telles mesures seraient négatives à long terme mais perçues positivement par les électeurs qui voient leur revenu disponible augmenter à court terme. Il y aurait deux conséquences négatives à long terme des politiques de relance. D'abord, celles-ci généreraient une dette publique importante avec les effets d'éviction et plus généralement le risque de panique financière qui y sont associés. D'autre part, les monétaristes comme Milton Friedman estiment que la volonté de faire baisser le chômage à court terme uniquement pour se faire réélire peut générer une forte inflation. En effet, une politique keynésienne crée des tensions sur la demande. Sous l'hypothèse de rendements marginaux décroissants, les entreprises doivent monter les prix pour demeurer rentables. Cette hausse des prix abaisse le coût réel du travail et permet une baisse du chômage à court terme. Néanmoins, les salariés finissent par percevoir l'inflation et réclamer des hausses de salaire, les ménages par ajuster leur consommation sous l'hypothèse que celle-ci est fonction de leur revenu permanent - notion définie par cet auteur. Ainsi, pour espérer diminuer le taux de chômage, le gouvernement doit mener une politique de plus en plus inflationniste pour devancer les anticipations adaptatives des agents. On parle d'anticipations adaptatives quand les agents corrigent en permanence leurs erreurs passées. Ils finissent même par anticiper une accélération du taux d'inflation.

Notes et références

  1. (en) David Colander, « Was Keynes a Keynesian or a Lernerian ? », Journal of Economic Literature, vol. 22, , p. 1571–79 (JSTOR 2725382)
  2. Benoît Coeuré, Pierre Jacquet, Jean Pisani-Ferry et Alexandra Roulet, Politique économique (ISBN 978-2-8073-0162-7 et 2-8073-0162-2, OCLC 1015250954)
  3. Bertrand Blancheton, Histoire des faits économiques : de la révolution industrielle à nos jours, Dunod, (ISBN 978-2-10-075875-3 et 2-10-075875-6, OCLC 971607964)
  4. Denis Clerc, p.10
  5. Anne Rovan, « Coronavirus: accord au forceps des Européens sur le plan de sauvetage à 500 milliards d'euros », Le Figaro, 9 avril 2020, lire en ligne
  6. Virginie Monvoisin, Éric Berr, Jean-François Ponsot et James K. Galbraith, L'économie post-keynésienne : histoire, théories et politiques, (ISBN 978-2-02-137788-0 et 2-02-137788-1, OCLC 1056851742)

Voir aussi

Articles connexes

Voir aussi :

Bibliographie

  • Denis Clerc, « Quelques relances historiques », Alternatives économiques, .
  • Michel Leclerc, « La TVA et la CSG constituent un investissement à gros rapport », TVA Sociale, .
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