Kitsune
Au Japon, le terme kitsune (狐) désigne le renard, ainsi qu'un personnage du folklore japonais, un esprit surnaturel (yōkai), animal polymorphe, tout comme le tanuki (狸, chien viverrin). Le kitsune a souvent été associé à Inari, une divinité shintoïste, comme étant son messager.
Pour les articles homonymes, voir Kitsune (homonymie).
Groupe | Folklore populaire |
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Sous-groupe | Métamorphe |
Caractéristiques | Renard, Hoshi no Tama, kitsunebi |
Origine | Mythologie japonaise |
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Région | Japon |
Première mention | Nihon Ryōiki, 810-824 |
Origines
Il est largement accepté que la piste de nombreux mythes japonais concernant les renards peut être retracée jusqu'en Chine, en Corée ou en Inde. Les contes populaires chinois parlent d'esprits renards nommés huli jing, qui peuvent avoir jusqu'à neuf queues, Kyūbi no kitsune en japonais, ou Hồ Li Tinh (vi) en vietnamien. Les plus anciennes histoires étant parvenues jusqu'à nous sont compilées dans le Konjaku Monogatari, un recueil de textes chinois, indiens et japonais datant du XIe siècle[1].
Il y a débat sur les origines des mythes du kitsune, quant à savoir s'ils sont en totalité originaires de sources étrangères ou s'ils proviennent d'un concept indigène japonais datant du Ve siècle av. J.-C.. Le folkloriste japonais Kiyoshi Nozaki argue que les Japonais considéraient le kitsune de manière positive dès le IVe siècle apr. J.-C. ; les seuls éléments importés de Chine ou de Corée étaient les attributs négatifs du kitsune[2]. Il affirmait que, selon un recueil du XVIe siècle nommé le Nihon Ryakki (en), les renards et les humains vivaient côte à côte dans le Japon ancien, et il soutient que les légendes indigènes concernant les créatures sont apparues par la suite[3]. L'érudite Karen Smyers remarque que l'idée d'un renard séducteur et le lien entre les mythes des renards et le bouddhisme ont été introduits dans le folklore japonais à travers des histoires chinoises similaires, mais elle maintient que certaines histoires de renards contiennent des éléments propres au Japon[4].
Étymologie
La véritable étymologie de kitsune (狐) est encore inconnue et a engendré plusieurs théories[5]. Mais le terme apparaît dans un texte de 794, Shin'yaku Kegonkyō Ongi Shiki, le plus ancien ongi encore existant. D'autres sources anciennes incluent le Nihon Ryōiki (810-824) et le Wamyō ruijushō (vers 934). Les plus vieilles sources sont écrites en man'yōgana, ce que la Jōdai Tokushu Kanazukai (en) identifie clairement comme ki1tune.
Parmi les suggestions étymologiques qui n'ont pas fait de consensus général, se trouvent :
- Myōgoki (1268) suggère qu'il est appelé ainsi parce qu'il est « toujours (tsune) jaune (ki) ».
- Au début de l'époque Kamakura, Mizukagami indique que cela signifie « venu (ki) [particule d'aspect perfectif tsu] à la chambre (ne) dû à la légende qu'un kitsune prendrait l'aspect de la compagne d'un homme et porterait ses enfants ».
- Arai Hakuseki dans Tōga (1717), suggère que ce ki signifierait « puanteur », tsu serait une particule possessive, et ne serait en relation avec inu, le mot désignant le « chien ».
- Tanikawa Kotosuga dans Wakun no Shiori (1777-1887), suggère que ce ki signifierait « jaune », tsu serait une particule possessive, et ne serait en relation avec neko, le mot désignant le « chat ».
- Ōtsuki Fumihiko dans Daigenkai (1932-1935), propose l'explication selon laquelle kitsu serait une onomatopée pour un animal, et que ne serait un affixe ou un mot honorifique signifiant serviteur d'un sanctuaire d'Inari.
Selon Nozaki, le mot kitsune était à l'origine une onomatopée[3]. Kitsu représentait le glapissement du renard et devint le mot général pour « renard » ; -ne signifierait une humeur affectueuse, ce que Nozaki présente comme une preuve supplémentaire d'une tradition établie et non-importée de renard bienveillant dans le folklore japonais[2]. Kitsu est actuellement archaïque, en japonais moderne, le glapissement du renard est transcrit en kon-kon ou gon-gon[6].
Un des plus anciens récits de kitsune connus provient d'une étymologie populaire largement connue du mot kitsune[7]. Contrairement à la plupart des récits de kitsune devenant humaines et se mariant à des humains, celui-ci, selon une ancienne légende japonaise de 545 apr. J.-C., ne finit pas tragiquement[8],[9] :
« Ono, un habitant de Mino, passait son temps à songer à son idéal de beauté féminine. Il la rencontra un soir sur une vaste lande et l'épousa. Au même moment où elle donna naissance à leur fils, le chien d'Ono donna naissance à un chiot qui, en grandissant, devint de plus en plus hostile à la dame de la lande. Elle pria son mari de le tuer, mais il refusa. Finalement, un jour, le chien l'attaqua si furieusement qu'elle perdit courage, reprit sa forme vulpine, sauta la clôture et s'enfuit. “Tu es peut-être un renard, appela Ono après elle, mais tu es la mère de mon fils et je t'aime. Reviens quand tu veux ; tu seras toujours la bienvenue.” Ainsi, chaque soir, elle revint et dormit dans ses bras. »
Parce que la renarde revient à son mari chaque nuit comme une femme et qu'elle part chaque matin comme un renard, elle est appelée Kitsune. En japonais classique, kitsu-ne signifie « vient et dort », et ki-tsune signifie « toujours vient »[9].
Caractéristiques
Les kitsune posséderaient une intelligence supérieure, une longue vie et des pouvoirs magiques. Ils sont un type de yōkai ou d'entité spirituelle, et le mot kitsune est souvent traduit par « esprit renard ». Cependant, cela ne signifie pas que les kitsune sont des fantômes, ni qu'ils sont fondamentalement différents des renards normaux. Car le mot « esprit » est utilisé pour refléter un état de connaissance ou d'illumination, tout au long de leur longue vie, les renards gagnent des capacités surnaturelles[4].
Il y a deux classifications communes de kitsune. Les zenko (善狐, littéralement les « bons renards ») sont des renards célestes bienveillants, associés au dieu Inari ; ils sont quelquefois simplement appelés « les renardes d'Inari ». De l'autre côté, les yako (野狐, littéralement « les renards des champs »), aussi appelés nogitsune (野狐) tendent à être espiègles voire malicieux[10]. Les traditions locales ajoutent d'autres types[11]. Par exemple, un ninko est un esprit renard invisible que les êtres humains ne peuvent percevoir seulement quand il les possède. Une autre tradition classifie les kitsune dans un des treize types définis par les capacités surnaturelles que possède le kitsune.
Physiquement, les kitsune sont connus pour avoir jusqu'à neuf queues[12]. Généralement, un grand nombre de queues indique un renard plus vieux et plus puissant ; en fait, quelques contes populaires disent que le renard n'aura de queues supplémentaires que lorsqu'il aura plus de 100 ans[13]. Une, cinq, sept, neuf queues sont les nombres les plus courants dans les histoires populaires[14]. Quand un kitsune gagne sa neuvième queue, sa fourrure devient blanche ou dorée[12]. Ces renards à neuf queues (九尾の狐, kyūbi no kitsune) acquièrent la capacité de voir et d'entendre ce qui arrive n'importe où dans le monde. D'autres récits leur attribuent une sagesse infinie (l'omniscience)[15].
Métamorphe
Un kitsune peut prendre forme humaine, une capacité apprise quand il atteint un certain âge : habituellement 100 ans, cependant quelques récits disent 50 ans[13]. Le prérequis commun pour la transformation est que le renard doit placer sur sa tête un roseau, une large feuille ou un crâne[16]. Les formes communes prises par les kitsune incluent des belles femmes, des jeunes filles ou des hommes âgés. Ces formes ne sont pas limitées par l'âge ou le genre du renard[4], et un kitsune peut se déguiser sous les traits d'une personne spécifique[17].
Les renards sont particulièrement connus pour se faire passer pour des belles femmes. La croyance commune dans le Japon médiéval était que n'importe quelle femme seule rencontrée en particulier au crépuscule ou la nuit pouvait être un renard[18]. Kitsune-gao, ou « visage de renard », se réfère aux femmes qui ont un visage étroit avec des yeux rapprochés, des sourcils minces et des pommettes hautes. Traditionnellement, cette structure faciale est considérée comme attirante, et certains récits l'attribuent aux renards sous forme humaine[19]. Des variantes sur ce thème présentent des renards possédant d'autres traits vulpins, tel qu'un fin pelage, une ombre en forme de renard ou un reflet qui montrent sa vraie forme[20].
Dans certaines histoires, les kitsune ont des difficultés à cacher leur queue quand ils prennent forme humaine ; chercher une queue, quand le renard est ivre ou ne fait pas attention, est une méthode ordinaire pour discerner leur véritable nature[21]. Un individu particulièrement croyant peut même voir à travers le déguisement du renard[22]. Les kitsune peuvent aussi être exposés quand ils sont sous forme humaine par leur peur et haine des chiens, et certains deviennent si perturbés par leur présence qu'ils revêtent la forme d'un renard et s'enfuient.
Une histoire populaire illustrant ces imperfections de la forme humaine du kitsune concerne Koan, un personnage historique crédité de sagesse et de pouvoir magique de divination. Selon l'histoire, il résidait dans la demeure d'un de ses adeptes quand il s'ébouillanta le pied en entrant dans le bain parce que l'eau était trop chaude. Puis, « de douleur, il courut hors du bain nu. Quand les gens de la maison le virent, ils furent étonnés de voir que le corps de Koan était en grande partie recouvert de fourrure, et sa queue de renard. Puis Koan se transforma devant eux, devenant un renard âgé et s'enfuit[23] ».
D'autres capacités surnaturelles communément attribuées aux kitsune incluent la possession, une bouche ou des queues qui génèrent du feu ou des éclairs (connu comme le kitsunebi, « feu du renard »), des apparitions dans les rêves des autres, le vol, l'invisibilité, et la création d'illusions si élaborées qu'elles sont difficilement distinguables de la réalité[16],[20]. Certains récits parlent de kitsune ayant de grands pouvoirs, capables de tordre l'espace-temps, de rendre les gens fous, ou prendre des formes fantastiques comme celle d'un arbre d'une hauteur incroyable ou d'une seconde lune dans le ciel[24],[25]. D'autres kitsune ont des réminiscences caractéristiques des vampires ou des succubes, et se nourrissent de la vie ou de l'esprit des êtres humains, généralement par contact sexuel[26].
Kitsunetsuki
Kitsunetsuki (狐憑き, 狐付き, aussi écrit kitsune-tsuki) signifie littéralement l'« état d'être possédé par un renard ». La victime est toujours une jeune femme, le renard est entré en elle en passant sous ses ongles ou à travers sa poitrine[27]. Dans certains cas, les expressions faciales de la victime changeraient pour ressembler à celles d'un renard. La tradition japonaise retient que la possession du renard peut permettre aux victimes illettrées de gagner la capacité de lire[28]. Bien que les renards dans le folklore puissent posséder une personne de leur propre volonté, le kitsunetsuki peut également se faire par le biais d'une invocation ; la possession pourra alors toucher une personne, une famille entière où il sera alors conservé comme un familier (la famille est alors nommée tsukimono-tsuji ou tsukimono-tsukai) ou encore un médium pour des cas de divination. La possession de famille peut également être involontaire et héréditaire, résultante des mauvaises intentions d'un membre ayant eu recours à une possession.
Les familles disposant d'un familier (ou tsukimono) bénéficient alors d'une grande richesse et d'une grande prospérité, de même que les personnes avec lesquelles elles sont en conflit se retrouvent frappées par la ruine et la maladie. Pour cette raison ces familles, craintes, se retrouvent alors entièrement ostracisées.
Le folkloriste Lafcadio Hearn décrit cet état de possession dans le premier volume de ses ''Glimpses of Unfamiliar Japan'' (en) :
« Étrange est la folie de ceux en qui les démons renards entrent. Quelquefois ils courent nus et crient dans les rues. Quelquefois, ils s'allongent, de l'écume aux lèvres, et poussent des glapissements de renard. Et sur certaines parties du corps des possédés, une boule mobile apparaît sous leur peau, qui semble avoir une vie propre. Si on la pique avec une aiguille, elle glisse instantanément à un autre endroit. Aucune prise ne permet à une main puissante de la compresser sans qu'elle ne glisse sous ses doigts. On dit aussi que les gens possédés peuvent parler et écrire dans des langues dont ils étaient totalement ignorants avant la possession. Ils ne mangent exclusivement que ce qu'on pense que les renards aiment — comme du tofu, des aburaage, des azukimeshi, etc. — et ils mangent beaucoup alléguant que ce n'est pas eux, mais le renard, qui est affamé[29]. »
Il poursuit en indiquant que, une fois libéré de la possession, la victime ne sera jamais plus capable de manger du tofu, des azukimeshi ou d'autres aliments favoris des renards :
« L'exorcisme, souvent pratiqué dans un sanctuaire d'Inari, peut provoquer le départ du renard de son hôte[30]. Dans le passé, lorsque de telles mesures douces échouaient ou qu'aucun prêtre n'était disponible, les victimes des kitsunetsuki étaient battues ou gravement brûlées dans l'espoir de forcer le renard à partir. Des familles entières ont été ostracisées par leur communauté après qu'un membre de la famille était soupçonné d'être possédé[29]. »
Au Japon, le kitsunetsuki est reconnu comme maladie dès l'époque Heian et est resté un diagnostic ordinaire pour les maladies mentales jusqu'au début du XXe siècle[31],[32]. La possession était l'explication pour les comportements anormaux des individus qui en étaient affligés. À la fin du XIXe siècle, le Dr Shunichi Shimamura remarqua que les maladies physiques causant de la fièvre étaient souvent considérées comme un kitsunetsuki[33]. Cette croyance est tombée en désuétude, mais des histoires de possession par un renard arrivent encore, telles les allégations que les membres du culte Aum Shinrikyo étaient possédés[34].
En médecine, le kitsunetsuki est un syndrome lié à la culture qu'on ne retrouve que dans la culture japonaise. Ceux qui en souffrent croient être possédés par un renard[35]. Les symptômes incluent des envies de riz ou de asukimeshi sucré, de l'apathie, de l'agitation et de l'aversion pour les contacts les yeux dans les yeux. Le kitsunetsuki est similaire mais distinct de la lycanthropie clinique[36].
Hoshi no tama
Les représentations des kitsune, ou de leurs victimes possédées, peuvent présenter des boules blanches rondes ou en forme d'oignon, connues comme hoshi no tama (ほしのたま, « balles d'étoile »). Les récits les décrivent comme brillant du kitsunebi (« feu du renard »)[37]. Certaines histoires les identifient comme des joyaux ou des perles magiques[38]. Quand il n'est pas sous forme humaine ou qu'il ne possède pas un humain, un kitsune tient la balle dans sa bouche ou la porte sur sa queue[13]. Les joyaux sont un symbole habituel d'Inari, et les représentations des renards sacrés d'Inari sans eux sont rares[39].
Une croyance veut que quand un kitsune change de forme, sa hoshi no tama garde une portion de son pouvoir magique. Une autre tradition dit que la perle représente l'âme du kitsune ; le kitsune mourra s'il s'en sépare trop longtemps. Ceux qui obtiennent la balle peuvent être capables d'exiger une promesse au kitsune en échange de son retour[40]. Par exemple, un récit du XIIe siècle décrit un homme utilisant la hoshi no tama d'un renard pour obtenir une faveur :
« “Trouvé !” glapit le renard. “Rends-moi ma balle !” L'homme ignora sa requête jusqu'à ce qu'il dise en larmes : “D'accord, tu as la balle, mais tu ne sais pas comment la garder. Elle ne sera pas bonne pour toi. Pour moi, c'est une perte terrible, si tu ne me la rends pas, je serais ton ennemi à jamais. Si tu la rends cependant, je serais pour toi comme un dieu protecteur.” »
Plus tard, le renard lui sauve la vie en lui faisant éviter une bande de voleurs armés[41].
Représentation
Serviteurs d'Inari
Les kitsune sont associés à Inari, la divinité shintoïste du Riz[42]. Cette association a renforcé l'importance surnaturelle du renard[43]. Originairement, les kitsune étaient les messagers d'Inari, mais la ligne entre les deux est maintenant si floue qu'Inari lui-même est dépeint comme un renard. De plus, des sanctuaires entiers sont dédiés aux kitsune, où les fidèles peuvent laisser des offrandes[11]. Les esprits renards seraient particulièrement friands de tofu frit, appelé aburaage, qui est utilisé dans les plats à base de nouilles, le kitsune udon et le kitsune soba. De même, Inari-zushi est un type de sushi nommé d'après Inari, qui consiste en des poches de tofu frites remplies de riz[44]. Il existe une spéculation parmi les folkloristes selon laquelle une autre divinité renard shinto existait par le passé. Les renards ont été longtemps adorés comme kami[45].
Les kitsune d'Inari sont blancs, couleur de bon augure[11]. Ils possèdent le pouvoir de protéger du mal, et ils servent quelquefois comme esprits gardiens. En plus de protéger les sanctuaires d'Inari, ils sont habilités à intervenir en faveur des paysans et à les aider particulièrement contre les nogitsune, ces esprits renards qui ne servent pas Inari et qui causent des problèmes. Les renards noirs et les renards à neuf queues sont aussi considérés comme de bon augure[21].
Selon les croyances dérivées du fusui (feng shui), le pouvoir des renards sur le mal est tel qu'une simple statue de renard peut dissiper le kimon démoniaque, ou l'énergie, qui provient du nord-est. Beaucoup de sanctuaires d'Inari, comme celui de Fushimi Inarià Kyoto ont de telles statues, et certains lieux en abritent en grand nombre.
Les kitsune sont liés à la religion bouddhiste par les dakiniten, déesses confondues avec l'aspect féminin d'Inari. La dakiniten est dépeinte comme un bodhisattva féminin tenant une épée et chevauchant un renard blanc volant[46].
Farceurs
Les kitsune sont souvent représentés comme des farceurs, dont les motivations vont de la malice à la malveillance. Des histoires racontent que des kitsune jouent des tours aux samouraïs trop fiers, aux marchands cupides et aux roturiers fanfarons, pendant que les plus cruels abusent des pauvres commerçants et fermiers, ou de fervents moines bouddhistes. Leurs victimes sont habituellement des hommes ; les femmes sont plutôt possédées[18]. Par exemple, les kitsune emploieraient leur kitsunebi pour égarer les voyageurs à la manière d'un feu follet[47],[48]. Une autre tactique consiste pour le kitsune à plonger sa victime en pleine confusion au moyen d'illusions et de visions[18]. Les autres buts des kitsune farceurs incluent la séduction, le vol de nourriture, l'humiliation du fier ou la vengeance pour un trop peu perçu.
Un jeu traditionnel appelé kitsune-ken (« renard-poing ») se réfère aux pouvoirs du kitsune sur les êtres humains. Le jeu est similaire à pierre-papier-ciseaux, mais les trois positions de la main signifie un renard, un chasseur et le chef du village. Le chef bat le chasseur qu'il dépasse, le chasseur bat le renard qu'il tire, le renard bat le chef qu'il ensorcelle[49],[50].
Cette représentation ambiguë, couplée à leur réputation de vengeance, mènent les gens à essayer de découvrir les motivations du renard problématique. Dans un cas, au XVIe siècle, le daïmio Toyotomi Hideyoshi écrivit une lettre au kami Inari :
« À Inari Daimyojin,
Mon seigneur, j'ai l'honneur de vous informer qu'un des renards sous votre juridiction a ensorcelé un de mes serviteurs, causant à lui et aux autres de nombreux problèmes. Je dois vous demander de faire une enquête minutieuse sur la question, et vous efforcer de découvrir la raison de la mauvaise conduite de votre sujet, et me laisser en connaître le résultat.
S'il s'avère que le renard n'a pas de raisons suffisantes expliquant son comportement, vous devrez à la fois l'arrêter et le punir. Si vous hésitez à agir, j'ordonnerai la destruction de tous les renards de cette terre. Pour tous les autres renseignements dont vous pourriez souhaiter être informé sur ce qui est arrivé, vous pourrez l'apprendre du haut prêtre de Yoshida[51]. »
Les kitsune tiennent leurs promesses et s'efforcent de rembourser les faveurs. Occasionnellement, un kitsune s'attache à une personne ou à une demeure, où il peut causer toutes sortes de méfaits. Dans une histoire du XIIe siècle, seule la menace du propriétaire d'exterminer les renards les ont convaincus de bien se comporter. Le patriarche des kitsune est apparu dans les rêves de l'homme :
« Mon père a vécu ici avant moi, messire, et maintenant j'ai beaucoup d'enfants et petits-enfants. Ils ont causé de nombreux méfaits, j'en ai peur, et je suis toujours après eux pour les arrêter, mais ils n'écoutent jamais. Et maintenant, messire, naturellement vous en avez assez de nous. Je crois comprendre que vous allez tous nous tuer. Mais je veux juste que vous sachiez, messire, combien je suis désolé que ce soit la dernière nuit de notre vie. Ne nous pardonnerez-nous pas, une fois de plus ? Si jamais nous vous causions de nouveau des problèmes, alors bien sûr, vous pourrez agir comme vous pensez qui sera le mieux. Mais les jeunes — je suis “sûr” qu'ils comprendront quand je leur expliquerai pourquoi vous êtes si en colère. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour vous protéger à partir de maintenant, si seulement vous nous pardonnez, et nous vous informerons si quoi que ce soit de bien arrive[52] ! »
D'autres kitsune utilisent leur magie pour le bénéfice de leur compagnon ou de leurs hôtes aussi longtemps que les êtres humains les traitent avec respect. En tant que yōkai, cependant, les kitsune ne partagent pas la morale humaine, et un kitsune qui a été adopté dans une maison de cette manière pourrait, par exemple, apporter à ses hôtes de l'argent ou des objets qu'il a volé aux voisins. Par conséquent, les ménages ordinaires pensaient qu'abriter un kitsune risquait de leur poser des problèmes[53].
Étrangement, les familles de samouraïs sont souvent réputées pour partager de tels arrangements avec les kitsune, mais ces renards sont considérés comme des zenko et l'usage de leur magie est un signe de prestige[54]. Les maisons abandonnées sont ordinairement hantées par des kitsune[18]. Une histoire du XIIe siècle raconte qu'un ministre déménageant dans une vieille demeure découvrit une famille de renards vivant là. D'abord, ils essayèrent de l'effrayer, puis ils clamèrent que la maison « a été la [leur] depuis tant d'années, et… [qu'ils souhaitent] vigoureusement protester ». L'homme refusa, et les renards partirent et déménagèrent dans un bâtiment abandonné des environs[55].
Les récits distinguent les dons des kitsune des paiements des kitsune. Si un kitsune offre un paiement ou une récompense qui inclut de l'argent ou de la richesse matérielle, une partie de toute la somme consistera en de vieux papiers, des feuilles, des brindilles, des pierres ou d'autres objets sans valeur pris dans une illusion magique[56],[57]. Les vrais dons des kitsune sont habituellement intangibles comme une protection, des connaissances ou une longue vie[57].
Veuves et amantes
Les kitsune sont ordinairement représentées comme des amantes, habituellement les histoires impliquent un jeune homme et un kitsune qui prend la forme d'une femme humaine[58]. Le kitsune peut être une séductrice, mais ces histoires sont souvent plus romantiques[59]. Typiquement, le jeune homme se marie avec un renard sans le savoir, et ce dernier se révèle être une femme dévouée. L'homme finit par découvrir la vraie nature du renard, et la femme-renarde est contrainte de le quitter. Dans quelques cas, le mari se réveille comme si c'était un rêve, sale, désorienté et loin de chez lui. Il doit alors revenir pour affronter sa famille abandonnée dans la honte.
Beaucoup d'histoires parlent de femme-renarde portant des enfants. Quand la progéniture est humaine, elle possède des qualités surnaturelles ou physiques qu'elle transmet à ses propres enfants[21]. L'astrologue-magicien Abe no Seimei est réputé avoir hérité de tels pouvoirs extraordinaires[60].
D'autres histoires racontent que les kitsune se marient entre eux. La pluie tombant d'un ciel bleu est appelée kitsune no yomeiri (en) ou « mariage des kitsune », en référence à un récit populaire décrivant qu'une cérémonie de mariage entre créatures se tient dans de telles conditions[61]. L'événement est considéré comme de bon augure, mais le kitsune cherchera vengeance contre les visiteurs non-invités[62], comme dépeint dans le film Rêves d'Akira Kurosawa[63].
Stephen Turnbull, dans Nagashino 1575[64], relate le récit de l'implication du clan Takeda avec une femme-renarde. Le seigneur de guerre Takeda Shingen, en 1544, a vaincu au cours d'une bataille le seigneur de guerre local nommé Suwa Yorishige et l'a conduit à se suicider après une conférence de paix « humiliante et fallacieuse », après quoi, Shingen força dame Koi, fille aînée de Suwa Yorishige et propre nièce de Shingen, âgée de 14 ans, à l'épouser. Turnbull écrit : « Shingen était si obsédé par la fille que ses partisans s'alarmèrent et crurent qu'elle était l'incarnation d'un esprit renard blanc du sanctuaire de Suwa, qui l'avait ensorcelée afin de se venger. » Quand leur fils Takeda Katsuyori prouva être un chef désastreux et mena le clan à une défaite dévastatrice à la bataille de Nagashino, Turnbull note : « Les vieilles têtes sages acquiescèrent, se souvenant des circonstances malheureuses de sa naissance et de sa mère magique. »
Dans la culture populaire moderne
En effet, en tant qu'encyclopédie, Wikipédia vise à présenter une synthèse des connaissances sur un sujet, et non un empilage d'anecdotes, de citations ou d'informations éparses (novembre 2020).
Dans la culture populaire moderne, ils peuvent aussi se manifester dans le monde onirique, créer des illusions, courber l'espace et le temps, rendre les gens fous, dissiper les illusions, contrôler l'âme et l'esprit des gens et se transformer.
On les retrouve, actuellement, dans les mangas et autres éléments de la culture japonaise.
Jeux vidéo
- L'extension Samouraï Empire du MMORPG Ultima Online introduit plusieurs nouvelles créatures, dont les kitsune.
- Dans le jeu Flyff, l'un des familiers possibles est un kitsune, on note d'ailleurs qu'il confère un bonus aux sorts magiques.
- Dans le jeu en ligne Dofus, le donjon Kitsoune est peuplé de créatures semblables à des kitsune, de couleurs différentes selon leur élément : feu, air, eau ou terre.
- Dans le jeu de rôle Shadowrun sur SNES, un des personnages est une femme chamane nommée Kitsune et ayant le pouvoir de se transformer en renard.
- Ran Yakumo, personnage du bullet hell, Touhou Project, boss du stage extra de Perfect Cherry Blossom, est une kitsune.
- Dans le jeu Muramasa: The Demon Blade, Kongiku et Yuzuruha sont des femmes-renardes servant le dieu Inari.
- Dans Super Mario 3D Land et Super Mario 3D World, Luigi peut se transformer en kitsune, ce qui lui donne la possibilité de planer ou d'attaquer avec sa queue et se changer en statue (excepté dans Super Mario 3D World).
- Dans Aura Kingdom, on peut obtenir l'eidolon Kitsune, d'apparence une belle jeune femme en kimono, qui combat aux côtés du personnage. Cependant elle est dépourvue de queue (du moins de façon visible) et ses oreilles ont l'air d'être sur un serre-tête futuriste.
- Dans Fire Emblem Fates, Kaden et Selkie possèdent la classe Kitsune qui leur permet de se transformer en renard[65].
- Dans Shadowverse, plusieurs cartes sont des kitsune associés à des sorts.
- Dans Fortnite Battle Royale, il existe même un compagnon Kitsune, uniquement disponible dans le Passe de combat de la Saison 10 pour une durée limitée.
- Dans le jeu vidéo Genshin Impact d'Hoyoverse, on retrouve une kitsune du nom de Yae Miko qui est la prêtresse divine du sanctuaire de Narukami.
Littérature
- Dans le troisième, le quatrième et le cinquième livre de la série littéraire Le Journal d'un vampire, deux kitsune qui s'appellent Shinichi et Misao peuvent prendre forme humaine et pousser les gens à des actes horrifiants et inhumains. Ils se nourrissent des souvenirs des personnes, et leur énergie vitale est contenue dans une sphère sous la forme d'un fluide. Ils ont le pouvoir de contrôler les plantes et contrôlent les personnes grâce à des malachs. D'après L.J. Smith, il existe deux façons de tuer un kitsune : le tuer grâce à des balles bénites ou détruire sa sphère magique. Enfin, si un kitsune admet avoir des remords, il meurt sur le champ.
- Dans les livres de la série Cygne Noir, de Richelle Mead, Kiyo un des alliés de l’héroïne est un « changeforme » kitsune.
- Dans la série de light novels, Kanokon, Chizuru est un esprit renard a une queue, et on découvre que Kouta peut se transformer en esprit renard à cinq queues.
- Dans la bande dessinée Les Monstres de Mayuko de Marie Caillou, on retrouve un kitsune dans le cauchemar de Mayuko.
Manga et anime
- Dans le manga Nana, l'héroïne soupçonne deux personnages plus âgés (membres du personnel de sa maison de disques) d'être en réalité un renard (kitsune) et un tanuki transformés.
- Dans l’anime Pompoko, le peuple des Kitsune apparaît comme s'étant adapté au monde des humains avant les tanuki et partageant avec eux Le Grand Art (nom donné à leur don de polymorphie).
- Dans le manga et l’anime Yū Yū Hakusho de Togashi Yoshihiro, le personnage de Kurama est la réincarnation d'un démon renard.
- Dans le manga Love Hina, l'une des personnages principales, Mitsune Konno, est surnommée « Kitsune » par les autres filles de la pension, car elle est considérée comme très rusée, d'où la forme de ses yeux, toujours presque fermés et fins.
- Dans le manga Usagi Yojimbo, Kitsune est l'un des nombreux protagonistes ; une femme renard très vaillante, combative et rusée qui croise la route du héros lapin aux longues oreilles Usagi.
- Dans le manga InuYasha, un des personnages, Shippo, est un jeune kitsune à une queue. Il peut changer de forme, créer des illusions, mais ses pouvoirs sont assez limités.
- Dans le manga Shaman King, l'ascète Mikihisa Asakura possède deux esprits dont l'un Imari est un kitsune, sa disciple la chamane Tamamura Tamao possède, elle aussi, deux esprits dont l'un nommé Conchi est également un kitsune.
- Dans l’anime et manga Divine Nanami, Tomoe, le familier de Nanami, divinité de la terre, est un kitsune de forme humaine doté d'oreilles et d'une seule queue.
- Dans le manga et anime Blue Exorcist, la jeune Izumo Kamiki peut manipuler deux kitsune, Uke et Mike, associés à Inari. De plus, sa mère a été tuée par un kitsune.
- Dans l’anime Inari, Konkon, Koi Iroha (en), les messagers de la déesse Uka sont des renards.
- Dans le manga XxxHOLiC, le héros Kimihiro Watanuki entre en possession de Mugetsu, un « renard en tube » (petite créature ressemblant à un croisement entre un serpent et un renard) qui prend la forme d'un kitsune à neuf queues lorsqu'il est exposé au danger.
Autres
- Dans le cycle Kamigawa du jeu de cartes Magic, le peuple des kitsune apparaît.
- Dans le troisième épisode de la saison 7 de Supernatural, Sam a affaire à une kitsune.
- Dans le sixième épisode de la saison 3 de Lost Girl, Inari, une kitsune, enlève Kenzi et subtilise son identité.
- Dans la saison 3 de Teen Wolf apparaît un personnage nommé Kira et sa mère qui s'avèrent être des kitsune, et Stiles, personnage masculin, est possédé par un nogitsune.
Notes et références
- (en)Janet Goff, “Foxes in Japanese Culture: Beautiful or Beastly?”, Japan Quarterly, vol. 44, no 2, avril-juin 1997.
- Nozaki Kiyoshi, Kitsune— Japan's Fox of Mystery, Romance, and Humor, Tokyo, The Hokuseidô Press, 1961, p. 5.
- Nozaki, Kitsune, p. 3.
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- 劉 克華. 「民話の狐と人間」. 『愛知工業大学研究報告』, volume 40-A, 2005.
- Lafcadio Hearn, Le Japon inconnu : esquisses psychologiques, traduit par Mme Léon Raynal, Paris, 1904, p. 282.
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- Goff, “Foxes”, Japan Quarterly, vol. 44, no 2.
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- Smyers 1999, p. 98
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- Tyler, p. 114-115.
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- Hamel 2003, p. 90
- Hearn, Glimpses, p. 157.
- Ashkenazy, Handbook, p. 150.
- Addiss, Ghosts & Demons, p. 132.
- Bert Vaux, “Sunshower summary”. LINGUIST List, 9.1795 (décembre 1998). “A Compilation of terms for sun showers from various cultures and langages” (extrait), 13 décembre 2006.
- Robert Blust, « The Fox's Wedding », Anthropos, vol. 94, nos 4/6, (JSTOR 40465016).
- Stephen Turnbull, Nagashino 1575: Slaughter at the Barricades, Osprey Publishing, Oxford, 2000, 96 p. (ISBN 978-1855326194).
- « Kitsune » (consulté le )
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Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie
- (en) Frank Hamel, Human Animals, Kessinger Publishing, , 312 p. (ISBN 0-7661-6700-3, lire en ligne).
- (en) Karen Ann Smyers, The Fox and the Jewel : Shared and Private Meanings in Contemporary Japanese Inari Worship, University of Hawaii Press, , 271 p. (ISBN 0-8248-2102-5, lire en ligne).
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