Robert Barker (imprimeur)
Robert Barker (décédé en 1645) était un imprimeur royal anglais au temps de Jacques Ier d'Angleterre. Il avait succédé à son père Christopher Barker, qui avait été imprimeur de la reine Élisabeth Ire. Il a notamment été l'imprimeur de la Bible du roi Jacques, l'un des livres les plus importants jamais imprimés en anglais. Lui et son associé Martin Lucas ont été sévèrement punis pour avoir laissé passer plusieurs grosses erreurs typographiques dans une édition de la Bible, notamment un terrible bourdon : l'oubli de la négation dans le 7e des dix commandements, devenu de ce fait Tu commettras l'adultère, ce qui vaudra le surnom de « Bible vicieuse » à cette édition particulière de la Bible qui sera en grande partie pilonnée.
Pour les articles homonymes, voir Robert Barker et Barker.
Carrière comme imprimeur
Après avoir travaillé chez divers imprimeurs pendant un certain temps, Robert Barker a rejoint l'imprimerie de son père en 1589 et a en hérité le à la mort de celui-ci. Par les lettres patentes de la reine Élisabeth du , il reçoit à vie le privilège d'imprimeur royal, à la suite de son père, avec droit d'imprimer des bibles anglaises, des livres de prière commune, des statuts et des proclamations. La première bible qui porte sa marque distinctive est une édition in-quarto de la Bible de Genève, en 1600. En 1603, il avait une licence spéciale, à vie également, « pour imprimer toutes lois et libelles » et l'année suivante, en succession de John Norton, une licence « pour imprimer tous les livres en latin, grec et hébreu, la Bible latine de Trimelius, et tous les graphiques et cartes ». En 1609 et 1610, plusieurs sommes importantes lui furent versées pour l'impression, les livres, la reliure, le parchemin et les papiers fournis au Parlement[1].
La Bible du roi Jacques
En 1611, Robert Barker imprime la première édition de la Bible du roi Jacques (King James Version en anglais). Bien qu'elle ait été appelée "version autorisée", elle n'avait pas été officiellement "autorisée" par le roi, quoique celui-ci se soit personnellement intéressé à ce travail qu'il avait commandité. Les frais d'impression ont été entièrement pris en charge par Robert Barker qui n'a finalement retiré que peu de bénéfice financier de cette affaire mais y a acquis une certaine renommée. L'impression elle-même était d'assez mauvaise qualité, avec des lignes d'impression inégales, une police de caractères gothique de mauvaise qualité[réf. nécessaire] et de nombreuses erreurs qui seront corrigées dans les éditions ultérieures.
L'affaire de la « Bible vicieuse »
La Bible vicieuse, également connue sous le nom de « Bible perverse », « Bible adultère » ou « Bible des pécheurs » a été publiée en 1631 par Robert Barker et son jeune associé Martin Lucas. Cette édition de la Bible était censée être une simple réimpression de la Bible du roi Jacques. Cependant, dans les Dix Commandements (Exode 20,14[3]), la négation not dans la phrase Thou shalt not commit adultery (Tu ne commettras pas d'adultère) a été omise, ce qui inverse spectaculairement le commandement.
Il y avait en outre une autre coquille gênante au livre du Deutéronome 5,24, dont le texte correct en français est « et vous dites : Voici, l'Éternel, notre Dieu, nous a montré sa gloire et sa grandeur »[3]. Le texte correct de la King James est “And ye said, Behold, the LORD our God hath shewed us his glory and his greatnesse,” mais dans la Bible vicieuse, le mot greatnesse (grandeur, avec l'orthographe du XVIIe siècle) est remplacé par great-asse[4], ce qui fut considéré comme un blasphème.
La présence de ces deux énormités dans la même réédition de la Bible du roi Jacques a conduit les historiens à supposer qu'il s'agissait sans doute d'un sabotage, peut-être une vengeance d'un typographe ou une manœuvre d'un concurrent[5].
Cette parution étant reçue comme un outrage direct par le roi Charles et par l'archevêque de Canterbury George Abbot, les deux fauteurs de trouble furent convoqués devant la Chambre étoilée (équivalent de la haute cour de justice), où, une fois les faits établis, ils furent condamnés à une amende de 300 livres sterling (l'équivalent de quelque 33 800 livres aujourd'hui, et d'un an du revenu des condamnés) et ils furent déchus de leurs licences d'imprimeur[6].
Par ordre du roi, la majorité des exemplaires de la Bible vicieuse ont été immédiatement rappelés et brûlés, et il semble que seuls onze exemplaires aient survécu[7].
Emprisonnement
En 1635, Robert Barker est emprisonné pour dettes. Le paiement des amendes prévues par l'arrêt de la Chambre étoilée n'en est pas la cause car ce paiement a été maintes fois repoussé, au moins jusqu'en 1640. Peut-être même n'a-t-il jamais été exécuté[1]. Il semble plutôt que Robert Barker, bien qu'il ait été pourvu de privilèges lui permettant de faire fonctionner une entreprise d'imprimerie très lucrative, ait tout simplement cruellement manqué de sens des affaires. Il n'a en tout cas pas profité de son rôle important dans l'histoire anglaise : il est mort en prison en 1643[8].
Notes et références
- (en) Henry Richard Tedder, « Barker, Robert (d.1645) (DNB00) », sur Dictionary of National Biography, 1885-1900, Volume 03, sur wikisource (consulté le )
- Selon la notice affichée à St Mary's Church, Totnes.
- Traduction de Louis Segond.
- Asse, en anglais moderne ass ou arse, se traduit en français par "cul".
- (en) DeNeen L. Brown, « The Bible Museum’s ‘Wicked Bible’: Thou Shalt Commit Adultery », The New York Times, (lire en ligne)
- (en) John R Kohlenberger, III, NIV Bible Verse Finder, Grand Rapids MI, Zondervan, , 593 p. (ISBN 978-0-310-29205-0, lire en ligne), viii
- (en) « English Bible, section Dunham Bible Museum », sur Houston Baptist University (consulté le ).
- (en) Phyllis Corzine, The King James Bible : Christianity's Definitive Text, USA, Lucent Books, , 43 p. (ISBN 1-56006-673-3)
Bibliographie
- (en) Henry R. Plomer, A short history of English printing, 1476-1898 (Une courte histoire de l'imprimerie anglaise 1476–1898), Londres, K. Paul, Trench, Trübner, , 330 p.
- (en) Henry Richard Tedder, « Barker, Robert (d.1645) (DNB00) », sur Dictionary of National Biography, 1885-1900, Volume 03, sur wikisource (consulté le )
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