Robert Giron
Robert Giron, né le dans la commune bruxelloise d’Ixelles et décédé le à São Paulo, est un peintre belge, devenu directeur de la Société des Expositions du palais des Beaux-Arts de Bruxelles.
Pour les articles homonymes, voir Giron.
Généalogie et enfance
Comme l’atteste un faire-part de naissance[1], Robert Giron est né dans la maison familiale située au 15 rue de la Vallée aux étangs d’Ixelles et construite en 1893 par l’architecte Delune[2]. Son père, Paul Giron, avait le rang de général dans l’armée belge. Sa mère, Jeanne Spaak, est la sœur de Paul Spaak. Robert Giron a deux frères : Pierre Giron (né en 1896) et Jean-Paul (né en 1899). Son oncle, Paul Spaak, a eu trois fils : Paul-Henri Spaak (ministre d’État), Charles Spaak (scénariste de cinéma), Claude Spaak (dramaturge).
La scolarité de Robert Giron se déroule à l’Athénée de Saint-Gilles où il rencontre Paul Delvaux qui devient son ami et le restera jusqu’à la mort. Paul Delvaux est né, comme Robert Giron, en 1897 mais ne fréquente pas la même classe. Paul Delvaux est dans la classe du frère cadet Jean-Paul Giron et du cousin Paul-Henri Spaak[3].
L’enfance de Robert Giron baigne dans un milieu aisé, qui s’intéresse à l’art. En 1910 a lieu la troisième Exposition universelle de Bruxelles à la fois sur le site du Solboch et dans le parc de Tervueren pour son extension coloniale. Quasi chaque membre de la famille Giron possède une carte d’abonnement qui donne accès à l’Exposition. Robert Giron, alors âgé de 13 ans, se voit octroyer une carte d’abonnement enfant[1]. Dans le cadre de l’Exposition universelle, une exposition ayant pour thème les Beaux-Arts est organisée au Cinquantenaire. Une partie de l’exposition est consacrée à l’art ancien, l’autre à l’art contemporain. Dans la salle dédicacée à la France sont exposés des peintres prestigieux comme Matisse. Dans celle relative à la Belgique sont exposés : Eugène Laermans, Rik Wouters, James Ensor, Fernand Khnopff, et Jean Delville.
Robert Giron a participé à un des premiers mouvements scout où il a rencontré son ami Jules Payro, originaire d’Argentine[1].
Ses premiers dessins (1913) esquissent des scènes de la vie moderne, genre qu’il continuera à privilégier plus tard.
Bon élève, Robert Giron termine ses humanités et réussit l’examen d’entrée à l’École polytechnique de l’Université libre de Bruxelles[1].
La Première Guerre mondiale
Robert Giron se porte volontaire de guerre et tente de rejoindre les troupes belges derrière l’Yser, mais il se fait arrêter par les Allemands et est emprisonné dans le camp de Sennelager près de Paderborn en Rhénanie-Westphalie. Il y est prisonnier avec son frère aîné Pierre et avec son cousin Paul-Henri Spaak. Pour occuper le temps et oublier les dures conditions de détention, les prisonniers jouaient au football et au rugby. Ils avaient fondé le Théâtre de Senne et se travestissaient pour jouer des spectacles comme La Dame aux camélias. Ils montèrent également la pièce de théâtre Kaatje, qui est l’œuvre la plus célèbre de Paul Spaak[1].
La carrière de peintre
À la libération, Paul-Henri Spaak fait des études de droit à l’ULB et entre au barreau de Bruxelles tandis que Pierre Giron va devenir ingénieur civil. Robert Giron entame ses études à l’école Polytechnique dont il a réussi l’examen d’entrée avant la guerre, mais en fin de compte il renonce à devenir ingénieur comme son frère et s’inscrit en 1919 à l'Académie royale des beaux-arts de Bruxelles. Il y retrouve ses amis Paul Delvaux et Jules Payro. Tous trois sont élèves de Constant Montald[4].
Constant Montald n’est pas à proprement parler un professeur mais plutôt un coach. Pour lui, l’essentiel est de communiquer à ses élèves sa passion pour la peinture et non de les enfermer dans des directives techniques. Ce n’est pas lui non plus qui va conseiller les deux amis sur le choix d’une palette de couleurs, mais bien Jules Payro qui est déjà un peintre plus expérimenté. Cette « gamme Payro », relativement peu sophistiquée, permettra aux deux peintres de débuter dans la peinture et restera la base des composants de leur palette respective[5]. Certaines œuvres de Robert Giron, notamment dans le choix des sujets, s’inspirent de la « manière Payro »[6].
Robert Giron et Paul Delvaux exposent de temps en temps avec d’autres artistes notamment en 1923 à la galerie Georges Giroux et ensuite à la galerie Mommen. En 1925, ils exposent ensemble à la galerie Royale dont ils se partagent une salle. Il s’agit pour eux d’un premier évènement artistique. Celui-ci est relayé dans la presse où on peut lire des commentaires élogieux. On le compare à Daumier[7],[8] et on vante ses qualités en dessin[8] et ses talents de coloriste[9].
Si la presse se montre de façon générale positive à l’égard des deux jeunes exposants, elle émet cependant quelques réserves : on lui reproche des déformations des formes et de suivre une certaine mode qui consiste à se détourner de la beauté vivante[9]. On lui conseille de se détourner définitivement du cubisme[10]. Quelques fois, les critiques comparent les deux peintres amis et attribuent à Robert Giron une savoir faire plus marquant[10].
Depuis 1923, Robert Giron entretient une relation, au moins épistolaire, avec une demoiselle Yvonne Côme de sept ans sa cadette. Elle est modiste et son atelier est installé dans la coutellerie que possède son père à la rue du Méridien à Saint-Josse. À cette époque, Robert Giron veut faire de la peinture son métier. Il est persuadé que si l’on veut consacrer sa vie à l’art, il ne faut pas s’embarrasser d’une famille ou se permettre des vacances sans activité artistique comme le fait son ami Paul Delvaux[11].
Durant la dizaine d’années qu’a duré leur carrière commune de peintres, Paul Delvaux et Robert Giron se verront tous les lundis pour comparer leur travail respectif, pour échanger des conseils et se critiquer mutuellement. Ces confrontations amicales, qui leur permettent de s’enrichir tous les deux s’avèrent une excellente école. Paul Delvaux reconnaît à son ami un sens aigu de la qualité, qu’il développera par la suite : ses critiques étaient toujours pertinentes et justifiées[12]. Les deux peintres amis subissent évidemment aussi des influences extérieures. La rétrospective Modigliani, organisée à Paris en 1926, influence Paul Delvaux[4] et aussi Robert Giron. Tous deux peindront des personnages au long cou caractéristiques des portraits de Modigliani. Certaines œuvres de Robert Giron sont également influencées par le mouvement expressionniste flamand et plus particulièrement par des représentants de l’École de Laethem-Saint-Martin comme Constant Permeke et Gustave van de Woestijne[13].
Les rencontres hebdomadaires des deux amis après la première exposition commune en 1925 vont aboutir à une nouvelle exposition en 1928 à la galerie Le Manteau au boulevard de Waterloo. En attendant les visiteurs qui sont rares, les deux exposants passent le temps en jouant au « vogelpik » dans l’arrière-salle de la galerie. Lors de cette seconde exposition le père de Robert Giron achète une toile de Paul Delvaux[12].
En 1927, Paul Giron annonce à son fils que dorénavant il devra subvenir seul à ses besoins y compris la nourriture et le logement. Il propose de l'aider à se construire une situation au Congo mais cela pose un problème de conscience à Robert Giron. Il va vendre sa moto dont il tire pourtant beaucoup de plaisir afin de faire face aux frais des premiers mois[11]. Robert Giron va lutter jusqu’au bout pour continuer à pratiquer son métier de peintre mais la même année Robert Giron accepte l’offre d’emploi que lui propose le Palais des Beaux-Arts. Paul Delvaux, lui, continuera à être entretenu par sa famille.
Le Palais des Beaux-Arts
Dès 1913, le roi et la reine expriment le souhait que soit construit à Bruxelles un lieu où seraient rassemblées de multiples disciplines artistiques et un projet de construction d’un Palais des Beaux-Arts est conçu par le Gouvernement belge du Havre. Après la première guerre mondiale, un premier projet de l’architecte Victor Horta est refusé par le Parlement car trop audacieux et trop cher. En 1922, une poignée d’hommes, dont Adolphe Max bourgmestre de Bruxelles et Henry Le Bœuf, fonde une ASBL Palais des Beaux-Arts et relance le projet de construction par Horta. La ville de Bruxelles apporte le terrain et l’État garantit l’emprunt. Horta doit concevoir des plans qui tiennent compte de la nature et de la déclivité du terrain ainsi que de la servitude historique qui protège le site urbain en face du Palais Royal. En outre pour rentabiliser l’investissement, la ville exige des magasins au rez-de-chaussée de la façade. L’accès au public est ouvert en 1928 dès la fin de la construction des salles d’exposition.
Le Palais se choisit un Directeur : Charles Leirens photographe d’art, qui est entouré d’une équipe de jeunes dont le tandem Claude Spaak et Robert Giron à la tête des Expositions. Au début les problèmes sont énormes. Plusieurs grandes expositions et spectacles sont organisés coup sur coup. C’est ainsi qu’en février 1928, le banquet anniversaire de James Ensor rassemble 400 convives. Henry Le Bœuf craint les bilans déficitaires et recommande à Charles Leirens une gestion plus rigoureuse mais ce dernier organise d’énormes et coûteuses expositions de sculpture (Bourdelle, Carpeaux, Rodin...). Devant la menace de devoir fermer les salles d’exposition en raison des frais engendrés, Henry Le Bœuf décide de séparer la gestion immobilière de la gestion artistique en créant autant d’ASBL que de domaines artistiques. Ainsi est créée en 1929, la Société auxiliaire des Exposition du Palais des Beaux-Arts, dont le directeur sera Claude Spaak avec comme bras droit Robert Giron[14]. En 1931, Paul Giron devient le directeur général du Palais des Beaux-Arts alors qu’il est encore dans l’armée active. Il met au point un système administratif complexe qui va gérer avec précision mais souplesse cette grande machinerie que représente le Palais des Beaux-Arts. Il va aussi réussir à régler avec tact les intérêts parfois divergents des différentes ASBL qui doivent gérer les activités artistiques. Il démissionne en 1946 après avoir défendu le Palais des Beaux-Arts contre tous les dangers et tenu tête à l’ennemi pendant la deuxième guerre mondiale. À son départ, les finances du Palais des Beaux-Arts sont saines. Il est donc bon gestionnaire[15].
Début de carrière au Palais des Beaux-Arts
Alors que Paul Delvaux ne peut épouser la femme qu’il aime car sa famille s’oppose à ce mariage, Robert Giron épouse en 1930 Yvonne Côme à laquelle il est lié depuis fort longtemps. Ce mariage est sans doute dû au fait que Robert Giron a maintenant un vrai métier et peut entretenir un ménage au budget duquel Yvonne Côme contribue largement par sa profession de modiste. Le couple est suffisamment à l’aise financièrement pour s’installer dans un appartement sous les toits et acheter une nouvelle moto. Un atelier est installé dans l’appartement car Robert Giron compte bien concilier son activité au Palais des Beaux-Arts avec sa passion pour la peinture. Ainsi, à la sortie du film de Fritz Lang en 1931, il peindra le tableau intitulé M le maudit.
Les expositions se succèdent alors que la crise financière et économique de 1929 sévit dans le monde mais touche aussi gravement la Belgique. Réussir à défendre l’art alors que le pays vit un véritable marasme tient du prodige.
En 1933 la Société Auxiliaire des Expositions lance un service des ventes publiques, qui a pour but de fournir de nouvelles sources de financement pour l’organisation des expositions. Robert Giron en est le secrétaire.
En 1934, Claude Spaak quitte le Palais des Beaux-Arts pour tenter sa chance comme dramaturge à Paris. Robert Giron prend seul la Direction de la Société Auxiliaire des Expositions. Il le fait en respectant les trois principes fondateurs du Palais déjà énoncés dès sa création :
- La priorité à l’art national : Robert Giron exposera Léon de Smet (1936), Constant Permeke(1933), René Magritte (1933), Paul Delvaux (1933), Léon Spilliaert (1936), Xavier Mellery (1937), Jean Brusselmans (1937) et bien d’autres peintres belges encore.
- La mission internationale : elle est illustrée par l’organisation d’expositions comme celle de Georges Braque (1936), Marc Chagall (1938). Mais aussi l’organisation d’expositions d’ensemble comme Le Minotaure (1934) première exposition surréaliste au monde, L’Impressionnisme (1935), Le Surréalisme (1937). Enfin de nombreuses expositions sont consacrées à un pays ou à une civilisation. Robert Giron fera à de nombreuses reprises appel à des musées et des collectionneurs étrangers notamment pour l’organisation de nombreuses expositions consacrées aux dessins anciens comme Dessins d’Ingres à Delacroix (1936), Les plus beaux dessins du musée du Louvre (1936), Dessins hollandais de Jérôme Bosch à Rembrandt (1937), Dessins de Rubens (1938)
- Maison d’art vivant : il s’agit de promouvoir l’art contemporain. Henry Le Bœuf avait affirmé que le Palais des Beaux-Arts ne pouvait en aucun cas devenir un musée[14]. Cette idée-force de promotion de l’art contemporain, Robert Giron l’a particulièrement bien défendue aussi bien sur le plan national qu’international. Grâce à sa forte personnalité et bien avant la 2e guerre mondiale, il a mené une politique cohérente de promotion de l’art belge nouveau. Celui-ci présente à l’époque un double profil : expressionniste au Nord et surréaliste au Sud. Ces deux écoles vont recevoir leur consécration au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, qui va constituer un abri pour l’art nouveau belge dans une période de crise des années trente où les galeries d’avant-garde ferment leur porte l’une après l’autre.
Sur le plan professionnel, Robert Giron connaît le succès. Sur le plan personnel et privé, la vie suit son cours. Bien sûr, son projet de mener de front son activité au Palais des Beaux-Arts et sa passion de la peinture n’a pas abouti. Mais il a fondé une famille et en 1935 il est devenu le père d’un garçon prénommé Bernard. Il est aussi devenu propriétaire d’une maison au Champ du Vert Chasseur, qui est toujours la maison familiale. Mais sur le plan politique l’avenir s’assombrit[1].
La deuxième guerre mondiale
Pour la seconde fois de sa vie, Robert Giron va connaître la guerre avec, comme toutes les populations engagées dans le conflit, ses privations et ses grandes peurs. Les familles Giron et Spaak seront disloquées. Mais Robert Giron subira également l’occupation allemande dans sa vie professionnelle. Les salles d’exposition seront régulièrement réquisitionnées pour faire l’apologie de l’art allemand et le Palais des Beaux-Arts ne pourra plus exposer que des peintres belges[14]. Robert Giron va donc organiser exclusivement des expositions de peintres belges souvent exposés par le passé comme Permeke, Rik Wouters, Pierre Caille et bien sûr celui qui est resté son grand ami Paul Delvaux. La seule exception a été en 1943 l’exposition « Raoul Dufy dans les collections belges ». Robert Giron avait réussi à convaincre les Allemands que le thème de l’exposition n’était pas le peintre Raoul Dufy mais Dufy dans les collections belges et donc relevait bien de l’art belge.
Robert Giron organisera des expositions pendant toutes les années de guerre ce qui tient du prodige car les moyens de communication étaient quasi inexistants et le téléphone était régulièrement coupé.
Pendant la guerre Robert Giron aidera les peintres qui n’ont plus aucun moyen de subsistance. Ainsi, il commandera à Magritte un tableau représentant sa famille : son épouse Yvonne, son fils Bernard et lui-même. Edgard Tytgat peindra le portrait de Bernard Giron âgé de 9 ans. Robert Giron fera partie des Amis des Compagnons de l’Art qui distribuaient pendant les années de guerre des pensions aux peintres sans ressources en échange de tableaux. Ces Amis se répartissaient les œuvres ainsi récoltées selon une clé de répartition restée mystérieuse. Faisaient aussi partie des Amis des Compagnons de l’Art : Luc Haesaerts et Suzanne Bertouille la première épouse de Paul Delvaux, qui deviendra la secrétaire de Robert Giron au Palais des Beaux-Arts[16].
Après la guerre
La famille Giron, apparentée à Paul-Henri Spaak, chef du gouvernement belge en exil, a payé un lourd tribut à la guerre 40-45. Pendant les années de guerre, la famille est disloquée et chacun de ses membres tente d’avoir des nouvelles des autres grâce à un échange de correspondance soutenu. À la fin de la guerre, personne n’a de nouvelles de Suzanne Spaak, l’épouse de Claude Spaak. Membre du mouvement de résistance Orchestre rouge, elle a été arrêtée par les allemands, incarcérée à la prison de Fresnes, torturée et finalement fusillée 13 jours avant la libération.
Dans les années 1928-1929, Suzanne Spaak avait croisé Paul Delvaux à un concert au Palais des Beaux-Arts. Il avait été fasciné par le regard de celle-ci et peint pendant plusieurs années des femmes au regard étrangement fixe semblable à celui de cette héroïne de la résistance[13].
La guerre finie, tous les tableaux des plus grands musées du monde sortent de leur cachette et sont à nouveau exposés dans les grandes capitales d’un monde libre notamment à Bruxelles au Palais des Beaux-Arts à l’initiative de Robert Giron. Par ailleurs, les problèmes logistiques sont loin d’être tous résolus[17].
L’après-guerre est la période faste du Palais des Beaux-Arts car se succèdent de grandes expositions comme :
- De Jérôme Bosch à Rembrandt (1946)
- Les Chefs d’œuvres des Musées de Vienne (1947)
- Les Chefs d’œuvres de la Pinacothèque de Munich (1948)
- Les Trésors du Moyen Âge (1949)
- Les Chefs d’œuvres du Musée de Berlin (1950)
En 1949, Robert Giron est promu chevalier de la Légion d’honneur.
Beaucoup d’expositions concernent l’art ancien, mais Robert Giron ne néglige pas l’art moderne pour autant. Après les années de guerre, la population rejette ce qui a été promu par l’occupant et réhabilite ce que le 3ème Reich appelait l’art dégénéré. Et le public se tourne naturellement plus volontiers vers l’École de Paris que vers l’expressionnisme allemand. Dès 1945, Robert Giron organise l’exposition « La Jeune Peinture française »[14] où sont exposés les peintres successeurs de Picasso et de Matisse comme par exemple Felix Labisse.
En 1953, à l’occasion du 25ème anniversaire du Palais des Beaux-Arts, Robert Giron organise deux expositions parallèles : L’Art Ancien dans les Musées et Collections belges et l’Art contemporain dans les Musées et Collections belges[14].
Dans le cadre de l’Exposition universelle de 1958, E. Langui et Robert Giron organisent l’exposition « 50 ans d’art moderne » illustrée par de nombreux chefs d’œuvre en provenance du monde entier et même de l'URSS[14].
En 1959, à l’initiative de Robert Giron et de Bénédict Goldschmidt, l’association « Jeunesse et Arts Plastiques » est créée et sera dirigée par Bernard Giron fils de Robert Giron. Celui-ci avait été engagé deux ans auparavant à la Société Auxiliaire des Expositions non sans provoquer des commentaires. Robert Giron insistait pour qu’on ne considère pas cet engagement comme la désignation d’un dauphin. Les JAP avaient pour but de faciliter les contacts de la jeunesse avec les arts plastiques en distribuant des entrées gratuites dans les musées au moins de 25 ans mais aussi en leur permettant de se confronter avec l’art contemporain. Bernard Giron a dirigé les JAP pendant 20 ans pour devenir ensuite marchand de tableaux[16]. Les JAP existent toujours.
Le rôle de Robert Giron dans la promotion de l’Art moderne et contemporain en Belgique est crucial. Alors que dans toutes les grandes villes d’Europe sont construits des musées consacrés à l’Art moderne, il n’existe en Belgique qu’un seul musée de ce type, celui de Bruxelles et il ferme ses portes en 1959 pour être reconstruit. Le Palais des Beaux-Arts, par le biais des expositions que Robert Giron y organise, va pallier cette carence de musées. De même que la formation de collections privées, parfois prestigieuses, qui vont suivre l’évolution de l’art.
Son ami Paul Delvaux
Robert Giron exposera son ami Paul Delvaux tout au long de sa carrière au Palais des Beaux-Arts. Dès 1938 lors d’une exposition intitulée « Les Compagnons de l’Art » avec d’autres artistes belges de l’époque. En 1939, 1944,1949, Paul Delvaux expose seul au Palais des Beaux-Arts. Il occupe une place de choix dans l’exposition de 1957 intitulée « Quelques artistes belges depuis Ensor ».
Si Robert Giron expose fréquemment son ami Paul Delvaux, il le défend aussi dans les situations difficiles. Ainsi en 1962, Paul Delvaux expose au casino d’Ostende un tableau qui s’intitule La Visite qui représente une rencontre initiatique entre un adolescent et une femme dans une chambre où règne un certain mystère assurément voulu. Une dame âgée, choquée par le sujet du tableau, obtient son retrait de l’exposition. Robert Giron écrit alors à l’échevin de la ville et menace de retirer tous ses tableaux de l'exposition[4]. Le tableau fut réintégré à l’exposition mais celle-ci fut interdite aux moins de 18 ans.
Les années 60 et l’Art américain
En 1958, tout va changer. Robert Giron découvre l’art américain, qui jusque-là a été ignoré par les collectionneurs et presque tous ceux préoccupés par l’art. En débarquant de l’avion au retour d’une exposition à New-York, il déclare ne rien avoir vu de semblable depuis le cubisme[14] . Et donc à partir de ce moment, le Palais des Beaux-Arts va organiser de moins en moins souvent des expositions de l’École de Paris. Par contre, l’Art américain mais aussi l’art anglais vont faire leur entrée en scène.
Ainsi sont exposés :
- En 1961 : Donati, Pasmore,Paozzoli
- En 1962 : Rothko, Ben Shahn, Richard et Adams
- En 1963 : Guston et Kline
- En 1964 : Art USA now
Robert Giron avance doucement vers l’âge de la retraite. Sa dernière grande exposition, organisée avec un musée danois, est intitulée « 6 peintres surréalistes » et présente notamment « L’entrée en ville » de Paul Delvaux, qui appartient à ce moment-là à la famille Giron. Robert Giron part à la retraite en avril 1967. Mais il ne se sent pas vieux pour autant. Il part pour Cuba rencontrer de nombreux artistes et rentre en Belgique pas très en forme physiquement. Néanmoins, il repart aussitôt en septembre 1967 avec son épouse à pour participer au jury de la Biennale de São Paulo. Il est élu président de ce jury à l’unanimité. Mais après un ou deux jours de travaux du jury, Robert Giron est alité. Hospitalisé, puis opéré, il décède sur la table d’opération d’un infarctus du myocarde. Selon ses dernières volontés, il est enterré au cimetière de Villa Formosa appelé aussi cimetière des pauvres ou cimetière des Indiens.
Robert Giron préside le jury de la Biennale de São Paulo septembre 1967.
Les hommages
En 1967, la Société des Expositions du Palais des Beaux-Arts va créer le prix Robert Giron et le prix sera attribué pour la première fois en 1969 au sculpteur Vic Gentils. À cette occasion le président du jury E. Langui rendra hommage à Robert Giron[14].
Après Vic Gentils, seront successivement lauréats du Prix International Robert Giron : Jean Tinguely, Pol Bury, Marcel Broodthaers, Roel D’Haese et Panamarenko. Par la suite, le prix ne sera plus attribué.
Le 5 mars 1968 le Palais des Beaux-Arts ouvre l’exposition « Hommage à Robert Giron ou 40 ans d’art vivant ». Une centaine d’artistes y seront exposés. Ils ont en commun d’avoir tous été exposés au Palais des Beaux-Arts à l’initiative de Robert Giron. On y retrouve des artistes prestigieux comme Picasso, Chagall, Magritte, Modigliani, et bien sûr l’ami de toujours Paul Delvaux qui sera présent au vernissage. Cette exposition est un hommage mais aussi une synthèse des moments essentiels de l’art au XXe siècle de James Ensor jusqu’au POP ART en passant par l’École de Paris, l’expressionnisme et le surréalisme. La presse entière parlera de cette exposition en soulignant le rôle essentiel de Robert Giron au Palais des Beaux-Arts. Seul l’hebdomadaire PAN dans son édition du 20 mars 1968 émettra quelques critiques. La première est que l’exposition consacrait une salle au tableau L’Entrée du Christ à Bruxelles laissant croire que Robert Giron avait découvert James Ensor, ce qui n’était évidemment pas le cas. Le journal rappelle que la première rétrospective de James Ensor date de 1929 et avait été organisée par Lierens le premier directeur du palais des Beaux-Arts, mais oublie de dire que sa gestion était totalement déficitaire. La deuxième critique est que l'exposition ne rend pas compte des expositions d'artistes qui n’ont vécu que le temps d’un vernissage laissant par la suite les salles du Palais des Beaux-Arts complètement désertes Le journal omet d’écrire que favoriser l’art contemporain n’est jamais facile et impose d’accepter de ne pas réussir à tous les coups.
Les hommages à Robert Giron vont surtout à l’organisateur des expositions du Palais des Beaux-Arts et très peu au peintre qu’il a été pendant 10 ans. Cela est sans doute dû à la modestie naturelle de Robert Giron qui n’aimait pas parler de son métier de peintre qu’il avait tant aimé et de sa production artistique. En avril 2015, une première rétrospective a été organisée à la Ferme Holleken à Linkebeek rassemblant des œuvres de Robert Giron propriétés de la famille et aussi en provenance de collectionneurs privés. Y figuraient également quelques toiles de Payro. Le vernissage fut précédé d’une conférence par Léna Leblon.
Œuvres
Répertoriées ci-dessous les œuvres exposées lors de la rétrospective 2015. Sauf mention contraire, les œuvres appartiennent à la famille Giron.
- Alanguie, 65 × 50 cm.
- Autoportrait, 90 × 70 cm
- Femme aux seins nus, 65 × 50 cm
- Premier Tableau
- Homme et femme nue, 1927
- Buste d'homme, 80X70 cm, 1923
- Couple lisant
- Dessin d'enfant
- Couple au café, 1913
- Les amis, 65X50 cm, collection Leblon
- Naïades
- Naïades, 65 × 50 cm
- Naïades
- Nu couché
- Nus dansants, 65 × 50 cm
- Pierrot, 27 × 24 cm, 1923
- Tendresse, 65 × 50 cm
- La Loge, 80 × 70 cm, 1924
- Couple, 1927
- Nu devant la mer, 1928, collection Pierre Ghêne
- Nu couché, 100 × 80 cm, 1929
- M le maudit, 1931
- Couple
- Yvonne, collection Bertouille
- Deux Femmes, 1931, collection Bertouille
- Fusain, 1930, collection Bertouille
- Enfant, collection Bertouille
- Nu assis
- Nu couché
- L’Écoute, collection Ferreti
- Personnages, 1929, collection Michel
- Les Amants, 70 × 70 cm, collection Artiges
- La Baignade, 70 × 80 cm, collection Artiges
- Le Voyeur, 65 × 60 cm, collection Artiges
- Couple (gravure), 20 × 25 cm
- Homme à la canne (gravure), 30 × 40 cm
- Nu de dos, collection Renard
- La Loge, collection Renard
- Couple moderne, collection Renard.
Références
- Archives familiales de Mme Françoise Michel veuve de Bernard Giron fils de Robert Giron
- « Fiche d'inventaire Irisnet »
- « Quarante ans d'Art Vivant. Hommage à Robert Giron », Beaux-Arts numéro 1197,
- Pierre Ghêne et Paul Anrieu, Paul Delvaux raconte, Nivelles, Ed Havaux
- Maurice Debra, Promenades et entretiens avec Delvaux, Duculot,
- Texte de Pierre Ghêne. Influences et Concordances : une rencontre incontournable Paul Delvaux et Robert Giron
- M.S., « Galerie Royale », Étoile belge,
- E.H., « Galerie Royale », Le Soir,
- G.V.Z., « Chronique artistique : M. Giron-M.Delvaux », L'Indépendance belge,
- E.D., « Exposition Paul Delvaux et Robert Giron », La Libre Belgique,
- Lettres de Robert Giron à Yvonne Côme (1927)
- L.-L. Sosset, « Une grande exposition en hommage à Robert Giron Quarante ans d'art vivant », Beaux-Arts n°1197,
- Laura Neve, Paul Delvaux, Aux sources de l’œuvre, Musée d’Ixelles, Ed Racine,
- La Société des Expositions du Palais des Beaux-Arts ASBL, Un demi-siècle d’expositions, Bruxelles,
- Allocution d'Henri Wauters (administrateur-délégué du Palais des Beaux-Arts, Archives familiales, 29 avril 1946
- Pierre Ghêne, Inédits. Entretien avec Bernard Giron, Nivelles, Havaux,
- Lettre de Jeanne Spaak à son fils Pierre Giron, 1945. Archives familiales
- Portail de la peinture
- Portail de la Belgique